Toujours cette colline.
Et toujours cette impression de flotter, de divaguer dans le vent violent qui menace de m’emporter à chaque instant. Peu m’importe, après tout, j’ai toujours voulu savoir voler. Mais cette fois, une pluie douce accompagne la chaleur réconfortante du lever de ce soleil. Je respire cet air frais. Les reflets dorés sont magnifiques, et les rayons éclairent même les minces gouttelettes sur ma peau. L’herbe humide danse au rythme du vent. Et des bourrasques de vents arrivent vers moi de tous les côtés, pas assez puissantes cependant pour imaginer me faire perdre l’équilibre. Je me sens bien. Légère, libre, heureuse. Je souris sans m’en rendre compte. Je voudrais rester ici. Ne jamais partir. Malheureusement, ce n’est qu’un rêve. Et je le sais. J’arrive néanmoins à le faire durer. Bien que, pour une raison que j’ignore, je n’arrive pas à le contrôler.
Le soleil se lève bien haut dans le ciel, qui devient de plus en plus clair. Des bourrasques de vents me fouettent toujours les membres. Etrangement, je distinguai à travers ce vent des choses que je ne percevais pas avant. Des sons. De chaque coup de vent émanait un son. Bientôt, au fur et à mesure que les bourrasques revenaient de plus en plus vite, j’entendis des mélodies. Comme une chanson. Mais sans instrument et sans paroles. Un énorme coup de vent m’éleva du sol durant un court instant. Une autre me poussa violement vers l’arrière. Et, comme je le redoutais, mon rêve vira au cauchemar. Le ciel s’assombrit, les couleurs se ternirent. La pluie et le vent s’intensifièrent. Le soleil, bien haut dans le ciel, rapetissait, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois, je tentai de le rattraper, ou au mieux de le suivre. Alors je m’élançai, bousculée de tous les côtés par le vent, ralentie par la pluie, je trébuchais sur le sol marécageux à plusieurs reprises, mais je me relevais et continuais toujours. Tandis que j’essayais en vain de rattraper cet astre insaisissable, des ombres étranges dansaient derrière moi, menaçantes. Je commençai à avoir peur. Elles devenaient de plus en plus noires et de plus en plus monstrueuses. Déconcentrée, je me retournai de nouveau vers le soleil, avant de constater qu’il s’était éteint, et avait disparu. La lune prit sa place, grossissant à vue d’œil, en même temps que les ombres. J’étais terrifiée. En plus de ça, des paroles comme implantées dans ma tête se mêlèrent aux mélodies constantes du vent.
Who are them to say they can control the Universe, they don’t even know, how far it goes…
Je trébuchai dans une flaque de boue, terrifiée par les ombres qui se rapprochaient, et impuissante. Une ombre poussa un cri rauque à glacer l’âme, un cri que j’avais déjà entendu. Des frissons me parcouraient. Des larmes froides coulaient lentement sur mes joues. Un coup de tonnerre éclata, faisant trembler la terre.
…Who am I to say these annoying words because I feel the way I’m faded…
Une lumière aveuglante, provoquée par l’éclair, me fit distinguer quelque chose que je n’aurais jamais dû voir. Je distinguai sur la silhouette de la lune un œil visqueux et terrifiant qui m’observait. À la vue de croiser son regard, je détournai le mien immédiatement. Les ombres semblaient devenir matérielles et des masses indistinctes tentaculaires m’entouraient.
…They can imagine how will be a world without him, and if they take him out, I will be here to avenge him…
Je ne voulais plus les entendre. Ni la voix étrange qui chantait ces paroles au rythme des vents, ni les cris désespérés et horrifiques des ombres voraces. J’étais perdue. J’étais prête à mettre fin à mes jours s’il le fallait pour partir d’ici. Un tentacule d’ombre m’agrippa la jambe et je poussai un cri de douleur. J’avais l’impression que ma jambe entrait en combustion. Je me débâtis férocement et elle lâcha ma jambe. La mélodie, les cris, tout devenait de plus en plus fort. J’avais tellement peur…
- Arrêtez ! hurlai-je (Je me mis à sangloter bruyamment) Ça suffit…je n’en peux plus.
Des éclairs zébraient le ciel. L’œil de la lune me fixait toujours. Je ne savais pas quoi faire, à part fermer les yeux en priant pour que ça s’arrête. Je fermai donc les yeux, attendant mon moment de délivrance. Le noir complet se fit autour de moi. J’entendis un dernier murmure :
« Moonshine must still bright »
Malgré quelques fourmillements, je récupérai un à un les membres de mon corps. J’eux un mal fou à tenter de les faire bouger, comme s’ils étaient bloqués. J’ouvris enfin les yeux dans ma chambre d’hôtel, près de l’observatoire de Paris. Mes souvenirs me revinrent progressivement. Londres, le train…On était arrivés à Paris hier, et on avait passé la nuit ici. Je me redressai lentement, repoussant ma couverture. La lumière faible de ma lampe sur la table de nuit me remit les idées en tête. On allait avoir une longue journée, et, j’allais peut-être enfin avoir les réponses que j’avais tant attendues. Je chassai ce cauchemar de ma tête. Et je tâchai de me montrer enthousiaste à la vue de cette journée. « Ce n’était qu’un rêve, me dis-je. Qu’un rêve… » Je perçus un mouvement à ma gauche. Zack était tourné près de la fenêtre. Il me regardait d’un air grave.
- Il faut qu’on parle, me dit-il
- Si c’est parce que tu es encore en colère contre moi, ce n’est pas la pei…
- Non, pas de ça, me coupa-t-il. Je veux t’avertir. Tous les gens que tu peux croiser ici sont dangereux. Alors si tu pouvais effacer les « traces » de ce que tu pouvais faire…
Je fronçai les sourcils. De quelles traces parlait-il ? Zack se tourna vers moi. D’instinct, il comprit ce que je pensais. Il s’approcha de moi et releva délicatement la manche gauche de mon haut de pyjama. Une phrase était écrite au feutre noir. À ce moment-là, je me rendis compte que j’avais un feutre noir dans la main droite. J’avais peur de regarder la phrase écrite sur mon poignet. La dernière fois que cela s’était produit, ma maison avait explosé. Il lut la phrase à mon insu. « Moonshine must still bright ». J’avais les larmes aux yeux.
- Il faut vraiment que l’on fasse quelque chose, dit-il.
- Oui, répondis-je en l’étreignant, alors que des larmes coulaient sur mon visage. Je n’en pouvais déjà plus. Alors que ce n’était que le début.
L’ambiance était maussade durant le petit déjeuner. Je n’étais pas une très bonne comédienne. Tobias avait tout de suite remarqué que quelque chose n’allait pas chez moi. Mais bien que je le considérasse comme un ami, je n’osai pas lui faire confiance, pas plus qu’à n’importe qui ici. Je scrutai chaque personne qui était dans la même pièce que nous. J’étais plus méfiante que jamais.
Super l’ambiance…