Ce furent les rayons du Meriel qui me réveillèrent, sans grande subtilité d’ailleurs. Je m’étais après tout endormie comme une masse contre le mur de ma fenêtre, aussi l’aube vint me tabasser les paupières en fanfare. Un mal de tête martelait encore mes tempes, aussi je me levai avec la grâce et l’élégance d’un pourceau.
Bon.
Il était plus que temps que je mette en place un PEG (Plan d’Évasion Génialissime, marque déposée), pour me sortir de là. Si je commençais à craquer face à une simple question, cela n’allait pas le faire. D’autant que c’était peut-être son plan, de me faire chier de la sorte. Peut-être espérait-il m’épuiser émotionnellement afin de m’affaiblir, de me réduire à un blob à la capacité émotionnelle d’une petite cuillère pour enfin m’écraser.
Dommage pour lui, j’étais déjà un petit blob, vraiment charmant, et assez maligne en manière d’évasion. Je décidais donc d’envoyer toute ma tristesse bien loin, sous mon tapis métaphysique, et jurais d’y faire face plus tard, quand je serai libre et d’attaque.
Je commençais donc ma routine, mais quand je sortis de la salle d’eau, je tendis l’oreille. Aucun bruit, rien.
Bien.
Il était temps de visiter plus en détails les lieux.
J’entrepris donc de cartographier les lieux le mieux possible, sans trop me faire remarquer. Ce n’était pas la tâche la plus aisée au monde, en particulier avec le parquet grinçant et les petits spectres. Ils avaient la fâcheuse manie d’apparaitre sans prévenir, et je dus plusieurs fois me cacher. Je n’avais aucun cristal de conjuration sur moi, et si ces fantômes avaient l’air spectral, je n’avais pas les nerfs pour supporter que l’un d’eux me remarque et se mette à hurler -d’autant que cela aurait réveillé toute la maison, ce qui aurait été assez contre productif.
Je finis par faire le tour du red-de chaussé, composé d’une dizaine de pièces, toutes assez grandes et la majorité dans un assez mauvais état -le salon bleu et la cuisine mis à part. Je finis ma quête sur la porte d’entrée, non sans un certain dépit. Elle était bien plus massive que dans mes souvenirs, et je remarquais alors une pierre translucide cernant son poteau. Ce n’était pas une pierre ordinaire, il en émanait un halo argenté. Qu’est-ce que-
Des pas retentirent alors dans l’escalier, et j’eus à peine le temps de bondir dans la bibliothèque qu’une petite silhouette apparut dans le cadre de la porte.
« Ah Dodo! Bonjour bonjour! Tu es réveillée, c’est trop chouette! » Britannicus me salua, tout heureux, et mes lèvres s’étirèrent immédiatement en un sourire.
« Bonjour à toi, tu as l’air tout content, c’était bien la fête foraine hier? »
« Trop trop, trop bien. Genre, trop bien. Tu aurais du venir, la prochaine fois il faut que tu viennes. » Il dit « On a fait plein de choses, mangé, ça c’était vraiment chouette, et d’ailleurs j’ai faim. Est-ce que tu peux faire de la bouillie? »
Je jetais un petit coup d’oeil à l’horloge. Dix heures, le temps avait bien vite filé- mais d’ailleurs-
« Madame Regiris n’est pas levée? »
« Non, et elle va pas se lever aujourd’hui, elle a ses allergies, et Scetus il est occupé, et j’ai faim. »
« Et bien en avant! » Je dis, et je n’allais pas mentir, l’idée de ne pas avoir à faire face ni à Madame Regiris, ni Sceptidébile n’était pas pour me déplaire. Nul doute qu’elle ne devait pas être ravie de ma prise d’escampette et en remettrait une couche à la première occasion.
Sans cette ombre dans le coin de ma tête, la matinée fut joyeuse à souhait. Britannicus s’était visiblement bien amusé à la foire hier, au point de me raconter en détail chaque minutes de son périple, tout particulièrement du labyrinthe de miroirs, dans lequel il ne s’était absolument pas perdu et n’avait pas eu peur une seconde -apparemment pour la plus grande surprise de son frère.
« Le secret, c’est tu mets le doigts avec lequel tu as tenu ta pomme sucrée sur le miroir, et toujours du même côté, mais lui dis pas que je t’ai dis ça, il était trop fier de moi. » Il m’avait chuchoté, et je promis bien entendu.
De toute manière je n’eus pas à le faire. Midi sonna, et visiblement personne d’autres ne semblait décidé à se lever. Nous fûmes donc des sandwich et de la cannelle infusée, puis nous montâmes dans la chambre de Britannicus afin d’y faire un petit pique nique autour d’un jeux d’échecs.
Il jurait ne pas connaitre les règles et ne jamais y avoir joué, mais il m’avait déjà battu trois fois quand l’horloge sonna une heure.
« Et encore échec au mage! » Il dit en bombant le torse, se saisissant de mon pauvre petit mage, à peine déplacé, si vite écrabouillé par ce fichu pion, qui n’avait pas même le mérite d’être spécial.
« Ok, tu y as joué avant. »
« Bon, ouiii, un tout petit peu, mon grand-père, il était super fortiche et il m’a appris. » Il avoua alors « Mais les gens veulent pas jouer avec moi quand je dis ça. On peut faire autre chose si tu veux.»
« Oh si tu crois que je peux m’arrêter après une pareille défaite, tu te trompes lourdement jeune homme! »
« Ouais, trop bien! Il faut que tu fasses plus attention à tes ésotériciens Dodo, et aux miens. Ça va pas loin, mais ça peut sauter des lignes de défenses et c’est comme ça que tu perds tes conjurateurs- Oh, au fait.! »
Il se leva d’un bon et fila près de sa table de chevet, dont il extirpa un petit sac brun.
Il revint vers moi, un sourire lumineux aux lèvres.
« Pour toi. » Il dit, en me tendant le petit sac.
« Oh, merci, c’est adorable - Des caramels? » Je rugis avec grace et féminité quand j’ouvris le sac.
« Ouiiiiii je te les ai mis de côté! Je voulais te les donner hier mais Scetus a dit que tu dormais. C’est vrai?»
« J’étais fatiguée. Oh merci Britannicus! J’adore les caramels.» Je dis, car la dernière chose dont j’avais envie, c’était d’embarquer le petit dans toute cette affaire.
Mais Britannicus ne hocha pas la tête de manière absente, bien au contraire. Il se mit à me fixer de haut en bas, les sourcils froncés, comme s’il cherchait quelque chose.
« M’sieur a été méchant avec toi. » Il finit par dire, d’un ton si dur, trop pour un gamin.
« Non, pourquoi-»
« Maman disait ça aussi, qu’elle était fatiguée. Elle avait les yeux rouges et parfois noirs, et elle était fatiguée. » Il renchérit alors en pointant mon visage de ses deux index « Faux Papa la fatiguait avec ses poings.»
Je demeurais un moment interdite, la réalisation de ce qu’il venait de dire me frappant la nuque, comme une vague glacée.
« Écoute Britannicus-»
« Non, toi tu m’écoutes. Si M’sieur est méchant avec toi, il faut le dire. » Il poursuivit alors, le visage grave « Sinon un jour tu seras sur le sol du salon, et tu seras tellement fatiguée que tu ne te réveilleras plus jamais. Tu as plein plein plein de trucs à faire avant de t’endormir comme ça. Donc tu me le dis, et je le dirai à Scetus. Il a fatigué l’autre, et il fatiguera M’sieur. »
« Tu n’aimes pas Lazarus? »
« Il est plutôt chouette avec moi. Quand je suis arrivé ici, il m’a donné plein de livres, bon en salemni donc je les ai pas encore lu, mais s’il est méchant avec toi c’est pas important. » Il répliqua furieusement, les sourcils de plus en plus froncés « Il faut juste le dire-»
« Je te le dirai, promis» Je dis calmement, en posant ma main sur son bras « Il a posé simplement des questions, c’est tout. Sur ma famille. Celle de sang, et j’ai tendance à assez mal réagir quand ça se produit. »
« Ah, d’accord! » Il poussa un grand soupire de soulagement et son visage se détendit, même s’il conservait une certaine dureté. « Pourquoi ils posent toujours ces questions là? »
Je demeurais silencieuse un moment, car pour être franche, je n’avais pas vraiment de réponse à sa question, mais il me regardait avec une certaine curiosité, désespoir presque, alors il allait falloir improviser.
« Par empathie? » Je finis par dire, sans grande conviction, et cela se vit, car Britannicus leva les yeux au ciel.
« Mais ça nous fait mal d’en parler, donc ils devraient éviter le sujet. »
« Parfois ça fait du bien d’en parler, apparemment. Un jour Madame Catherine me l’avait dit, que si je voulais en parler, je pouvais, elle m’écouterait. »
« C’est qui Madame Catherine? »
« C’est ma mère de loi, elle est gentille. »
« Elle le prend pas mal quand tu l’appelles comme ça? »
«Si, mais… je n’arrive pas vraiment à l’appeler autrement. Ça ne veut pas dire que je ne l’aime pas, vraiment je l’aime, c’est juste… »
« C’est pas ta maman. Et tu l’as fait, tu lui as tout dit?»
« Je le ferai un jour, probablement- pour être franche, je ne suis pas convaincue que ça changerait grand chose, à part la rendre triste, et je ne vois pas l’intérêt. »
« Je suis d’accord, ça réveille personne de parler, ça change rien. » Il dit tranquillement « M’sieur a pas à te demander ça. Scetus je l’laisse demander parce que c’est mon frère, mais M’sieur ça m’étonnerait qu’il soit le tiens.»
« Tiens, et pourquoi ça? » Je demandais, non sans un petit sourire « je ne porte pas assez de costumes trois pièces? »
« Ah mais non, t’es bête Dodo! Vous êtes vachement différent, genre toi, tu parles médelvio, et tu sens l’orange, et tu danses, et lui… je sais pas trop ce qu’il fait. Bon vous aimez tous les deux les caramels mais Mafalda aime pas alors que Scetus oui, donc ça veut rien dire-«
« Mafalda? »
« Oh, Mafalda, tu sais… Mafalda. » Il dit en pointant maladroitement sa porte, et probablement la porte en face de la sienne.
« Oh, Madame Regiris. »
« Ouais, elle. A part le brandy elle aime pas grand chose aussi. Faut dire que c’est pas une super maison, ça m’étonne pas qu’elle aime pas vivre ici.»
« Et toi, tu aimes vivre ici? »
« Scetus est gentil, mais il est pas souvent là, même quand il est ici. J’aimerais bien aller à l’école, mais… »
Britannicus se mordit les lèvres.
« Mais quoi? » Je demandais doucement.
« Maman était pas une magicienne, alors elle m’a pas appris à faire pioupioupiou avec mes mains, donc je sais pas trop, et à la maison on parlait le médelvio, donc les instructions magiques elles veulent pas de moi, mais comme je peux pioupioupioutiser, les autres écoles, elles veulent pas de moi non plus. Donc c’est Mafalda qui m’apprend des trucs, mais elle non plus, elle n’est pas vraiment là, et quand elle l’est, elle a beaucoup d’allergies. C’est pour ça, que c’est vraiment chouette que tu sois là, parce que tu es gentille, et c’est aussi pour ça que si M’sieur est méchant avec toi il faut vraiment le dire.»
« Je te promets que je te le dirai, mais je te garantis aussi, que s’il essayait, je sais me défendre. »
« Ah bah c’est encore mieux! » Il dit, en frappant rapidement des mains et en cet instant, il me fit penser à Lizzie.
L’idée qu’elle puisse potentiellement se retrouver enfermer dans une maison, seule, comme c’était visiblement le cas ici, ce m’était insupportable. C’était, à vrai dire, assez pénible à voir chez lui. Ma mère aurait fait quelque chose, elle serait venue et aurait réglé la situation d’un revers de main.
Je me pris à espérer que quelqu’un là haut le fasse, mais personne ne semblait déterminé à envoyer le moindre signe.
« Britannicus, concernant l’école-»
Un immense fracas résonna dans toute la maison.
Le point positif dans cette affaire, fut que Britannicus eut si peur qu’il se pétrifia sur place. Il me jeta un regard de hibou, bien sur, et son teint s’approchait davantage du transparent que du rosé humain, mais il n’esquissa pas le moindre geste, ni émit le moindre son. Pas de cri, ni le moindre bruit, et ça c’était vraiment, vraiment, une épine en moins dans mes pauvres petits pieds. Ce bruit venait du couloir, et si nous respirions un peu trop fort, ça nous aurait entendu.
Car il y avait forcément un ça, derrière ce bruit. Ce n’était pas un fracas aléatoire d’une veille maison. C’était un bruit source et répétitif, comme une masse contre un mur, si cette masse avait pu provenir de l’intérieur du mur lui même. Les fracas s’accélérèrent, comme si quelque chose essayait de sortir- ok, non, quelque chose était en train de sortir de ce mur et il fallait absolument fermer la porte. Peu importe ce que c’était, je voulais une porte entre nous et cette chose, qui explosait le mur avec une telle force que des gravats de plâtre atterrissaient dans la chambre.
Les Esprits aient pitié, j’avais retiré mes chaussures et put donc voler jusqu’à la porte, mais avant que je n’eus le temps de la plaquer entièrement, une masse lourde tomba et je me pétrifiai tout à fait. Ça se mit en mouvement, se trainant au sol, et avec un peu de chance ça continuerait sa route-
Mais non, les Esprits n’avaient visiblement pas pitié car ça s’arrêta à moins d’un pas de là. Le parquet grinça et un poids s’accouda à la porte, non sans faire jouer la poignée, encore, et encore, et encore-
Bon, ce truc allait rentrer. Soit je le laissais, en espérant pour que ça ne jette qu’un coup d’oeil. Britannicus s’était glissé dans ses couvertures, et peut-être la porte pourrait me dissimuler-
Il y eu un bruit de raclement, puis un son sourd à côté de la poignée et- ok, non, non. Ce truc regardait par la serrure. J’en était certaine. Ça cherchait quelque chose à becter probablement, et si je le laissais entrer, nous finirions en roti, et non, hors de question.
Je pris donc une dernière inspiration et jetai un dernier regard à la pièce, espérant sans conviction y trouver une arme, n’importe quoi- mais non, il n’y avait rien.
On allait vraiment finir en roti.
Je m’abattis de toutes mes forces contre la porte. Un rugissement glaçant retentit dans mes tympans, s’insinuant dans mes veines et cristallisent mes entrailles.Le truc se mit à marteler la porte en hurlant- Bon, quelqu’un avait forcément- Madame Regiris devait avoir entendu ce bouquant-
Une bourrasque inouïe me fit valser au sol et une douleur franche jaillit du derrière de mon crâne -et de mon derrière tout court d’ailleurs- au point de me souffler l’air de mes poumons, et quand je levais les yeux-
Elle ne ressemblait pas à la ghoule de la cave, car pour commencer, elle avait des jambes, même si elles s’arrêtaient aux genoux. À elle aussi, il lui manquait un bras, mais l’autre apparaissait achevé, et la main était vraiment énorme. La ghoule me fixa pendant une glorieuse seconde, les yeux noir encre, le visage gris, visqueux et par pitié, par pitié que quelqu’un face quelque chose. C’était une ghoule par tous les Saints, et sans la moindre arme à disposition, elle allait se jeter sur moi, et me becter les entrailles, et aux secours, quelqu’un, n’importe qui-
Les ombres s’étirèrent alors, filant vers la porte- non, vers la ghoule. Ce n’étaient pas des ombres ordinaires, les ombres normales, c’était supposée gentiment demeurer sur le sol, pas s’envoler dans les airs, ni agripper les choses, quand bien même la chose en question était une ghoule. Un éclat de terreur balaya son visage cadavérique et elle se débattit d’une manière anormalement humaine. Rien ni fit cependant, les ombres de mains fondirent sur elle, agrippant la moindre parcelle de peau et se mirent à tirer. La ghoule n’eut aucune chance, et ce fut à peine si elle se débattit avant d’être littéralement taillée en petit morceau.
La violence impromptue de la scène me ratatina tant la cervelle que je fixais le sol pendant une bonne seconde, et renonçais à jamais récupérer des capacités mentales supérieures à celle d’une moule. J’entendis vaguement Britannicus éclater en sanglot, au loin, sans parvenir à bouger pour autant. Ce ne fut que lorsque les ombres filèrent à nouveau que je revins à moi même. Pas à cause de ce qu’elles avaient laissée derrière elle, mais à cause de leur direction. Elles allèrent sagement se dissimuler sous de grands pieds, eux même attachées à une silhouette massive.
Il me toisait de toute sa hauteur, à peine vécu d’un caleçon, ses cheveux blonds en bataille, ses yeux gris étincelant de colère-
« Qu’est-ce que tu fiches ici? »
- "PEG (Plan d’Évasion Génialissime, marque déposée)" -> xD
- "Il était temps de visiter plus en détails les lieux.
J’entrepris donc de cartographier les lieux" -> répétition un peu lourde
- coquille : "red-de chaussé"
- "ma prise d’escampette" -> je ne sais pas si ça se dit. On dit "prendre la poudre d'escampette" mais c'est une expression entière, je crois.
Ensuite :
Je pense que Britannicus risque de mettre à mal son PEG...
Par contre, je suis choquée de ce qu'il implique, le petit ! Lazarus a tapé, physiquement, sa maman ? :O Je le voyais plus sournois, plus dans l'aspect psychologique que du genre à frapper... Pas qu'il fut très haut, mais il chute dans mon estime.
Bon, j'ai pris une décision. Il faut qu'elle parte AVEC Britannicus. Voilà, simple et efficace.
Sinon, mais qui c'est, cette personne qui débarque en caleçon? Un nouvel habitant du manoir ou Sceptinul?
À bientôt :D
Oui Britannicus n'arrête pas de perturber son PEG ^^'
Alors par contre pour l'autre point, j'ai mal formulé l'affaire. Ce n'est pas Lazarus, mais le mari de la mère de Britannicus qui la battait, jusqu'à ce que ce qui devait arriver arriva, et que Britannicus atterrisse au Manoir Regiris... Lazarus est beaucoup de choses, mais s'il devait s'en prendre à quelqu'un, il ne se serait pas abaissé à utiliser la force physique (trop omeg), il aurait utilisé la magie. Résultat j'ai édité, j'espère que c'Est plus clair ^^' Mais oui, dans l'idéal, il faudrait qu'elle s'enfuit avec le petit !
Et l'imbécile en caleçon, c'est bien Scetus -pendant les corrections je clarifierai ce passage.
Encore merci pour tes conseils et remarques et à bientôt :)