14. Les échos du doute

Par Wen
Notes de l’auteur : Ce n'est pas la lumière qui trahit l'ombre, mais l'ombre qui tremble devant la lumière.

Le lundi s'étirait lourdement sur le lycée, la pluie de la veille avait laissé l'air humide, saturant les vitres de buée. On entendait les discussions se heurter, les éclats de rire rebondir contre les casiers, mais rien ne parvenait vraiment à dissiper cette atmosphère étrange. Pour Arwen, tout paraissait à la fois trop bruyant et trop lointain, comme si elle avançait à travers un voile qu'elle seule pouvait sentir.

Nelly marchait à ses côtés, son sac battant contre sa hanche, ses cheveux frisés encadrant son visage comme une aura électrique. Depuis le matin, elle jetait des regards appuyés à Layla, qui traînait un peu plus loin avec deux élèves de leur classe. Arwen tourna les yeux vers elle : la rousse éclatait de rire à une blague que l'un des garçons venait de faire. Ce son résonnait clair... et pourtant, quelque chose dérangeait, comme une fissure invisible dans un masque lisse.

 

Le reste de la journée se déroula dans une tension diffuse. Arwen tenta de se concentrer sur ses cours, mais son esprit revenait sans cesse vers deux visages : celui de Layla, trop contrôlé pour être honnête, et celui de Liam, qu'elle avait croisé rapidement dans un couloir. Il n'avait rien dit, simplement relevé les yeux vers elle avec cette intensité qui la mettait toujours au défi de détourner les yeux la première. Elle en avait senti son cœur s'accélérer, et elle avait eu honte de cette réaction. Pourquoi Liam provoquait-il en elle ce mélange de méfiance et d'attraction ? Elle ne se l'expliquait pas, et cela l'irritait presque autant que ça la troublait.

 

Après les cours, Arwen et Nelly sortirent ensemble du bâtiment. Le ciel s'était éclairci, et un vent léger balayait la cour. Elles marchaient ensemble quand son amie dit d'une voix ferme :

— Écoute, je sais que t'aimes pas quand je commence à douter des gens. Mais je sens que Layla cache un truc. Je sais pas quoi, mais... je le sens dans mes tripes. T'as vu comme elle a réagi vendredi quand ce type l'a accostée à la soirée ?

Arwen se raidit. Elle n'avait pas oublié ce moment. La rousse, isolée dan une salle, surprise en pleine conversation avec un garçon qui ne semblait pas du lycée. Leurs voix basses, leurs gestes furtifs... puis le sourire forcé de Layla quand elle s'était rendu compte qu'Arwen l'observait.

— Peut-être que c'était juste un ami, tenta Arwen.

Nelly secoua la tête.

— Non. Y avait autre chose dans son regard. Comme si elle avait peur que tu l'entendes.

Arwen resta silencieuse. Elle voulait protester, mais elle savait que son amie avait raison : Layla avait bien eu peur. Ce souvenir restait ancré, dérangeant, comme une écharde. Pourtant, une étrange fatigue l'empêchait d'approfondir le sujet.

 

En rentrant à la maison, Arwen retrouva Amy dans le salon. Sa tante était assise près de la cheminée, un carnet ouvert sur ses genoux. Mais dès qu'Arwen entra, Amy referma vivement l'objet et le posa à côté d'elle.

— Ta journée s'est bien passée ? demanda-t-elle d'une voix douce.

Arwen hocha la tête, mais son regard restait accroché au livre. Elle connaissait ce geste, cette manière de cacher trop vite quelque chose. Cela faisait écho au mystérieux carnet trouvé quelques jours plus tôt dans la vieille bibliothèque de la maison. Ce carnet qu'elle avait rangé soigneusement dans sa chambre et qui la fascinait autant qu'il la terrifiait.

— Tu lisais quoi ? osa-t-elle demander.

Amy eut un petit sourire, mais ses yeux restèrent voilés.

— Oh, juste de vieilles notes. Rien d'important.

Arwen fronça légèrement les sourcils. Elle voulait insister, mais elle savait qu'Amy éluderait encore. Sa tante avait ce talent : détourner les questions, protéger par des silences ce qu'elle refusait de partager. Alors, Arwen se mura elle aussi dans le silence. Mais en elle, une certitude grandissait : Amy savait plus de choses qu'elle ne voulait l'admettre.

 

Le soir, dans sa chambre, Arwen s'assit sur son lit avec son carnet. Elle le caressa du bout des doigts, comme si le cuir usé pouvait lui livrer un secret par simple contact. Elle avait déjà parcouru plusieurs pages, déchiffrant une écriture serrée, parfois illisible. Beaucoup de phrases semblaient codées, entrecoupées de symboles étranges. Pourtant, certaines bribes l'avaient glacée :

"La lignée doit être protégée."

"L'enfant sera visé avant même de respirer."

Arwen ferma les yeux un instant, l'esprit envahi de questions. Était-ce de moi qu'ils parlaient ? L'idée lui serra la gorge. Mais elle chassa la pensée. Peut-être se trompait-elle. Peut-être s'agissait-il d'une vieille histoire familiale, sans rapport avec elle.

Pourtant, elle ne parvenait pas à ignorer ce sentiment : ce carnet détenait des fragments de vérité sur son passé, sur sa famille, et peut-être même sur ces deux mystérieux gangs dont elle entendait parfois des échos dans les conversations chuchotées des adultes.

 

Les jours suivants s'enchaînèrent avec une intensité étrange. Nelly continuait à surveiller Layla du coin de l'œil, comme un chien de garde qui attend le faux pas. Layla, elle, multipliait les gestes amicaux envers Arwen, comme pour mieux brouiller les pistes. Elle s'asseyait près d'elle en cours, l'invitait à déjeuner avec elle, partageait des anecdotes légères. Arwen se laissait parfois prendre au jeu, surprise de rire à ses côtés. Mais chaque éclat de rire était aussitôt suivi d'une ombre de doute : et si tout ça n'était qu'une façade ?

Liam, quant à lui, semblait flotter dans une zone d'ombre permanente. Toujours distant, mais son regard croisait de plus en plus souvent celui d'Arwen. Elle ne savait pas ce qu'il cherchait en elle. Peut-être rien. Peut-être tout. Et cette incertitude devenait une torture douce-amère qu'elle n'osait avouer à personne.

 

Un jeudi après-midi, alors qu'elle rangeait ses affaires dans son casier, Arwen sentit une présence derrière elle. Elle se retourna brusquement : Liam était là. Pas un mot, juste ce silence pesant qu'il transportait avec lui comme une seconde peau. Il la regarda un instant, puis dit calmement :

— Tu devrais faire attention à qui tu fais confiance.

Arwen resta pétrifiée.

— Qu... qu'est-ce que tu veux dire ?

Mais Liam ne répondit pas. Il tourna les talons et s'éloigna, laissant derrière lui une trainée de questions brûlantes. Arwen resta immobile, le cœur battant à tout rompre. Il parlait de Layla, n'est-ce pas ? Ou de quelqu'un d'autre ?

 

Ce soir-là, en rentrant chez elle, Arwen monta directement dans sa chambre. Elle ouvrit son carnet une nouvelle fois, espérant y trouver une réponse, mais les pages restaient muettes. Seules les phrases mystérieuses semblaient résonner, comme des échos lointains d'une vérité qu'elle n'était pas encore prête à entendre.

Elle posa enfin le livre sur sa table de chevet et s'allongea, le regard perdu dans le plafond. Sa vie ressemblait de plus en plus à un puzzle dont on lui avait caché la moitié des pièces. Et elle savait, au plus profond d'elle-même, que le temps des vérités approchait. Mais lesquelles ? Et à quel prix ?

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FleurBleue
Posté le 02/09/2025
J’aime beaucoup tes titres de chapitres et les notes d’auteur. Ils sont pleins de comparaisons et de métaphores avec une touche de poésie et d’antinomie. J’Adore,
Wen
Posté le 05/09/2025
Merci beaucoup ça me fait vraiment plaisir <3
Inxs.0
Posté le 29/08/2025
Olala alors là, je savais que Layla pourrait cacher un truc de fou mais au point ou Liam pourrait aussi s'en douter alors qu'il n'est même pas à leur côtés, ça sent le plot twist de fou ! A moins que lui aussi il a quelque chose à cacher..?
Wen
Posté le 30/08/2025
Haha mystère <3
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