15 | Petite clarté

Notes de l’auteur : Chapitre mis à jour le 13.10.23.

JULES.

Jules s’sentait toute cafouille à cause que l’harass’angoisse la tortillait. Rude comme on la secouait par l’épaule, rude comme elle s’réveillait pas tout d’suite, encore à demi-engloutie dans ses cauchemars. Ça insistait mais fichtre qu’on lui foute la paix, encore ça ballottait le bras jusqu’à ce que ça sursaute Jules et qu’elle se redresse, d’une lancée subite, brutal’ éveillée alors qu’on s’attendait plus à rien. Stridulante, elle aspire une gig’ bouffée d’air, comme si elle avait été coulée et qu’enfin elle récupérait sa respiration. Pis paniqu’elle regarde autour d’elle gauchidroite-à-gauche, les yeux injectés d’sang, n’y sachant soudain plus où elle est, c’qu’elle est. Peau perle-sueur, bouche terriblo saigne. Ses cuivro ch’veux bataillent à ses joues pointillées d’taches de rousseurs. Jules l’est une boule de chaos qui s’fond dans l’canap’, invisible quasi. Son corps l’y déraille. L’y hurle à la faim. Diantre.

— Jules ? Tout… tout va bien ? Qu’est-ce que tu fais là ?

J’surprise violemment. Eustache est là, accroupi juste d’vant moi. Ses yeux si bleus du ciel, plus électriques que ceux de Spectrette, m’fixent abaissés. L’y sont enserrés par des grosses trainées noires : en haut, son fard-maqui’sombre ; dessous, ses épaisses cernes. Beh. L’y doit pas passer beaucoup d’temps en Eurythmie, c’lui-là. Toutefois, malgré son teint cafardeux, l’aristogoth’ reste gracieux dans la pénombre. La frétille-luminosité mouchète sa ch’velure obscure, coupée brillolisse à ses épaules. L’équilibre d’son visage s’incorpore dans l’demi-jour avec élégance, quoique lugubrité. Meh. Sa beauté j’suis pas attirée c’est juste ça m’fait carrément peur. J’détourne le r’gard en frissonnant, r’marque alors Jasmin-gringal’ qui s’tient là-derrière et qui m’scrute la mine aussi interrogative qu’celle d’Eustache. Comme toujours, l’y porte son monocle à l’oeil, pis s’pétrit les mains tout en m’demandant c’que j’fais ici ? J’ai passé la nuit à la Brocante ou bien ? Et moi, enfin éveillée, ayant tous les souvenirs qui r’montent, j’y éclate.

D’un geste frustre, j’arrache mon béret des mains d’Eustache qui l’tenait et qui a dû le récup’ tombé à terre. J’zieute autour Spectrette l’est où Spectrette l’est nulle part et c’est tant mieux, et enfin, reportant mon attention sur les deux zèbres d’vant moi, l’nez fronce pis les yeux irascibles, j’leur gueule dessus que c’est pas juste. Eux ils m’disent pas tout, primo si on m’raconte l’Eurythmie faut aussi m’parler du Pandé’, sinon c’est vrai quoi, sinon ça fait pas sens. Deuxio, moi j’y ai bien entendu hier : eux ils veulent l’Anima d’Océane Libelle pour eux tout seuls et rien dire à l’Onde mais déjà c’est quoi l’Onde pis surtout qu’est-ce que vous lui voulez, hein ? À Spectrette ? Sérieux qu’est-ce que vous m’voulez ?  Et l’vio’ qu’est-ce qu’il a de si important pour que vous lui vautouriez autour comme ça ? Aussi j’ajoute j’les préviens : z’avez intérêt à m’dire exact’ la vérité sinon moi j’me taille et c’en est fini pour vous. Blam. Comme ça. J’leur largue tout ça, d’une traite sans respirer, du grondant dans la voix, avant d’me taire subito, planter mon béret sur la tête, les observer avec soufflet. Oué. Comme ça. Mais très vite, j’réalise tout c’que j’ai dit. Encore plus vite, j’ai la gorge qui s’serre tant j’suis étonnée d’avoir sorti c’tas d’mots mais moi j’voulais pas. C’était p’t-être pas très malin d’avouer que j’me méfie d’eux quoi ? Déconfite, j’ramène mes genoux contre moi, y pose l’menton pendant qu’eux m’fixent avec d’drôles yeux. Ça m’y rage ô bouille-au-ventre.

— Bein quoi ? les attaqué-je alors. Un ‘blème ?

Leur montrer que malgré tout, j’me dégonfle pas quoi. Et eux continuent à étourdir leur binette tant ils sont frappés par mon aplomb qui les met pied au mur. Longtemps, l’y restent là sans grande réaction, alors ça tic-tic-tac-tic l’horloge et crac la poussière quand elle saute d’une poutre à l’autre. J’y renifle, éternue, sèche mon nez dans mon g’nou, attends toujours, jusqu’à c’qu’enfin Eustache lâche, acerbe :

— Donc comme ça, t’écoute aux portes ?

Limite si j’m’étouffe pas avec ma propre salive. Électrique, les foudres aux yeux, j’me redresse avec la frénétique envie d’tous les massacrer pis j’rosse :

— Quoi ? Sérieux ? Vous allez quand même pas m’culpabiliser ? J’écoute rien aux portes, c’est vous qui bagoulez comme pas possible alors que j’suis pas loin ! Donc vot’ faute et pas la mienne si vot’ discrétion, c’est franch’ craignos… !

Les joues cramoisies d’colère, j’fustige encore, arrachant final’ un sourire d’furiofolie à Jasmin. Tout excité, il m’pointe du doigt et rigole aigu et s’exclame :

— Jules, j’adore votre honnêteté !

Eustache en revanche a pas l’air d’trouver ça drôle du tout. Sa filasse face s’assombrit. Dans un gris soupir, il s’assied à mes côtés, s’enfonce au bord du canap’, pose ses coudes sur les cuisses et frotte ses yeux. Et malgré son minois supra harass’, son dos extra courb’, l’y reste très noble et vraiment c’est fou, l’artisto’ qui émerge même dans ses pires navrées. Sans m’regarder, il marmotte :

— D’accord, très bien… Alors vas-y…

— Quoi vas-y ?

— Eh bien pose tes questions ? Qu’est-ce que tu voulais savoir, déjà ?

— Mais comment j’saurais si vous m’dites la vérité ?

Cette fois, il r’lève la figure pour m’observer franchement, son pierci’sourcil relevé, une pointe d’irritation piquetant son r’gard. Ça s’voyait l’y voulait m’égorger ou quoi mais il faisait d’gros efforts pour s’contenir.

— Crénom, jure-t-il. Tu peux pas. Voilà. Point final. Mais tu veux un scoop ? Tu pourras jamais parce que toutes les conversations sont faites d’autant de mensonges que de vérités. Donc bon ? On parle ou on parle pas ?

Eustache l’y m’rend flipouille à réagir au quart de tour. Une seconde l’est calme, l’autre l’est courroux. J’ose pas réagir et c’est final’ Jasmin qui crève l’silence en disant faut pas s’énerver pour si peu. Aussi il nous propose du thé et s’dirige vers l’escalier pour descendre en préparer mais, d’un même sursaut, Eustache et Jules protestent non !

— Ah bon ? s’étonne Jasmin en se retournant.

Sans réfléchir, les deux jeunots tac-au-taquent qu’ils préfèrent du café. Et comme, à nouveau, ils s’sont exprimés d’une même voix, ils tournent la tête vers l’autre et s’fixent la mine pincée, insécures d’quoi réagir. Ça rigole Jasmin qui, archi amusé, glisse ses mains dans les poches, égaie d’accord d’accord, va pour du café… avant d’descendre en sifflotant, la sautille aux pieds, la foliche en aérien. Une légère saillie tire les lèvres d’Eustache, mais Jules refuse d’y répondre. Empruntée, un brin l’irrit’, elle détourne la binette pis mordille sa joue d’embarras. Fichtre. Pour ça qu’elle déteste causer. La gênance finit toujours par s’ramener, surtout en face d’un typo aussi distingué. L’Eustache lui s’détend, s’adofond dans l’canap’ et balaye, le ton nettement plus doux :

— Bon ? Je t’écoute ?

Jules hésite, elle zieute autour d’elle. Spectrette est toujours hors vue, si bien que Jules s’décide à aborder le sujet. Prenant une grande inspiration, s’courageant du mieux qu’elle peut, elle pointe l’manu’ d’Histoire du menton et demande :

— Primo : c’est vrai c’que ça raconte ? La Belle Guerre tout ça, le fait qu’Océane Libelle a créé le Pandémonium ? Ou alors c’est du n’imp’ ?

Eustache s’penche, s’empare du bouquin, feuillette les pages et, la goule concernée, sophisticale, lit la partie qui concerne l’Pandé’ pis Naïa. Ses yeux vélocent d’droite à gauche à une vitesse hallucinante, si presses qu’Jules sursaute quand il ferme l’bouquin, quoi l’a déjà fini ? et qu’il reporte son attention sur elle, ses doigts tapoti-tapota sur la couverture.

— Sincèrement, Jules ? Tout ce qu’on a écrit là-dedans… c’est un mélange d’éléments véridiques et d’autres mensongers.

— Ouais… ? Ok ? Genre quoi ?

— Eh bien… hmm… là. Par exemple. L’ouvrage dit que ce sont les Hỳdōrs, autrement dit les porte-chaos, qui ont fondé le Pandémonium. C’est vrai mais… c’est aussi faux. Bon. Si on reprend chronologiquement... Tu sais qu’à la base, le Pandémonium avait pour fonction d’être une sorte de prison ?

Les yeux gros, j’penche la tête, attends qu’il continue. Eustache m’scrute un instant sans rien dire, s’gratte l’oreille pis ‘xplique alors :

— Il y a deux siècles plus ou moins, une révolution culturelle, morale et politique a été menée. C’est ce qu’on a appelé « la Grande Correction ». Notre système de valeurs a été complètement retourné sous prétexte qu’il fallait passer à un ordre nouveau, garantir la sécurité et l’avenir de la population jugés précaires. C’est à ce moment-là qu’on a commencé, pour la première fois, à parler de cosmos hiérarchisé et harmonieux, où la cité heureuse serait celle qui en est l’imitation et le parfait reflet. D’où les castes sociales qui ont émergé en Eurythmie : chacun aurait sa juste place au sein d’une Maison astrologique. Le problème ! Beaucoup n’étaient pas d’accord. Et pour ceux qui rouspétaient un peu trop fort, ils ont été jugés délictueux et ont été bannis dans un autre mivage. Un mivage qui était comme une immense prison. Certains ont alors émis des statistiques, ils disaient : regardez, la plupart de ces gens sont des Hỳdōrs. Ce qui était faux, bien évidemment, mais je suppose que le gouvernement avait besoin de légitimer son autoritarisme, et rien de mieux qu’avoir un ennemi commun, un coupable, pour faire adhérer les masses à une cause commune…

J’mordille la joue, brassant ses mots sous le front. J’mâchonne alors :

— Donc tout ça, c’était très l’hasard ?

— Comment ça ?

— Les porte-chaos ça aurait très bien pu être des Ærs ?

Un tristot sourire vole sur ses lèvres, il murmure hhm-hhm. Et moi j’proteste que c’est trop injuste quoi, ce qui l’a tout mis d’accord. L’crâne couché sur le r’bord du canap’, il fixait l’plafond tout éperdu dans ses pensées, la mâchoire finement marquée dans la pénombre grésillante.

— Et la suite quoi ? le pressé-je.

— Eh bien…, soupire-t-il, comme l’Eurythmie faisait régner la Terreur, les derniers réfractaires au gouvernement se sont finalement rangés au silence. L’Eurythmie avait réussi à faire taire l’opposition ! Ce qu’elle n’avait pas prévu, en revanche, c’était que ce mivage parallèle mène un coup d’État. Les Hỳdōrs et autres bannis étaient si en colère contre cette injustice commune qu’ils ont réussi à prendre le contrôle de ce qu’ils ont alors nommé le Pandémonium. Un nom, une identité, et bientôt, ils avaient créé un monde spirituel inconciliable avec l’Eurythmie. Sans vraiment s’en rendre compte je pense, ils ont incorporé les valeurs qu’on leur attribuait. On disait que l’élément de l’eau les violençait, alors ils ont porté la Mer avec fierté. On les disait chaos, alors ils sont devenus chaos. On les disaient assassins, alors ils sont devenus des assassins. Forcément, ceux qui ne croyaient pas à l’astrologie ont commencé à avoir des doutes, puisque les Hỳdōrs correspondaient parfaitement à l’image qu’on se faisait d’eux. Ils étaient ce qu’ils devaient être. Mais ce contrecoup était vrai pour tout le monde : chacun, inconsciemment, s’est mis à répondre aux attentes de son signe, si bien qu’à force…

Médito, Eustache l’a son regard qui dérive alors. L’y finira jamais sa phrase mais j’en comprends bien l’idée : aujourd’hui, si les gens sont claquemurés dans les signes, c’est pas à cause des étoiles ou quoi, mais à cause d’eux-mêmes et d’tout c’qu’ils créent d’histoire, d’politique, d’social, d’culture tout ça l’zoin-zoin. Dinguo quand même ! qu’on s’foute tout seuls dans la margaille alors qu’on pourrait juste s’dire nan, on invente la vie autrement, on enlève les cases dans la tête et tout s’rait bien. J’mordille l’intérieur d’la joue, réfléchis intenso en fronçant l’front l’bout du nez. Quoiqu’il en soit…

— Donc Océane, elle est pas si méchante que ça, dans le fond ? conclué-je alors. Puisqu’elle son but c’était d’faire éclater la prison des têtes ?

Surpris, il arrête d’fixette le plafond pour m’fixette moi, un sourcil rel’vé.

— Jules, claque-t-il froidement. Le fait qu’elle ait vécu une grande injustice ne la déresponsabilise pas des choix qu’elle a commis par la suite, tournés vers la violence et la barbarie.

— Bah quoi ! Elle avait l’droit d’se venger, quand même ! Elle allait pas rester là sans rien faire. S’laisser croupir elle et ses rêves dans une prison ? Et qu’en plus on avait tout foutu en l’air le monde ? J’sais pas mais y’a des trucs ça s’accepte pas, en fait ! Et au bout d’un moment faut l’crier, ou les autres nous roulent dans la terre jusqu’à l’étouffe…

Jules croise ses bras d’indignation. Regard dur, austère, ombré par la visière d’son béret, elle observait la main-éclat apparue sur le r’bord d’la bibliothèque, là-bas. Pis, il y a eu le buste penché, une volée d’cheveux noirs, l’visage d’Spectrette qui surgit. Elle fixait Jules en timiditude… les rivio’douces chavirantes à ses joues… ses lèvres étirées très pauvres… trop insaisissable sa mine grisaille qu’Jules y savait pas, vraiment elle y savait pas : est-ce que c’est vrai Océane Libelle une terroria’sanguinaire ? Est-ce qu’elle regrette… ‘grette pas ? Et si tout était à refaire, est-ce qu’elle referait tout pareil ? Sec, Eustache disait :

— Jules. Je ne crois pas que tu t’imagines l’extrémité de la pensée naïenne. Certes, il fallait qu’ils réagissent, mais une fois leurs droits repris, rien ne les obligeait à agir comme ils l’ont fait. Ils auraient pu laisser l’Eurythmie tranquille, vivre dans leur coin, mais à la place ils lui ont déclaré la guerre, désirant l’absoudre et imposer une nouvelle vision du monde.  Portés par la vengeance et l’idée qu’ils se faisaient de la justice, ils voulaient faire subir aux Eurythméens ce qu’ils avaient subi, eux. Les asservir donc. Sans l’once d’un remord, ils ont donc commencé à modifier le vivème des gens. Ils en écrivaient des si horribles qu’ils ont déshumanisé les hommes, les ont transformés en soldats sans âme, implacables armes de guerre. Le Pandémonium s’est agrandi à une vitesse folle, et plus personne n’arrivait à gérer les actions de personne, les masses étant devenues complètement amorales. Océane a adhéré à tout ça ! Elle en était peut-être même l’initiatrice, comment tu peux la soutenir ?

— L’Eurythmie elle était pas mieux avec sa solution Idéale qui à la fin tuait tous les Hỳdōrs pour résoudre l’conflit !

Sa face satinée s’tord curioso. La colère monte il respire plus fort, tout offusqué qu’il est par mes propos. Il réplique d’une voix grondante, comme hier lorsqu’il rapportait l’discours d’Siloé et que ça trémulait grave et fulminé :

— En dénonçant le Pandémonium, je ne suis pas en train de dorer l’Eurythmie. Je dis simplement que la résistance a elle-même ses limites et que les Naïens en ont clairement franchi une.

En vrai, j’entendais bien c’que m’disait l’nobligoth’ qui courroux avec allure. Forcer les gens à devenir méchonneux et Naïen en changeant leur vivème, c’est d’une terriblo violence. En même temps, on peut pas laisser des actes impunis et c’te justice oeil pour oeil, dent pour dent, ça a l’mérite d’être égalitaire quoi : les coupables reçoivent une punition à la hauteur de c’qu’ils ont commis. Les Eurythméens avaient qu’à pas foutre des innocents en prison. Donc franch’ ? Moi j’y sais pas. J’y suis paumée entre l’ventre qui révulse face aux actes commis et l’coeur qui comprend pourquoi on f’rait ça, si bien qu’à la fin, j’y savais plus si j’défendais l’idée d’la vengeance pour excuser Spectrette ou si c’était mes opinions à moi. La révolu’vengeance qui justice à l’équité, ça s’tient. Et puis dans l’fond… dans l’fond ! Hein ! Eustache comment il peut savoir ce qu’a vraiment fait Océane ? Il en sait rien, l’manu’ reste bourré d’fichaises malgré quelques trucs vrais ! Surtout qu’entre nous deux, je suis celle qui connais Spectrette le mieux. Alors d’où il s’permet d’émettre des jugements comme ça et m’dire quoi penser d’elle et des Naïens ? Océane j’suis sûre elle était pas si vilaine. Libre têtue capricieuse et insoumise p’t-être, mais pas Générale des guerres qui réécrit les vivèmes, arme les gens d’mots-grenades explosant la vie, leur vie, rendue existence d’poupée-soldat marchant sur terre rêche, mer âcre, noire fosse des exécutants. Hier, sûr’ment que j’ai réagi trop violent en la repoussant ? Hein ? Dis-moi Spectrette, toi tu t’es vengée et tout ça c’est bien, pask’ ce sera jamais aussi terrible que c’qu’ils disent tous les autres ?

J’déglutis boulottée. Spectrette s’est décalée, costaude et belle et fuse-lumière au milieu du sombre bibliocouloir. Mains faufilées au fond des poches. Fusil laniéré à l’épaule. Souple penchement d’tête. J’vibronne, intimidée par ses blyeux bordés de glaci’cataracte, comme d’la froide colère un peu triste, un peu douce. Un peu désolée du monde gémissant mais c’est comme ça, qu’est-ce qu’on y peut ? Et tout pendant qu’Jules fixettait Spectrette, les ampoules pendulées ont subito vacillé, les phares-à-la-main ont chaviré, tout que ça sinistrait au creux d’la Bibliomonde. Un souffle polaire a alors profondé depuis là-bas, l’escalier. Frelaté, il était une purulente et râpe aspiration. Éclairette a aussitôt tourné la tête dans sa direction, la poitrine vibrante d’subite excitation. Toute flamme, souriro’farouche, elle s’est élancée dans l’escalier comme si un truc l’attendait là-bas et que plus rien d’autre n’existait plus, pas même Jules. Et Jules, par réflexe, s’est jetée à sa suite, mue par un fouetté d’jambes impatient et enragé, ignorant Vénus-ténébro qui lui criait : hé, tu vas où comme ça ?

J’vais là où chante l’violoncelle. Il joue, là-bas en bas. Jules l’entend que trop bien dans sa tête, c’était cette même mélodie qu’elle avait perçue en arrivant pour la première fois à la Brocante, celle qu’elle avait réussi à rejouer cette nuit d’oreille-à-la-mémoire. Déboule les marches. Jules si fulgure qu’elle fonce dans Jasmin qui r’montait, un plateau une théière des tasses dessus, tout bascule. Jasmin s’était écarté d’justesse mais pas son bras, si bien que ça brûle l’ventre les cuisses d’Jules lorsque ça tombe s’brise aux marches Jules courait sur les éclats d’verre glisse crie dégring’ en bas l’étage tout mal l’dos les fesses essouffl’ s’relève aussitôt, chat sauvage qui déguerpit en bas l’étage d’après, s’en fiche royal’ d’ses fringues bouillasses et d’son coccyx criard. Seuls comptent Spectrette et l’vio’ qui chante si fort maintenant que ça lui fore le front, migraine à la toc-toc. Les degrés chutent à mesure qu’Jules s’précipite au rez. Il y a sa gorge qui cingle froid, sa bouche qui fume, sa peau qui chair-poule. Beh, il s’passe quoi ? Et lorsqu’enfin, elle déboule d’vant l’instru’, dans une quasi obscurité tant les fenêtres sont loin et les éclairages flamboient rien du tout, elle en revient pas de c’qu’elle voit.

Vivi’, l’y jouait tout seul.

Une chaise. Personne dessus. L’vio’ debout d’vant. Personne autour. L’archet qui virevousse sur les cordes. Personne pour l’tenir. Jules s’arrête stupéfac’, la bouche entrouverte, l’corps congelac’, n’y comprenant rien à rien. La mélodie enfle renfle, hurlante dans sa tête, si lancinante que ça lui tire d’sacrées lancées… perçante migraine… Jules mène ses mains aux oreilles et les presse si fort, si fort… mais rien n’y fait, toujours l’envie d’vomir, la bile monte lui hérisse l’oesophage Jules la ravale, ça ampli, ampli… ce chant qui reste si beau, chagrin et gémissoie… P’t-être Jasmin et Eustache finissent par débarquer, Jules n’en sait rien, les entend pas. Elle n’avait conscience que du violoncelle, le reste c’est lourd sourd et lointain. Que le violoncelle, mélodiant à l’ombre du bric-brocante. Que le violoncelle, et une silhouette qui, esquissemment, émerge. Que le violoncelle, et l’idéelle qui l’entoure, en joue avec cataclysme, c’était moi.

J’me suis pas tout d’suite reconnue, mais c’était bien mon double qui brillait là : y’avait mon corps décharn’, que je hais, trop ‘tit trop sec ; mon short-salopette, crotté d’terre ; mon bras électrique, survoltant l’archet ; ma bouche-gerçure, mordue au sang ; mes yeux globule-au-vert, tenant la fièvre d’la folie… folie-fête, folie-fêlure… et enfin, mes ch’veux brouissailles pis mon béret, pisseux, qui trône sur ma tête et traîne avec lui toute ma vie, là dans ses éraflures et sa délav’couleur.

Effarée autant par mon alter ego que par ma ruin’allure, j’y ai les mains qui pressent mes oreilles plus fort encore. Tempes explosées. Mes pieds s’trémoussent dans le planch’poussière, s’reculent d’plusieurs pas. Ma gorge s’étranglo’gémit court. J’y comprends que l’idéelle, là, c’est l’souvenir de moi qui ai joué cette nuit. Et p’t-être… ouais… p’t-être ça aurait pas été autant la flippe si deux autres silhouettes s’étaient pas idéellées à côté d’ma réplique. L’une à droite, c’était Spectrette. L’autre à gauche, c’était fichtrement informe. Et noir, et grand, et coulant, et froid. Un voile sombre recouvrait sa tête, une robe tannée à l’obscurité évasait autour d’son corps, flou-flottine, et glissait, glissait, éternelle jusqu’au plancher et au-delà. L’étoffe se déployait vaste autour d’elle, avec à sa surface une fine fumée verte qui fielleuse s’évaporait. J’crois, elle tenait un livre contre sa cuisse.

Ça m’névrosait à m’en sortir les boyaux. J’y comprenais rien qui c’était l’autre idéelle, j’en avais juste marre, marre,  m a r r e  des zarboïsmes qui m’tombent dessus depuis que j’ai débarqué dans la Ville Biscornère. J’voulais juste que tout s’arrête et qu’on m’y foute la paix, encore plus lorsque Spectrette a posé une main sur mon épaule-idéelle et que j’y ai senti une pression sur ma vraie épaule à moi. Ça m’a sauté d’surprise.

C’tait la première fois mon tout premier contact d’Spectrette, et, et, et, et… merdasse. Et pourtant j’en ai tant rêvé… même si jamais, m’entendez-vous ? Jamais j’l’avouerai, à eux à vous à moi, à elle, ma seule amie… Fusillette… Combien d’nuits-insomnies durant lesquelles la solitude m’lourdait au ventre et que j’y voulais, voulais, une étreinte, fut-elle miniette, mais non, Spectrette m’a toujours r’gardée au loin, désolant un sourire, parfois un peu crispée, comme si elle savait pas s’y prendre avec les enfants, les ados… les gens en pleine crise d’angoisse… Mais faut dire que moi non plus, j’savais pas comment faire ! Nos gestes d’rebouteux où souffre la maladresse. J’étais là, une boule d’sanglots pelotée dans la gorge, les yeux secs, à froncer du nez et m’déchiqueter l’intérieur des joues. J’la fixais et j’pouvais la rager comme ça des heures entières, durant lesquelles j’espérais si fort qu’elle comprenne, qu’elle sache, que j’étais gneh... triste quoi… et que si j’montrais rien d’autre que d’la férocité, c’était pask’ j’refusais les larmes et qu’la violence dev’nait la dernière chose qui m’restait pour m’exprimer.

Tout ça pour dire que ouais : j’ai rêvé d’son contact. Mais jamais j’en ai voulu un comme ça. Sa paume était massive sur mon épaule. Elle pesait si écrasante que j’ai dû baisser mes bras crochés aux oreilles. Ça m’déséquilibrait tout l’buste, on aurait cru qu’elle y mettait toute sa force. Et moi-idéelle, j’continuais à jouer, imperturbable. C’est alors qu’une deuxième main s’est posée. Celle d’robe-au-noir. Nettement plus douce, soyeuse et, d’une certaine manière, pire, pask’ j’me doutais bien que c’était faux. Trop velouté, gracieux, ça m’y foutait la nausée et j’y avais mon corps qui a commencé à tremblouiller, mes jambes s’faire cotonneuses. J’psalmodiais qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, qu’on m’lâche, et que j’arrête d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller, d’violonceller. C’est alors qu’une voix est montée, enchanteresse et un brin rocailleuse. D’intuition, j’savais c’était pas Spectrette mais l’autre-là, elle chantait :

Petite clarté ne pleure pas, tout va bien nous sommes là,

yeux brillants au fond de minuit où tout tremble l’envie

qu’un jour tout s’embrase la rage qu’on retient

et qui pourtant s’impatiente à l’ombre des sourires

où le peuple souffre et sue.

 

Petite clarté danse danse, ne reste plus seule,

donne-nous ta main offre-nous ton mal,

nous savons, reconnaissons le goût l’odeur acerbe

des crises qui saignent lorsque personne ne regarde,

il y a

la furie et le bruit qui t’habitent,

il y a

les cris la nuit qu’ils nous quittent.

 

Petite clarté, tant de gens subissent comme toi,

mais heureusement ! nous pouvons contrer cela.

Si pendant trop longtemps, nous n’avons été

qu’une poussière dans l’oeil des hommes,

nous pouvons nous allier, nouer notre mal

en un noeud commun au fond de l’estomac,

et devenir lueur d’espoir,

feu d’avenir.

 

Petite clarté, rejoins-nous. Brûle brûle le ciel,

comme déjà par le passé Naïa a brûlé la Ville,

violenté la vie,

rendu à nos existences sa fougue originelle.

 

Tu peux, tu en as l’explosive poésie,

surtout depuis qu’Océane t’a ramenée à la maison,

rendue au chant du Fléau,

lui qui tant d’années a vibré seul et triste au fond du violoncelle

et qui chantait, chantait, l’extrême versatilité

dans l’attente de sa digne héritière.

 

Toi, petite clarté.

 

Toi, l’héritière, à la mélodie du coeur similaire à celle d’Elévie,

Elévie Elévie, maître-Naïenne,

qui voyageait nos rêves dans la tête des fermés d’esprit.

Idéelle tu es tout son elle,

glisser dans la faille la souffrance des gens,

entrer dans leur tête, changer leur vivème,

notre plus belle Absolu.

 

Elévie-modèle,

finis ce qu’elle a commencé

et viens.

 

Viens viens, petite clarté,

n’ignore pas ton chemin. Hurle hurle sur l’azur,

donne-nous ta main offre-nous ton mal,

sois

la colère au solstice du supplice,

deviens

l’Idée ultime de la Justice.

 

J’avais les épaules en feu, ou p’t-être en glace, les membres branlants. J’avais des larmes au bord des cils, des que j’séchais compulsivement et que j’comprenais pas pask’ j’avais pas si mal, dans l’fond ? Que ce soit l’vio’ qui perçait mon crâne à l’hurlante, l’froid qui m’fourmillait aux veines, la présence d’miss coulante-au-noir si… si… si pesante que ça m’bloque la respiration, j’étouffe, comme si carrément elle s’est assise sur ma poitrine. Et tout ça, c’est sans parler d’tout l’mal-au-coeur, tout c’que d’habitude j’refuse d’éprouver l’émotion des faibles, ma douleur : on l’a décuplée là-dessous. ‘Tit coeur pressé et re-pressé re-re-re-repressé. Mais non, nan, nan, j’sèche mes yeux humido, que dalle que j’pleure pas, j’suis pas, pas peine, pas colère, pas isolée, juste une pierre dure et forte et incassable à tout.

J’viens j’pars sans b’soin d’rien ni d’personne, et c’est certainement pas une inconnue à la flipouille sortie tout droit des ombres qui va m’dicter quoi qui faire, héritière d’Naïa ou pas. En plus, tout ça c’est qu’une idéelle, alors j’finis, malgré l’mal qui m’crie dedans, par r’nifler un bout coup, ravaler l’entièreté d’mes spasmes mouillés, pis l’ver la tête, lui lancer mon plus noir regard. Et j’y voulais, j’y voulais tellement fort prendre l’contrôle d’Jules-idéelle là-bas, lui ordonner j’me gueule arrête d’jouer, allez plante ton archet dans l’oeil de jupette-au-noir ! Le hic ça foire royal’ : c’est à peine si un mot s’étrangle hors d’ma gorge compressée. Surtout, ça m’fait vaciller et lanciner encore plus l’front-migraine d’me concentrer comme ça. J’secousse un énorme frisson, vrille au sombre. Mes jambes flageolent, on m’rattrape aussitôt par derrière. Battues mes paupières… capisch plus c’qui s’passe… des flash d’sang mouillé, fort-foncé, poissouille… m’donnent l’envie d’dégobiller… on m’tire là-bas, m’assied là-bas, j’mi-conscientise tout ça. Là pas là si là, j’grelotte les dents qui claquent jusqu’à c’que, p’t-être, ça s’calme un miniot peu. L’glacé-corps en tout cas s’fait moins glacé-corps, miss funébro-cape s’effiloche au loin, vivi’ vibre d’plus en plus pâle jusqu’à s’taire complet. Et ma solitude qui est comme une épine, elle pique moins fort.

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Edouard PArle
Posté le 21/11/2023
Coucou Louison !
J'ai beaucoup apprécié le passage où Jules évoque toutes les fois où Spectrette aurait pu la toucher mais ne l'a pas fait, l'a simplement regardé parce qu'elle ne savait pas comment si prendre, que Jules s'auto-analyse avec la violence dont elle use pour ne pas utiliser d'autres moyens d'expression.
Le débat moral du début de chapitre est intéressant, encore une fois le très intéressant personnage d'Océane Libelle se retrouve au coeur du débat. Sa moralité plus ou moins questionnable est vraiment un point super de ton histoire et qui donne envie d'en apprendre plus sur elle.
En lisant ces débats, je suis curieux de voir les dilemmes que va rencontrer Jules plus tard. C'est sûr qu'il va y avoir des choix forts à faire, par rapport à Spectrette notamment.
Le passage avec le violon est très sympa aussi. Cet instrument revient plusieurs fois, j'aime bien, ça fait penser à des chapitres précédents.
Mes remarques :
"Dinguo quand même ! qu’on s’foute tout seuls dans la margaille alors qu’on pourrait juste s’dire nan," ahah j'aime beaucoup cette phrase, criante de vérité
"la colère au solstice du supplice, deviens l’Idée ultime de la Justice." joli !
Un plaisir,
A bientôt !
Louison-
Posté le 27/11/2023
Coucou Edouard !
Merciiii pour ta lecture <3

Je suis contente si tu as apprécié le passage où Jules évoque un peu plus sa vulnérabilité, j'ai bien aimé écrire ce passage :)

Aaaah pour la question des débats moraux et des dilemmes, je les adore aussi ahaha, enfin plutôt j'adore quand j'en lis/vois dans des oeuvres de fiction et j'ai bien envie de mettre tout ça en place, même si j'ai conscience que ce premier tome reste assez "on pose les bases" de manière globale, j'ai bien envie d'explorer tout ça ^^

Chouette aussi si tu as apprécié le passage avec le violoncelle !

Sinon merci pour tes autres compliments, ça me fait plaisir ^^ A pluuuche, je repasse par chez toi cette semaine normalement huhu <3
dodoreve
Posté le 20/02/2023
yo

« J’surprise violemment. » et Jules qui gueule les injustices : oui <3 (Et puis j’aime bien le fait qu’elle remarque ensuite qu’elle a gueulé avant de réfléchir, c’est très elle)

« Leur montrer que malgré tout, j’me dégonfle pas quoi. » Dingue parce que c’est vraiment une ptite bête Jules (genre c’est un félin qui mord et tout mais en fait c’est surtout un ptit chaton qui se rend énorme en gonflant ses poils angoras alors qu’en fait son corps est minuscule tout en dessous)

« [………] chacun, inconsciemment, s’est mis à répondre aux attentes de son signe, si bien qu’à force… » et toutes ces explications d’Eustache : je les trouve très claires ! Et c’est cool parce que oui ça blinde un peu le principe sur lequel repose ton histoire, à savoir ce système organisé autour et par les signes astrologiques. Comme quoi il peut y avoir du vrai, mais que le plus important ça reste la manière dont les gens vont à terme se conforter eux-mêmes dans les limites sociales qui leur sont données. C’est vraiment chouette parce que je crois que ça donne satisfaction qu’importe ce qu’on vient chercher, le délire astrologique pur ou le délire un peu plus sociologique

(Le paragraphe qui suit où Jules reprend cette idée : cool aussi, comme ça tout est clair dans notre tête)

J’aime bien ensuite le ton qui monte entre Jules et Eustache ! Et ça me semble si dur et existant le problème auquel ils se confrontent et le semblant de justice qui en a découlé. Ne pas savoir si on défend quelqu’un ou ses idées. Dire qu’on a le droit de se révolter. Dire que c’est pas parce que tu démontes un mouvement contre quelque chose que tu es pour son inverse. Bref. Des choses à la fois évidentes et pas faciles à traiter ? D’où le fait que ça soit agréable à lire, parce qu’on retrouve comme des échos de ses propres débats intérieurs ? Voilà ouèche c’est pour te dire j’aime ma lecture ahah

« Vénus-ténébro » pour désigner Eustache ahah c’est vraiment géniol
Louison-
Posté le 25/02/2023
Coucou !
Et merciiii comme d'habitude pour ta lecture et tes commentaires, c'est super chouette de ta part alors que ta tête est prise par le travail <3 J'apprécie beaucoup ^^

"« Leur montrer que malgré tout, j’me dégonfle pas quoi. » Dingue parce que c’est vraiment une ptite bête Jules (genre c’est un félin qui mord et tout mais en fait c’est surtout un ptit chaton qui se rend énorme en gonflant ses poils angoras alors qu’en fait son corps est minuscule tout en dessous)" >> ahahah oui totalement, t'as tout bien compris Jules :')

Chouette si t'as bien aimé les explications d'Eustache ! Effectivement y'a un peu une vibe socio avec ces signes astrologiques, contente que tu l'aies perçue et que ça te semble sensé :D Et la discussion qui s'ensuit avec Jules : awn merci pour toutes ces petites questions morales que t'as relevées, heureuse de voir que ça peut faire écho un peu à des débats que t'as pu avoir. J'aime bien traiter un peu de tout ça parce que j'ai l'impression qu'il existe pas tellement de réponse toute faite et que finalement tout est une question de confrontation de point de vue. Il y a mille façon de décliner tout ça et c'est infini huhu <3

Voilouille je file répondre à la suite ! Merci encore beaucoup <3
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