18 | Sous les pendus (3/3)

NOVA  ELLÉE.

Marchant avec lenteur, nous empruntons un chemin qui nous ramène proche du Pensionnat. La vétuste et majestueuse maisonnée, lourde en brun-briques, siégeait fière là-bas. Le soleil-réverbère frappait aux fenêtres colorées vitrail. Il sèch’jaunissait la riche végétation qui tumultuait et mangeait les murs. Quelques statues, une petite fontaine, des enfants qui d’habitude cafouill’rient et courent et chaotisent le jardin et qui là étaient où… où… où déjà ? Les jambes lymphatiques, je me laissais emporter par Siloé et sa douce parolée, n’arrivant plus vraiment à vivacer ma pensée, venant même à reconsidérer mon opinion sur l’O.V.E.A. J’étais nuageuse. Avinée comme si. Et néanmoins, à partir du moment où nous sommes arrivées trop proches pour ne pas voir, pour ne pas sentir, l’offensive qui emplit les couloirs, je reprends contact avec la réalité. Mon corps réagit aux cris aux larmes. Il coupe le magnétisme dans lequel Siloé m’envelo’glissait. Affolée à la subite, je secoue la tête, comme pour chasser tout, tout, tout ça là, agitant mes cheveux mi-brouilles mi-bleus. Je serre les poings. Je ravale le subit sanglot qui m’oesophage lorsque je sens la colère des enfants et la rudesse des Grisœils exploser dans mon ventre. Siloé m’envoûtait, elle me voilait les émotions mais là, après avoir rompu l’ensorcelle, tout me revient d’un coup les sensations, et sans savoir jusqu’à quel point tout ça c’est moi Empathe ou quoi, j’en chancelle.

Ardent. Jaune. Cramois’. Rouge. Brûlant. Orange. Bistre. Ça m’entaille les entrailles. Tant et si bien que je réalise, avec subite clarté, qu’à mener ce genre d’oppression, il y a plus à perdre qu’à gagner. Alors je m’arrête. À la brutale. Je dégage mon bras, je face Siloé et l’observe avec un regard abrupté rude. Un regard difforme. Une paupière tuméfiée, gonfle et tombante. Une autre dont j’ai mascaré les cils, mettant en évidence mon iris ambrée à l’ire. Un regard difforme mais beau. Peut-être. Beau pour la vie-amoche qui l’éclope. Résolue, j’enfonce mes lunettes sur mon nez gondolé, j’envoie volète d’une élégante tapette ma boucle d’oreille dans laquelle le soleil reflète. Plus grande que Siloé, je la toise la plus outrecuidante possible, dépréciant chacun de ses traits mastoques, son nez droit, sa mâchoire franche, sa peau claire. Un éclat de surprise furtive dans ses yeux de fer. Je respire lourdement.

— Allons, Noévan…

Haïssant qu’elle m’appelle Noévan, Noévan, constamment Noévan, alors que ce n’est PAS Noévan. Utiliser mon ancien prénom, c’est refuser qui je suis. Encore toujours une cloison en plus, comme toutes les autres qui ombre-pressoient et qui parfois m’empêchent de respirer et qui souvent me donnent l’illusion que je me retrouve seule là-dedans, dans la nuit des laissés-pour-compte. Alors, même si je sais que je ne devrais pas m’opposer ainsi, pas devant une aussi grande représentante de l’O.V.E.A., j’inspire j’expire et j’aigre :

— Alors c’est ça, la solution que vous avez trouvée ? Nous étouffer ? Bloquer nos pensées, voiler nos émotions jusqu’à ce que le monde soit gris et que, non seulement, on en ressorte toustes les mêmes, mais que, l’âme terne, on n’éprouve plus rien, surtout pas la haine ?

Les narines de son nez frémissent tandis que je concluclaque :

— Ce n’est pas parce qu’on a peur de sombrer qu’il faut choisir la voie sécurisante et confortable de l’indolence.

S’il y a bien une chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est qu’une fois son étonnement passé, Siloé se déride, pouffant d’abord en fond de gorge, avec presque timidité, puis rit plus franche avant de carrément éclater la risette. Son esclaffe c’était cristal, scinti-scintille, c’était moi qui me faisais enlever par sa délicia charme, l’esprit embrumé. Son cou fin déployé, toujours plus ouverte sa bouche, elle finit par rabaisser la tête, sécher des fausses larmes et sussur’murmurer :

— Ah… Si tu savais comme nos avis se rejoignent, mon cher… Si tu savais…

Ses dents resplendissent, larges et blanches.

— Vois-tu, continue-t-elle, la complète abolition des émanations auractoplasmatiques est la voie choisie par l’O.V.E.A. C’est une voie que toutefois je n’estime guère.

— Pourquoi rester avec eux, alors ?

— Oh. Parce que je partage presque l’ensemble de leurs valeurs. Parce qu’il lui manque qu’une simple correction d’opinion pour devenir raisonnablement opérationnelle. En jouant un peu de mes influences, je peux la ramener sur le droit chemin.

— Correction d’opinion, correction d’opinion…, marmonn’moqué-je. Et en quoi consiste votre… correction d’opinion ?

— Je n’ai pas envie d’appauvrir l’esprit. Je préfère qu’on vous l’éduque. Au lieu de vous interdir de penser, j’aimerais vous apprendre à penser juste. La différence est notoire, indispensable même. Tu en conviendras ? Et quoi de mieux que motiver les gens à idéeller pour justement la repérer, la pensée dépravée ?

Tirant mon t-shirt vers le bas, je raillerie, me grandis et acide :

— Oui, et à la fin, le résultat reste le même : vous proposez qu’un seul chemin, le vôtre, visant une uniformisation des mentalités qui ne remettrait pas en cause nos habitudes de vie ni le pouvoir mis en place. Peu importe les méthodes, nous restons vos fantoches.

— Noévan. Je comprends que la répression des idéelles te révolte, mais là… serais-tu en train de me dire que tu rejettes l’autorité de l’Observatoire ?

Des flammèches dans les yeux, une commissure de lèvres relevée, elle me mettait au défi de répondre par l’affirmative. Oser oserez-je vous pas si quand même si ? Je savais qu’exprimer mon opinion me mettait en danger, mais ça oppressécriait trop, là-dedans, pour que je reste docile et impassible. J’étais percée par ce cri de porte-chaos, grondant du fond de la demeure, par celui des pendus balancés aux marronniers. J’étais percée par la haine de Léon et celle des voix naïennes dans la boussole. J’étais percée par la peur que ça recommence, je ne sais quoi, les choses, comme elles le furent pendant la Belle Guerre, voire en pire, et parce que je ne voulais plus avoir peur, plus éprouver le sentiment d’être un intrus où que je vive, j’ai gonflé mon buste. J’ai donné à mes lèvres une esquisse mordante. J’ai hargné :

— Excusez-moi, madame, si je n’adhère pas à des principes qui foudroient ce qui jadis florissait en justice et liberté.

Et c’est vrai que j’en tirâmes une forme de jouissance, d’oser dire non lorsqu’il le faut. Et à elle de déplorer :

— Enfin Noévan ! Qu’est-ce qu’il te manque pour voir que l’idéologie de l’Observatoire est la meilleure qu’on puisse vous offrir ?

— Laissez-moi deviner, c’est le Ciel qui l’estime meilleure ?

— Plus pragmatiquement : le passé.

— À nouveau, c’est vous qui en jugez !

— Et il serait stupide de ne pas en juger ainsi.

Un âpre-au-rire m’échappe tandis qu’elle s’approche et qu’affilée, elle siffle  :

— Notre siècle était malade, mon cher. Il nous fallait faire table rase d’un passé qui s’effondrait sur lui-même, et c’est en liquidant les idées, la culture, les moeurs et les habitudes anciennes durant la Grande Correction, toutes ces choses qui ont emprisonné la conscience populaire pendant des millénaires, que l’Observatoire a permis l’émergence d’une ère nouvelle où les gens, disciplinés et ajustés à la volonté du cosmos, vivent en harmonie et en sécurité. Jamais, depuis lors, nous n’avons connu un tel havre de paix. Et tu oses remettre en doute le fait que nous avons redressé l’humanité, ainsi ? Sauvé même ?

— Sauvé ? À coup d’horoscopes et de signes astrologiques ?

— Exactement. Pour la première fois dans l’humanité, nous avons trouvé ce qui meut le monde et nous meut réellement : l’influence des astres. Personne jusqu’à alors ne l’avait compris ! Où est le mal à avoir enfin touché la vérité ?

— Oh je ne sais pas ? Avoir un Ciel qui décrète que toute une frange de la population n’a pas sa place dans votre monde nouveau ? Exterminer ces gens alors ? Tout bonnement ? Encore et toujours ?

Soudain, son sourire tombe, son regard s’approfon’noircit, et sans que je comprenne rien tant c’est rapidesse, Siloé s’empare de ma mâchoire, y plante ses ongles pointus, approche son visage du mien ça me plie en deux, massifs ses traits, miroitantes ses lunettes, et me crache, quelques postillons à la figure :

— Les signes porte-chaos menaçaient l’équilibre général, mon cher. Ils l’ont toujours fait : ce sont eux qui nous corrompent, eux qui amènent la discorde, eux qui nous tyrannisent, eux qui nous poussent à l’autodestruction. Embourbés dans le passé, ils nous ont empêchés d’évoluer pendant plusieurs millénaires. Découvrir cette réalité a été une révélation, l’heure n’était plus au débat : il nous fallait les contrôler, puis oser les éliminer lorsque certaines limites ont été franchies et qu’ils n’étaient plus gérables.

Ma face se décompose, le sang quitte mes veines. D’un geste abrupt, Siloé tire ma mâchoire plus encore vers l’avant, sans la moindre difficulté, me donnant toujours plus de peine à respirer. Griffées mes joues, ses doigts me les éraflent-raflent, des larmes à la bordure des cils, et néanmoins je trouve encore la force de rétorquer, la voix éraillée :

— Et vous osez parler de moralité pure…

— Oh voyons, grandis un peu mon enfant ! On ne change pas le monde sans quelques sacrifices, tu ne penses pas ? Les Grandes Idées n’émergent que des grands massacres. De la même manière que c’est en temps de crise que se mettent en place les institutions et les lois visant à se prémunir d’autres ravages.

— Vous ne regrettez donc pas la mort de milliers et milliers de gens ? Vous ne pensez pas que ça fût une erreur ?

— Si, je la reconnais.

— Mais alors ?

— C’était une erreur mais une erreur nécessaire.

Sur ce, Siloé me lâche, je trébuche en arrière et manque de tomber mais me rééquilibre au dernier moment. Lorsque je me redresse, dépoussiérant mon t-shirt, le tirant vers le bas, je découvre Siloé qui a retrouvé l’ouverture des traits, des dents blanches-éclatantes, comme si son changement d’attitude précédent n’avait pas eu lieu et que notre conversation était ce qu’il existait de plus folia-vivia-l’amène. Je frissonne, transie devant son imprévisibilité, rebutée aussi par sa réponse. Comment peut-on seulement penser ça, une « erreur nécessaire » ?

— Ce que vous dites est absurde, jeté-je.

— Non. Je dirais plutôt… lucide.

Elle soupire alors, se retourne mécaniquement, embrassant la cour de ses bras frigides où plusieurs groupes d’enfants, dirigés par des Grisœils, sont sortis.

— Enfin, ne vois-tu pas, mon cher ? Le chaos ambiant ?

Oui je vois et surtout je ne comprends pas : chacun des mots de Siloé promettent la paix, la sérénité, le redressement des vertus, et pourtant, et pourtant, et pourtant, la moindre particule de son corps transpire à la perversité. Électrique dans sa blouse blanche, l’oeil métallique, elle observe le chaos et son corps est à l’exalte. Elle goûte la vigueur de ses agents, satisfaite de leur croissante virulence, qu’ils soient là-bas à l’intérieur, gueulant à la fenêtre, renversant les meubles et remue-méchambre, ou qu’ils soient dehors à fourrager notre jardin, assommant ou tasant les mômes qui n’avouent pas où ils cachent leurs pensées. Dans un souffle quasi inaudible, et qui pourtant vibre à la fureur, elle survolte encore :

— C’est la preuve que des porte-chaos ont réémergé. Qu’ils amènent avec eux l’idée de violence et, qu’agissant comme un virus, elle germe dans nos esprits. S’ils n’existaient pas, l’image d’être brutal ne nous traverserait même pas l’esprit…

Les enfants aussi réagissent : ils se défendent avec des insultes, des doigts d’honneur, d’autres gestes obscènes, des poings, des pierres. Ils crient ils frappent ils mordent ils harpaillent. Tout le monde des vrais petits monstres, un charivari d’agressivité. Et tout pendant que je regardais ça, les voix s’agitaient dans la boussole, me dévoraient la cuisse tout ce qu’elles me traversent la jambe… Naïa Naïa… brûlent mon ventre ma poitrine hissent la colère, la mienne pas la mienne, la nôtre, la rage, toujours plus forte, Naïa Naïa, bien que je ne comprenne pas pourquoi, pourquoi, pourquoi, la haine, elle me fait mal, elle n’est pas de moi elle est à moi elle est moi, je ne sais pas, pas, pas… Pétrifiée par la férocité de nos émotions, j’étais comme expulsée hors de mon corps. Ça m’affolait, je n’arrivais pas à me trouver là-dedans, moi qui étais-je nous tous réunis ici, les voix et Léon qui hainent, me cou/pant la respir/ comme dans la foule lorsque tous. on. vacillâtes. les. sentiments. me nausée. tandis. qu’à côt/ Siloé s’enthousiasmait :

— Et justement, mon cher… en parlant de porte-chaos ! Discutons de cette nuit, veux-tu ? Ce matin, on m’a rapporté t’avoir surpris auprès d’une émanation auractoplasmatique. Une émanation qui ressemblait fortement à Léon Ariel, celui qui a fait perdurer le mouvement Naïa après la mort de ses mères. Il va sans dire qu’on ne peut le laisser agir comme bon lui semble à tes côtés, au risque qu’il ait une influence néfaste sur toi, hhm ?

À l’abrupte, elle a braqué son regard dans ma direction, sans toutefois retourner son corps, si bien que son cou était torde-pivote plus que ça devrait être possible de faire. Continuant :

— Que ce soit clair, contrairement à nombre de mes collègues à l’O.V.E.A., je ne cherche pas à te l’ôter ou l’exterminer. Ce serait d’un tel gâchis ! Ce type d’Anima est d’une telle rareté, puissance, qu’il est nettement plus intéressant d’en faire des objets d’étude et d’apprendre à les contrôler.

Ma tremblée de colère. J’aigre :

— Les contrôler ? Mais dans quel but ?

— Oh ! Tout dépend de l’Anima en question ! Mais quand ils possèdent une telle importance historique, ils peuvent nous donner une nouvelle compréhension du passé, voire nous révéler certains secrets pourtant jalousement gardés. As-tu déjà entendu parler de la Crypte, mon cher ?

Les lèvres pincées, je secouette la tête.

— Ce lieu était le berceau de Naïa. Là où Céleste et Océane siégeaient, là où une masse énorme de Naïens avaient trouvé refuge, là où elles cachaient un livre d’une incroyable puissance. Nos sources sont incomplètes à son sujet, mais on raconte qu’il était un carnet où elles inscrivaient le vivème de leurs sujets, ce qui leur permettrait de connaître l’intimité des Naïens pour d’autant mieux les contrôler. Oh je le reconnais, cette idée était d’un grand génie ! Mais également d’un grand danger : la rumeur courait que si le livre était détruit, les Naïens dont on avait altéré l’identité pourraient récupérer leur voix, leur vivème, leur liberté, et quitter le Pandémonium où ils avaient été plongés de force. Bien sûr, l’O.V.E.A. avait ratissé toute la Flave pour retrouver la Crypte. Elle a fini par y parvenir, mais à quel prix ? Le jour où les agents de l’Office l’ont localisée, Céleste a fait elle-même tout exploser, préférant détruire son oeuvre que la donner à l’ennemi. Par on ne sait quel artifice, elle a réussi en prime à faire oublier l’emplacement à tout le monde, y compris aux siens,  tout en promettant qu’un jour, des Naïens retrouveront la Crypte, déterreront ces secrets, retrouveront ce livre qu’elle était parvenue à préserver. C’était comme si elle désirait attendre un moment plus propice pour mener sa vengeance à exécution.

J’ai fris/sonné. Fauconne, elle s’est avancée dans ma direction, nourrie par le maelstrom de sauvagerie tout ici, le visage plus envenimé que jamais. Elle a souri de travers, son épaisse bouche tordément distendue, tout m’a glacée.

— Cela fait plusieurs décennies que Naïa promet son grand Retour, sans rien n’entreprendre. Mais aujourd’hui, la résistance émet ses premiers signes d’activité. Il serait irrémédiablement déraisonnable de le nier. Si elle se relève, c’est à la Crypte qu’elle le fera. Et Léon Ariel… Enfin mon cher Noévan, ne penses-tu pas que Léon Ariel cherche précisément à t’y amener ? Et à ton avis, pourquoi te choisir toi pour t’y guider, plus qu’une autre personne ?

Son regard affilé s’est échauffé. Elle s’est approchée tandis que mon coeur pulsait à la va-frousse, comprenant où elle voulait en venir et n’y pouvant rien contre, surtout lorsqu’elle a déclaré :

— Je connais ta véritable nature, Noévan. Je sais ce que tu es. De même pour tous les enfants ici. Certaines forces, certaines vérités sont trop criantes pour être ignorées. J’avais déjà mes premiers soupçons depuis un certain temps, mais là, savoir Léon à tes côtés ne fait que confirmer mes suppositions. Du moins te concernant. Il serait en effet insensé d’élire un héritier naïen qui ne soit pas porte-chaos, surtout lorsqu’on connaît Naïa et cette manie qu’elle a de viser les personnes qui lui ressemblent. Soit disant que ça façonne « l’esprit de famille ». Ha ! Comme s’il ne pouvait y avoir divergences d’opinion au sein d’un groupement de personnes partageant une même condition sociale !

Tout que je palissonne que je–

— Mais rassure-toi, je ne vais rien révéler à l’O.V.E.A. Et l’Office ne risque pas de découvrir quoique ce soit, sa lecture du Ciel et ses facultés de déduction sont bien trop lacunaires pour voir ce que moi je vois ! Oui… La vérité, mon cher, c’est que j’ai des connaissances. Bien plus que ce que tu penses. Et j’ai du pouvoir, bien plus que ce que tu penses. Je peux effacer le moindre soupçon porté à l’égard du Pensionnat. Je peux garder le secret sur ton signe astrologique. Je peux t’apprendre à maîtriser Léon, qu’il cesse d’exercer une mauvaise influence sur toi. Je peux t’apprendre à lui soutirer des informations pour que, ensemble, nous retrouvions la Crypte et détruisions Naïa une bonne fois pour toute. Oh je te vois déjà être en désaccord, mais tu ne peux nier avoir les mêmes désirs que moi ! Je sais que ce mouvement et sa violence te rebutent. Un garçon émotif comme toi, si sensible au malheur des autres… Un garçon qui défend des grands idéaux… Comment pourrait-il en être autrement ? Je peux t’apprendre à te maîtriser toi et tes idéelles, que tu agisses sur les forces tumultueuses qui te traversent et qui parfois te poussent à penser à mal… Tu veux que je te dise, mon bien-aimé Noévan ? Je crois que l’on peut faire des choses absolument extraordinaires avec des porte-chaos comme toi… Loin de moi à vouloir tous vous détruire… Simplement ceux qui sont hors de contrôle, ceux qui sont des causes perdues, ceux qui sont issus du mouvement Naïa. Je peux t’apprendre à canaliser la noirceur que tu refoules en toi, je peux t’apprendre à l’utiliser à des fins bonnes… La seule condition à cela est que tu viennes me voir à l’Observatoire… Rien de vraiment compliqué ni contraignant, n’est-il pas ? Tu entends ce que je te dis ?

Je. ne. réponds. pas. Les joues fulminantes. Toute à la pétrification. Siloé finit par lever son bras, effleurer ma mâchoire d’une main-tendresse, doucettement rire, puis s’en aller, soupirant d’aise, marchant inflexible au milieu du foudroi’foutoir là-bas. Et moi, laissée flageolante au bord du malaise, je ne savais plus quoi penser. Parce que, tout de même ? Le coeur meurtri par les peignées des enfants et des Grisœils, les yeux piqués aux larmes, j’essayais de calmer la bousculade en moi tout en entendant les voix qui enflaient, s’amplifiaient… et là-dedans il y avait un souvenir il y avait le chant de l’Ombre qui susurrait :

L’heure est venue, mon cher,

de finir cette oeuvre d’art que nous avons commencée.

La Crypte trouve la Crypte où dorment nos pensées-Rêves,

délivre l’énergie Pandémonienne sa violence créatrice

qui veine en toi en nous au monde

partout la famille-fondatrice

gouverne.

Et le pire c’est que Siloé a raison, je ne veux pas le retour de Naïa. Et j’avais posé tellement d’espoirs dans l’Onde pour nous tirer de là, nous libérer toustes, pas de vengeance pas de violence, no no no, mais après cette nuit où j’ai découvert qu’elle était fourberie et que je ne peux même plus faire confiance à mes propres mères, qu’est-ce qu’il me reste ? Trouver en incognito un maître-flomade dans l’Onde, un qui boude le mouvement au même titre que Max et moi, et qui saurait nous apprendre la Poétique ? Ou Siloé ? Et si Siloé savait des choses sur le Flux, bien plus que ce que sait l’Onde ? Et si elle pouvait vraiment m’aider ? À comprendre qui je suis et éviter que je… que je… Naïa Naïa… que je… Et si les procédures qu’elle veut renouveler à l’O.V.E.A. étaient des ambitions les moins pires de toutes, et si– mon coeur qui s’essouffle. tout. à. coup. et. c’est. la. boussole. elle. elle. Horrifiée, je regarde Léon Ariel là-bas qui me dévisage, un taser à la main, un regard de feu, tandis que fusent les voix murmuresses. Faufilées dans mes veines, elles me lucident que Siloé ne veut rien d’autre que m’utiliser m’utiliser, et que si elle ne veut pas anéantir la totalité des porte-chaos, sa haine envers eux demeure, demeure. Au bas de l’échelle nous sommes et resterons. Et les voix continuent, glaçantes, calcinantes. Elles me rappellent ma chute de cette nuit ayant fracassé belle et fière Nova, tout ce que j’ai ressenti la colère contre l’O.V.E.A, toute mon impuissance, toute mon humiliation, ma douleur physique, mon crève-corps. Elles me rappellent que les voix sont là, elles, au moins, elles ont toujours été là et le seront à jamais et me comprennent, bon sang ce qu’elles me comprennent, ayant vécu la même brisée que moi, de celles qu’on ne pardonne pas, et c’était comme une ombre de complicité qui se tressait entre elles et moi. Entre Léon et moi. Entre le monde et moi. Tant et si bien que… quoi ? Que je décide… oui… Décide de ne pas aller à l’Observatoire, pas, pas, prenant le risque que Siloé révèle tout tout, nous sommes toustes des porte-chaos au Pensionnat. Elle ne le ferait pas, car si l’Observatoire nous découvre, nous sommes toustes foutuches. Or Siloé ne veut pas nous détruire, c’est ce qu’elle m’a dit, ou bien ? Elle préférerait nous exploiter, donc no souçaille Nova ! Elle gardera le secret, rien que pour ses propres intérêts, et moi je me range à mon plan premier : trouver avec l’aide de Maxy un maître-flomade au sein de l’Onde, sans rien dire à mes mères. Et si cette perspective fouriosait Léon pas plus tard que cette nuit, aujourd’hui ça ne l’énervère pas autant. Je le vois dans son subit sourire-joie, dans ses yeux ambres qui brillent le soleil. C’était comme si… Comme si on se comprenait un peu plus lui et moi, comme si éprouver une même haine contre un ennemi commun constituait une forme de progrès et que, pour l’heure, notre Colère unanime, c’était un partage qui lui suffisait.

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Edouard PArle
Posté le 08/04/2024
Coucou Louison !
Un nouveau chapitre de confrontation d'idées, qui me fait un peu penser à un autre au début du roman dans le pdv de Jules.
Siloé est assez éloquente, après j'avoue que son discours m'a paru assez insupportable du fait qu'elle utilise tout le temps Noévan et mon cher. On sent qu'elle prend plaisir à montrer son ascendant sur l'autre et ça la rend très antipathique. Réussi si c'était ton objectif ahah
J'aime bien la chute où Nova se rebiffe, et comprend ses points communs avec Léon.
Petite remarque :
"Au lieu de vous interdir de penser, j’aimerais vous apprendre à penser juste." très intéressante cette phrase ! D'ailleurs c'est pas la seule, il y a beaucoup d'idées hyper intéressantes dans le débat avec Siloé.
Un plaisir,
A bientôt !
Louison-
Posté le 27/06/2024
Hello Edouard !
J'essaie déjà de répondre à un bout de tes commentaires ce soir hihi, comme je te le disais sur discord hier, merciiiii beaucoup pour ta lecture c'est vraiment dingo tout ce que t'as lu ces derniers jours ^^ <3 Ca me fait plaisir :)

Aaaah cool si Siloé te paraît antipathique héhé, c'est vrai qu'elle a un air très très condescendant avec les autres et qu'elle vise à dénigrer Nova en l'appelant Noévan ^^ Cool sinon si tu trouves certaines de ces idées intéressantes, j'ai envie d'éviter de créer une antagoniste vide dans ses propos, politiquement et philosophiquement parlant ^^

Je file répondre à la suite !
Edouard PArle
Posté le 28/06/2024
Oui, ça marche très bien ahah
dodoreve
Posté le 20/04/2023
Je la déteste mais elle a une telle éloquence Siloé, c’est vraiment fouet bien réussi ! Et puis même si sa manière d’être femme scientifique a un côté fascinant elle est pas si caricaturale que ça, et c’est vraiment cool. C’est pas qu’un objet produit d’une autorité, et je la trouve très très intéressante.

Cette conversation en particulier elle est géniale, parce que ça montre que Siloé est pas juste une méchante qui veut faire souffrir par délire scientifique, mais qu’elle parole entre plein de discours et de faits super complexes. Et Nova comme nous comme n’importe qui forcément qu’on a du mal à se positionner, surtout quand l’opposition de la normalité toute nulle et répressive est elle aussi violente :o

« Oui, et à la fin, le résultat reste le même : vous proposez qu’un seul chemin, le vôtre, visant une uniformisation des mentalités qui ne remettrait pas en cause nos habitudes de vie ni le pouvoir mis en place. » Jsuis bien dac avec Nova mais je me suis dit aussi que c’était d’une oralité qui ressemble pas à son éloquence pompeuse pour le fun et en même temps pas à sa manière de parler naturellement ?

(C’est quoi la signification de l’acronyme OVEA déjà ?)

Je vais quand même dire qu’à avancer dans ton histoire si lentement ça a au moins l’avantage de ne pas m’habituer à la génialité de ce qu’elle est. Vraiment, je surkiffe le moindre instant passé avec elle, et ce chapitre-là je l’ai trouvé si complexe, si jouissif de tension, et les personnages si bien écrits, c’était cool cool cool (raoul). Je m’en tiens là pour le moment (hélas) mais j’attendrai mon propre retour avec grande joie <3

(Et puis je déteste Siloé mais aussi je l’adore voilà)
Louison-
Posté le 07/05/2023
Aaaah merci pour tout ce que tu dis sur Siloé, ça me fait vraiment plaisir qu'elle soit pas caricaturée la grande méchante et que son discours fasse sens ^^

"« Oui, et à la fin, le résultat reste le même : vous proposez qu’un seul chemin, le vôtre, visant une uniformisation des mentalités qui ne remettrait pas en cause nos habitudes de vie ni le pouvoir mis en place. » Jsuis bien dac avec Nova mais je me suis dit aussi que c’était d’une oralité qui ressemble pas à son éloquence pompeuse pour le fun et en même temps pas à sa manière de parler naturellement ?" >> oui je vois !! Merci d'avoir noté ça, effectivement ça fait peut-être très peu Nova ^^ En même temps Nova sait aussi être sériosité quand les circonstances l'exigent doooonc je vais voir pour modifier tout en gardant l'idée !

"(C’est quoi la signification de l’acronyme OVEA déjà ?)" JE TE DIS PAS C'EST REVELE AU TOME 2412432. (no je rigole c'est dit au chapitre 2, c'est "l'Office à Voyeurs d'émanations auractoplasmatiques". Et pour rappelle émanation auractoplasmatiques = idéelle (parce qu'il fallait bien un nom scientifique pour dire idéelles lol, l'OVEA l'est trop au-dessus pour utiliser le langage de la plèbe, et les Voyeurs à émanations ce sont les Grisoeils du coup)

Oh et puis pour ton com final, merci infiniment pour lui, ça me touche tout ce que tu dis là <3 Et tkt pour la vitesse, t'imagines pas à quel point ça me fait plaisir que tu me relises alors que t'avais déjà lu le premier jet et tu reviens régulièrement en plus, donc no stress, merci pour ta présence/lecture/tes doux mots qui font trop chaud au coeur <3

(oui je déteste Siloé mais je l'adore aussi)

MERCI ENCORE BIOOOOOOUX.
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