17- Temps Mort

Lazarus avait à peine franchis le portail du domaine que Madame Regiris me tomba dessus.

« Pour l’amour de Cassini, que t’avais-je dit? » Elle siffla de colère. Visiblement Lazarus avait employé ces quelques dizaines de mètres à cracher son venin sur moi, car elle ne prit pas même une inspiration avant de déverser son monologue acide.

Mon Esprit Familier m’est témoin, j’aurais vraiment aimé lui couper la porte, et dire quelque chose, n’importe quoi. Je l’aurais fait, si cette main n’était pas toute occupée à m’écraser le coeur à mort, si quelqu’un n’avait pas pétrifié ma gorge, si l’air parvenait encore dans mes poumons.

Je finis par faire une tentative pour ouvrir la bouche, et la brève goulée d’air me fit bien comprendre que mes mots seraient comptés. Les larmes s’annonçaient en fanfare si rapide et si stupide que j’en fus outrée. Je tentais de réfléchir mais une brume lourde s’était logée entre mes yeux et je ne voyais pas comment m’en débarrasser.

« Je te parle, jeune fille! » Elle tonna alors, l’index accusateur, les joues rosies par l’échauffement.

Elle allait me crier dessus. Personne avec ce visage si, prenant ces goulées d’air, ne pouvait s’apprêter à baisser d’un ton. Elle allait le faire, et si je ne l’en empêchais pas, cela me ferait pleurer.

Aucun doute là-dessus, ma gorge était trop contractée, au point que je peinais à avaler ma salive, je doutais même de pouvoir attendre davantage.

Je ne pouvais pas pleurer devant cette femme. Je refusais. Non, non. Plutôt mourir que de lui pleurer dessus, d’autant qu’elle se dépêcherait de le répéter à Petite Merde et il n’en était pas question. Ce connard n’était pas capable de m’attendre de la sorte, et si d’Aventure il l’apprenait, il se dépêcherait de penser le contraire. Ce qui était ridicule.

Face à un tel niveau de crise, je me mordis las joue jusqu’au sang, jusqu’à mettre une halte au tremblement de mes lèvres, et je me levais d’un bon.

« Je suis désolée de vous décevoir. » Je dis d’un ton franchement top. Détaché au possible, apathique même. Si on faisait abstraction du tremblement de ma voix, et de mes yeux brillants, mais je ne voyais pas dans quel univers elle pourrait en avoir quelque chose à faire.

Je toute manière, je ne pouvais pas faire mieux.

Pas question de lui laisser la moindre chance de riposte, je pris congés avec une rapidité assez remarquable pour une personne ayant un genoux et demi -et encore c’était généreux.

Grand bien m’en fit d’ailleurs, car mes larmes n’eurent pas même la délicatesse d’attendre que la porte ne se ferme pour se mettre à couler. Heureusement, elle ne m’avait pas suivi, et je pus faire quelque chose de vraiment stupide, comme me laisser sangloter pour de bon.

Il ne me fallut pas trois secondes pour réaliser à quel point c’était ridicule. Pleurer de la sorte, vraiment, bravo Sidonie, bravo la maitrise de soi! Une véritable génie Ah! On allait aller loin avec ça.

Je fis vraiment tout pour me ressaisir, allant même jusqu’à hurler dans mon oreiller. D’ordinaire cela marchait, à peu près.

D’ordinaire aussi, il y avait Daniel.

Mais il n’était pas là, alors il allait falloir se ressaisir soi même. Je ne pouvais pas continuer ainsi, à pleurer comme une sotte, ce serait trop stupide, et que ce fut à cause de Petite Merde, rendait l’affaire scandaleuse.

Ah qu’ils auraient honte de moi! Eux et leurs âmes de fer, bravant les flots de la plus terrible des tempêtes, sans jamais hésiter ni ciller. Me voir m’effondrer face à une toute petite question, si ridicule, si insignifiante, cela leur serait grotesque. Je devais faire mieux sans quoi je les rejoindrais tous et il n’en était pas question.

Lizzie.

Le dernier regard qu’elle m’avait lancé me marqua les rétines au fer rouge. Un regard furieux, trahi. Cela ne pouvait être le dernier. Il fallait s’endurcir donc, comme toujours, mais se plaindre ne servirait à rien. Pas plus que pleurer. Tout ce que j’y gagnais, c’était cette fatigue débilitante et ce mal de tête de crétin.

Personne ne vint me déranger.

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Cléooo
Posté le 16/09/2024
Hello Dramallama ! Mais que ce chapitre est court :O

Elle a enfin son moment de craquage (bien mérité je pense, elle en a pris pour son grade pendant les seize chapitres précédents !).
En tout cas je comprends bien son besoin de craquer en privée. On dirait que Lazarus a trouvé sa corde sensible (ça et Lizzie) et il serait dommage qu'il s'attarde plus encore sur le sujet (même si je suis persuadée qu'il va le faire).

J'enchaîne sur le chapitre suivant !

"j’aurais vraiment aimé lui couper la porte" -> je ne suis pas familière de cette expression.
" Ce connard n’était pas capable de m’attendre de la sorte, et si d’Aventure il l’apprenait, il se dépêcherait de penser le contraire." -> de m'atteindre de la sorte je suppose, mais je ne comprends pas "se dépêcherait de penser le contraire".
A Dramallama
Posté le 16/09/2024
Hello Cléooo!

Oui, petit chapitre, c'est le moment de désespoir et de craquage, et elle ne s'autorise qu'une toute petite parenthèse donc il est court ^^

Mais oui Lazarus a appuyé là ou ça fait mal, et le pire c'est qu'il avait posé la question pour des raisons complètement différentes... mais oui, ça va revenir sur le tapis eheheheh!
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