Peinture Inconnue
Le Musée d'Ossenoir était un endroit étrange, comme tout ce qui persistait trop longtemps dans cette ville. Installé dans un ancien hôtel particulier du XVIIIe siècle, il abritait une collection de toiles poussiéreuses, de statues oubliées, et de curiosités que personne ne savait vraiment dater ni attribuer.
Basile Delacroix, le gardien de nuit, aimait le silence du lieu. Chaque soir, il arpentait les galeries éteintes, sa lampe torche en main, son trousseau de clés tintant à sa ceinture. Mais depuis quelques temps, quelque chose le troublait.
Chaque matin, en repassant dans les salles, il remarquait de légers détails modifiés. Une robe dans un portrait changeait de couleur. Le regard d’un noble du XVIIIe ne semblait plus fixer le même point. Une nature morte contenait soudain un fruit en plus.
Intrigué, Basile décida de vérifier les enregistrements des caméras de surveillance. Et ce qu’il vit glaça son sang.
Vers minuit, les toiles s'agitaient. Lentement, les figures peintes s'en extrayaient, glissant hors de leur cadre comme de l'huile renversée. Elles déambulaient dans les galeries silencieuses, se déplaçant sans un bruit, caressant les statues, effleurant les vitrines. Parfois, elles entraient dans d'autres tableaux, et disparaissaient.
Mais au matin, elles n'étaient pas toujours revenues au bon endroit.
Quand Basile montra les vidéos à son collègue de jour, celui-ci ne vit rien. « Il n’y a rien, Basile. Tu es fatigué. Tu devrais dormir. »
Basile se mit à douter. Était-il fou ? Hallucinait-il ? Pourtant, les tableaux continuaient de changer.
La nuit suivante, il décida d’en avoir le cœur net.
Il enfila son uniforme, prit sa lampe, et se posta dans la galerie des portraits anciens, là où les changements étaient les plus nombreux. Il attendit. Rien. Le musée restait silencieux.
Minuit passa. Toujours rien. Découragé, il fit mine de quitter la pièce.
Un rire d’enfant résonna alors.
— Tu veux jouer, Basile ?
Il se retourna. Personne. Mais les toiles tremblaient légèrement.
— Qu’est-ce que vous voulez ? murmura-t-il, la gorge sèche.
Une voix s'éleva, grave et multiple :
— Toi.
Les cadres vibrèrent. Et soudain, des silhouettes s'en échappèrent. Une femme en robe médiévale au visage effacé, un cardinal aux mains griffues et aux yeux creux, un homme cubique peint par un artiste moderne, aux mouvements brisés, tremblants, et une bête cornue surgie d'un tableau infernal.
Basile recula. Il courut. Mais une toile s'ouvrit sous lui comme une trappe. Il tomba dedans.
Il atterrit dans une forêt marécageuse, sous une lune spectrale. Devant lui, un vieux manoir noir se dressait, sinistre : le manoir de Malebrume.
Désorienté, Basile courut jusqu'’à la porte, tambourina, appelant à l'aide.
Un rire grave résonna. La porte s'entrouvrit lentement.
Mais avant qu'il ne puisse entrer, une corde surgit du ciel noir. Un nœud coulant s’enroula autour de sa gorge. Il fut tiré en arrière, traîné à travers la forêt, les branches griffant son visage, ses bras.
Depuis la porte ouverte du manoir, une voix hurlait :
— IL EST À MOI !
Une autre, plus douce, presque amusée, répliqua depuis la forêt :
— Il fallait être plus rapide.
Basile supplia. Il hurla. Mais la corde s'enroula autour d'une branche, se tendit...
Et dans un craquement atroce, sa nuque céda.
Ses dernières visions furent celles d’un homme au sourire fendu, portant un foulard blanc, qui l’observait calmement depuis l’orée de la forêt.
Depuis ce soir-là, une nouvelle toile est apparue dans le musée. Une peinture dont personne ne connaît la provenance.
On y voit un homme suspendu à un arbre, la tête inclinée, les yeux figés dans l'effroi. En bas du cadre, une plaque gravée :
"Le Pendu d'Ossenoir."
les tableaux qui prennent vie...
La fin avec le tableau représentant Basile est vraiment chouette.
Pas de remarque particulière sinon :)
Merci de continuer à lire cette histoire ! On s'approche de certaines révélations, alors j'espère que la suite te plaira tout autant ^^