15- Souvenir d'un baiser bis.

Un silence solitaire tomba dans la pièce. Julien n'avait pas besoin, ni envie, d'ouvrir les yeux pour savoir que l'ange s'en était allé. Lorsque sa magie avait commencé à faire briller son aile unique, tandis qu'il le voyait devenir de plus en plus transparent, tout son corps serait tendu comme dans une réaction primaire style réflexe de survie. Plus rien d'autre ne comptait à cet instant que de lui ouvrir son cœur. Lui même ne parvenait à comprendre ses émotions. Fébrile, il se laissa tomber le dos contre le montant de son lit; les paupières toujours closes comme pour fuir la réalité insoutenable de sa soudaine, et profonde, solitude. En poussant un soupir à en fendre les pierres, ses propres mots s'entrechoquaient au fond de son esprit.

Et dire qu'il avait osé lui dire vouloir retrouver une vie normale ! 

Un peu plus tôt, en rentrant chez lui, Julien s'était sentit pousser des ailes et pour une fois il musela son esprit trop cartésien pour ouvrir son âme uniquement aux cris de son cœur. Il avait comprit, comprit que son corps vibrait seulement véritablement en étant au plus près de Tomas. Lui, un être fervent défenseur de logique et adorateur de la raison, avait accepté cette avalanche d'émotions qui le secouaient depuis l'arrivée de l'ange. Juste 24h et le voilà en émoi. Jamais oh grand jamais le jeune homme aurait pu penser ressentir une attirance pour quelqu'un, encore moins pour une autre personne du même sexe que lui; et encore moins même pour un être surnaturel. Cela dépassait l'entendement. Bien que son discernement n'y trouvait aucunes explications à tout cela, son cœur avait commencé à battre pour de vrai il y a 24h lorsque sa nuit fut bouleversée. Comme si ce tambour, haletant et désordonné créant des papillons un peu partout dans son corps, savait pourquoi il lui semblait si normal, si évident de ressentir tout cela.

Durant le rituel avec Balinda, Julien avait apprécié sentir ses doigts entrelacés avec ceux de Tomas. Et dès cette observation, son esprit scientifique s'oublia au profit d'une passion naissante et dévorante familière. Comme si elle avait toujours été là, en sommeil, prête à tout consumer sur son passage et qui n'attendait que le bon moment pour s'échapper, déployer ses ailes. Lorsqu'il fallut rentrer chez lui, Julien accepta le déni du surnaturel avec fébrilité. Plus il laissa de la place à son cœur, plus il sentait que c'était là un choix à faire depuis toujours. Comme une force supérieure qui validait ses émotions envers Tomas. Comme s'il l'aimait depuis déjà une éternité.

Julien se passa une main sur le visage, et eut un sourire triste en sentant les lunettes sur son nez. Depuis qu'une part de son être avait accepté cette part d'irréalité dans son petit monde tout carré, son âme paraissait plus apaisé. C'était là une évidence. Tout simplement. Cette révélation embrasa de nouveau son être. Le rouquin poussa un profond soupir en songeant une fois encore à ses propos, jetés un peu plus tôt à son ange gardien en parlant de retrouver une normalité, sans lui. La peur ? La honte ? L'incompréhension ? Un peu de tout cela qui le fit freiner et changer les mots sortant de sa bouche. Il avait parlé d'un retour à la normal, alors que tout son être désespérait de s'éloigner de celui qui le rendait toute chose.

Alors.

Alors quand Tomas fut sur le point de partir, Julien avait dénigré ce qui le caractérisait profondément pour se laisser porter par son désir naissant. Il avait bondit sur ses pieds pour lui offrir un délicat baiser.

Il frôla ses lèvres de ses doigts tremblants à ce souvenir tout frais, et s'étonna de ressentir soudainement une autre chaleur se déployer. Une brise tiède qui s'élevait tout à coup et agitait ses cheveux. Cela ne dura qu'une poignée de secondes.

Julien ouvrit les yeux, regarda tout autour de lui et fronça des sourcils. Une pensée s'imposa, ou plutôt un questionnement, accompagnée d'un fort sentiment terrible d'abandon : 

Pourquoi Tomas est partit ?

Le jeune homme se redressa, et fit les cent pas dans son appartement. Quelque chose lui échappait. Il se souvenait parfaitement de l'urgence de la situation, de son départ imminent, mais il lui était impossible de se souvenir de pourquoi son ange gardien devait absolument repartir là-haut. Désappointé, Julien tourna et retourna ses interrogations dans tous les sens afin d'y chercher un sens. Impossible de remettre le doigt dessus. Son instinct lui soufflait qu'il y avait un rapport avec Balinda, mais cela lui semblait tellement ridicule que bien vite son esprit passa à autre chose. Après tout, quel serait le rapport entre cette bonne femme au patchwork bariolé et le fait que son ange gardien doive l'aider à soigner sa malchance tenace ? 

Il s'arrêta de tourner, l'esprit enbrumé. Un soupir sonore vint rompre le presque silence de son environnement. Pour réussir à mieux se concentrer, il ferma les yeux et se concentra plusieurs minutes d'affilées sur ses sensations autre que la vue. Le tic tac régulier de son horloge, familier et rassurant; la sensation du tapis moelleux sous ses orteils depuis qu'il avait balancé ses baskets en entrant; ou encore cette bonne odeur de crêpes. Lorsque son cerveau remit le doigt sur cet arôme délicieux, un tressaillement se manifesta dans sa poitrine. Quelque chose de léger, délicat, telle une plume qui tombe lentement; prenant de plus en plus de place et de consistance. Doucement, Julien se posa sur le bord de son lit et se frottait une main contre l'autre. Difficile de mettre le doigt sur cet étrange sentiment qui régnait sur son coeur à cet instant.

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