15. Les échos du silence brisé

Par Wen
Notes de l’auteur : Les masques tombent rarement d'un coup, ils se fissurent d'abord dans les regards.

Le lundi s'était éteint dans une lenteur étouffante, et Arwen traînait derrière Nelly dans les couloirs, ses pensées alourdies par ce qu'elle n'arrivait pas à chasser de son esprit. Les heures de cours s'étaient succédé avec une régularité presque mécanique, comme si la vie cherchait à lui rappeler qu'elle devait se conformer au rythme banal des adolescents de son âge. Mais depuis la fête, quelque chose avait changé. Elle n'arrivait pas à définir quoi exactement, seulement cette impression sourde d'avoir franchi une ligne invisible.

Layla, avec son sourire lumineux et ses blagues faciles, continuait de se montrer égale à elle-même. Trop égale, peut-être. Ses gestes, son attitude, tout paraissait étudié, parfaitement en place, comme une actrice trop appliquée dans son rôle. Arwen, qui ne l'avait d'abord perçue que comme une fille expansive et un peu envahissante, commençait désormais à discerner les failles, les silences calculés, les regards qui s'éteignaient plus vite qu'ils ne s'allumaient.

Nelly, elle, n'avait plus aucun doute. Dès qu'elles s'éloignaient un peu du groupe, elle lâchait son verdict d'une voix basse et ferme :

— Je t'assure, il y a un truc qui colle pas. Elle est pas nette.

Arwen soupirait à chaque fois, partagée entre le besoin de donner raison à son amie et celui de se convaincre que ce n'était que de la méfiance mal placée. La rousse l'avait aidée, lui avait offert une main tendue à un moment où elle se croyait incapable d'en accepter une. Et même si leurs liens n'étaient pas encore solides, elle ne pouvait pas effacer cette sensation de chaleur fragile qui lui avait fait du bien.

Mais voilà : depuis quelque temps, les ombres semblaient plus épaisses autour de Layla. Et Arwen, malgré ses efforts, n'arrivait plus à les ignorer.

 

À la pause de midi, la cour du lycée s'emplissait d'un brouhaha joyeux. Le soleil, encore timide en ce début de semaine, filtrait entre les branches des arbres et laissait des éclats pâles sur les dalles. Des groupes d'élèves s'éparpillaient partout, certains assis dans l'herbe, d'autres regroupés près des tables ou du gymnase.

— On va s'installer là-bas ? proposa Nelly, désignant un coin ensoleillé.

La brune hocha la tête, mais son esprit s'évada vite. Son carnet à dessin, glissé dans son sac, lui pesait comme un rappel muet. Elle l'avait ressorti plusieurs fois ces derniers jours, et chaque trait semblait lui redonner une part d'elle-même. Mais ce n'était pas qu'un refuge. Depuis qu'elle avait trouvé ce vieux livre mystérieux, au fond de ses affaires, elle se sentait surveillée par les secrets que le papier contenait encore. Elle n'en avait parlé à personne, pas même à l'afro-américaine, préférant garder pour elle cette part d'inconnu qui lui faisait à la fois peur et mal.

Alors, quand le brouhaha devint trop fort et que Nelly s'absorba dans une conversation avec d'autres filles, Arwen s'éclipsa discrètement. Elle marcha au hasard, cherchant un coin tranquille, jusqu'à ce que ses pas la conduisent derrière le gymnase, là où peu d'élèves traînaient.

Et c'est là qu'elle les aperçut.

Liam et Layla.

Ils étaient seuls, un peu en retrait, leurs visages tendus. Ce n'était pas une simple discussion. Même sans entendre clairement leurs mots, Arwen comprit tout de suite : ils se disputaient.

La jeune fille avait les bras croisés, le corps tendu comme un arc, ses cheveux roux brillant au soleil comme une flamme indomptable. Sa voix montait, rapide, hachée, tranchant l'air avec colère :

— Tu te rends compte de ce que tu fais ? Tu crois que personne ne remarque ? Tu passes ton temps avec elle !

Liam, plus grand, se tenait droit, mais ses yeux lançaient des éclairs glacés. Il ne criait pas, lui. Sa voix restait basse, ferme, presque trop contrôlée.

— Arrête de dramatiser. Tu ne comprends pas.

— Ah non ? Tu crois que c'est un jeu ? Tu crois que tu peux t'attacher comme ça sans conséquences ? Tu vas nous foutre dans la merde, Liam !

Le cœur d'Arwen fit un bond dans sa poitrine. Elle se plaqua instinctivement contre le mur, retenant son souffle. De là où elle était, elle ne pouvait saisir que des bribes, mais chaque mot résonnait comme une menace sourde.

Liam se pencha légèrement vers la rousse, ses mâchoires serrées.

— Toi, tu devrais te calmer. C'est toi qui agis comme une gamine imprévisible.

Layla le repoussa d'un geste brusque.

— Ne me parle pas comme ça. Je sais exactement ce que je fais. C'est toi qui perds la tête.

Un silence lourd s'installa, brisé seulement par quelques cris d'élèves au loin. Arwen, crispée, se demanda si elle devait partir. Mais au même instant, le jeune homme reprit, plus froid que jamais :

— Si tu continues comme ça, tu vas nous faire repérer.

Arwen sentit son sang se glacer. Nous ? Repérer par qui ? La phrase tournoya dans sa tête, implacable, comme une énigme empoisonnée.

Layla, de son côté, sembla vaciller une seconde, mais elle serra les dents et détourna les yeux.

— Je gère, lâcha-t-elle sèchement.

Liam secoua la tête, désabusé.

— Non, tu crois gérer. Mais un jour, ça va nous exploser au visage.

Puis il tourna les talons, s'éloignant d'un pas vif sans même lui accorder un dernier regard. La rouquine resta immobile quelques secondes, les poings serrés, avant de reprendre son masque de confiance et de retourner tranquillement vers la cour.

 

Arwen, elle, demeura figée, les mains tremblantes. Son cœur battait si fort qu'elle craignait que quelqu'un puisse l'entendre. Elle avait surpris un éclat de vérité, un fragment d'un secret immense qui dépassait tout ce qu'elle aurait pu imaginer.

Quand elle retrouva Nelly, un peu plus tard, elle s'efforça d'avoir l'air normale. Mais son amie remarqua aussitôt son trouble.

— Ça va ? T'as l'air ailleurs.

— Oui... je... je réfléchissais, répondit l'adolescente, fuyant son regard.

Elle ne pouvait pas en parler. Pas encore. Elle-même ne comprenait pas ce qu'elle avait vu, ce qu'elle avait entendu. Et si elle se trompait ? Et si ce n'était qu'une dispute banale ?

Pourtant, une certitude grandissait en elle : Layla et Liam n'étaient pas ce qu'ils prétendaient être.

 

La soirée tomba avec lenteur. Amy, en préparant le dîner, observa sa nièce s'asseoir en silence à la table.

— Tu es bien silencieuse aujourd'hui. Une mauvaise journée ?

Arwen força un sourire.

— Non... juste fatiguée.

Sa tutrice hocha doucement la tête, comme si elle n'était pas dupe, mais elle n'insista pas. Elle savait que les mots viendraient quand ils seraient prêts.

Arwen, elle, se laissa porter par le cliquetis des couverts et le parfum rassurant du repas. Mais sous la surface, la tempête grondait. L'image de Layla et Liam, leur dispute, cette phrase obsédante — « Tu vas nous faire repérer. » — ne cessait de résonner.

 

Elle comprit alors quelque chose de nouveau : elle n'était plus seulement spectatrice d'un mystère. Elle en faisait partie.

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FleurBleue
Posté le 02/09/2025
Ok Liam et Layla ont une relation mais laquelle ? Et qui se cache derrière le fameux “nous”??? Encore beaucoup de questions… c’est incroyable car je ne sais pas du tout ou l’on va… mais j’ai envie de découvrir la suite… mystère et boule de gomme…
Wen
Posté le 05/09/2025
Je suis très heureuse que ce chapitre t'intrigue tout comme le reste de l'histoire ^^
Inxs.0
Posté le 29/08/2025
...

JE SUIS CHOQUEE. MAIS ALORS LA, DONC LIAM LA, LE LIAM QUI AVAIT L'AIR TOUT GENTIL EST EN FAITE AVEC LAYLA ??? JE VAIS CASSER MON CRÂNE C'EST QUOI CETTE REVELATION DE FOU ?

Pardon je perds toute politesse et sang froid faut que je me calme mais OMG
Wen
Posté le 30/08/2025
Nan t'inquiètes pas, j'adore tes commentaires. Ils me font rire <3
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