Je pensais que j'aurais mal. Mais en fait non, tout va bien. Je suis bien.
J'ai l'impression de planer. Comme si j'étais droguée. Ce qui, il me semble, n'est pas le cas.
Il faut que je le fasse. Je le sais. Mais cet état de plénitude est si agréable, si confortable... Je ne veux pas quitter ce nid semblable à du coton, dans lequel j'ai pourtant toute ma liberté de mouvement.
Je rassemble toute ma volonté, et au moment où je m'apprête à sortir de ce matelas duveteux, je sens le sol sous mes pieds. Une surface plate, tiède, qui est apparue.
Je ne peux de toute façon plus planer à nouveau, donc je décide de m'avancer vers le point lumineux que j'aperçois au loin. J'observe autour de moi, sans réussir à distinguer quoique ce soit. Il fait vraiment sombre. J'ai l'impression d'être dans une pièce vraiment grande, dont je ne verrais aucun mur. Quelque chose me griffe, mais je n'arrive pas à deviner ce que c'est. Peu importe, après tout ; je suis bien. Je ne plane certes plus, il n'empêche qu'un sentiment de calme s'est emparé de moi.
Je continue à avancer. La lueur s'amplifie légèrement à chacun de mes pas. Plus je me rapproche, et plus sa lumière me permet de distinguer quelques éléments du décor environnant. Des ronces, beaucoup ; sûrement ce qui m'a égratignée. Le sol est moelleux, mais les murs toujours invisibles.
J'arrive devant la lueur qui m'a guidée depuis le début. Je pensais être éblouie, mais non, sa clarté n'est pas si intense. Ce n'est pas une lampe à proprement parler, plutôt un être dégageant une aura lumineuse.
Je ne m'attendais pas à cette vision. La Mort, nous la dépeignons souvent comme une silhouette enveloppée d'une cape noire, dont on ne voit ni le visage, ni le corps, uniquement la faux qu'elle tient à la main. Pourtant, ce n'est pas ce que j'ai devant les yeux, au contraire. C'en est l'exact opposé. Je lève les yeux vers l'être se tenant devant moi. Je me rends ainsi compte que la lumière n'émane même pas du corps, plutôt de dizaines de cristaux éparpillés dans les airs tout autour. Je ne sais pas comment ils tiennent en l'air, mais peu m'importe, finalement. Je redirige mon attention vers la silhouette.
Son visage est recouvert de plumes, ainsi que le haut de la cape délicatement posée sur ses épaules. Les deux pans se rejoignent au milieu, parfaitement collés, pour ne rien dévoiler de ce qu'il y a derrière. Une très légère lueur parait briller entre ces deux morceaux de tissu, mais elle est si faible que je ne sais pas si ce n'est pas juste mes yeux me jouant un tour. Autour de son cou sont enroulés lâchement plusieurs fils, qui disparaissent sous son manteau de tissu pour réapparaître noués à la couronne de fleurs qu'elle porte sur sa tête. Elle est vraiment magnifique.
Son visage, transparaissant l'ennui, parait s'animer. Ses yeux pétillent à la lueur des cristaux, et se plissent comme lorsqu'on sourit, bien que je ne lui voie nulle part une bouche, même si je ne doute pas qu'elle en est pourvue.
— Bonjour, Isabelle. Où penses-tu pouvoir aller maintenant ? Rejoindras-tu ton père et tous les mauvais actes qu'il a niés, ou tes deux jeunes et innocents frères auront-ils la chance de te voir les rejoindre ?
Quelques plumes remuent doucement, me permettant de supposer l'emplacement de sa bouche. Elle a une très jolie voix, hypnotisante et douce, s'accordant à merveilles avec ses poétiques périphrases. Habituellement, tous ces détours pour parler de simples choses m'exaspèrent. Pourtant, là, je trouve que c'est une belle façon de parler du paradis, de l'enfer sans en prononcer les mots, claire et compréhensible. Peut-être parce que c'est elle qui le dit. Peut-être parce que je suis morte. Peut-être les deux.
Je réfléchis à ma vie, à mes actes, mes pensées, mes paroles. Des images défilent devant mes yeux ; sûrement insufflées par la Mort, debout devant moi. Je ne peux m'empêcher de remarquer que, malgré tout ce que je disais, je n'avais pas toujours été juste.
— Je pense... Je pense que ma place est auprès de mon père, murmuré-je. Bien que je ne nie désormais plus mes actes, contrairement à ce que lui avait fait, je pense que ce serait justice que je le rejoigne. Je n'ai pas mérité d'être aux côtés de mes frères.
La dame, qui n'en est pas vraiment une - plus je la regarde et plus elle me fait penser à une jolie chouette blanche - me sourit gentiment. Enfin, elle plisse ses yeux, j'imagine que c'est un sourire.
Deux mains sortent de derrière la cape, et écartent les deux pans. Alors, sous le doux sourire de la Mort, s'expose à mes yeux un monde de blancs, de nuages, avec mes deux frères m'attendant à quelques mètres.
Je ne te comprends absolument pas. Ce texte est magnifique. Il est si léger alors qu'il parle de la Mort. J'avais l'impression de flotter en te lisant. C'est très agréable.
Bien à toi,
Trisanna.
Merci beaucoup, ça me touche vraiment ! ^^
Quoiqu'il en soit, je suis ravie de decouvrir ces pans de ta plume et je graviterai autour de ce recueil encore un petit moment !
J'ai tooootalement pensé à la même chose, c'est différent, mais pourtant... Y a un lien 😄😆
Ca me touche, merci ^^ J'espère que ça te plaira :p
Bien sûr que je lis la suite de ton recueil, simplement très lentement ;)
"Peut-être parce que c'est elle qui le dit. Peut-être parce que je suis morte." : ces deux phrases sont très belles ! Elles m'ont fait penser au concours qui a eu lieu récemment sur ShortEdition, "Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux". Les textes développent une autre idée de la mort, tout comme chacun de PA. Les lire a été un véritable enrichissement pour moi, alors je ne peux que te les conseiller :)
Pour revenir à ton texte, il est très doux, et très joli ! La conclusion tient debout, tout se suit ; les mots d'Isabelle justifient qu'elle vive. J'aimerais bien en savoir plus sur son passé, notamment les actes de son père (je suppose que cela a un lien avec l'absence de la mère).
A bientôt sur d'autres de tes textes !
Ne t'en fais pas, ça me fait très plaisir que tu sois là 🤗
Oui, je l'ai vu passer, mais je n'en ai pas lu de textes je crois, j'irais voir ça ;)
Haha, il y a toujours quelques aspects qui restent mystérieux dans mes textes. Dans certains, j'aimerais beaucoup les développer mais je ne sais pas comment l'intégrer 😅 Dans d'autres (dont celui-là), ces aspects sont là pour "faire joli", pour servir le texte. Je dois t'avouer que je n'ai aucuuune idée de ce qu'a pu faire son père xD
En effet j'avais plutôt pensé au Enfer/Paradis, mais quelque part on peut peut-être le prendre sous un autre aspect ? 🤔
En tout cas ça me fait plaisir de voir que tu as pu t'imaginer autre chose ! ^^
Merci pour ton commentaire et ta lecture ♥
C'est chouette, ça fait réfléchir :)
De rien, c'est un plaisir !
Je ne trouve pas que cette nouvelle est moins réussie que la précédente, l'histoire est très différente.
J'ai bien aimé tout le travail d'écriture qui fait appel aux sens : ce qu'elle voit et ce qu'elle ressent. C'était important étant donné que la scène est courte, finalement. Ça donne du corps à ton récit, et on se met à la place de la femme (je ne sais pas pourquoi mais je l'imagine d'une époque passée)
La chute est simple mais cohérente, et cette vision du passage entre la vie et la mort très poétique.
J'ai vu passer des erreurs de temps à nouveau, et il y a également quelques mots manquants par endroit :)
A+
C'est possible, j'arrive pas à me relire correctement 😅 je vais essayer de regarder alors, merci ^-^
Contente que ça t'ait plus, merci beaucoup d'être passée <3
Belle réflexion sur la reconnaissance de nos fautes, et de nos erreurs. C'était simple, court, mais lourd de sens. Tu as eu tort de dire qu'elle était moins réussie que celle du chapitre d'avant. Tu continues de gérer :)
Je serais curieux de savoir comment fonctionne ce monde que tu décris. Mais je retiens l'idée que notre propre conscience nous juge ;)
Au prochain chapître :)
J'avoue que je sais pas trop haha, j'y ai pas réfléchi 🤔😄
En tout cas merci énormément, c'est super gentil ! ^^
Une très jolie nouvelle dis-moi! Il faut pas être dure comme ça avec toi-même haha, surtout avec une morale comme celle-ci juste après.
J'ai juste noté une petite répétition de "rejoindre" au moment où la Mort parle. Sinon, en dehors de ça, c'est tout en délicatesse et en poésie. Très joli en tout cas!
Haha en effet, j'avais pas pensé à ça 😄
Oh oui, c'est exact, merci !
Merci d'avoir lu et commenté ^^ <3
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle-ci, je l'ai trouvée riche en descriptions détaillées. J'apprécie aussi la lucidité de ta narratrice ; on sait qu'il ne peut y avoir qu'un nombre limité d'issues à son échange avec la Mort, pourtant la fin de ton texte fonctionne très bien. J'y vois un joli message : on est souvent plus dur-e avec soi-même qu'il ne le faudrait.
Merci pour ce moment de lecture :)
Je suis très contente que tu me dises ça, la description est un de mes principaux problèmes en écriture ^-^
Merci à toi d'être passée et d'avoir pris le temps de me commenter !
Je ne vois pas de différence entre celle-ci et la première, au sens que les deux m'ont énormément plu !
De toute façon, quand on allégorise la Mort on ne peut que me plaire (hinhinhin).
C'est beau, c'est poétique, c'est doux et la chute n'est pas rude, mais créé quand même une rupture élégante et qui fait chaud au coeur.
Bravo ! Elle donne vraiment des choses intéressantes, cette carte !
Contente que ça t'ait plu 😄
Merci pour ta lecture et ton commentaire !! <3
Je commence à m'inquiéter pour toi ... J'espère que tout va bien malgré que cette histoire soit pote aussi sur le thème de la mort... Rassure-moi s'il te plaît :)
Il n'empêche que c'est une jolie manière de représenter la Mort malgré tout. C'est plus doux que ce que l'on peut s'imaginer habituellement :)
Merci pour ta lecture et ton commentaire, et encore merci de t'inquiéter même si je vais bien, c'est très gentil ! 😊🧡
Je ne m'attendais pas du tout à cette interprétation de la carte.
Je suis surprise et ravie !
C'est une nouvelle pleine de douceur et de pardon ❤️
Merci pour ta lecture et ton commentaire en tout cas ^-^