La main plonge dans la poche, frotte les tissus, crée un remous bosselé. Puis, très naturellement, en sort un objet simple, un carré de la taille d’un pouce. Trouvé, le briquet se laisse embrigader entre quelques doigts assurés et voyage, sans bruit, vers une main bien plus petite que la première.
— Tiens, mon bonhomme !
Simon attrape le briquet par réflexe. Il n’aurait pas réagi différemment si son père lui avait lancé un ballon de football. Il s’étonne : que va-t-il bien pouvoir fabriquer d’un objet pareil ? N’est-ce pas un jouet de grandes personnes, un jouet pour allumer des cigarettes ? Pour frimer avec les copains, impressionner les filles ? Il n’a pas encore de moustache. À peine un petit duvet jaunâtre au-dessus des lèvres.
— T’es un homme, maintenant. Un vrai monsieur ! Ce briquet est dans la famille depuis des lustres. Et il prouve que tu fais partie des chefs !
Le père lui offre son sourire barré, bien droit, gage de fierté que Simon reconnaît d’emblée : la dernière fois qu’il l’a vu, ce sourire, le garçon venait d’expliquer à ses parents que s’il avait frappé son camarade Tristan, c’était pour ne pas être traité de « pédale ». Il y a quelques années, Simon se demandait pourquoi les gens réagissaient au quart de tour : il ne trouvait rien de plus idiot que de comparer quelqu’un à un fragment de vélo. Depuis, Simon a compris — il ne se souvient plus comment.
— Allez les parents ! C’est le moment de dire au revoir aux enfants !
Sofiane fait des ronds de jambe et serre des mains. Il entrevoit le briquet que Simon met dans sa poche, découvre le manège du père et, comme si un fil de pensée le reliait à l’enfant, à ce petit garçon qu’il ne connaît pas encore, s’interroge également : à quoi bon un briquet ? Quel intérêt y a-t-il à vouloir que son fils s’enorgueillisse de sa condition de fils ? L’héritage, au fond, n’est qu’un passage de relais enflammé : dans le lot, on récupère les miettes d’excréments que nos pères nous ont laissés, et on s’en brûle les doigts. Sofiane fronce les sourcils et, très vite, hausse les épaules. C’est bien connu, les parents font ce qu’ils veulent de leurs enfants. Lui, au moins, tout célibataire qu’il est, a le luxe de s’en foutre.
Tous les ans, Sofiane est désigné responsable de l’accueil. Avec son air débonnaire, il rassure les familles : son visage dit aux plus réticents que la Fourmilière est un camp bien sous tous rapports, où les oiseaux chantent et les arbres respirent la joie de vivre. En bonus : son teint basané rappelle qu’ici, la diversité est appréciée. Une idée de Jules. Parce que, de nos jours, les enfants d’immigrés aussi sont envoyés dans des colonies de vacances.
La dernière salve de parents disparaît. Sofiane peut enfin souffler. Satisfait, il laisse Séverine et Sam accompagner les nouveaux arrivants jusqu’aux dortoirs. Les enfants suivent les deux femmes avec autant de sérénité qu’un flot de poussins et tout le monde se fait engloutir par le ventre du gîte. De la pénombre rafraîchissante des couloirs, la voix de Jules s’élève soudain et la porte se transforme en mégaphone vociférant :
— Réunion d’arrivée des monos dans dix minutes ! Au réfectoire !
Il ne manque plus que trois lignes obliques clignotant de part et d’autre de l’entrée, comme dans les bandes dessinées — imagine Sofiane. L’animateur soupire. Cette réunion d’arrivée, il en connaît déjà les ficelles. « Bienvenue à tous », « bla-bla ». « Un rappel du Programme », « bla-bla ». « Nous sommes une famille », « bla ». Des paroles banales, répétées chaque année, parfois au mot près. Bientôt, se dit Sofiane, je craquerai. J’enregistrerai le patron, j’en ferai un montage et gagnerai une fortune sur internet.
Rien ne change. D’année en année les enfants défilent, les jours avec mais, phénomène étrange, la vie ne varie jamais. À dire vrai la Fourmilière ne foisonne qu’en apparence ; à l’intérieur, en son cœur, elle demeure aussi inerte qu’une souche d’arbre mort. Et Sofiane rêve en secret qu’un bulldozer la déracine tout à fait.
Au moins, ce discours d’arrivée fera office de pause avant la préparation des prochaines activités. Le jeune homme s’engouffre dans le gîte en traînant des pieds, pénètre dans le réfectoire et, surprise, y retrouve cette belle animatrice qu’il a rencontrée la veille.
Claire. Elle s’appelle Claire. Elle a de superbes cheveux, des mèches vagabondant à leur guise autour d’une mine solaire, et des boucles pareilles à des tire-bouchons. Sagemment assise sur une table, elle se tourne vers lui et le reconnaît :
— Salut ! Sofiane, c’est ça ?
Il acquiesce, radieux :
— C’est ça ! On s’est croisés hier, mais on n’a pas encore pu papoter. Je peux m’assoir ?
Il s’exécute avant qu’elle puisse répondre. Il est heureux : elle est à son goût, et lui, ravi de pouvoir profiter d’un instant de paix pour faire sa connaissance.
— Ça fait longtemps que t’es mono ? demande-t-il.
— Non ! Dans une colonie de vacances, c’est une première. En revanche, j’ai beaucoup travaillé avec les enfants. Avant, j’étais comédienne et metteuse en scène, je m’occupais d’ateliers de théâtre jeune public.
— Genre des trucs avec des marionnettes et tout ?
— Ça dépend de l’âge des gamins. Tu vois…
Et elle lui explique. Plein de choses. Dont il ne se soucie qu’à moitié, affairé qu’il est à tomber dans ses yeux. À plonger dans le regard passionné qui l’anime, sous ses cils aux ombres ravageuses. Et puis cette bouche rouge. Et ses fossettes. Elle lui plaît.
La porte du réfectoire se rouvre à la volée et, aussitôt, Sofiane s’extirpe de son rêve cotonneux. Des bruits de pas inondent la pièce et un brouhaha diffus coule dans les têtes. Les collègues se sont introduits comme tombe un couperet et, devant eux, le jeune homme se racle la gorge pour se donner une contenance. Des chaises râpent le sol, quelques tables sont légèrement décalées ; les adultes prennent place et, en un rien de temps, créent autour de leur directeur une ronde aussi disciplinée que celle d’une classe un jour de rentrée.
— Bienvenue à tous ! clame Jules.
Claire est la seule animatrice à découvrir la Fourmilière. Les autres, Klaus, Séverine, Sam, Farid, Lucile et Maryse, connaissent leur métier sur le bout des doigts. Pourquoi souhaiter la bienvenue à une bande d’adultes contraints de se réunir tous les ans, au même endroit et à la même heure ?
— Je suis très heureux de vous avoir dans mon équipe. Cette année encore, je sais que vous ferez des étincelles !
Je suis mauvaise langue, admet Sofiane. La politesse est une qualité de plus en plus rare, surtout chez les patrons. L’hiver, quand il travaille à la station de ski, le jeune homme doit essuyer l’insuffisance des gérants et le mécontentement constant des touristes : au final, il n’est pas si fâché de retrouver l’enthousiasme apparent de Jules.
— D’habitude cette réunion a lieu avant l’arrivée des enfants, continue le directeur. Mais puisque notre dernière recrue, Claire, n’a pu nous rejoindre qu’hier, j’ai préféré la décaler. La réunion, pas Claire.
Jules s’esclaffe dans sa barbe. Sa blague ne fait rire que lui. Sofiane lui donne un coup de pouce : un petit sourire complice serti d’un clin d’œil, histoire de l’encourager à poursuivre sur sa bonne lancée. Il n’y a rien qui défrise autant Sofiane qu’une atmosphère alourdie de gêne.
— Voilà le fascicule du Programme de cette année !
Jules présente un paquet de feuilles et, immédiatement, Sofiane bondit de sa chaise pour entamer la distribution. Tandis que les fascicules se déplient de mains en mains, déroulant un cadavre exquis sans couleur ni surprise, le directeur reprend :
— Vous verrez que la plupart des activités quotidiennes sont les mêmes que les années précédentes : on ne change pas une recette qui marche ! Côté jeux, feux de camp, queue du diable et randonnées. En ce qui concerne l’éducation : ateliers nutritionnels avec Farid, qui a gentiment accepté cette année encore d’ouvrir sa cuisine aux enfants. Découverte de la faune et de la flore locales. Bon. La grande nouveauté, ce sera les ateliers de sport : Klaus, merci à toi d’en prendre la charge ! On commence doucement : parcours de santé et courses de relais.
Klaus approuve. Son visage est aussi impassible qu’à l’ordinaire : il n’y a pas à dire, Sofiane préfère de loin découper du regard les traits soignés de Claire.
— Vous voyez que tout est prévu au jour près ! Bon. Au dos du fascicule, vous trouverez une nouvelle retranscription du règlement intérieur. Extinction des feux à 23h dernier délai. Pas de téléphone portable à table. Bien sûr, tout propos vulgaire, insulte, gros mot, est passible de punition. Tenue vestimentaire appropriée… enfin vous connaissez les règles, rien n’a changé !
Soigné, son visage ? À la détailler de plus près, en douce, il remarque qu’elle ne porte pas de maquillage ; que ses yeux, son nez, sa bouche et jusqu’à sa peau s’offrent nus, lisses, imparfaits, dépourvus de ces artifices crus qui masquent la réalité.
— Bon. Et c’est très, très important : je veux que vous vous amusiez ! Que vous vous sentiez chez vous, comme dans une grande famille !
Claire lève la main et son bras taille son profil en deux, empêchant Sofiane de poursuivre son examen. Dans le creux de son aisselle, là où d’ordinaire rien ni personne ne s’attarde, apparaît une tache surprenante, un buisson brun aux feuilles fournies : Claire ne s’épile pas et le jeune homme s’en étonne. D’autant que l’étalage de ses poils au vu et su de tous ne semble pas la perturber plus que cela. À moins qu’elle soit juste étourdie ?
— Excusez-moi de vous interrompre, Jules. Je me demandais jusqu’où les ados ont le droit d’aller. Je veux dire, le terrain est très grand, est-ce qu’ils peuvent se balader seuls dans la forêt, par exemple ?
— Tu verras, Claire, ils sont suffisamment autonomes et connaissent les limites autorisées. En dehors des couvre-feux et des activités, cela va sans dire ! Sachant que jamais, jamais dans l’histoire de la Fourmilière, nous n’avons dû faire face à une situation de fugue. Bon. Maintenant, j’en profite pour rappeler une autre règle extraordinairement importante…
Jules s’ouvre : ses bras s’étendent, son sourire s’étire. Il se veut lumineux, observe Sofiane ; il se démène comme un diable pour être chaleureux, apprécié — accepté au sein du cercle très fermé que forment les gens « dans le vent ». Un vieil oncle décrépi balbutiant deux ou trois mots gentils ne se comporterait pas autrement.
— Ici, tout le monde me tutoie. J’y mets un point d’honneur ! Je suis votre ami avant d’être votre boss. Pas de « vous », pas de « Monsieur » ni de « patron » qui tiennent !
Il n’a pas l’air de savoir, le pauvre, que les amis ne forcent pas la sympathie. Ils n’en ont pas besoin. Seuls les patrons font ça. Sofiane s’amuse de la naïveté du directeur mais ne le montre pas : railler Jules n’apporterait que de menus soucis et, aux affrontements inutiles qui écorchent les nerfs, l’animateur préfère l’écoulement calme de l’été. Il sait qu’en définitive, tout se passera bien.
À voir les sacs de patates qui bondissent et rebondissent, se jetant en avant dans une tentative navrante et sans cesse renouvelée, Klaus retient un soupir. Les adolescents sont des adolescents et non des lapins. Pourtant, leur premier après-midi au sein de la Fourmilière consiste à enfiler des sacs comme un enfant une grenouillère trop lâche, de maintenir contre leurs hanches ce tissu qui irrite les doigts, et de se démener pour franchir la ligne d’arrivée avant que le ridicule ne l’emporte. Les genoux se débattent dans les sacs, les fesses s’entortillent et les adolescents se plient aux règles imposées. Si leur jeune âge ne leur dictait pas de préférer l’apoplexie à la honte, ils pourraient s’amuser. Ils n’en sont pas encore là.
Un garçon se prend les pieds dans le sac, bascule en avant, tombe, et reste à terre. Il n’a manifestement aucune envie de se relever. Klaus soupire une nouvelle fois et s’assoit : rien ne sert de se tenir debout et d’encourager les adolescents. Il est l’intendant d’une colonie de vacances. Pas un vulgaire parieur de course de lapins.
Il s’allonge et ses coudes s’enfoncent dans l’herbe. Sam s’assoit à ses côtés.
— Alors, cette course en sacs à patates ? lui demande-t-elle.
Pour toute réponse, il lui offre un troisième soupir. Elle rigole.
— Tu fais quand même fort, commente-t-elle. Quand j’ai su que tu étais catapulté maître des ateliers sportifs et que tu devais improviser une activité, là, pour la première journée, je dois t’avouer que j’ai eu un peu peur pour toi. Mais finalement, je vois que ta créativité a repris le dessus !
Il concède un sourire, puis tend un bras et balaie la course d’un geste solennel.
— Mon royaume pour un sac à patates, ironise-t-il. Plus sérieusement, c’est tout ce que j’avais sous la main. Ces sacs de patates. Ils viennent de la première livraison du maraîcher, j’ai à peine eu le temps de les vider.
— T’auras pu proposer des courses de relai, par exemple. Avec des petits bâtons. C’est plus simple.
— Je suis pas animateur.
— Et moins ridicule.
— Je suis pas animateur.
Sam lui donne un coup de coude amical. Toute timide qu’elle est, Klaus a toujours senti qu’elle était à l’aise avec lui et cette faveur qu’elle lui fait, celle d’être elle-même en sa présence, l’adoucit. Il ne pourra jamais s’énerver contre elle. Elle doit s’en douter et, parfois, elle en profite pour le taquiner.
— Je cloche, lance-t-il tout bas.
— Quoi ?
— Je devrais pas être là.
« Il cloche », ça s’est sûr. Quelque chose ne va pas.
— Les planètes ne sont pas alignées, poursuit-il.
Sam l’observe, soucieuse.
— Depuis quand tu parles comme une voyante, toi ?
— Je fais une crise existentielle, répond-il le plus simplement du monde. Peut-être que je ne suis pas un docteur en littérature russe mais, au fond, une voyante. Ou un cosmonaute perdu dans une autre galaxie. Ou un zoologue. Au vu du troupeau d’animaux qu’on doit gérer.
— Ou un intendant qui organise des courses en sacs à patates. Pour résumer, t’as rien à foutre là.
— Exactement.
Devant eux, les adolescents continuent de sauter dans leur accoutrement de fortune. Leurs bonds et rebonds incessants font danser la poussière sous leurs pieds. Si la situation n’était pas aussi grotesque, Klaus y verrait un semblant de poésie.
Soudain, une voix inconnue, étouffée par la course, lui parvient :
— C’est le petit matin. Les villageois se réveillent et… patatras ! Ce villageois est mort !
Derrière les bonds et la poussière, sur un parterre d’herbe, Klaus distingue une ronde d’adolescents sagement assis. Au milieu d’eux se tient Claire, la nouvelle animatrice. Elle tourne, se tourne, se retourne, s’arrête sur un adolescent, puis sur un autre, soulève une carte, la repose, et n’en finit pas de gesticuler.
— Et celui-là aussi ! s’exclame-t-elle. Deux morts au cours d’une seule nuit, c’est du jamais vu… Les loups ont frappé fort.
— Mais qu’est-ce qu’elle fait… ?
Sam se penche et, à son tour, découvre la scène.
— Oh, ils jouent au loup-garou ! répond-elle, réjouie.
Klaus lui lance un regard interrogateur.
— Tu connais pas ? s’étonne Sam. C’est un jeu de rôles. Chaque joueur est soit un villageois, soit un loup, soit un personnage spécial. Chaque nuit, les loups se réveillent pour tuer quelqu’un. Les loups gagnent lorsqu’ils ont tué tout le monde, les villageois s’ils arrivent à tous les démasquer.
L’intendant hausse un sourcil. Il ne comprend rien à ce charabia et cette histoire de tueries collectives le laisse perplexe.
— Bref, c’est un jeu de rôles, quoi… se défend Sam. C’est assez chouette, ça fait longtemps que j’y ai pas joué.
Elle ignore l’expression sceptique de Klaus et reporte son attention sur le jeu. Elle ne s’attarde pas sur la poussière, elle. Ne s’arrête pas sur la stupidité qui s’expose sous son nez. Cette capacité à voir le beau doit être apaisante et Klaus l’envie.
— Claire a l’air douée, admet-il.
Sam acquiesce d’un signe de tête. Il poursuit :
— Qui sait. Elle deviendra peut-être la reine des fourmis.
Les fourchettes crissent, les couteaux cognent et les verres carillonnent. Tout est discordant : les sons s’entremêlent, les discours se chevauchent, les phrases s’entrecoupent et ne parcourent qu’à moitié la voie sur laquelle les bouches les ont lancés.
Sofiane adore cette cacophonie. Cette atmosphère bruyante, ronflante et déchirante des repas de familles désunies, qui lui rappelle son propre foyer et le renvoie, tout heureux, à ses souvenirs de roi de la tablée. Dès son plus jeune âge, il a appris à dompter la portée de ses mots, le langage de ses bras, l’éclair de ses yeux, et a su régner en maître sur les conversations.
Il ne s’agit pas tant de contrôler ni de hurler le plus fort. Encore moins de dominer — non. Il s’agit de connaître sa propre humeur, ses propres envies ; de tâter le pouls des convives, de sentir la température ambiante ; de louvoyer vers les sujets qui ne fâchent pas, naviguer d’un ton à l’autre, voguer selon son bon vouloir d’un interlocuteur au suivant. Sofiane cherche à parler avec Farid ? Il élève la voix et la laisse créer par-dessus les plats un pont intouchable avec son ami pour seul ancrage. Il souhaite blaguer avec le patron ? Un coup de coude bien ficelé, avec la tête penchée en arrière et la bouche à moitié pleine, fera l’affaire. Il préfère montrer à la jeune demoiselle qu’il lui accorde toute l’attention du monde ? Il s’incline vers elle, doucement, et fait couler sur son épaule, près de sa nuque, quelques promesses sucrées. Tout est dans la subtilité. L’art de la table verbale.
À ça, Sofiane s’amuse comme un fou. Ce sont sans doute ces dîners entre adultes non consentants, entre collègues que peu de choses rapprochent, qui le convainquent de rempiler chaque année. Sans cela, il y a bien longtemps qu’il aurait dit adieu à la Fourmilière. Sofiane observe à la dérobée cette merveilleuse et fausse famille : les cuisinières papotent, Farid s’est engagé dans un débat sérieux avec Klaus, Sam et Claire se sont enfermées dans une discussion complice. Et, au coude à coude avec Sofiane, Jules, Emmanuel et Christian forment un trio imprécis, bancal, qui réunit le pôle Nord et le pôle Sud du camp, le sommet et la base de la pyramide.
— Parce que je vais vous dire une chose, Jules. Pour faire un bon cognac, ce qu’il faut c’est…
Le conseil de Christian se perd dans le brouhaha : Sofiane n’aime pas l’alcool fort et se moque complètement d’en connaître les secrets. Le directeur, en revanche, boit les paroles de l’agent d’entretien.
— Il reste de la betterave ?
Sofiane attrape en plein vol la demande de Séverine, jette un regard alerte sur la table et se saisit du saladier réclamé. La betterave, rouge criant derrière les parois de verre, voltige dans les airs et atterrit entre les mains de Séverine. Le jeune homme avait oublié jusqu’à l’existence de sa collègue.
— Merci Sofiane. Vous êtes très aimable.
La politesse que Séverine affiche en toutes circonstances le désarme. Il l’a toujours trouvée coincée, faible. Invisible, transparente. Étrangement émouvante. Et alors qu’elle se courbe par-dessus le récipient, toute menue, le corps recroquevillé au milieu des autres, les paumes resserrées autour du saladier comme si la vie de ce saladier en dépendait, soudain l’image le frappe : Séverine lui rappelle sa mère. Ça y est, il a mis le doigt dessus. Sa mère qu’il a vue servir, offrir ; s’effacer. Mais jamais vivre. Il le lui avait reproché. Il avait eu envie de la secouer, de la baffer, qu’elle se réveille, se remue, se démène — qu’elle gueule enfin au monde son envie de respirer. De prendre de la place. Cependant ses efforts de fils enragé se sont révélés vains, et la mère de Sofiane est morte ainsi que meurent toutes les mères : une maladie aussi discrète qu’elle, suffisamment discrète pour l’emporter dans le silence ; un enterrement fleuri ; un vide. Oui c’est bien cela : Séverine lui rappelle sa mère. Et c’est tout de même étonnant : depuis le temps qu’il la connait, qu’il la côtoie, qu’il travaille avec elle — qu’il l’observe du coin de l’œil et qu’il s’agace de sa réserve — jamais, jamais encore il n’avait fait ce lien qui, désormais, lui semble si évident.
— Tu sais Séverine, tu peux me tutoyer !
Il n’a que cette bouée à lui lancer. Si elle s’obstine à ne pas vouloir être, simplement être, il ne peut rien de plus pour elle.
— Oh, je sais bien ! Mais bon, vous me connaissez… Je suis de la vieille école.
Elle glousse et ses mots s’éteignent, perdus dans les conversations qui la surplombent. Sofiane n’insiste pas.
— Et alors, comment tu fais si un petit se met à pleurer en plein spectacle ? S’il a peur du décor, ou si l’histoire le dépasse ?
Sofiane se désintéresse de Séverine et se tourne vers Sam. Sa collègue a délaissé son assiette et s’abandonne toute entière à sa discussion.
— Il faut savoir être créatif, lui répond Claire. Et ne pas hésiter à improviser. Une fois, je jouais une variante du Petit chaperon rouge dans une école maternelle, et un garçon est carrément monté sur scène pour chasser le loup ! Et bien, au lieu de le repousser, de le ramener gentiment dans le public, j’ai continué à jouer avec lui. C’était magique ! Il était à fond dedans, et les autres gamins voulaient pas que le spectacle finisse !
Sam est suspendue aux lèvres de Claire, et Claire soutient Sam à grand renfort de gestes enthousiastes. Sofiane saute sur l’occasion :
— Ça a l’air génial, comme métier ! Ça va pas te faire bizarre, de t’occuper d’adolescents ? Au lieu des tout-petits ?
Sofiane empoigne les montants de sa chaise, donne deux coups de bassin et, en autant de raclements, le voilà rapproché des deux femmes.
— J’ai aussi monté des spectacles pour les ados, lui répond-elle. Certains avec des ados, même.
La table le dérange. Il aimerait être assis à côté d’elle, contre elle. Au lieu de quoi les plats, les assiettes, les verres les séparent, créant une jungle d’obstacles qu’il ne peut traverser.
— Ça doit être très utile, de s’occuper de petits bouts de chou alors que vous êtes vous-même très jeune.
Sofiane manque de se tordre le cou. Il ne s’attendait pas à ce que Séverine s’immisce de la sorte. Il la voit, en une image brève, ouvrir sa bouche rougie par la betterave et y déposer une nouvelle fourchette pauvrement garnie. Puis il reporte son attention sur Claire.
— J’imagine que ça vous fait une expérience pour plus tard, poursuit la voix de Séverine. Pour vos propres enfants.
Sofiane garde les yeux rivés sur Claire mais remercie en pensée l’audace de Séverine. Des enfants, en voilà une question intéressante. Qu’il n’aurait certainement pas pu poser sans laisser entrevoir un quelconque sous-entendu. Et qui peut déboucher sur la situation amoureuse de la belle – célibataire ? ouverte ?
— Je suis stérile.
Les fourchettes s’immobilisent, les couteaux se suspendent, les verres se reposent. Une bulle de silence s’épaissit. Il n’y a que quelques convives, en bout de table, que l’électrochoc n’a pas atteint. Claire paraît calme. Toutefois les regards épouvantés de ses voisins se braquent sur elles, l’enveloppent. Elle rit nerveusement.
— Oh, pas de quoi en faire tout un drame, vraiment ! Au contraire, je vais très bien. Je n’ai jamais voulu d’enfants.
Elle plonge une fourchette dans sa bouche, lentement, comme pour inviter ses camarades à reprendre le cours normal de leur quotidien. Sofiane a l’impression qu’elle est peinée pour eux ; qu’elle cherche à les consoler d’une tristesse qu’elle-même ne ressent pas.
— Je suis profondément navrée… chuchote Séverine.
— Ne vous excusez surtout pas ! Ce n’est pas un tabou. Franchement, je m’en tamponne les ovaires !
Elle rigole. Sa tentative de détendre l’atmosphère tombe à l’eau : personne ne réagit à son jeu de mots. Alors, au carrefour de ce silence gênant, Jules s’éclaircit la gorge et reprend les rênes :
— Nous sommes tous navrés pour toi, Claire. Sache que tu es ici en… hum… en terrain d’entente. De discussion. Bon. Ceci étant, si tu ne souhaites pas parler de cela ici et maintenant, je propose que nous retournions tous à nos sujets de conversation.
Sofiane s’étonne. Est-ce de l’embarras qu’il perçoit dans la voix du directeur ? Dans ce chevrotement imprécis, dans ce flot de phrases agglutinées les unes derrière les autres, mais qui sonnent démesurément faux ? Claire, elle, semble délivrée d’un poids. C’est déjà ça.
Puis ce passage sur le désir d'enfant ou non. Cet enfant que la société veut te foutre à tout va. Mais faut penser à l'avenir, voyons. Vous allez bien avoir un enfant, non ? Et que tu t'entêtes à dire non pour finalement lever les yeux au ciel ou opiner vaguement pour avoir la paix. Alors, oui je ressens cette pression. Pire, je me tape parfois des regards scandalisés quand j'aborde l'idée de me faire ligaturer les trompes. A chaque fois, c'est : mais tu vas le regretter. Parce que c'est impossible de pas vouloir d'enfants, t'es obligée c'est biologique. Alors tu te mets à douter, tu cherches à comprendre si t'en as envie, tu te rends compte que c'est toujours non mais que tu culpabilises à cause de la société...
Que dire si ce n'est que ce passage sur l'infertilité, cet enfant qu'on veut te foutre dans le ventre m'a parlé ? Et à la différence d'autres personnes, ça ne m'a pas choqué plus que ça de le voir arriver après les formes géométriques... Parce qu'au final, ben une femme qui ne veut pas d'enfants, c'est une forme qui refuse de rentrer dans le bon trou. Qui même quand elle peut être heureuse, ne peut pas l'être car elle ne colle pas au décor trop parfait, car elle a un truc qui cloche... Et une personne infertile ne peut pas être heureuse vu qu'elle doit mettre au monde un enfant...
Et du coup je m'interroge sur le besoin de Claire à aider Léa. On pourrait croire que c'est une façon pour elle de combler le manque d'enfants... Ou alors elle cherche juste à aider quelqu'un qui ne rentre pas non plus dans les trous. Non parce que je vois bien des gens dire : oh mais elle aide Léa parce qu'elle regrette de pas avoir d'enfants, c'est son instinct maternel... Chut. On peut avoir envie d'aider quelqu'un sans pour autant combler un manque de bébé. On peut être maternelle sans en avoir un à nous... Et si ça se trouve on est plus douée parce que c'est justement pas le nôtre. Mais pourquoi parler de ça puisqu'au fond : une femme doit avoir un enfant.
Puis, Jules, la gifle tu la mérite. T'as pas à juger Claire. Claire est très bien. ET JE TE HAIS JULES. Vala...
Bref c'était un bon chapitre, qui m'a parlé, beaucoup parlé.
Du coup je vais le digérer avant d'enchaîner sur la suite car il m'a fait un sacré effet.
Décidément, je crois que toi et moi on est faites pour s'entendre... :-D
Reviens à ton rythme, surtout. Sur le fond, j'imagine que ce genre d'histoires peut bousculer (elle m'a bousculée dès l'instant où elle m'est venue en tête, d'où le besoin de l'en sortir)
Merci infiniment !
Les réflexions sur l'infertilité, j'ai trouvé ça super ! Par contre j'ai un peu tiqué à "l'enfant qu'on avait voulu lui imposer" ou un truc du genre, parce que bien sûr la pression est réelle pour toutes les femmes, mais Claire est assez jeune, non ? Moi je l'ai encore jamais ressentie en tout cas. Et puis dit comme ça, ça m'a donné l'impression qu'il était arrivé un événement X où vraiment on l'avait pratiquement contrainte à procréer... Ou bien qu'elle était tombée enceinte et qu'elle avait pas voulu du bébé, ou je ne sais pas quoi. Bref je changerais peut-être la formulation, pour qu'on comprenne que c'est la pression sociale générale (si j'ai bien compris).
Plus ça avance et plus j'ai hâte de voir comment tu vas gérer cette fin :D
En effet Claire est jeune mais je crois que, à partir du moment où une femme annonce clairement qu'elle ne veut pas être mère, ça peut jeter un froid... J'ai quelques copines sur qui les parents font pression pour avoir des bébés, alors qu'elles-mêmes n'y pensent même pas. Et j'ai lu pas mal de témoignages qui relataient le rejet social (plus ou moins subtil) auquel une femme ne souhaitant pas d'enfant peut être confrontée. Dans le cas de Claire, elle est stérile et s'en réjouit : pour le commun des mortels, ça cloche, elle devrait en être attristée, se considérer incomplète voire fautive. Mais de toute manière, ce passage est crucial et il faut que je le peaufine ! ;-)
A samedi :-D
Comme d’autres, j’ai eu un peu de mal avec le côté « géométrique » de certaines descriptions. Quant aux réflexions de claire sur son infertilité, elles sont intéressantes, mais arrivent un peu au milieu de rien.
En revanche, la confrontation entre claire et Jules m’a paru très juste, avec ce mépris insupportable de jules envers la liberté et la sensualité de Claire. On devine cependant que leur animosité est déjà installée, et qu’il nous en reste encore à découvrir.
Détails
Pourquoi serait-ce eux qui auraient pris le mauvais chemin, comme tu dis, et pas nous ? on ne sait pas qui parle (claire ou klaus ?)
les gravillons secs s’effritent : bizarre pour moi des gravillons qui s’effritent.
sens-dessus-dessous : pas de traits d’union
En fait, ce chapitre marque un point culminant dans le roman. Outre le fait qu'il soit le 5e, donc médian, c'est l'un des rares chapitres où le personnage central (Claire dans l'eau) va... bien. Et le seul chapitre où une femme va bien. Elle s'interroge sur le monde qui l'entoure mais au final, tout roule. Ces passages s'inscrivent dans la progression du précédent chapitre, où au contraire, on voyait des personnages galérer avec leur corps (Léa, Séverine, pour des raisons et dans des contextes différents). Là, j'ai voulu aller plus loin et proposer une forme de liberté - que l'altercation avec Jules vient casser, et d'ailleurs le chapitre d'après (le 4e) est centré sur le directeur. Je ne suis pas sûre d'être tout à fait précise dans mes explications...
En tout cas, je sais que cette histoire de géométrie a besoin de plus de clarté - ça fera partie de mes prochaines sessions de réécriture !
Je sais pas depuis combien de temps tu as sorti ce chapitre, mais bon, l'important c'est que j'aie réagi avant d'en avoir quatre de retard... non ? :D
Coquillettes et suggestions :
"Elle représente une couleur qu’il n’a pas" Trop beau <3
"Claire exulte. Mais n’a pas le temps de se remettre de son émotion" La coupure (le point quoi) fait bizarre, je trouve...
"une armée d’adolescents se jettent (jette) dans le vide"
"qui la libère – de quoi au juste, elle ne saurait le dire" J'ai l'impression que la précision casse un peu le rythme / l'ambiance, surtout qu'elle n'est pas très utile.
"Claire lève les yeux vers le sommet de la falaise et contemple le souvenir fantôme de son voyage dans les airs" Ça aussi c'est bô <3
"c’est à se demander par quel miracle la gravitation (... gravité ?) les a abandonnés"
"Claire le devine, ce sont les bras de la mare qui se déversent sur eux depuis le sommet de la falaise" ... Hein ? Tu parles de la cascade... ?
"Klaus sait y faire avec elle, là n’est pas la question - d’ailleurs, Léa s’est toujours sentie en confiance à ses côtés. Non, c’est son devoir à elle, Claire." Son devoir de quoi ? (J'ai compris, bien sûr, mais...)
"elle prend des envols" Le pluriel me semble bizarre...
"Il ressemblerait presque à un boulier cassé" À un quoi ??
"A (À) sa place"
"A (À) l’époque"
"ces trompes fermées et ces deux bras rosés" Euh... les "bras", c'est pas déjà les trompes ?
"Elle se dandine dans l’espoir de tuer sa gêne" ... tuer ?
"Son t-shirt noir" Elle était pas en débardeur ?
Aaaah j'ai adoré ce chapitre c'était trop bien b25; (Pour te dire j'étais dans la voiture et j'ai même lu deux-trois paragraphes à haute voix à mes parents XD)
J'ai trouvé les descriptions particulièrement belles, elles s'adaptent parfaitement à l'idée de cette chaleur écrasante et au côté grandiose du paysage. Et aussi, je plussoie totalement toute cette histoire de baignade, cette décision impulsive, ce saut dans le vide et tout ! (En fait, je crois que j'ai particulièrement aimé ce chapitre parce qu'il résonnait avec moi-même : j'ai passé ces deux dernières semaines à marcher dans les Alpes italiennes, je me suis baignée dans le moindre cours d'eau que je sois en maillot ou non, et en plus je serais plutôt d'accord avec Claire par rapport à ses vues sur la maternité...)
Oh, à propos de ce passage sur sa fertilité, je l'ai trouvée très bien, en plus ça rentre parfaitement dans le personnage de Claire, cette sorte de fierté farouche d'avoir dompté son corps par sa seule volonté... Par contre j'ai trouvé que ça s'insérait bizarrement au milieu du reste, et je n'ai pas compris d'où sortait le paragraphe qui le précédait directement, celui sur la géométrie et les losanges qui ne rentrent pas dans des cercles... Les personnages n'étaient justement pas en train de faire quelque chose "dans les clous", alors pourquoi ?
Au fait, je sais que tu tiens à la chronologie inversée, mais ça fait quand même un peu bugué mon pov petit cerveau XD Je suis totalement convaincue par le fait de commencer par la fin (parce que ça choque et on voit savoir comment on a pu, dans notre société, arriver à une telle violence), mais peut-être pas de tout faire à reculons... Enfin, p'têt que ça passe bien si on lit tout d'une traite en fait, je sais pas.
Mais surtout, pour moi le point fort de ce chapitre c'était le thème autour de la sensualité de Claire, sa spontanéité, son corps moulé par ses vêtements mouillés et la façon dont elle assume ça tout naturellement, parce qu'effectivement c'est naturel, et comment Jules considère ça comme insolent, choquant, inapproprié. J'ai envie d'applaudir Claire pour l'avoir giflé d'ailleurs !! Et du coup, ça éclaire d'un jour nouveau les "cendres"... (gulp)
Mais baigne-toi, nage partout, saute des falaises (sans te faire mal, hein, mais tu vois ce que je veux dire) ! J'ai moi-même des souvenirs incroyables liés à l'eau, des expériences que j'associe à des formes de liberté, et c'est ce que j'ai cherché à retranscrire. Et puis, il s'agissait aussi de parler de sensualité, des corps (et là aussi de libertés) mais sans tomber dans la sexualisation - tout simplement parce que là n'est pas la question, exactement comme tu l'as perçu.
Tu n'es pas la première à trouver que l'introduction du passage sur l'infertilité manquait de cohérence vis-à-vis du reste. Je garde ça en quoi de tête et j'ajouterai prochainement un paragraphe ou deux !
A très vite (et profite bien de tes voyages :-D )
Pour être honnête, la personnalité de Claire m'énerverait profondément (dans la vie réelle). Parce qu'au début du chapitre, j'ai senti toute la manipulation qu'elle pouvait mettre en place pour arriver à ses fins. Et en même temps, je comprend tellement la pression sociale qui l'étouffe et la pousse à "se battre" pour faire bouger les lignes. Impossible de la détester vraiment mais je comprend aussi tout ce que Jules peut voir d'éxaspérant en elle.
D'autant plus que le fait d'être stérile, même si Jules n'est pas sensé la savoir, ça induit que Claire est une personnification de la femme-qui-n'est-pas-mère, donc foncièrement un danger pour qui ne peut pas la ranger dans une case
Bref, de la profondeur, de l'intelligence, de la réflexion...
dégoulinent de sueur et prient pour une accalmie
Ha, je trouve ça très intéressant d'avoir les différents points de vue des lecteurs/trices sur l'ensemble des personnages. C'est marrant cette lecture que tu as, parce que je n'ai pas cherché à montrer Claire sous l'angle de la nana manipulatrice (après tout, elle souhaite faire une pause, éventuellement se baigner, mais c'est Sofiane qui franchit le pas pour lui plaire : elle n'a rien demandé).
Et effectivement, la stérilté de Claire joue dans les relations entre les personnages !
Merci encore, et à très vite :-)
Liné
C'est elle qui l'a gilfé alors ! Wow !
Elle a vraiment une histoire particulière, Claire. C'est tellement intéressant de la découvrir par petites touches.
On a du mal à cerner ce qui se passe réellement entre Jules et elle. Mais là, on comprend les insultes qu'il lui a balancée.
Par contre, comment connait-il son passé ? Le fait qu'elle soit stérile ? C'est intriguant... Ont-ils un historique tous les deux ?
(je suppose que la suite me le dira ;) )
Merci encore pour le marathon de lecture, tes retours me servent énormément !
A très vite,
Liné
J'ai trouvé ce chapitre super poétique, c'est beau. L'envie de sauter, le saut, l'eau malmenée, Léa qui nage, Claire et infertilité désirée, tout est dit d'une manière unique, très belle et toujours très naturelle, tu as vraiment une plume incroyable !
Certains passages m'ont paru un peu obscurs (comme cette histoire géométrique de losanges et de carrés ... je voyais pas où elle voulait en venir, et la transition "comme ce bébé qu'on voulait..." ne m'a pas aidé à comprendre...)
J'attendais tellement une confrontation Jules/Claire ! Tu ne déçois pas ! Même sans dialogues, leurs échanges sont vraiment pleins d'une tension palpable...et franchement un regard qui se pose sur sa cible et la brûle. C'est pour ce genre de phrases, de mots même, posés là, au milieu d'un chapitre rayonnant de bonheur, que j'adore Avant les cendres et son principe de compte-à-rebours (qui me pose quand même souci à chaque début de chapitre parce que je dois me dire "attends, ah non, on n'est pas après, on est AVANT" ; une fois l'effort mental accompli, du délice ;)
Pour Claire, les scènes que je décris à travers ses yeux (Klaus dans l'eau, la vision des enfants "à l'envers", Sofiane sur son monticule...) sont géométriques. C'est-à-dire qu'elles voient toutes ces scènes avec des traits, des lignes... toutes faites, et qui ne la surprennent pas. Elle n'est pas étonnée de ce qu'elle voit. Ce qui l'amène à se dire qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles nos yeux se portent, et des notions que notre pensée traite, qui ne sont presque jamais remis en question : notamment cette idée que, dans un utérus, il doit y avoir un enfant.
C'est vrai que ce passage-là est un peu tortueux. Je vois ce que j'essaie de faire dire à Claire, mais je sens effectivement que je n'ai pas tout à fait aligné les bons mots (ou pas assez de mots ?) pour retranscrire tout ça de manière juste. J'y retravaillerai quand le déclic aura opéré !
En tout cas, merci encore et j'espère à très vite =D
Liné
le terme "mare" m'a un peu perturbée : pour moi une mare c'est de l'eau stagnante comme dans les marécages, c'est un peu dégueu... là on imagine plutôt une rivière vive, ou un lac... je trouve que "mare" ça fait pas du tout rêver, mais bon c'est ptêtre que moi
J'adore comme la tension monte en flèche à la fin du chapitre avec l'arrivée du directeur
Je pense qu'on en saura plus sur la petite Léa dans le chapitre suivant/précédent ! Claire a-t-elle une raison d'être si protectrice avec elle ?
Oui, je vois ce que tu veux dire avec le terme "mare"... A vrai dire, il s'agit quelque part d'eau stagnante, mais au sommet d'une falaise et qui chute dans un plan d'eau en contrebas... Si tu as un meilleur terme je suis preneuse ! :-D
A très vite !
Liné
L'attention que Claire porte à Léa, on l'a déjà sentie, mais on saisit encore mieux que c'est une mission qu'elle s'est fixée, au point de culpabiliser quand elle ne l'honore pas, même si Léa est entre de bonnes mains.
Klaus restait jusqu'ici assez mystérieux, mais le petit passage écrit de son point de vue est tout à son honneur : j'ai perçu l'ouverture d'esprit et la curiosité pour ce qui est différent de lui. C'est si rare que ça me l'a rendu très attachant.
On en apprend plus, également, sur l'infertilité de Claire. La façon dont elle interprète ce fait comme une volonté de sa part est troublante : y croit-elle vraiment ou est-ce une relecture pour se protéger d'une fatalité qui, au fond, la rend triste ? Et je me demande comment Jules le sait : a priori ce n'est pas quelque chose qu'on crie sur les toits lors d'un entretien d'embauche ! Je n'arrive décidément pas encore à voir ce qu'il y a entre eux, quel passif peut alimenter l'animosité. Mais je suis persuadée qu'il y a bien un passif (ou en tout cas un passé) et que ce n'est pas juste un problème d'incompatibilité !
Quant à l'histoire de la gifle... Volontairement, je n'ai pas envie de relire le passage où on en entend parler pour la première fois. Mais j'étais persuadée que c'était Jules qui avait giflé Claire ou quelqu'un d'autre, et non le contraire. J'ai dû interpréter avec le filtre d'un a priori (ou alors c'était un peu calculé de ta part ? ;) ). Ou encore, ce n'est pas la seule gifle et il y en a eu une autre ?...
Encore une fois, ce chapitre est très réussi. Là aussi tu fais parler les corps (peut-être un tout petit peu trop longuement à mon goût quand tu décris les sensations et l'état d'esprit de Claire dans l'eau, mais c'est très personnel) et les esprits. Tu distilles les informations tout en mettant en scène les décors et les personnages.
J'admire la difficulté technique que tu as choisie : le compte à rebours. Mais d'un autre côté, c'est brillant car tout est teinté d'une profonde mélancolie et d'un côté inexorable qui oriente la lecture, même d'une scène joyeuse comme celle-ci.
Comme d'habitude : bravo !
Honnêtement, je n'avais pas prévu que l'infertilité de Claire puisse être abordé sous cet angle. Mais je te rassure, on reviendra sur la question dans la suite/l'avant de l'histoire.
Quant à la gifle : j'aime que tu sois troublée ! C'est fait exprès, et je ne t'en révèle pas plus pour le moment ;-)
Sur les longueurs, est-ce que tu trouves que c'est le style qui en joue trop ? Ou bien tout simplement, tu as eu du mal à raccorder certains éléments d'introspection avec l'intrigue principale ?
A très vite !
Liné