17. L'entreprenant voyant

Par Neila

À en juger par l’agressivité de la police et par le calibre de leurs armes, les gens qui traînaient dans le désert du Sinaï ne devaient pas être des enfants de chœur. Si les policiers ont cessé de me tenir en joue en remarquant le véhicule accidenté et mon jeune âge, ils n’en sont pas moins restés méfiants. L’un d’eux m’a fouillé puis fait asseoir à l’arrière de leur voiture. Je n’ai pas relevé le modèle. J’étais hagard et fébrile. Je ne comprenais rien à ce qu’ils me racontaient. Je ne crois pas que j’aurais compris, même s’ils m’avaient parlé italien. Mon esprit devait avoir été éjecté de mon corps pendant l’accident, car j’avais l’impression de flotter au-dessus de la scène. Je me voyais m’agiter, pointer du doigt en direction de Sacha, presser les policiers de l’emmener d’urgence à l’hôpital.

Leur arrivée aurait pu relever d’un heureux – ou malheureux – hasard, mais quelque chose me disait que le gérant de la station essence n’y était pas pour rien. Avait-il remarqué qu’il manquait quelques marchandises à ses rayons ou nous avait-il simplement trouvés louches ? Allez savoir. En tout cas, les policiers se sont aperçus que la voiture avait été volée, ce qui n’a pas joué en ma faveur.

Ils n’ont pas voulu me laisser aux mains des ambulanciers. Les braves messieurs m’ont rapidement ausculté. Ils ont essayé de m’emmener, mais Starsky et Hutch, comme j’avais décidé de les appeler, semblaient me juger en assez bon état pour répondre à leurs questions. Impuissant, la gorge nouée, j’ai regardé les portes de la fourgonnette se refermer sur Sacha. La dernière personne que j’avais vue partir sur une civière était Giulia…

Les flics m’ont embarqué au poste. L’idée de passer en mode faucheur pour leur faire faux bond ne m’a pas effleurée. Pas tout de suite, en tout cas. Les rares pensées cohérentes qui me traversaient étaient toutes pour Sacha. Et si ses blessures la tuaient plus vite que ses pouvoirs ne la guérissaient… ? Ce serait ma faute. Non seulement je n’avais pas aidé la dame blanche, mais en plus, j’avais expédié Sacha à l’hôpital. Bravo Zozo.

J’ai passé le reste de la nuit dans le brouillard. De retour à Nekhel, je me suis retrouvé assis au milieu des bureaux, entouré des policiers de garde. Starsky donnait des coups de fil qui ne semblaient pas aboutir tandis que Hutch essayait de me cuisiner. Ils devaient nous prendre pour des immigrés illégaux – ce que nous étions, à bien y réfléchir –, peut-être des fugueurs ou des rescapés d’un obscur trafic. Je n’avais pas de papiers d’identité. Hutch m’a mis un stylo et une feuille dans les mains, sûrement pour que j’y écrive mon nom, un numéro de téléphone ou des coordonnées. J’ai fait celui qui ne comprenait pas. Agacé, il m’a tendu mon portable. Il voulait que je le déverrouille. Il n’aurait eu aucun mal à trouver « papa » dans la liste des contacts. Une seconde, j’ai imaginé la scène.

« Coucou, ici la police de Nekhel, on a retrouvé votre fils au volant d’une voiture volée qu’il a envoyé dans le décor au milieu du désert. Vous pouvez nous expliquer ? »

Sans façon. J’ai pris ma plus belle tête d’ahuri et regardé le téléphone comme si c’était la première fois que j’en voyais un. Mon manque de coopération n’a pas plu à Hutch. Il a frémi de la moustache et s’est mis à parler très fort en pointant un doigt menaçant dans ma direction. Comme faire la grosse voix ne donnait rien non plus, il m’a menotté à la chaise, l’air de dire « Tu veux jouer au malin ? Tu vas voir… » et il est parti s’offrir un café.

Ça me convenait. J’avais besoin d’une pause, moi aussi. Les élancements dans mes côtes s’étaient atténués, mais la fatigue était écrasante. Mon corps pesait une tonne. Une douleur sourde s’était logée derrière mes tempes. Maintenant que l’adrénaline retombait, je n’arrivais plus à garder les yeux ouverts. Je les ai fermés, juste cinq minutes. Quand j’ai réémergé, la lueur grise de l’aube se faufilait par les fenêtres, de nouveaux visages avaient fait leur apparition et la rumeur des voix et du trafic s’était intensifiée.

J’ai essuyé la bave au coin de mes lèvres et me suis redressé dans la chaise, la nuque raide. Je n’avais jamais eu la gueule de bois – pas dans cette vie, en tout cas – mais ça devait ressembler à ça. Bouche pâteuse, yeux bouffis, courbatures et haleine de chacal : au top. Quelqu’un m’avait drapé d’une couverture. Starsky m’a apporté un chocolat chaud et une brioche. Je me suis jeté dessus.

— Merci, ai-je lâché, la voix enrouée.

Il m’a dit quelque chose, peut-être « les services de l’immigration sont en route » ou alors « désolé, on a plus de beignets à la fraise », puis il est reparti discuter avec un collègue. Aidé par le sucre, mon cerveau s’est relancé en crachotant comme le moteur d’une vieille cylindrée.

Il fallait que je file d’ici. Que je retrouve Sacha. J’aurais pu attendre que les policiers aient le dos tourné pour me rendre invisible, m’arracher aux menottes et hop ! le tour serait joué. J’allais le faire, quand j’ai remarqué la caméra de surveillance à l’angle de la pièce.

Qu’est-ce qui se passerait si je me donnais en spectacle devant des vivants… ? Est-ce que les faucheurs étaient tenus de garder leurs pouvoirs secrets ? Est-ce qu’il existait une « police des faucheurs » qui viendrait me taper sur les doigts si je m’amusais à disparaître ou à traverser les murs sous le nez des vivants ? Hervé avait eu l’air de dire que les faucheurs étaient l’autorité suprême dans le monde des esprits… Il n’empêche, les autres risquaient de râler. L’image d’Azraël me fonçant dessus en brandissant son khépesh, l’expression féroce, m’est revenue dans un flash et j’ai décidé d’opter pour la prudence. En plus, je ne savais pas où ils avaient emmené Sacha…

Mon regard s’est posé sur le bureau de Hutch. Le rapport qu’il avait tapé un peu plus tôt dans la nuit y traînait toujours, aux côtés de mon téléphone. Le nom de l’hôpital où on avait transporté Sacha devait y figurer, non ? J’ai jeté un coup d’œil circulaire. L’open space n’était pas bien grand, l’ambiance familiale : je n’avais aucune chance de me lever et partir sans me faire remarquer. Ce qu’il me fallait, c’était une bonne vieille diversion.

— Hervé… ai-je chuchoté.

Les esprits, en théorie, étaient rattachés à un endroit. Mais Sacha avait dit qu’Hervé s’était lié à moi. Peut-être que je pouvais l’invoquer ?

— Hervé… t’es là mon vieux ? Tu m’entends ?

Je me suis concentré de toutes mes forces sur lui, son visage, sa présence. Je l’ai imaginé là, en train de me parler, et soudain…

Enzo… !

— Hervé ?

Je ne le voyais pas, mais je le sentais. Sa voix était lointaine ; un écho à l’arrière de ma tête.

Le ciel soit loué ! Te voilà ! Oh, que ne vous ai-je averti ! Il ne faut jamais inviter une dame blanche dans son carrosse ! Jamais !

Si mes souvenirs étaient bons, ce n’était pas exactement ce qu’il avait dit.

Où es-tu ?

— Dans un commissariat de police.

Diantre !

— J’ai besoin de ton aide. Tu crois que tu pourrais… attirer l’attention des policiers ailleurs, pendant quelques secondes ?

Jouer les esprits frappeurs ? Ma foi… je ne m’y abaisse point, d’ordinaire, mais si la requête vient de toi… Compte sur moi !

— Merci.

J’ai attendu. Les policiers vaquaient tranquillement à leurs occupations ; répondaient au téléphone, pianotaient sur leur clavier, mangeaient des pâtisseries. Soudain, l’un d’eux a bondi de sa chaise.

Les yeux écarquillés, il a pointé son ordinateur du doigt et s’est exclamé en arabe. Les têtes se sont tournées, les conversations se sont tues. Comme il s’agitait avec véhémence, ses collègues sont venus voir. Leurs sourires goguenards se sont transformés en grimaces et leurs figures ont pâli : les touches du clavier s’enfonçaient toutes seules.

Là-dessus, l’imprimante s’est mise à cracher des feuilles à la fréquence d’une mitraillette. La cafetière s’est renversée sur les pieds d’un policier, l’aspergeant de café brûlant. Tous les téléphones ont sonné et les lumières se sont éteintes. Pour quelqu’un qui n’aimait pas jouer les esprits frappeurs, Hervé mettait le paquet.

En quelques secondes, le chaos s’est répandu dans l’open space. Certains policiers se sont précipités pour éteindre les machines, rallumer la lumière ou répondre aux téléphones, d’autres se contentaient de crier, ajoutant au raffut. Un type est tombé à genoux et a commencé à prier.

Sans plus tarder, j’ai tiré sur les menottes. J’étais presque certain de ne pas avoir revêtu ma cape lorsque j’avais rampé hors de la voiture. Ce n’était donc pas une obligation pour faire appel à mes pouvoirs. À cette distance et en gardant la main cachée derrière moi, la caméra ne devrait rien voir du tour de passe-passe. Le métal a glissé à l’intérieur de mon poignet, puis la pression s’est relâchée.

Je me suis jeté sur le bureau de Hutch, ai récupéré mon portable, ramassé le rapport. Au cas où, j’ai collecté les petites notes qui me passaient sous les doigts et coincé le tout dans mon pantalon, sous mon tee-shirt. Je n’avais pas le temps de faire dans le détail. Le commissariat commençait déjà à retrouver son calme. L’imprimante et les ordinateurs farceurs avaient été débranchés, seuls trois téléphones sonnaient encore. M’efforçant de ne pas courir, j’ai rasé le mur et pris la direction de la sortie.

Personne n’a fait attention à moi, tout occupés qu’ils étaient à se remettre de leur frayeur. Main dans les poches, j’ai remonté un couloir, croisé un policier qui se précipitait vers le tumulte. Arrivé dans le hall, j’ai dépassé l’accueil et allongé la foulée. La liberté n’était plus qu’à quelques pas, les portes grandes ouvertes.

— Leone ?

J’ai tourné la tête. Cillé trois fois.

Théo Reddy, de la cinquième 4, se tenait devant le bureau d’accueil. Je devais halluciner. Comment un gars de mon école pouvait être là ? Peut-être qu’il était mort. Une main s’est refermée sur mon bras avec la force d’une pince étau et je me suis retrouvé nez à moustache avec Hutch.

Il s’est mis à me postillonner à la figure en me secouant comme un prunier. Mon évasion venait de tomber à l’eau. Il allait me ramener dans les bureaux, peut-être me jeter en cellule pour de bon. Théo s’est avancé, suivi de près par un grand type en costume noir.

— Is there a problem ?

Hutch a baissé les yeux sur l’adolescent. Je ne l’imaginais pas, il était bien là et bien vivant.

Théo Reddy était de loin la chose la plus excitante qui soit arrivée au collège Calvino depuis sa construction. Son père, Laxman Reddy, était le PDG de R Corp., célèbre fabriquant d’ordinateurs, de téléphones et de toutes sortes d’appareils à la pointe de la technologie – pas le genre de trucs que je risquais de toucher, donc. L’entreprise avait son siège en Angleterre et entrait dans le top cinq des plus rentables au monde. Pourquoi, comment, quelqu’un comme Théo Reddy avait atterri dans un bête collège public de la banlieue de Florence ? Un vrai mystère.

Il avait débarqué en début d’année. Apparemment, il passait son temps à migrer d’école en école. Les rumeurs étaient allées bon train. Certains pensaient qu’il assouvissait un caprice de gosse de riche, d’autres prétendaient que c’était un gamin à problème que son père avait expédié loin de lui et de la haute société en espérant qu’on l’oublierait. Ça aurait expliqué les changements d’école répétés. Sauf que Théo Reddy était tout l’inverse d’un gamin à problème.

Poli et souriant, discret, d’excellentes notes. Il venait chaque jour en costume-cravate et ne faisait pas de vagues, pas même quand on se moquait de son allure ou qu’on le bousculait. Les enfants étaient cruels avec ceux qui sortaient du lot, j’en savais quelque chose. Et Théo Reddy ressortait autant à Calvino qu’une Porsche flambant neuve au milieu d’une décharge. Fatalement, son statut suscitait deux formes de réaction : la jalousie et l’admiration.

Des troupeaux de filles le suivaient partout dans la cour en gloussant, essayaient d’attirer son attention. Elles trouvaient ses manières et son accent anglais « trop craquants ». Quelques gars tentaient aussi des rapprochements. Les jaloux, quant à eux, lui faisaient des croche-pieds dans les couloirs. Jamais on ne voyait Théo riposter ou aller se plaindre aux surveillants. Jamais il n’envoyait les gens promener. Au contraire, il discutait volontiers avec tout le monde.

Il passait d’un groupe à un autre. Il était rarement seul, malgré tout… chaque fois que je le regardais, je ne pouvais pas m’empêcher de lui trouver l’air solitaire. Une fois, il était venu s’asseoir à côté de moi à la récrée et avait entamé la discussion. Ç’avait tourné court avec l’arrivée d’une bande de filles survoltées. Souvent, pourtant, je le surprenais qui m’observait de loin.

C’était sûrement ça, le plus étrange, chez Théo Reddy : le fait qu’il m’ait remarqué.

— Tu as besoin d’aide ? a-t-il demandé dans un italien articulé avec soin, puis il s’est tourné vers le grand type en costume : John ?

J’ai reconnu le chauffeur de la Mercedes rutilante qui déposait Théo à l’école tous les matins et venait le chercher tous les soirs. Vu de près, il avait une carrure d’armoire à glace. Il a ôté ses lunettes de soleil, dévoilant deux yeux bleus perçants, et s’est adressé à Hutch en arabe.

Les deux hommes se sont engagés dans une conversation animée. Enfin, Hutch était animé. L’autre parlait d’un ton posé, le visage inexpressif. Il a dégainé un badge, façon agent de la CIA, et le nom de « Reddy » a fusé. Hutch a battu des cils, bafouillé. Son regard est passé du chauffeur à Théo. Mains dans les poches de son pantalon Armani, ce dernier souriait avec courtoisie. Il avait l’air d’un mini chef d’entreprise attendant patiemment que son assistant ait fini d’expliquer à la concurrence qu’ils venaient d’être rachetés. John le chauffeur n’a d’ailleurs pas tardé à tendre une belle poignée de billets. La caution, sûrement…

Hutch a baissé les yeux sur moi et j’ai compris au frémissement de sa moustache qu’il lui en coûtait de me laisser filer. Finalement, il est allé chercher des papiers qu’il a fait remplir au chauffeur.

Quelques minutes plus tard, je dévalais les marches du commissariat en compagnie de Théo et de John. Le ciel était clair, la température agréable. J’étais certain de ne pas rêver et pourtant, j’avais dû mal à croire qu’un de mes camarades d’école venait de me tirer des griffes de la police égyptienne.

— Merci.

Repoussant une mèche rebelle d’un coup de tête, Théo m’a souri, l’air affable. Je comprenais ce que les filles – et les gars – lui trouvaient. Avec ses cheveux ondulés soigneusement peignés de côté, son costume qui tombait à la perfection sur sa longue silhouette et ses bonnes manières, il aurait pu tourner dans le prochain James Bond. Son chauffeur s’était immobilisé deux mètres derrière, comme pour se faire oublier.

— Euh, tu me diras combien je te dois…

— Ne t’en fais pas pour ça.

Théo continuait de sourire, les mains dans les poches.

— Comment… qu’est-ce que tu fais là ? ai-je dit.

— Mon père a une affaire à régler à Suez. Il a voulu que je l’accompagne pour qu’on passe du temps ensemble. Mais bon, je m’ennuyais alors j’ai décidé d’aller faire un tour.

Sans vouloir manquer de respect aux habitants de Nekhel, je ne voyais pas ce qui aurait pu attirer un touriste dans le coin, mais j’ai gardé ce commentaire pour moi. Si ça se trouve, Théo s’était disputé avec son père et il avait ressenti le besoin de s’en éloigner très vite, quitte à rouler sans but dans le désert. Ça ne me regardait pas vraiment.

— Et puis, a poursuivi Théo, on m’a volé mon… comment tu appelles ça ? La chose dans laquelle tu mets l’argent et les cartes…

Il a mimé le geste.

— Un portefeuille ?

— Oui, c’est ça. On m’a volé mon portefeuille.

— Oh. Pas cool.

Ça ne semblait pas vraiment le chagriner. Il y a eu un instant de flottement.

— Mais… et l’école ?

Théo a haussé les épaules.

— Je rattraperai. C’est rare que je puisse passer du temps avec mon père.

Sa voix s’est un peu enraillée et un élan de sympathie m’a submergé. Sûr qu’il devait pas beaucoup voir son paternel.

— Et toi ?

— Hein ?

— Qu’est-ce que tu fais là ?

La question me pendait au nez, pourtant, ça m’a pris de court.

— Euh, je…

J’avais beau me creuser la cervelle, je ne voyais pas comment justifier ma présence en Égypte, seul, un lundi de Mars. Sans parler de l’arrestation. J’ai dégluti, la gorge sèche.

— Je suis en voyage. Avec une amie. Mais, euh… on a eu un accident. De voiture.

— Pas cool.

Il avait cette façon assez directe de me dévisager, comme s’il m’inspectait pour déterminer si ça valait le coup de faire la révision des vingt mille kilomètres.

— Ça explique le look, a-t-il ajouté.

J’ai baissé les yeux sur mon tee-shirt et grimacé. J’avais la dégaine d’un type qui se serait battu avec un ours. Mes vêtements, déchirés par endroits, étaient couverts de poussière et, parfois, de sang : des blessures qui avaient guéri peut-être, ou alors celui de Sacha. Mon cœur s’est serré.

— Écoute, euh… Merci beaucoup de m’avoir tiré de là, mais faut que je te laisse. Je dois retrouver mon amie. Salut !

Sans plus tarder, j’ai filé à grands pas vers la rue et extirpé les papiers volés de mon pantalon. Ma détermination a chuté dans mes baskets. Tout était écrit en arabe.

Je sais, j’aurais dû y penser plus tôt, mais il fallait se faire une raison : l’anticipation ne faisait pas partie de mes points forts. Debout sur le trottoir, j’ai feuilleté, retourné les documents dans l’espoir de trouver quelques mots que je pourrais déchiffrer. Rien.

— Il y a un problème ? a fait Théo en me rattrapant.

Je l’ai regardé, puis j’ai regardé son chauffeur.

— Je veux pas abuser de votre gentillesse, mais… est-ce que par hasard, vous sauriez lire l’arabe ? J’ai besoin de savoir dans quel hôpital l’ambulance a emmené mon amie…

Droit comme un i, les mains jointes devant lui, le chauffeur n’a pas réagi. Il était si stoïque qu’il aurait pu passer pour une statue de cire. Peut-être qu’il ne comprenait pas l’italien ? Théo lui a fait un signe de tête et il est finalement sorti de son immobilité. Il a tendu la main. Je lui ai remis les papiers et il a commencé à lire à haute voix :

— Macaronis, deux oignons, tomates, lentilles…

Il parlait bien italien – même sacrément bien – pourtant, j’ai lâché :

— Hein ?

— Ça, mon garçon – il m’a mis la feuille sous le nez – c’est une liste de course.

— Oh. Et les autres ?

Il a grogné et parcouru le reste. Un des documents imprimés a fini par retenir son attention.

— Ton amie a été emmenée au Nekhel Central Hospital.

Le soulagement m’a tiré un sourire. Je m’étais inquiété pour rien. La ville n’était pas grande. Elle ne devait pas compter plus d’un hôpital – j’étais même étonné qu’elle en compte un. Du haut des toits, je n’aurais aucun mal à le repérer.

— Tu veux qu’on te dépose ? a proposé Théo.

— Vous embêtez pas, je vais marcher, ça doit pas être bien loin…

— Tu sais où aller ? Tu as une carte ?

Oui, mais elle n’indiquait pas les lieux utiles comme les hôpitaux ou les stations essence, seulement les dangers mortels.

— Ça me fait plaisir, a-t-il insisté. La voiture a un GPS et… air con.

Il a désigné un des véhicules garés le long du trottoir. Je dois avouer qu’en apercevant la Mercedes-Benz classe S W220, toutes les excuses que je m’apprêtais à lui servir me sont sorties de la tête. Il a ouvert la portière et j’ai craqué. Un petit tour, ça ne pouvait pas faire de mal.

— Tu aimes les voitures ? a remarqué Théo.

Installé à l’arrière avec lui, je reluquais le tableau de bord par-dessus l’épaule du chauffeur.

— J’ai été mécano dans une autre vie, ai-je répondu du tac au tac.

Il m’a regardé avec un sérieux troublant. Peut-être qu’il ne comprenait pas le mot « mécano »… John a démarré et s’est inséré dans la circulation. La voiture glissait comme sur des patins. J’avais une furieuse envie de demander à prendre le volant, rien que pour voir si elle se conduisait aussi bien qu’on le disait. On ne sentait même pas les vibrations du moteur. Les suspensions airmatic, c’était vraiment une belle invention.

— Alors… toi et ton amie, vous alliez où comme ça ?

Je me suis arraché à ma contemplation.

— On allait… à l’aéroport. Pour prendre l’avion.

— Pour rentrer à Florence ?

— Hum hum, ai-je fait, évasif. Oh, les sièges sont massants ?

Théo a souri, mais ses yeux n’exprimaient aucun amusement. Il n’était pas dupe. Par chance, l’hôpital n’était qu’à une minute du poste de police et l’interrogatoire a vite pris fin.

— Merci ! ai-je lancé en bondissant hors de la voiture.

J’espérais qu’on en resterait là. À mon grand dam, ils sont descendus à leur tour et Théo a amorcé le mouvement vers l’hôpital. Zut. Comment j’allais faire pour me débarrasser d’eux ? Je ne pouvais pas simplement prendre mes jambes à mon cou. La situation était assez étrange comme ça et Théo savait qui j’étais.

Arrivé devant la façade vitrée du hall, j’ai ralenti, bien décidé à lui faire comprendre que nos chemins se séparaient ici.

— Bon et bien… merci de m’avoir déposé. On se retrouve à l’école.

— Ton amie va pouvoir payer les frais d’hôpitaux ?

— Oh, ça… Ce sera pas un souci.

Comme si Sacha, qui ne payait même pas pour un paquet de chips, allait s’embêter avec des frais d’hôpitaux… Un cri a retenti au-dessus de nous :

— ESPÈCE D’ABRUTI !

J’ai levé la tête.

Son manteau de faucheur déployé comme des ailes de chauve-souris, Sacha tombait du ciel. Son poing a atterri pile sur mon front. L’impact a vibré sous mon crâne et je me suis retrouvé plié en deux, des étoiles et des larmes plein les yeux.

— Aïe, ça fait mal !

— Ça t’apprendra à être débile, débile !

Sacha me toisait, mains sur les hanches, l’expression féroce. Il manquait quelques strass supplémentaires à son débardeur et ses collants s’étaient définitivement transformés en gruyère. Son bandana kaki avait été remplacé par des bandages. Malgré ça, elle avait l’air en forme. Assez en forme pour me cogner dessus.

— Je t’avais prévenu ! Qu’est-ce que je t’avais dit, hein ? Mais non, Monsieur le Grand Sauveur n’en fait qu’à sa tête !

De nouvelles larmes me sont montées aux yeux, heureusement maquillées sous les premières. Mince, je n’aurais jamais pensé être aussi content de me faire engueuler. Sacha a froncé le nez.

— C’est quoi, ce sourire débile ? Tu trouves ça drôle ?

J’allais lui répondre quand je me suis souvenu de la présence de Théo et John. Gommant toutes émotions de mon visage, je me suis redressé, prêt à leur expliquer que je souffrais de maux de tête fulgurants, mais sans gravité. Si John le chauffeur me lorgnait par-dessus ses lunettes de soleil avec l’air de se demander quelle mouche m’avait piquée, Théo, lui, ne me regardait pas du tout.

Il fixait Sacha.

Cette dernière a fait volte-face et ils se sont retrouvés nez à nez. On aurait dit un loup et un chevreuil tombés par hasard l’un sur l’autre au détour d’un sentier. Sacha a reculé, s’est décalée sur la droite, puis sur la gauche : les yeux de Théo ne l’ont pas lâchée.

— Tu… tu la vois ? ai-je fait, bouche bée.

— Yeah… Est-ce qu’elle vient de sauter du toit ?

Sacha a poussé un juron, m’a attrapé par le poignet et a détalé si brutalement qu’elle a failli m’arracher le bras. Je me suis emmêlé les baskets avant de réussir à mettre un pied devant l’autre, forcé de courir avec elle.

— Encore merci ! ai-je crié en agitant la main à l’intention de Théo. Salut !

Voilà qui ferait une chouette conversation à mon retour sur les bancs de l’école. Si le Chevalier ne me trucidait pas dans les prochaines heures, ce qui m’épargnerait au moins d’avoir à trouver une explication.

Sacha nous a fait cavaler dans les petites ruelles, entre les magasins et les habitations, changeant de cap à chaque intersection tout en surveillant nos arrières. Arrivée à la sortie de la ville, elle a enfin consenti à s’arrêter.

— Alors là ! Ça, c’est la meilleure ! Qu’est-ce qui te prend de te promener avec un voyant ?

— Un voyant ? Quel voyant ?

Quel voyant ? Celui qui m’a vu, gros crétin !

— Mais… un voyant, c’est pas quelqu’un qui lit l’avenir dans les boules de cristal et les feuilles de thé ?

J’ai senti qu’elle réprimait une violente envie de me casser les dents.

— Ça, c’est le terme qu’utilisent les vivants, et puis ce sont des charlatans ! L’avenir est pas écrit dans les feuilles de thé. Ce que nous, on appelle voyant, ce sont les vivants capables de percevoir les esprits errants. Et, par la même occasion, les faucheurs.

— Oh.

Alors, comme ça, Théo Reddy voyait les esprits ?

— Ooh !

Certaines choses prenaient un sens nouveau. Trois jours plus tôt, lorsqu’il m’avait surpris en pleine conversation avec l’esprit de Giulia, par exemple.

— Ooh…

— Les voyants sont très rares, a dit Sacha. Comment tu t’es débrouillé pour en trouver un ?

— En fait, c’est plutôt lui qui m’a trouvé.

Je lui ai fait le récit de mes aventures : les flics qui nous étaient tombés dessus après l’accident et m’avaient embarqué au poste ; la diversion d’Hervé, mon évasion foireuse et l’aide inespérée de Théo.

— Attends attends, m’a interrompu Sacha. Reddy… comme l’entreprise qui fait des ordinateurs ?

— Ouais. C’est le fils du PDG.

Les sourcils de Sacha se sont haussés jusqu’à ses bandages, puis froncés.

— Pourquoi est-ce qu’il t’aiderait ?

— Je sais pas trop. Peut-être parce qu’on est dans le même collège ?

— Tu plaisantes ?

— Non.

— Qu’est-ce qu’il fabrique en Égypte ?

— Apparemment, il accompagne son père en voyage d’affaires.

— T’es en train de me dire que le fils d’un des hommes les plus riches de la Terre est un voyant, qu’il fréquente la même école que toi et qu’il t’est tombé dessus par hasard, ici ?

Elle a écarté les bras pour désigner l’amas de maisons décrépies perdues au milieu du désert. Je voyais où elle voulait en venir.

— Tu trouves pas ça bizarre ? a-t-elle insisté, devant mon manque de réaction.

— Un peu. Mais, honnêtement, ça reste la chose la moins bizarre qui soit arrivée ces deux derniers jours.

Même Sacha n’a pas pu dire le contraire. À côté du train fantôme aux petits fours zombifiant, du cavalier à la tête de ricotta cracheuse de flammes et des squelettes jardiniers, Théo n’avait rien de renversant, tout riche et voyant qu’il était.

— Ouais, eh ben, évitons-le quand même. Ça vaudra mieux.

— Pourquoi ?

Ma question l’a laissée sur les fesses.

— Parce que, a-t-elle asséné comme s’il s’agissait d’une évidence – pourtant, la suite a tardé à venir. Il risquerait de découvrir qu’on est des faucheurs !

Je me suis retenu de lui faire remarquer qu’après l’avoir vue atterrir devant l’hôpital dans toute sa gloire, le secret était déjà bien entamé.

— Est-ce que ce serait si grave ?

Nouveau silence halluciné.

— Qu’est-ce que tu crois que les vivants feraient, a dit Sacha, s’ils étaient au courant de notre existence ?

— Euh… j’en sais trop rien. Hervé a dit qu’autrefois, ils nous vénéraient.

— Ouais, ben aujourd’hui, ils chercheraient plutôt à nous enfermer, nous disséquer et nous contrôler.

Je n’aurais pas été aussi catégorique. Les gens avaient plein de croyances, même de nos jours. Il y en aurait sûrement pour voir en nous des espèces de dieux. L’idée m’a tiré une grimace. J’aimais autant être disséqué. Moins de pression.

— On a perdu assez de temps ici.

D’un geste sec, Sacha a arraché ses bandages et renfilé son fidèle bandana.

—Tirons-nous, loin de ce patelin et de ce type.

Ce n'était pas si évident. Les transports fantômes ne circulaient pas le jour. La menace du Chevalier noir, en revanche, restait bien présente. Autant dire que les options étaient limitées. L'incident avec la dame blanche nous a néanmoins mis d’accord sur un point : pas moyen de faire tout le trajet en voiture. Plus on prendrait de temps à atteindre notre destination, plus on multiplierait les risques de faire de mauvaises rencontres. On s’est donc décidé à tenter l’avion. En théorie, les esprits ne s’aventuraient pas si haut dans le ciel et, on l’espérait très fort, le Chevalier non plus, ce qui était un argument de poids.

Et puis je ne pouvais pas m’empêcher de penser à mon père qui rentrerait aujourd’hui et trouverait l’appartement vide. La batterie de mon téléphone était tombée à plat, le chargeur était resté à bord de la voiture… Avec un peu de chance, le message que je lui avais laissé limiterait la panique. En tout cas, pour quelques heures. Si l’avion pouvait me permettre de rentrer plus tôt, j’étais prêt à risquer les turbulences. Restait à trouver un aéroport.

On est allé demander notre chemin dans une boulangerie. Après plusieurs imitations d’avion et quelques mots d’anglais, la dame qui tenait la boutique a tiré une carte de ses tiroirs. L’aéroport international de Taba était le plus proche et il était même plutôt proche : une centaine de kilomètres en direction de l’est, près de la frontière israélienne. On l’aurait atteint la nuit dernière si notre voiture n’avait pas fini dans le fossé.

Cette fois, on s’est invité à l’arrière d’une remorque. Deux heures plus tard, nous arrivions au petit aéroport de Taba. Il ne comptait qu’un terminal : une file de bâtiments ocre rayés blancs qui, sur fond de désert, ressemblaient à des cabines de plages géantes. Morts de soif, rouge comme des écrevisses, notre première préoccupation a été de trouver les toilettes.

J’avais la tête dans le lavabo, sous le filet d’eau, quand une présence familière a fait son apparition.

— Eh bien, voilà une affaire rondement menée ! C’est fou ce que les vivants sont impressionnables.

J’ai essuyé l’eau qui me coulait dans les yeux et souri de toutes mes dents à Hervé.

— Merci, vieux, t’as été génial !

— Nul besoin d’en faire une histoire, a-t-il objecté en secouant la main.

Il était encore très transparent, je ne discernais que le haut de son corps.

— Où sommes-nous ? a-t-il demandé en promenant un œil curieux sur les toilettes.

Un type a quitté les urinoirs pour venir se laver les mains et j’ai senti qu’il s’efforçait de ne pas me dévisager. L’endroit était mal choisi pour taper la discussion avec un fantôme. On a rejoint Sacha dans le hall, sous l’écran des départs.

— Ma Dame, quel soulagement de vous revoir saine et sauve, a fait Hervé en exécutant une révérence.

Sacha a roulé des yeux, mais elle ne l’a pas remballé, ce qui était peut-être le signe qu’elle commençait à l’apprécier.

— Êtes-vous toujours décidés à rendre visite à la sorcière ?

— Toujours. À moins que tu connaisses quelqu’un d’autre susceptible de savoir où se trouvent nos souvenirs ?

— Hélas…

À mon tour, j’ai examiné l’écran. Il n’y avait pas beaucoup d’avions programmés et seulement une poignée de destinations : Le Caire, bien sûr, Varsovie, Vienne, Prague et d’autres villes que j’aurais été incapable de pointer sur une carte. Évidemment, il n’y avait pas de direct pour la Sibérie.

— Lequel on prend, à ton avis ? Varsovie ? C’est le plus proche de la Russie, non ?

Sacha a fait la moue et s’est dirigée vers le bureau d’information. Après avoir laborieusement expliqué à l’employée qu’on ne voulait pas acheter de billets, simplement connaître le meilleur itinéraire, la femme nous a imprimé une feuille de route. Elle nous recommandait de prendre le prochain avion pour Le Caire, puis Moscou et, enfin, Irkoutsk.

— Ne comptez point sur moi pour vous suivre dans ces boîtes volantes… a fait Hervé, lèvres pincées.

— On y comptait pas, a dit Sacha. Tu risques de créer des interférences.

Hervé a relevé le menton et bombé le torse, vexé.

— T’inquiète pas, on se retrouvera en Sibérie, lui ai-je assuré.

— Vous allez en Sibérie ?

D’un même mouvement, Sacha et moi nous sommes retournés.

Théo était là, qui nous observait, sa veste coincée sous le bras.

— C’est pas vrai ! s’est exclamée Sacha.

Il s’est empressé de lever les mains en signe de paix :

— Ne partez pas en courant, je ne vais pas vous manger.

— Qui est ce jeune homme ? s’est enquis Hervé.

— Je m’appelle Théo, a répondu Théo.

— Enchanté, a claironné Hervé.

Alors, seulement, il a réalisé. Connaissant Hervé, je m’attendais à une réaction assez théâtrale. Je n’ai pas été déçu.

— Par tous les saints !

Il a fait un bond de chat de deux mètres et s’est volatilisé. Les écrans de télé se sont momentanément brouillés.

— Un voyant ! a glapi la voix d’Hervé. Enzo, Sacha, fuyez… ! a-t-il ajouté dans un chuchotement. C’est un voyant !

— Ouais, on a remarqué, a marmonné Sacha.

— Alors, vous aussi, vous les voyez ? a demandé Théo, les yeux brillants d’excitation. C’est la première fois que je rencontre d’autres personnes de mon âge capables de voir les esprits. La plupart des gens qui se disent médiums sont des charlatans.

Dans son dos, j’ai aperçu John le chauffeur, qui patientait entre deux petites valises.

— Qu’est-ce qu’il bave ? m’a glissé Sacha tout en surveillant Théo.

— Qu’est-ce qu’elle dit ? a demandé Théo.

— Hein ?

J’ai cillé. Tous deux me fixaient avec insistance, l’air d’attendre que je les éclaire. Seulement, je ne voyais pas où était le problème.

— Tu parles le russe ? s’est étonné Théo.

— Quoi ? Non.

— Mais tu le comprends ?

— Non, ai-je fait, de plus en plus perplexe.

— Oh, diantre… a lâché la voix d’Hervé.

— Pourtant, depuis tout à l’heure, ton amie parle russe.

— Qu’est-ce qu’il dit ? a insisté Sacha, au comble de l’agacement.

Je me suis tourné vers elle et l’évidence m’a rattrapée :

— Tu parles pas italien.

— Bien sûr que non ! J’ai que ça à faire, tiens !

Hervé, qui s’agitait de plus en plus, ne m’aidait pas à réfléchir. Il semblait vouloir me faire passer un message avec ses « Aah… » « Hum… » « Hii ! ».

— Mais alors, comment ça se fait qu’on…

Sacha a écarquillé les yeux et s’est exclamée :

— Tais-toi ! N’en dis pas plus. Je t’expliquerai. Ne réponds pas à ses questions. Fais celui qui comprend le russe.

J’ai ouvert la bouche, l’ai refermée. Avec des gestes d’automates, je me suis à nouveau tourné vers Théo.

— Oui, je comprends le russe, ai-je déclaré avec la conviction d’un robot. J’ai, euh… de la famille. Russe. Sacha, ai-je ajouté en posant une main sur son épaule – elle l’a immédiatement balayée. C’est ma cousine.

— Et ta cousine comprend l’italien mais ne le parle pas ?

Très bonne question. J’ai eu un hochement de tête à mi-chemin entre le « oui » et le « non ».

— Qu’est-ce que tu fais là ? ai-je renvoyé, histoire d’entraîner la conversation sur un terrain moins glissant.

— Je viens prendre l’avion.

Question stupide.

— Mon père est trop occupé, il m’a dit de rentrer… J’ai un jet. Si vous voulez, je vous dépose. On sera prêt à décoller d’ici une petite heure.

J’ai d’abord cru qu’il plaisantait, sauf qu’il semblait attendre une réponse. À côté, je sentais Sacha ronger son frein pour ne pas me demander de lui répéter ses propos. J’ai décidé d’opter pour un intermédiaire :

— Qu’est-ce que t’en penses ? Si Théo nous déposait avec son jet, ça nous ferait gagner du temps.

— Quoi ? a-t-elle lâché. C’est quoi ce traquenard ? Sans façon.

Pas besoin de parler russe : la mine et le ton de Sacha étaient assez clairs. Théo a baissé les yeux, disparaissant momentanément sous ses cheveux.

— Vous ne voulez pas que je me mêle de vos affaires, j’ai bien compris. Je veux juste vous rendre service, je ne vous poserai pas de questions.

Personnellement, je trouvais l’offre intéressante. Théo avait l’air d’être un mec sympa. Avec un jet privé.

— T’es sûre… ? ai-je chuchoté à l’oreille de Sacha. Parce que ça pourrait nous faire gagner un paquet de temps…

Ses petits yeux bleus se sont plissés.

— Faut que je te rappelle ce qui s’est passé la dernière fois qu’on s’est coltiné un passager ?

— Dame Sacha a raison… a soufflé Hervé.

J’ai grimacé.

— D’accord, c’est toi qui décides.

— Un peu ! Et je décide qu’on va se débrouiller. Dis à ton pote qu’on a déjà nos billets.

J’ai adressé un sourire contrit à Théo :

— C’est vraiment sympa, mais on veut pas te déranger. Et puis on a déjà nos billets.

Je pensais qu’il insisterait, mais il a haussé les épaules.

— Comme vous voudrez. À la prochaine alors.

Et il est parti retrouver son chauffeur. Dès qu’ils ont disparu derrière les portiques de sécurité, je me suis tourné vers Sacha.

— Tu parles pas italien ?

— Puisque je te dis que non !

— Mais…

Pourtant, les mots qui sortaient de sa bouche étaient bien italiens… Ou mes oreilles inventaient tout ?

— Hum, Enzo, est intervenu Hervé. Il s’agit là d’une des nombreuses facultés des faucheurs. Vous vous comprenez les uns les autres, de la même façon que vous comprenez les esprits, ce, quelle que soit leur langue.

— Vraiment ? Comment c’est possible ?

— C’est une question d’empathie, a dit Sacha.

— Hein ?

Elle a soupiré, puis expliqué :

— Les esprits errants sont des livres ouverts. Ils transmettent facilement leurs émotions, leurs intentions… Même toi, t’as dû le remarquer.

— Ça, oui.

— Eh ben ça marche aussi avec les idées, les pensées – pour peu qu’ils veuillent se faire comprendre. Vois ça comme une communication d’esprit à esprit.

— Mais ça marche pas avec les vivants ?

— Non, a-t-elle dit, puis elle a détourné le regard et ajouté plus bas : Pas vraiment.

— Et ça marche entre nous ?

— On serait pas en train d’avoir cette conversation débile, sinon.

— Cela doit venir du lien particulier qui vous unit, a dit Hervé avec un hochement de tête appréciateur, comme s’il commentait la qualité d’un bon vin.

— Alors… ai-je commencé. Depuis le début… tu parles russe ?

— Évidemment !

Je me suis concentré sur les mots que Sacha prononçait, sur ses lèvres qui remuaient « J’arrive pas à croire que tu percutes que maintenant ! » et, soudain, je l’ai entendu : ces sons, ce n’était pas de l’italien.

C’était très bizarre. Si je ne me concentrais pas, mes oreilles étaient persuadées d’entendre de l’italien. C’était comme ces hallucinations auditives où on vous faisait écouter une langue étrangère tout en faisant défiler des mots à la sonorité ressemblante dans votre propre langue : et paf, on entendait les mots qu’on lisait.

— Ça veut dire que pour toi, je parle russe ? Ouah ! Je parle russe !

— Non, a asséné Sacha.

— Mais je sonne russe ?

— Tu sonnes débile. Tais-toi.

Là-dessus, elle est partie se laisser tomber sur une rangée de sièges en plastique. Hervé et moi l’avons rejointe.

Notre avion ne décollait que dans trois heures. On pensait attendre la dernière seconde pour nous rendre invisibles, passer la sécurité et embarquer derrière les passagers, en espérant trouver des fauteuils libres. Sacha a néanmoins dû se résoudre à renfiler son manteau plus tôt que prévu : nos estomacs gargouillaient comme des démons. Elle est partie se changer dans les toilettes et a fait main basse sur les sandwichs et les pâtisseries du café de l’aéroport. Ses techniques de vol à l’étalage étaient bien rodées.

J’ai englouti trois sandwichs en dix minutes. Tête rentrée dans les épaules, Sacha scrutait chaque coin du terminal, les voyageurs qui passaient en traînant leurs valises, comme si elle s’attendait à ce qu’ils nous sautent dessus. On aurait pu croire qu’elle faisait partie de la sécurité – ou qu’elle s’apprêtait à commettre un crime et repérait les caméras et les issues de secoure.

— Quelle plaie, a-t-elle sifflé après avoir vérifié l’heure pour la troisième fois.

Il s’était à peine écoulé trente minutes.

— Il est peut-être pas trop tard pour accepter l’offre de Théo, lui ai-je fait remarquer.

— Je préfère encore poireauter là pendant cinq…

Sacha s’est raidie sur sa chaise. Avant que j’aie pu lui demander ce qui n’allait pas, elle s’est retournée en me fouettant le nez avec sa tresse.

Un petit attroupement de policiers s’était formé au milieu du hall, escorté d’un Berger Allemand. Ils s’échangeaient des papiers, l’air méga sérieux. L’un d’eux a commencé à balayer le terminal du regard et ses yeux se sont arrêtés sur nous. Sacha a piqué du nez sur ses chaussures.

— Tu crois qu’ils cherchent de la drogue… ? ai-je demandé.

— Je crois que c’est nous qu’ils cherchent.

Le groupe s’était mis en mouvement et il venait dans notre direction.

— Ces messieurs ne m’ont pas l’air très amicaux, a remarqué Hervé.

Sacha s’est levée.

— Suis-moi, a-t-elle dit en avançant d’un pas mesuré vers les toilettes.

Ça n’a pas loupé. On n'avait pas fait deux mètres que les types se sont exclamés « stop ! », puis ils se sont mis à courir.

— Filez ! a lancé Hervé. J’en fais mon affaire !

Il a bondi dans une poubelle au moment où les policiers passaient à proximité : son contenu leur a explosé à la tête façon pétard de Noël. Ça nous a laissé le temps d’atteindre les toilettes.

On a déboulé dans la pièce comme un ouragan, faisant sursauter une dame en train de se remaquiller. Sacha m’a poussé dans une cabine de toilette, si violemment que j’ai fini couché sur la lunette – et elle n’était pas propre, ça non… – puis elle a claqué la porte derrière nous. À peine trois secondes plus tard, les policiers débarquaient à leur tour.

Tassés de chaque côté de la cuvette, Sacha et moi avions disparu sous nos manteaux lorsqu’ils ont ouvert le battant. Par réflexe, j’ai retenu mon souffle, ce qui était stupide puisqu’ils ne pouvaient plus ni nous voir ni nous entendre. Dans le fond, la dame pointait notre cabine avec véhémence, un trait de rouge à lèvre en travers de la joue. Un des hommes s’est attardé dans l’encadrement de la porte et à tendu le cou, des fois que nous soyons cachés au fond de la cuvette. Puis il est allé inspecter le reste des toilettes avec ses collègues.

— Attendons qu’ils dégagent, m’a glissé Sacha.

C’était sans compter le chien.

Il s’est engouffré dans la cabine en reniflant et a fini la truffe sur mes baskets. J’en ai bondi sur le siège des toilettes. À la grande surprise de son maître, le Berge Allemand a plaqué les oreilles en arrière et montré les crocs. Les faucheurs avaient-ils une odeur particulière… ? Peut-être. Ou alors, il flairait la puanteur de mes chaussettes de trois jours. Quoi que ce soit, ça ne lui revenait pas. Il s’est mis à aboyer après nous en tirant sur sa laisse.

— Euh… Sacha…

Les policiers ont tous rappliqué. Perplexes, ils s’exclamaient par-dessus les jappements du chien. Si l’un d’eux se décidait à avancer pour tâtonner à droite à gauche, on était dans de beaux draps.

— Viens !

Sacha s’est enfoncée dans le mur et je me suis empressé de la suivre.

Laissant le raffut derrière nous, on a enchaîné les pièces et les cloisons. Les odeurs, les sons et les images se sont succédé. L’espace s’est ouvert en grand et Sacha s’est finalement arrêtée.

J’ai tangué, désorienté, le cœur au bord des lèvres – note : ne pas traverser les murs l’estomac rempli de sandwichs. Quelqu’un m’a percuté de plein fouet et je me suis étalé sur le lino. Le vivant en est resté sur les fesses. Quant à moi, il se peut que je me sois vomi dans la bouche.

Sacha a évité de justesse deux enfants qui chahutaient, mais une femme lui a roulé sur le pied avec son chariot à bagages.

— Par ici ! ai-je dit.

Un kiosque pointait non loin de là, à mi-chemin entre les portes d’embarquements. Ni une ni deux, on a bondi sur le toit où on s’est effondré comme des naufragés sur un rocher. Y a pas à dire, les vivants gagnaient à être vus du dessus.

— Le respect se perd ! a fait Hervé en se matérialisant près de nous. Si ces messieurs savaient à qui ils avaient affaire…

— Comment ça se fait qu’ils nous cherchent ? s’est étonnée Sacha.

— Sais pas. La police a peut-être pas aimé que tu disparaisses de l’hôpital sans dire au revoir. Ou Huch a changé d’avis.

— Qui ?

Mais elle enchaînait déjà :

— C’est n’importe quoi ! On est que deux gosses qui ont volé une voiture, pas de quoi lancer une chasse à l’homme ! Et pourquoi est-ce qu’ils ramèneraient un chien ?

— Peut-être qu’ils nous prennent pour des passeurs de drogue.

Sacha m’a fixé, sourcils froncés.

— T’as fichu quoi, au commissariat ?

— Moi ? Rien.

D’accord, Hervé avait un peu mis le bazar, mais ce n’était pas des feuilles de marijuana qu’il avait semé dans le bureau. On n’a pas eu le temps de se questionner davantage : nos amis les policiers étaient de retour. Deux d’entre eux suivaient Rex le chien qui reniflait consciencieusement le sol. Les autres se sont séparés pour couvrir plus de terrain.

— Qu’est qu’on peut faire ?

— Flinguer le clébard.

Elle plaisantait, bien sûr.

— Laissez, je me charge du limier ! a annoncé Hervé en bombant le torse.

Aussitôt, il a disparu et réapparu sous la truffe de l’animal en hurlant « BOUH ! ».

Rex n’a pas été très impressionné, il faut le dire. Il s’est ramassé sur lui-même, puis il a bondi en avant et aboyé à la tête d’Hervé, genre « Bouh toi-même ! ». Hervé a glapi et battu en retraite ventre à terre. Le chien a foncé derrière lui en entraînant son maître, droit sur le kiosque. Là, il s’est dressé sur ses pattes arrière et a aboyé de plus belle vers le ciel.

— Merci du coup de main, a raillé Sacha. Qu’est-ce qu’on ferait sans toi ?

— Mille excuses…

Les autres policiers n’allaient pas tarder à accourir. Même s’ils ne pouvaient pas imaginer qu’on se soit réfugiés là-haut, l’insistance du chien allait sûrement les pousser à vérifier que rien d’illicite n’y traînait. Sacha et moi avons sauté plus loin, au milieu des voyageurs, puis par-dessus les rangées de sièges, Hervé volant dans notre sillage. Rex nous a pourchassés jusqu’au bout du terminal, dans un sens, puis dans l’autre. Acculés, on a foncé dans le mur et émergé sur la piste où une bourrasque brûlante nous a fouetté le visage.

— Et si on montait sur le toit de l’aéroport ? ai-je proposé. Ils pourront pas nous suivre, là-haut.

— Eux, peut-être pas…

Mais plus nous utilisions nos pouvoirs, plus nous prenions le risque d’attirer l’attention du Chevalier noir. Et notre vol ne décollait que dans deux heures. Deux heures qu’il faudrait passer à jouer à cache-cache avec les vivants. Au-dessus de nous, le ciel s’était couvert.

— Oh, je n’aime point la tournure que tout cela prend, a gémi Hervé, qui serrait sa canne comme s’il s’agissait d’un talisman. Non point…

Mâchoires crispés, Sacha a fait un tour complet sur elle-même, à la recherche d’une solution.

La solution s’est présentée sous la forme d’un petit avion qui attendait, porte ouverte sur le tarmac, que ses passagers embarquent. En l’occurrence, il n’y avait qu’une personne en bas de l’escalier, un jeune garçon en costume-cravate qui pianotait sur son téléphone : Théo Reddy.

Il nous a aperçus, plantés comme deux idiots sur la route des véhicules de service, et a levé la main pour nous faire coucou.

— Qu’est-ce qu’on fait ?

Mon regard a croisé celui de Sacha. Le problème, c’était moi. Je ne savais pas me cacher à la fois des vivants et des morts.

— Peut-être qu’on devrait se séparer…

— Qu’est-ce que tu comptes faire, au juste ? a renvoyé Sacha avec véhémence. Partir en courant à travers le désert jusqu’à ce que le Chevalier vienne te cueillir ?

— C’est mieux que d’attendre ici qu’il nous cueille tous les deux, non ?

— Non ! a-t-elle crié, si fort que j’en ai sursauté avec Hervé.

L’émotion avait jeté une couche de rouge supplémentaire sur ses coups de soleil. Elle a inspiré profondément et poursuivi d’une voix plus maîtrisée :

— Réfléchi : il a pris le risque de se dévoiler devant Azraël pour te sauver la vie. Tu possèdes quelque chose qu’il veut absolument. Quelque chose dont il doit avoir besoin pour mener ses plans à bien. On peut pas le laisser s’en emparer.

— Tu m’as fait peur. Une seconde, j’ai cru que tu t’inquiétais pour moi.

Ma plaisanterie a fait un flop. Le souffle haché, ses yeux bleus écarquillés par la terreur, Sacha faisait la navette entre Théo et l’aéroport. Je pouvais presque voir le dilemme qui se jouait dans son esprit – la peste, le choléra ou l’apocalypse ?

— Eh, ai-je lâché, et elle s’est tournée vers moi. Ça va aller.

Elle a cillé, pris une grande inspiration, sûrement pour me hurler le contraire, puis s’est ravisée. Moi aussi, j’avais les jetons. Je gardais un souvenir très vif de chaque rencontre avec le Chevalier noir. S’il nous tombait dessus maintenant, nous étions fichus. Mais à quoi bon paniquer ? Lorsqu’elle a repris la parole, Sacha semblait avoir remis de l’ordre dans ses idées.

— Barrons-nous de ce pays.

— Ça me va.

On s’est élancés vers Théo.

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MichaelLambert
Posté le 14/11/2022
Salut Neila !
Ah je ne lui fait pas confiance à ce Théo, moi ! En plus il roule en Mercedes : si c'est la même que celle qui rodait autour du President à Florence, Enzo est vraiment peu observateur en plus d'être un grand naïf ! ;-)
J'ai eu un petit doute sur le papier que le policier faisait signer au chauffeur de Théo : est-ce que la police n'exigeait pas au moins le nom de la personne qu'elle acceptait de relâcher ? Mais bon, j'ai bien ri avec le coup de la liste de course et j'ai vite oublié ce détail : Enzo à d'autres problèmes plus grave que de savoir que son père serait contacté par la police égyptienne !
Enfin, génial l'explication des langues ! La mise en situation ça vaut mieux que toutes les descriptions théoriques préalables ! Bravo ! Et c'est marrant, j'utilise moi-même un phénomène similaire dans mon histoire en cours pour que des enfants puissent dialoguer avec des esprits et des animaux !
A très vite pour la suite !
Neila
Posté le 15/11/2022
Personne ne fait confiance à Théo. Pauvre garçon !
Y a quand même plein de gens qui roulent en Mercedes. :p Mais mais... Enzo est peut-être pas aussi naïf et inobservateur qu'il en donne l'air.
Très honnêtement, j'ai aucune idée de comment fonctionne la police, surtout en Egypte. ^O^ Mais dans l'idée, John le chauffeur a donné un gros pot-de-vin au policier justement pour pas avoir à donner de vrais noms ou quoi. Signé John Doe, affaire classée. Franchement, je suis sûre que ça arrive plus qu'on ne le croit...
L'arrivée de Théo, c'était le bon moment pour expliquer ces histoires de langues, oui ! C'est vrai que c'est rudement pratique, la traduction magique. Bon, l'ennui c'est que ça peut pas marcher avec tous les personnages (comme Théo), ça m'aurait paru un peu abusé. Au début ça m'embêtait beaucoup, ces problèmes de communications, puis j'ai réalisé que je pouvais en jouer pour des effets comique, ou même pour l'intrigue.
En tout cas merci ! J'espère que la suite de l'aventure va te plaire.
Isapass
Posté le 13/09/2022
Hello !
Je me suis évidemment jetée sur le chapitre quand tu l'as publié, mais ce n'est que maintenant que je trouve le temps de te faire un commentaire. Ceci dit, mes retours vont encore être en mode fangirl, parce que je n'ai pas grand chose à dire.
J'ai eu un peu peur en voyant la taille du chapitre et pourtant je n'en ai fait qu'une bouchée, sans y trouver de longueur ni de temps mort.
J'ai eu peur que Sacha et Enzo soient séparés plus longtemps. Je trouve que leur duo (trio avec ce cher Hervé) marche très bien et j'aurai eu un pincement au coeur s'il avait été rompu. Ceci dit, ce serait peut-être bon pour Enzo qui est parfois... un peu écrasé par la personnalité de Sacha XD Je craignais aussi que cette dernière ait plus de séquelles de l'accident, mais ce n'est pas une faucheuse pour rien.
J'ai beaucoup aimé l'inquiétude d'Enzo à l'idée de son père rentrant dans un appartement vide ou contacté par la police égyptienne. Ca sonnait très juste, même dans le tourbillon d'action du chapitre.
Enfin je dis tourbillon... ce n'est pas trop non plus, hein : il y a des moments plus calmes qui permettent aux héros et aux lecteurs de reprendre leur souffle, mais globalement, c'est soutenu.

Inutile de dire que le jeune Theo m'intrigue beaucoup. J'ai espéré au début que ce soit un autre faucheur, un prématuré. Mais apparemment, c'est bien "juste" un voyant. Je me demande comment il va s'insérer dans cette histoire. Je pressens que la coïncidence de le trouver juste à la porte du commissariat n'en est pas une (trop faciles, les coïncidences !) Mais je n'aimerais quand même pas qu'il soit dans le camp des méchants. Si c'est le cas, il est vraiment très bon acteur. En revanche, s'il rejoint le groupe et qu'il est vraiment juste un voyant, j'ai peur qu'il les ralentisse. Et si c'est le cas, Sacha n'a pas fini de pester !

Pour le truc des langues, je m'étais brièvement fait la réflexion, mais je l'avais chassée en me disant que les faucheurs devaient avoir une sorte de "traducteur automatique intégré" dans leur arsenal. Je n'étais pas si loin de la vérité ;)

En tout cas j'ai encore passé un très bon moment.
A très vite !
Neila
Posté le 19/09/2022
Salut Isa !
Figure toi que je ne vois ton commentaire que maintenant. J’ai pas reçu la notif’. >.< (qu’est-ce que c’est que ce site ?? je vais aller me plaindre à la direction).
Je suis très, très, soulagée de t’entendre dire que le chapitre se lit bien malgré sa longueur, et qu’il n’y a pas de temps mort. C’était un peu ma crainte. x’D
Personne n’a l’air d’avoir envie de voir Enzo, Sacha et Hervé séparés très longtemps. Ce qui est plutôt bon signe, je crois. Ça doit vouloir dire que leur trio fonctionne bien. Mais… c’est pas faux que ça ferait peut-être un peu de bien à Enzo de s’affirmer face à la personnalité écrasante de Sacha. J’ose espérer qu’il arrive à s’affirmer à sa façon d’ici la fin du tome… c’est une trajectoire que j’ai essayé de prendre en tout cas. Faudra me dire si ça se ressent ou pas.
En attendant le trio devient un quatuor. :p (faut croire que j’aime ça, j’y reviens toujours) J’espère que tu n’es pas trop déçue que Théo ne soit pas un faucheur. Faut dire qu’il y a déjà deux faucheurs et un mort dans l’équipe, ça me semblait important d’ajouter un personnage qui représente les vivants « normaux » (bon, il est pas tout à fait normal puisque c’est un voyant, mais tu vois l’idée). Faut pas oublier que les faucheurs vivent dans notre monde, et on est en droit de se demander comment les deux univers cohabitent. Je pense que ce serait dommage (et peu crédible) que les faucheurs restent complètement déconnectés du monde des vivants.
Enfin bref ! J’espère que la nouvelle dynamique qui va s’installer, le personnage de Théo et ses mystères, seront intéressant à lire. ^^ (Sacha n’a pas fini de pester, ça oui)
T’étais pas loin de la vérité pour les langues, oui ! Si ça semble « logique » avant même que je fournisse l’explication, c’est top !
Merci Isa. <3 J’espère que tu passeras d’encore meilleurs moments avec la suite.
LionneBlanche
Posté le 11/09/2022
Ouais Enzo ! Cadeau du dimanche :) Coucou Neila !

Eh bien ils s’en sortent bien. Enfin pour l’instant. Peut-être. Ou pas ^^
C’est quand même curieux qu’Enzo ait un voyant dans ses « relations » et qu’il le retrouve par hasard en Afrique et accepte de lui venir plusieurs fois en aide sans même poser de questions. Il avait déjà repéré Enzo… J’ai envie de croire que c’est un gros coup de bol, qu’il aide Enzo car lui aussi voit les esprits et qu’il est heureux de ne pas être seul. Mais je suis une auteure, et forcément, je n’ai pas confiance. En tout cas, là ils n’ont pas trop le choix et je trouve que c’est bien, quelque part. S’ils étaient partis avec Théo par facilité, je n’aurais trouvé ça ni logique ni prudent. De cette manière-là, vu qu’ils sont acculés, ça fonctionne.

Je n’étais pas rassuré au début, quand les policiers ont séparé Sacha et Enzo. C’était logique, mais j’avais peur qu’il peine à la retrouver et puis je redoutais les ennuis car mineurs sans papiers dans un pays étranger, et dans une voitures volée… L’état de choc d’Enzo est bien raconté, je trouve, mais purée que j’ai eu peur quand ils ont demandé à déverrouiller le téléphone ! Rien que d’imaginer la réaction du père : ouille !
C’est bien qu’on aide Enzo parce que ça aurait peut-être été un peu trop facile qu’il arrive seul à s’échapper, enfin, avec Hervé. Ce sont des policiers, en face, mine de rien, et je n’aime pas trop quand les pouvoirs n’ont pas de limite. Là, il doit jouer avec les caméras, avec le danger d’attirer le chevalier noir en les utilisant, et ça équilibre ;
C’est bizarre ce copain quand même. C’est obligé, il y a un truc ! ^^

Le coup des langues, je suis totalement passée à côté. Pourtant c’est évident ! Aucun n’a les mêmes origines et tout le monde se comprends. Non seulement Enzo et Sacha, mais Azraël aussi. En vrai, je pense que ça m’a semblé naturel à cause des esprits, parce qu’une fois désincarné, ça m’étonnerait qu’il reste encore la barrière de langue. Comme les Faucheurs sont entre les deux, ben, je n’ai pas tilté. ^^

Sinon, si tu pouvais dire à Sacha qu’on ne fait PAS de mal aux animaux… ^^
D’ailleurs, en parlant ‘elle, la miss est sur la même piste que moi : le chevalier noir a besoin de quelque chose dans la mémoire d’Enzo…

Mais Théo, en vrai… Ahhhh !!!! Je veux savoir !!!! ^^

Hm, hm. À bientôt Neila ! ^^
Neila
Posté le 13/09/2022
Coucou Lionne !

Ils s’en sortent bien… peut-être, peut-être pas, comme tu dis. :p
Mais ! Tu mets en doute la sincérité de Théo ? :O
On est d’accord, ça n’aurait pas été crédible qu’ils acceptent l’aide de Théo sans y être forcés, Sacha étant pas du genre à faire confiance (surtout que, comme toi, elle croit pas une seconde que Théo leur soit tombé dessus par hasard) et Enzo étant pas du genre à insister. Je suis bien contente de t’entendre dire que ça fonctionne comme ça ! J’avais un peu peur que ça paraisse tout de même un peu forcé, qu’on sente les ficelles. >.< Ce qui est frustrant c’est qu’il y a une vraie bonne raison pour que la police soit à leur trousse, mais pour le moment je peux montrer que la partie émergée de l’iceberg...
Contente que l’évasion du poste de police ne t’ai pas semblé trop facile ! J’étais heureuse de pouvoir faire intervenir Hervé (ça m’embêterait qu’il soit réduit au simple rôle de donneur d’exposition) et aussi, Théo. 0:)
Pour les langues, franchement, je m’attendais à ce que quelqu’un se pose la question bien plus tôt, mais personne l’a fait ! Ce qui m’arrange. À la base, je voulais expliquer tout ça quand Enzo rencontre Sacha, mais ça finissait par faire beaucoup trop d’exposition dans le début de l’histoire… alors j’ai décidé de gardé l’explication pour la suite, en espérant que les lecteurs ne soient pas ennuyé par cette question. >< Je suis soulagée de t’entendre dire que ça te semblait naturel qu’ils puissent se comprendre ! Bon, avec l’arrivée de Théo, la communication va être un peu plus compliquée, mais j’ai essayé d’en tiré partie pour pimenter les choses… Faudra me dire si à certain moment, on ne comprend pas qui comprend ou ne comprend pas quoi. ^o^
Sacha ne serait jamais passé à l’acte, voyons. Le seul animal qu’elle apprécie maltraiter, c’est l’humain.

En tout cas, un grand merci à toi pour être toujours au rendez-vous, et toujours aussi enthousiaste ! Ça me fait chaud au cœur. <3

A bientôt !
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