19/09/2024 – Une bataille perdue sans combattre

Par Apès

              Me voilà à Strasbourg, à profiter d’un silence urbain rare. En plein centre-ville, à une rue du pôle historique, aucun bruit ne s’élève.

Pour un temps.

Mais voilà, une sonnerie robotisée brise le silence et les lycéens s’enfuient, célèbrent dans les cris une journée de captivité qui s’achève. Une captivité qu’ils aiment d’un amour vache. À chaque occasion, ils exposent ses défauts en dissimulant la beauté de ses présents. Ils le feront mais pour l’instant, ils célèbrent. Devant les portes de leur lycée.

Si on tend l’oreille, on soupçonne leurs attaches, leurs rêves, envies, passions. Et dans l’absence de certains, leurs peurs.

L’espace leur appartient désormais, ils le peuplent, l’imprègnent. Et nous autres, anciens acteurs d’un silence atypique, nous retrouvons étrangers. Nous ne lutterons pas il me semble. On absorbera leur énergie insolente. Les conversations s’élèvent et emplissent à leurs tours notre espace modeste. Il semble que l’effronterie soit contagieuse.

La tempête est passée, les lycéens sont partis, mais le lieu est altéré. Il ne s’agit plus désormais d’un lieu de détente, mais d’un lieu de départ, de transition, de fin de journée. Ce changement est presque mystique, la lumière inonde toujours la superbe de cette cathédrale, mais nous refuse ses bienfaits, dans l’intérêt de ces nouveaux acteurs qui entament un chemin de retour.

Nous ne sommes plus que trois et étrangement, je sais que nous pensons pareil. Que nous nous trouvons un peu exclu de cet espace. Mais qu’il y’a une quiétude certaine à cet exil. Nous le savourons bien que toujours étonnées d’avoir perdu notre place aussi aisément.

 

              L’une de mes deux comparses est une femme sévère, une parfaite directrice de lycée. Les traits de son visage ne sont pas durs ou froid mais l’on pourrait aisément s’y tromper. Non ils sont secs, décidés, sans place à l’aventure. Elle sait qu’elle doit convoquer cet élève de quatrième qui a déclenché une bataille de boulette de pain à la cantine ce midi. Elle sait déjà ce qu’elle lui dira. Mais elle ne sera pas injuste, de ça, j’en suis convaincu, car les moineaux l’ont appréciée et graciée de leur présence printanière.

C’est sans le vouloir que je me semble m'être immiscé dans son intimité, dans son moment coupable et enfantin. Car c’est avec l’assurance de ses traits toujours intacte, que cette femme, que j’aimerais directrice, a commandé une tarte aux abricots.

              Entre les moineaux et ses abricots, je ne peux me résoudre à penser cette femme capable d’injustice envers un révolutionnaire de cantine.

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