Ils quittèrent la fenêtre du regard pour faire disparaître la troublante apparition. Ils n’échangèrent pas un mot. Merlin se repassait en boucle la phrase de sa mère :
« Tu ne la verras que très peu, mon chéri. »
Une voix tonitruante les fit sursauter. Sur le pas de la porte se trouvait une petite bonne femme coiffée d’un chignon et attifée d’un grand tablier. Ses joues rouges et les gouttes de sueur qui perlaient sur son front trahissaient une intense activité. Elle tenait à la main cinq artichauts qui semblaient fraîchement coupés. Leurs têtes étaient énormes et leurs feuilles ressemblaient à des écailles de dragon.
« Du potager à l’assiette. Vous allez voir, ici c’est le royaume des « princes », fit-elle en brandissant le bouquet comme une épée. La meilleure variété de tout le pays! »
Les crêpes, les petits gâteaux au beurre, Merlin était partant. Les artichauts, c’était moins sa bolée de cidre.
« J’espère que tu aimes les légumes, mon bonhomme », dit-elle en s’adressant à lui.
Sans même lui laisser le temps de répondre, elle se présenta. Autant le jardinier était avare de mots, autant Lilwenn, la cuisinière du manoir était bavarde. Elle avoua qu’elle aimait bien « conchenner ». Pas besoin de traduction, on comprit rapidement que cela devait signifier « faire un brin de causette », et pour elle, « un gros brin ». Normal, elle ne devait pas voir grand monde.
Puis, elle les aida à monter les bagages dans leurs chambres et leur fit visiter le manoir. Enfin, ce qui était permis, car madame Awena se réservait toute une aile. Et, il était hors de question que quelqu’un s’aventure dans ses appartements privés. Chacun chez soi !
Ce fut Merlin, qui posa la question qui brûlait les lèvres de tous.
« Arrière mémé, c’est la dame tout en noir qu’on a aperçu par la fenêtre en arrivant ? »
Lilwenn partit d’un rire franc.
« Evite de l’appeler comme ça mon bonhomme, si tu ne veux pas qu’elle te chasse à coups de canne dans les fesses. »
Puis comme sur un ton de confidence, elle précisa.
« Madame est fatiguée en ce moment, elle se remet de la mort de son quatrième époux. Vous la verrez pour le repas du soir servi à 18h00 pétantes. Madame déteste qu’on soit en retard. » Le message était clair.
Dans la chambre, Léonard poussa son deuxième soupir de la journée, encore plus profond que le premier.
« Le repas du soir servi à 18h00 ! Elle veut qu’on se couche comme les poules », dit-il en s’affalant sur le lit, qui avait l’air assez confortable. Heureusement, la literie ne datait pas de l’époque de la construction du manoir. Tu penses qu’on aura droit à un maître d’hôtel, qui ressemble à un croque-mort ?
- Il faudra faire quelques concessions. Ce n’est pas cher payé pour vivre dans un tel cadre, lui répondit avec douceur sa femme.
- Quatre maris ! Tu m'avais caché que cette vieille chouette était une veuve noire.
- Chéri, ne plaisante pas avec ça, quelqu’un pourrait t’entendre ! »
Marie commença à défaire une valise. Elle comptait bien engouffrer son contenu dans l’énorme armoire en chêne qui occupait un pan de mur, tandis que Léonard passait en revue la déco, qui était des plus sommaires. Un grand cadre qui représentait un paysage nocturne avec des arbres et un lac, une commode à trois tiroirs sur laquelle on avait posé un grand miroir et une armure bien astiquée qui semblait, elle, en revanche d’époque.
« Tu crois qu’elle a appartenu à une de ses nombreuses conquêtes ? demanda-t-il en se levant pour soulever la visière du heaume.
- Au lieu de divaguer, tu ferais mieux de m’aider à nous installer. »
Mais, Léonard avait l’intention de livrer ce qu’il avait sur le cœur.
« Tout à l’heure à la fenêtre, elle était effrayante. Ses yeux, je n’en avais jamais vus d’aussi sombres. »
Dans sa petite chambre qui donnait sur le grand parc arboré, Merlin lui aussi avait du mal à chasser le regard couleur nuit d’Awena, car il avait d’emblée identifié la propriétaire des lieux.
La pièce qu’il occupait avait été débarrassée à la hâte pour y installer un lit en fer d’une place, un imposant coffre en bois destiné à des jouets, un vieux secrétaire à tiroirs dévolu au travail, une chaise en paille, et enfin une table de nuit un peu bancale. Quelques étagères devaient faire office de placard. Allongé sur son lit, Merlin avait étalé ses trésors, à savoir, ses livres de contes et de légendes. Awena semblait surgie tout droit de l’un d’entre eux, où elle aurait tenu le rôle d’une horrible sorcière. Il se répéta qu’il ne fallait pas juger les gens sur leur physique. Il était bien placé pour le savoir. Sous prétexte qu’il était petit et un peu enrobé, on se moquait, et il en souffrait terriblement. Au moins quand il lisait, il pouvait se rêver en chevalier.
Il commençait à s'assoupir, lorsqu’un premier coup retentit, suivi d’un deuxième. Il comprit que c’était en fait une horloge qui sonnait en quelque sorte le rappel des troupes. Par six fois, elle fit entendre sa drôle de voix un peu éraillée, et franchement sinistre. Bizarrement, elle était restée silencieuse jusqu’ici.
Le moment du rendez-vous était donc venu, celui du repas avec leur hôtesse, Awena. A l’idée de cette rencontre, Merlin se sentit fébrile. Il revit les yeux d’encre de la vieille femme plonger dans les siens comme pour fouiller dans le tréfonds de son âme afin d'en extraire ses secrets les mieux gardés. Comme happé par ce regard pourtant lointain, jamais auparavant il n’avait éprouvé un tel malaise. Alors qu'adviendrait-il une fois son arrière grand-mère et lui réunis dans la même pièce ?
je suis passée ici un peu par hasard, et je m'arrête pour te faire un petit commentaire après trois chapitres. J'ai trouvé ce début agréable, et bien adapté au public que tu vises : phrases courtes, vocabulaire simple, avancée rapide de l'action. Pour la longueur des chapitres, j'ai vu que quelqu'un les avait trouvés trop courts, mais je ne suis pas vraiment d'accord, car je pense quant à moi que des chapitres courts conviennent au jeune public que tu vises.
Sur la fin du chapitre précédent et le début de celui-ci, tu ne dis rien de l'apparition, et ce n'est qu'en fin de chapitre que Merlin revient dessus. On ne sait donc pas au début de ce chapitre pourquoi cette apparition est troublante, et c'est dommage, je trouve.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire et de commenter. Je prends note de tes remarques. Elles me seront utiles pour la suite. J'espère que la hasard te conduira à nouveau sur les traces de Merlin.
Le suspense est bien mené ...
Normalement, toutes les sorcières se ressemblent ... laideur, méchanceté, ...
Peut-être que cette mère-grand me réserve une surprise ?!
Merci beaucoup de suivre les aventures de Merlin. J'espère que la suite suscitera ta curiosité . Je lirai avec plaisir et intérêt tes impressions. La grand-mère et son chat t'étonneront je pense. A bientôt.
Un Joli chapitre qui fait monter le suspense et je suis impatiente de faire la connaissance de la "mémé"
Merlin est très attendrissant
A bientôt
Merci beaucoup de livrer au fil de la lecture tes impressions positives. C'est très encourageant. A bientôt.
Un chapitre plein d'humour et de poésie, idéal pour un livre pour enfants. Merlin est attachant et mature pour son âge mais on sent qu'il reste un enfant alors c'est tout à fait crédible.
A bientôt
Heureuse de voir que tu découvres avec plaisir la suite. A bientôt.
Je te remercie pour ta régularité dans la découverte des aventures de Merlin et le temps que tu consacres aux retours de lecture. C'est très enrichissant d'avoir tes impressions. A bientôt.
Si je peux me permettre, il y a aussi dans ce chapitre des petites erreurs de ponctuation :
"Autant le jardinier était avare de mots, autant Lilwenn, la cuisinière du manoir était bavarde" il devrait y avoir une virgule après "la cuisinière du manoir"
"Et, il était hors de question que quelqu’un s’aventure dans ses appartements privés" pas besoin de la virgule après le "Et"
"Ce fut Merlin, qui posa la question qui brûlait les lèvres de tous" là non plus la virgule après "Merlin" ne me semble pas indispensable.
Des petits détails mais je me suis dis qu'il valait mieux les partager pour que tu le saches :)
A bientôt pour le chapitre 4 !
Un grand merci pour ta régularité dans ta lecture et tes commentaires. Encore une fois, je suis fâchée avec les virgules. Je vais pouvoir y revenir grâce à ton relevé précis. De mon côté, je vais mettre aussi ton roman dans ma pile à lire. A bientôt.