16. L'écharde dans le cœur

Par Wen
Notes de l’auteur : Il existe des murs qu'on ne bâtit pas avec des pierres, mais avec la peur de s'attacher.

Le lundi matin s'étira dans la lumière pâle d'un ciel couvert, comme si le soleil avait décidé de se voiler pour la journée. Arwen, encore engourdie de son réveil, s'assit à la table de la cuisine où Amy avait déposé deux tasses fumantes. L'odeur du café emplissait l'air, mêlée à celle des tartines grillées. Sa tutrice, adossée au plan de travail, observait sa nièce avec un sourire discret.

— Tu sembles ailleurs, dit-elle doucement.

Arwen haussa les épaules, les doigts serrés autour de sa tasse. Elle n'avait pas beaucoup dormi. Son esprit avait été envahi par une foule de pensées qu'elle n'arrivait pas à repousser : les éclats de voix entre Liam et Layla qu'elle avait surpris la semaine précédente, le carnet mystérieux retrouvé dans ses affaires, et ce malaise constant qui s'installait dès que la rousse se trouvait trop près d'elle.

— Juste un peu fatiguée, répondit-elle, évasive.

Amy n'insista pas. Elle savait que la jeune fille avait besoin de temps pour ouvrir son cœur, et ce matin-là, il était inutile de la forcer. Pourtant, il y avait dans son regard une lueur inquiète, comme si elle devinait que quelque chose pesait.

 

Le trajet jusqu'au lycée fut calme. Arwen fixait le paysage qui défilait derrière la vitre de la voiture, sans vraiment le voir. Ses pensées revenaient inlassablement vers la scène qu'elle avait surprise : Liam et Layla, à l'écart, leurs visages crispés dans une dispute silencieuse. Elle n'avait pas entendu toutes leurs paroles, mais les gestes, les regards, la tension dans leurs corps... tout trahissait un désaccord violent. Elle ne comprenait pas. Ils semblaient proches, complices parfois, et pourtant, il y avait là quelque chose de plus sombre, de plus profond.

Quand elle franchit les portes du lycée, Nelly apparut comme une bouffée d'air frais. Elle l'accueillit avec un sourire, ses cheveux frisés rebondissant autour de son visage.

— Eh bien, tu fais une tête à enterrer un dimanche entier, lança-t-elle avec humour.

Arwen eut un petit sourire.

— C'est rien, dit-elle, tentant de paraître détachée.

Mais l'afro-américaine l'observait, ses yeux sombres fouillant son visage comme pour y déceler la vérité. Elle ne posa pas de question directe. Elle se contenta d'un soupir théâtral et ajouta :

— Bon, si tu veux jouer les statues grecques mystérieuses, je respecte. Mais sache que je suis très bonne pour lire entre les lignes.

Arwen détourna le regard, amusée malgré elle. Elles se dirigèrent ensemble vers leurs casiers, et c'est à ce moment-là qu'elle aperçut Liam.

Il marchait dans le couloir, entouré de deux camarades de sa classe, mais son attitude avait changé. Là où il avait autrefois un éclat de malice dans les yeux quand elle le croisait, il semblait désormais froid, presque distant. Leurs regards se rencontrèrent un bref instant, et Arwen sentit un pincement. Le garçon ne détourna pas les yeux, mais son expression demeura fermée, comme s'il avait érigé une barrière invisible entre eux.

Arwen baissa la tête, troublée. Elle ne comprenait pas. Qu'avait-elle fait ? Pourquoi cette soudaine froideur ?

Nelly, qui avait remarqué l'échange, arqua un sourcil.

— Eh ben, le nuage d'orage du coin vient de passer, chuchota-t-elle en feignant l'indifférence.

L'adolescente ne répondit pas. Elle ne voulait pas donner plus d'importance à ce qu'elle venait de ressentir. Pourtant, la gêne restait, comme une écharde sous la peau.

Les cours s'enchaînèrent, monotones. Arwen avait du mal à se concentrer, ses pensées glissaient sans cesse vers Liam. Elle repensait à leurs conversations passées, aux rares moments où il s'était montré ouvert, presque complice. Cette chaleur s'était évaporée, remplacée par une distance glaciale. Était-ce à cause de Layla ? La dispute entre eux avait-elle un lien avec ce changement ?

 

À la pause de midi, Nelly et Arwen s'installèrent dans un coin de la cour. Le ciel restait gris, les élèves riaient, mangeaient, discutaient. La rouquine fit son apparition, un plateau entre les mains. Elle s'assit près d'elles avec un sourire trop poli.

— Salut, dit-elle.

L'afro-américaine répondit d'un signe de tête, sans chaleur. Arwen, par politesse, esquissa un sourire. Layla paraissait détendue, mais ses gestes trahissaient une certaine nervosité. Ses yeux glissaient régulièrement vers la brune, comme si elle voulait s'assurer de sa réaction.

— Alors, vous avez trouvé le dernier exercice de maths difficile ? demanda la rousse, essayant de lancer une conversation.

Arwen répondit machinalement, mais elle sentait cette insistance dans le ton de Layla, comme si chaque mot n'était qu'un prétexte. Nelly, elle, jouait distraitement avec sa fourchette, lançant de temps en temps des commentaires piquants.

— T'as l'air de vouloir vraiment te rapprocher de nous, finit-elle par dire, d'une voix douce mais un peu trop appuyée.

Layla cligna des yeux, surprise.

— Je... je veux juste faire partie du groupe, c'est tout.

Un silence inconfortable suivit. Arwen sentit une tension sous-jacente, un fil invisible qui vibrait entre elles. Elle préféra détourner le sujet et parla du devoir d'histoire.

 

L'après-midi s'écoula lentement, et quand la cloche sonna enfin, Arwen se sentit soulagée. Elle avait besoin d'air, de distance. Sur le chemin du retour, elle resta silencieuse aux côtés de Nelly.

— T'as remarqué ? finit par dire cette dernière. Elle insiste trop. Toujours à essayer d'être parfaite. C'est bizarre.

Arwen ne répondit pas. Elle y pensait sans arrêt, mais elle ne voulait pas donner voix à ses doutes. Pas encore.

 

Le soir venu, à la maison, elle retrouva le carnet. Celui qu'elle avait découvert dans ses affaires, celui qui la troublait. Ses doigts caressèrent la couverture usée. Elle s'installa à son bureau et l'ouvrit à une page marquée. Des mots griffonnés, des phrases qui semblaient énigmatiques. Des initiales, des dates. Rien n'était clair, mais tout donnait l'impression d'un secret enfoui.

Elle sentit son cœur battre plus fort. Ce carnet appartenait-il à son père ? Pourquoi Amy n'en avait-elle jamais parlé ? Et si les réponses qu'elle cherchait se trouvaient là, juste sous ses yeux, mais voilées par ce langage codé ?

Un bruit dans le couloir la fit sursauter. Sa tante frappa doucement à la porte et passa la tête.

— Ça va, chérie ?

Arwen referma vivement le carnet, comme prise en faute.

— Oui, ça va.

Amy la regarda longuement, mais n'insista pas. Elle sourit doucement et referma la porte.

 

La jeune fille resta immobile un moment, le carnet serré contre elle. Elle avait l'impression d'avancer dans une forêt dense, où chaque pas révélait une nouvelle ombre. Entre Liam, Layla, les secrets de sa famille et ses propres hésitations, tout se mélangeait. Mais au fond d'elle, une conviction grandissait : quelque chose se préparait. Et elle n'était pas sûre d'être prête à l'affronter.

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Inxs.0
Posté le 15/09/2025
COUCOUUU,

Encore un autre super chapitre, toujours pas déçue, j'adore ! Liam joue le mystérieux avec Arwen et c'est super frustrant tandis que Nelly commence à être de plus en plus franche et agressive avec Layla, ce qui rajoute de la tension dans l'air. J'ai hâte de lire la suite !
Wen
Posté le 15/09/2025
Coucouuu,
Je suis très heureuse que l'histoire te plaise toujours autant. Il ne reste plus que quelques chapitres avant le moment fatidique...
Inxs.0
Posté le 16/09/2025
OMG ARRÊTEEE JE VEUX TROP SAVOIR LE PLOT TWIST MAINTENANT
Wen
Posté le 20/09/2025
OUPS AHAHAH
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