14- Projection astrale

Notes de l’auteur : Bonne lecture

Au petit matin, alors qu'Oren dormait encore profondément, Nour s'extirpa de son lit sans bruit, et sortit de la chambre en catimini. Elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit, elle ressassait. Elle s'empara d'une couverture sur le canapé, et marcha sur la poite des pieds jusqu'au jardin. Tout était silencieux, l'air était frais et l'herbe humide sous ses pieds nus. Azénor lui avait confié que méditer était une très bonne façon s'ouvrir son esprit, de régler ses conflits internes et qu'accessoirement c'était gràce à cela que les dons psychiques pouvaient se manifester.

Nour avait manifestement des conflits internes, un tourbillon d'émotions s'agitaient en elle. Si tout était vrai, si Mahaut Tamlin était sa grand-mère, que le médaillon était magique, alors elle pouvait peut-être contrôler les pouvoirs du bijou, et rentrer chez elle sans avoir à rencontrer une femme que tous dans le pays semblait haïr. Sans la connaître elle lui faisait peur. Sa mère avait sans doute des souvenirs biaisés de petite fille. Une mère peut-être aimante avec sa progéniture et odieuse avec le reste du monde, non ?

En méditant elle espérait y voir plus clair, la meilleure des solutions jaillirait peut-être de son esprit. C'était simple il suffisait de respirer profondément, et de se concentrer uniquement sur cette respiration, sans se laisser distaire par les pensées.

Nour s'assit sur la couverture, croisa les jambes et inspira. Elle devait laisser ses questions loin d'elle pour le moment. C'était si difficile. Mahaut est-elle la femme sans coeur et sans scrupule que tout le monde dépeint ? Si tout le monde la hait c'est bien qu'il y a une raison ? Et si moi aussi je devenais un monstre en grandissant ? Si je faisais du mal à Oren, à Azénor, à papa ? Ca suffit !

Elle inspira, expira en soufflant fort. Puis elle recommença encore, et encore. Sans vraiment s'en rendre compte elle agrippa une main sur le bijou, le serra fort. Elle sentit la brise dans ses cheveux, la vit faire danser les branches des arbres, elle observa les quelques nuages d'un bleu mauve qui se déplacaient lentement, se déformaient, ne luttaient pas. Ses yeux commencèrent à piquer, ses paupières s'alourdissaient. Après une nuit d'insommie, le sommeil venait-il enfin la cueillir ? Une vague de chaleur s'empara d'elle, d'abord les jambes, les bras et le torse. L'étrange sensation se propagea dans sa tête, ses oreilles se mirent à bourdonner. S'endormait-elle, rêvait-elle déjà ? Elle fut soudain aspirée, comme si une force invisible l'attirait violemment en arrière.

Elle se retrouva sur un balcon, avec une vue à couper le souffle. Des montagnes et des collines aussi loin que peut voir l'oeil, parsemés d'arbres violets, ou blancs. Surtout, il y avait la Lune au-dessus d'elle, si énorme et si près. Nour reconnu aussitôt Lunadin.

Une vieille dame aux cheveux blancs ramenés en chignon et vêtue d'un pantalon et d'une tunique bleu marine était assise sur un tabouret et fixait la lune.

-- J'ai été subjuguée par la beauté des paysages elfiques. J'aurais dû rester à Lunadin.

-- Es-ce que je rêve ?

-- Pas vraiment. Tu souhaitais me recontrer n'est-ce pas, et bien me voilà.

— Qui êtes-vous ? demanda timidement Nour.

-- Approche mon enfant, que je te regarde.

Nour se demanda comment ses jambes accepteraient d'avancer d'un pas, mais elle devait en avoir le coeur net, elle s'approcha donc. La vieille dame caressa une de ses tresses en souriant, Nour sentit la main ridée, un peu rêche, sur sa joue. Tout était si réel.

-- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle encore.

-- Je crois que tu le sais très bien, répondit enfin la vieille dame. Viens, partons d'ici.

Elle serra fort la main de Nour, et le décor changea instantanément.

Elles se retrouvèrent dans le salon d'une maison. Une odeur de fumée imprégnait l'air, tout était noirci, du sol au plafond. Il ne restait que des lambeaux de tapis, des débris de tableaux et de meubles.

— J'ai vécu ici autrefois, oh, pas très longtemps, souffla la vieille dame sans la regarder.

Puis elle se leva, traversa le salon et Nour la suivit sur le perron. Quelques maisons étaient disposées en cercle, elles paraissaient abandonnées. De la vigne vierge les recouvrait presque entièrement, et la forêt tout autour semblait vouloir manger le hameau. C'était à la fois féérique et terrifiant, comme dans un conte des frères Grimm.

-- Où sommes-vous ?

-- Enfin en liberté.

-- Vous êtes La Tamlin, dit Nour à voix haute bien que cette affirmation n'était dîte que pour elle.

-- C'est ainsi que mes détracteurs me nommaient en effet. Je regrette que tu utilises ce terme.

Oh mince, elle va en changer en petit pois.

-- Je m'en veux tellement si tu savais, j'ai fait tellement d'erreurs. J'ai mis Pénélope en danger, elle me manque tellement.

Nom d'un petit bonhomme.Maman.

Nour sentait son coeur battre la chamade, assourdissant. Comment lui dire que sa fille n'était plus là ? Sa gorge se noua.

-- Je, c'est moi qui ai le médaillon, lâcha Nour, pas vraiment consciente de ce qu'elle faisait, et surtout pour changer de sujet.

-- Je le sais, je peux le sentir. C'est grâce à lui que j'ai pu m'échappé, c'est grâce à toi. Mais, ce bijou n'a apporté que malheur à notre famille, nous devons nous débarrasser de lui.Viens me trouver au hameau des tourmenteurs. Fais vite.

-- Le hameau de quoi ?

La vieille dame disparut brusquement. Après quelques secondes Nour fut de nouveau happée, et quitta son rêve. Une vive douleur lui parcourut tout le bas du corps, elle venait de tomber, sans aucun doute. Mais d'où ? Puis elle sentit qu'on la secouait, on lui parlait. Elle parvint à se redresser et enfin à ouvrir les yeux. Oren était penché au-dessus d'elle.

-- Qu'est-ce qui s'est passé ? demandèrent-ils en même temps.

-- Tu étais en train de léviter, raconta Oren, c'était comme si tu étais en transe. Comment tu as fait ?

-- Léviter ? Tu délires! J'étais avec Mahaut, j'ai dû m'assoupir, fit-elle pas vraiment convaincue.

-- On ne lévite pas quand on dort Nour. A mon avis, c'est plutôt une projection astrale.

-- Une quoi ?

-- Une projection astrale. L'esprit peut se dissocier du corps, ton esprit voyage alors hors de ton corps. C'est génial.

-- C'est surtout imposible Oren, je ne sais pas me projeter.

Pourtant c'est bien ce que Mahaut avait insinuer.

-- Le médaillon t'a peut-être aidé. En tout cas je vois pas d'autre explication.

-- Tu crois vraiment que j'étais avec Mahaut ? demanda Nour qui ne parvenait pas à y croire.

-- Oui, ça ne fait aucun doute, affirma Oren. Tu as rencontré ta grand-mère, la femme la plus célébre d'An Domhan, c'est énorme. Alors, elle est gentille ? demanda-t-il après un moment.

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