14 novembre, 17 ans après la prise de pouvoir de notre 5ème bien-aimé président

Cher journal, aujourd’hui il m’est arrivé quelque chose de surprenant. J’ai passé la journée à la bibliothèque de la ville, parce que c’était la « journée nationale de lecture pour les apprenants ». J’ai lu des poèmes sur la bienveillance, un roman ayant les actions magnanimes de l’État comme thème principal, ainsi que quelques nouvelles sur l’entraide entre citoyens. Mais des policiers sont arrivés, ils ont regardé derrière une étagère dédiée au théâtre d’État, et y ont découvert un sombre couloir. Ils ont sorti beaucoup de livres de cette fameuse galerie. Je n’ai pas eu le temps de bien les voir, mais j’ai vu des livres d’« Histoire », de « psychologie », même si je ne sais pas ce que ça veut dire, et des vieux dictionnaires. Quelques minutes après, ils ont emmené le bibliothécaire en chef. Du coup, il a parlé très fort en utilisant des mots incompréhensibles. Il disait qu’il en avait « mare » de la « sang-sûre » et du « propre-à-gant-de » de l’État. Il m’a regardé dans les yeux et m’a dit de ne pas me « laisser faire ». Cela non plus, je ne sais pas ce que ça veut dire… Les policiers ont mis une serviette devant sa bouche, et il avait beaucoup plus de mal à parler.

Quand j’ai regardé dans la rue, j’ai vu qu’ils brûlaient les livres. J’ai demandé pourquoi à l’un des policiers. Il m’a répondu qu’ils étaient trop vieux pour pouvoir refléter la réalité de notre présent avec exactitude, et qu’il valait mieux allumer un feu avec.

En rentrant chez moi après cette journée, je suis passé devant la maison du bibliothécaire en chef. Les gentils brocanteurs étaient en train de récupérer ses bien pour pouvoir les partager à d’autres citoyens. J’imagine que son nom a été enlevé de la liste des citoyens vivants à Sainte-Fraternité qui figure à la mairie. Je me demande où il est maintenant…

J’ai remarqué qu’un train passait chaque jour par ma petite ville pour se rendre au Centre des réactifs non-conventionnels, avec quelques personnes à son bord qui font de drôles de têtes. D’après ma mère, ce centre aide les personnes qui en ont besoin pour pouvoir vivre en harmonie avec les autres dans notre beau pays. En revenant à la maison, je l’ai vu partir au loin. Quand je vois ses phares éclairer les campagnes de mon pays, je le trouve majestueux. Je trouve apaisant le fait de le voir filer vers l’horizon.

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pindariste_
Posté le 20/06/2024
Ce chapitre est génial. J'arrive à pleinement me plonger dans l'histoire comme si j'étais aux côtés de cet enfant.

J'aime aussi le format court de tes chapitres. Malgré leur longueur, tu manies extrèmement bien les mots, c'est agréable à lire.
Je valide fort !
Den ar vilin
Posté le 21/06/2024
Merci beaucoup pour ce nouveau commentaire, ça me fait très plaisir. Mon style était l'un des principaux points d'intérrogations lors de l'écriture de cette nouvelle, je suis rassuré sur ce point.
J'espère que tu valideras la suite également.
Cléooo
Posté le 27/05/2024
Il y a donc quand même une résistance ! Rassurant.
J'aime l'innocence de l'observation. Je me demande quel âge à ton protagoniste du coup ! Le fait que le vocabulaire négatif soit exclus biaise peut-être mon jugement et il me semble très jeune.
Den ar vilin
Posté le 08/06/2024
Je suis rassuré que mon objectif soit atteint, l'innocence voire l'aveuglement face à une réalité brutale qu'il est incapable de comprendre était le point le plus important selon moi.
Le protagoniste est un enfant, il est très jeune en effet ^^
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