Si Selana s’ennuyait du luxe, elle n’en demeurait pas moins un animal apprivoisé par celui-ci. Elle ne se serait pas vu dormir dans un lit autre que ces tièdes couvertures dans lesquelles elle restait des heures chaque matin, enveloppée de la douce lumière du soleil matinal. Avec son mari, parfois, mais rarement. Il était trop affairé pour traîner aux belles heures comme elle le faisait. Alors, elle en profitait seule. Ou, lorsque celui-ci était absent, avec un compagnon d’une nuit, ou plus.
- Un artefact puissant, destiné à Léonid ? Répéta l’amant de Selana, déconcerté. Elle acquiesça, tout excitée par son propre récit. Elle avait rarement des histoires aussi passionnantes à lui raconter, lui qui en avait toujours des dizaines pour elle.
- Eh bien, poursuivit-il. Ça promet. Il fait déjà des miracles sans ça…
- Tu sais bien que ça n’est que grâce au soutien de votre père, rétorqua-t-elle.
Leur père. Son ami, devenu amant régulier, n’était autre que le jeune frère de son mari. Théophraste Lamnis, malin, charmeur, avide de tout ce qui pouvait blesser son aîné. A commencer par baiser sa femme.
La famille fonctionnait d’une façon très simple. Leur paternel, Chamberlain Lamnis, éminent propriétaire des banques du pays, régnait sur son empire. Pater du groupe criminel éponyme, il s'était fait un nom et une petite fortune grâce à a position avantageuse. Un héritage de famille : c’était sa grand-mère, sénatrice et femme d’affaire influente, qui avait su tourner provoquer et saisir les opportunités. Il avait poursuivi son œuvre, étendant ses affaires, investissant son argent. Il possédait ce qui lui plaisait : un hôtel, quelques bars, une maison de jeux ainsi que la maison de plaisir discrètement associée, dont il se targuait de traiter mieux les filles que n’importe quel autre propriétaire. Aidé par un opportunisme et une prudence à tout épreuve, il fut ensuite admis parmi le conseil des grands marchands, du fait de sa considérable fortune et de l’aide notable de ses gars qu’il appelait la famille. Il n’avait pas encore atteint les hautes sphères politiques ; mais il aimait imaginer son aîné y régner. Aîné qui s’occupait de la partie légale des affaires de la famille, depuis le beau manoir, en périphérie de la ville. Léonid Lamnis, qui s’apprêtait à devenir le plus jeune sénateur d’Elyon. Théophraste, le cadet, jouait un rôle bien différent. Il était chargé de veiller sur le bon fonctionnement de ces complexes mécaniques. Il gérait le Clan, les Gars, la famille, ceux qui s’occupaient de briser les rotules des rivaux ou de leur glisser en évidence quelques preuves compromettantes. Il était tenu de vivre en dehors du manoir, dans les bas-quartiers, avec eux. C'était important de garder un membre pur-sang de la famille dans les bas-fonds, pour éviter qu’ils ne deviennent hors de contrôle.
Les bas-fonds, c’était le quartier de la Blanche ; la seule zone où ne s’aventurait pas même la garde de la ville. Lieu où les paris, les drogues, les vices tournaient librement, et où le sang giclait quotidiennement. Un exutoire. Son royaume à lui, où il avait su imposer sa voix sur les fluctuations des plaisirs vains qui tournaient autour des verres. Son empire, dérisoire à côté de celui de son père, mais conséquent. Leur clan, Or Lamnis, dirigeait plus que tout autre en ville.
C’était bien pour cela qu’il ne laisserait pas son frère mettre la main sur ce mystérieux objet. Hors de question.
Après une longue réflexion, il enlaça Selana et lui sourit.
- Encore un plan en tête ? Demanda-t-elle, amusée, en se blottissant dans ses bras.
- Toujours, tu me connais bien.
Des plans, Théophraste ne cessait d’en faire. Il les entremêlait, les défaisaient, les construisait pour obtenir les nœuds les plus complexes et efficaces qui pouvaient tenir en place ses ambitions démesurées.
- Tu ne t’arrêtes jamais ! Cesse donc de penser à ce que tu feras plus tard, profite du présent. Elle se glissa au-dessus de lui, par surprise, pour embrasser son cou.
- Impossible, en ta présence, lui murmura-t-il. Tu m’inspires bien trop pour cela.
Pour un début il y a déjà pas mal de suspense!
Tu poses intelligemment les bases de ton histoire, ni trop ni pas assez. 🙂
J’ai juste une petite remarque personnelle à faire, je t’avoue que comme ton récit se déroule dans un contexte historique, j ai été un peu surprise par certains mots, vulgaire ou violent. Car je trouve que ça ne va pas trop avec le reste. Mais c’est vraiment une remarques très personnelle, donc je suis peut-être la seule à le penser! Haha
Et puis je vais probablement m’habituer, t’inquiète pas!