2. Il va vivre !

Par Rachael

Les capteurs du Vieux Marp avaient détecté le mastodonte sur une orbite stable autour d’une naine rouge. Un pur coup de chance, alors qu’ils étaient eux-mêmes en panne, leurs ressources à un niveau critique. Y pénétrant sans peine, ils l’avaient trouvé en bon état : une oasis quasi magique, dimensionnée pour un nombre d’occupants bien supérieur aux vingt marins de l’équipage. Elle leur fournissait le gîte et le couvert grâce à une énergie puisée dans le soleil et des jardins cultivés par des systèmes autonomes. Ils y avaient emménagé provisoirement.

Depuis combien de temps ce monstre de métal tournait-il là, hors de toutes les routes cartographiées, entretenu par des automatismes bien conçus ? Mu ne croyait pas beaucoup aux miracles de la Mère, pourtant là, il fallait avouer…

C’était un ancien vaisseau de colonisation, un de ceux qui avaient été utilisés pour emporter des humains aventureux – ou fous – vers l’espérance de mondes vierges, avant qu’on invente l’hyperespace et qu’on abolisse toutes les distances. À l’époque des grandes explorations, les milliers d’endormis de chaque appareil étaient réanimés sur une nouvelle planète s’ils avaient de la chance ou à leur point de départ si l’expédition n’avait rien trouvé. Ils pouvaient aussi se perdre corps et biens, errer pour l’éternité dans l’espace, ou finir écrabouillés par une collision avec une poussière d’étoile mal intentionnée.

Cet appareil-ci avait été reconverti, on ne savait pour quel usage : il avait été débarrassé des multitudes de caissons qui gardaient en vie les colons plusieurs dizaines ou même centaines d’années. On voyait encore l’emplacement prévu pour les endormis dans quelques vastes salles vides, au cœur du vaisseau. Mu les évitait : trop impressionnant. Comme des cimetières où ne subsisteraient que des fantômes.

Plus de voyageurs, plus de cocons.

Enfin si, il en restait un : un seul, un engin sophistiqué qui datait d’après la construction des vaisseaux hyperespace.

Ces unités-là étaient précieuses et recherchées, car elles comprenaient des fonctions médicales avancées, en plus des classiques fonctions de réveil des endormis. Un appareil comme celui-ci aiderait les combattants à se soigner, à traiter les blessés, même si un seul ne pesait pas lourd devant leurs besoins toujours renouvelés.

Un premier problème les avait contrariés plusieurs jours : il était occupé. Un second le suivrait : personne ne savait s’en servir. Enfin, pour le mode d’emploi, on verrait plus tard.

D’ailleurs, ce n’est pas le caisson qui monopolisait les pensées de Mu. En galopant vers la cabine du commandant, elle s’inquiétait surtout pour son endormi. Pourvu qu’elle ne rate pas son réveil !

Le vaisseau était immense, mais la cabine réquisitionnée par le commandant pas trop éloignée. Mu courut comme une folle sans s’arrêter jusqu’à la porte ; là, elle prit quelques profondes inspirations pour retrouver son souffle. Elle avait bien trop chaud maintenant. Elle frappa à petits coups, sans cesser de piétiner d’impatience :

— Taz, il se réveille, avertit-elle dès qu’il ouvrit. Enfin, je crois…

Pas besoin de préciser de qui il s’agissait : le commandant attrapa sa veste et Mu dut trotter pour le suivre dans les couloirs sans fin du mastodonte. Taz avançait à grandes enjambées élastiques, comme si son corps trop longtemps confiné se délectait de ces larges espaces après l’étroitesse du Vieux Marp.

— Taz, c’est déjà arrivé, ce genre de truc ?

— Quel genre de « truc » ?

Mu faillit répondre « découvrir un type aussi beau en suspension », mais elle se mordit la lèvre, pas certaine que Taz apprécie la formulation.

— Je veux dire, dénicher quelqu’un comme ça, dans l’espace ?

Taz était plus matérialiste que Marsou, alors il n’allait pas lui bricoler des explications mystico-religieuses. Elle tenait d’ailleurs de lui son scepticisme sur le sujet. Taz soutenait que l’homme se raccrochait aux dieux quand la vie devenait trop pénible ou désespérante. Oui, dans ce cas, avec sa santé défaillante, Marsou avait de bonnes raisons pour ça, de meilleures raisons que les autres, même si personne n’était épargné avec la guerre.

— Trouver des types dans des caissons, ça oui ; mais en général, ça se produit plutôt au fond des caveaux, dans les propriétés des grandes familles planétaires. Des gens qui se sont mis à l’abri, en attendant que les conflits se tassent.

— Et on les réveille ?

— On a besoin des appareils pour soigner les combattants, Murcile, pas pour embaumer les richissimes.

Elle opina. En temps de guerre, les priorités changeaient. Surtout qu’on ne fabriquait même plus ces machines miraculeuses. Trop cher. Pas essentiel.

Toute à ses réflexions, Mu sautillait derrière le commandant, avec un rythme une fois et demie plus rapide. Grand et charpenté, Taz était encore jeune, à peine la cinquantaine, bien que son visage marqué et ses cheveux grisonnants lui fissent paraître plus. Il exerçait son autorité avec bienveillance et menait son troupeau d’une main souple, sans hiérarchie trop pesante. Si tout le monde le tutoyait et l’appelait Taz, un diminutif minimal de son nom complet « Haudéloin Fortazzar », cela ne réduisait en rien le respect que tous lui portaient. Ils se tournaient naturellement vers lui pour les éclairer et les guider ; Mu au moins autant que les autres. D’ailleurs, une question la turlupinait depuis leur découverte ; elle frissonna d’angoisse rien qu’à énoncer :

— Et ce gars, on en fera quoi une fois réveillé ? Et si c’est l’un d’entre eux ?

Elle avait baissé la voix d’instinct, si bien que sa phrase s’acheva en chuchotis. Cela ne parut pas impressionner le commandant :

— Ce n’est pas très compliqué. On n’a pas à faire de sentiments avec les spions. Si c’est un de ces fichus mutants télépathes, on ne prend pas de risques : on le tue avant qu’il ait le temps de réaliser. Il ne s’apercevra de rien. Une belle mort, si tu veux mon avis. Si c’est un humain, on le laisse se réveiller et on s’assure qu’il a toute sa tête, ce qui n’est pas gagné. Ensuite, on lui demande ce qu’il fout dans ce caisson, depuis quand il roupille et puis… et puis on avise.

— Ce serait moche que ce soit un télépathe, souffla Mu en réponse. Il est bien plus agréable à contempler que vous tous.

L’autre s’esclaffa. Le Vieux Marp était rempli de vieux routiers de l’espace, habillés de bric et de broc, qui se lavaient quand ils trouvaient du temps ainsi que de l’eau, c’est-à-dire presque jamais. À eux tous, ils formaient l’assemblage de couleurs de peau, forme d’yeux et types physiques le plus hétéroclite qu’on puisse imaginer. De l’ébène de Taz au parchemin crayeux de Marsou, on avait droit à tout, y compris la jolie teinte verdâtre de Nebor, natif de Rozen. Heureusement qu’il ne partageait pas avec Benjin ses pupilles orange fendues, cela aurait fait beaucoup pour un seul homme.

— Tu t’es regardée ? Tu ne vaux pas mieux que nous, je te ferais dire ! Sous ces vêtements crasseux et cette tignasse gris poussière emmêlée, on est en droit de se demander s’il y a vraiment une jeune fille. Hum… puisque tu te portes volontaire, tu t’occuperas de lui s’il survit.

Heurtée par la formulation, elle se renfrogna. Volontaire ? Elle détestait qu’on lui force la main, même si au fond, elle ne souhaitait rien d’autre que rester avec l’inconnu.

— Tu peux pas m’inposer ça, Taz. Je suis un membre de l’équipage comme les gars, pas une nounou pour un rescapé de l’antiquité.

— Oui, Murcile, tu es membre de mon équipage, alors, à ce titre, tu feras ce que je t’ordonne. L’excellence au tir pour descendre l’ennemi n’est pas la seule aptitude requise d’un bon combattant. La capacité à établir des contacts humains, à dialoguer avec les autres est une qualité indispensable pour celui qui vise à s’élever au-dessus du rang de simple matelot.

Elle grogna, mais s’abstint de lui asséner qu’il sonnait comme un vieux maître d’école. Mu avait une tendance naturelle à donner son avis sur tout, à « ramener sa science », comme disaient les autres ; la répartie habituelle de ses coéquipiers était : « tu nous en reparleras quand tu seras commandante ».

— Oh ! arrête avec ta morale, nom d’une comète cornue ! lâcha-t-elle quand même.

Il continua sans se laisser perturber :

— De plus, je compte sur toi pour le rendre bavard. D’où qu’il vienne, ce type n’est pas un quidam ordinaire, sinon on ne l’aurait pas flanqué dans une unité de suspension aussi sophistiquée. Il n’y est pas tombé par hasard. Je veux savoir qui il est, depuis quand il flotte là-dedans et pourquoi il s’y est retrouvé. Ah ! attends… Tu me dresses aussi une liste de ce qu’il sait faire, ça pourrait s’avérer utile.

— Ce qu’il sait faire ? Mais ses connaissances seront complètement périmées, Taz. Il va nous inventer la machine à vapeur.

— Détrompe-toi ! On n’a pas progressé depuis le début de la guerre. La technologie a atteint son apogée juste avant. Il n’y a que l’interfaçage qui a changé. Les hommes du passé n’étaient pas instrumentés. Ils ne dialoguaient pas directement avec les machines.

Mu grimaça : Marsou le lui avait déjà expliqué, mais cela restait choquant pour elle. Ça paraissait si primitif… comme un truc de la préhistoire de l’humanité.

Taz ralentit, pensif, avant de reprendre sa marche rapide :

— Tu sais, si ça se trouve, ce gars ignore qu’on est en guerre contre ces putrespace de spions.

— Ou alors, c’est justement à cause de ça qu’il a été fourré là-dedans, lui rétorqua Mu.

Elle avait énoncé cela au hasard, par simple plaisir de contredire Taz. Cependant, il sembla considérer l’hypothèse avec davantage de sérieux qu’elle et ne relança pas la conversation. Ils se hâtèrent de gagner la salle où reposait le caisson, dans le silence du grand vaisseau abandonné.

 

¤¤¤

 

Marsou salua le commandant avec excitation. Taz le scruta, toujours préoccupé par sa santé défaillante. Au-delà de ses yeux, les paramètres vitaux du frêle lieutenant défilèrent quelque part dans la conscience de Taz, réceptionnés par ses implants. Marsou pouvait rester, mais il devrait bientôt se reposer.

Avec son mètre soixante, sa toux chronique et sa maigreur squelettique, il paraissait aussi fragile qu’une brindille et, comme elle, susceptible de se briser au moindre souffle. À trente-cinq ans, il en faisait le double. Il souffrait d’une maladie génétique : un déficit d’assimilation des sucres qui avait freiné sa croissance, et l’avait laissé si décharné qu’on voyait tous ses os, même en dehors des périodes de disette. Cet aspect souffreteux pouvait amener à le négliger ou à le sous-estimer, pourtant Taz savait depuis longtemps qu’il tenait là le membre le plus efficace de son équipage. Son inaptitude au combat était largement compensée par un instinct très sûr pour tout ce qui concernait la technologie. Sous ses doigts de magicien, les systèmes les plus endommagés reprenaient vie, les machines bloquées ou cassées s’animaient, les vieilleries retrouvaient une seconde jeunesse. Il était en outre foncièrement modeste et veillait sur Murcile avec une constance qui soulageait Taz, déjà bien occupé en temps usuel par les missions à mener.

— Commandant, tracé normal ; aucun indice d’activité télépathique. Il n’est pas non plus instrumenté.

Taz siffla :

— Il est là-dedans depuis longtemps, alors… Ton détecteur marche, au moins ?

À coup sûr vexé, Marsou redressa le nez, auparavant plongé à deux pouces des écrans rayés de sa machine portative.

— Bien sûr qu’il fonctionne !

— Et notre gars, là, si c’est un spion, on est certains qu’il doit déclencher le bidule, tant qu’il n’est pas parfaitement réveillé ?

Le petit homme eut l’air moins sûr et réfléchit un moment.

— Il pourrait avoir été drogué ; mais je ne vois pas pourquoi on l’aurait drogué, puis mis en suspension. Non… quand on utilise des produits anti-télépathes, c’est pour les faire parler et les tuer après. Ces trucs-là sont assez toxiques, je peux chercher des traces de ce type de substances. Il va falloir que je prélève du sang.

Il se tordit la bouche en une grimace de dégoût. Marsou était dans son élément avec les machines, pas avec les organismes biologiques. Il avait pourtant amené l’analyseur du bord en prévision, ce que Taz nota mentalement comme une preuve supplémentaire de l’efficacité de son équipier favori.

— Fais ça, Marsou ! Ce serait déjà assez grave si c’était un spion, alors on ne voudrait pas héberger un ultra à bord.

Rien que d’articuler ce dernier mot noua d’angoisse l’estomac de Taz. L’ennemi ne possédait pas de signe physique distinctif, cela pouvait être n’importe qui. En revanche, il avait un nom.

Marsou soupira et acquiesça en croisant le regard du capitaine. Sur ce point, comme sur bien d’autres, ils se comprenaient parfaitement. Il balaya l’air devant lui d’un geste mystique. Nommer l’ennemi, c’était déjà lui donner du pouvoir.

Pendant que Marsou s’acquittait de sa tâche et fournissait à la machine une goutte de sang qu’elle avala en ronronnant, Taz et Mu restèrent à observer l’étranger. Il ne bougeait toujours pas, toutefois il avait l’air, comment dire… moins lointain, un peu plus présent. Difficile de préciser à quoi cela tenait, mais Taz le sentait aussi bien que Mu, qui, il aimait le penser, possédait la même intuition que lui, une faculté qui lui avait souvent sauvé la mise.

— Des produits bizarres circulent dans son sang, finit par affirmer Marsou, mais rien qui ressemble à ceux que je cherche. Rien à voir non plus avec les composés qu’on utilise aujourd’hui pour la suspension. Ces gars du passé maniaient des techniques sophistiquées, Taz, je n’ai aucune idée de ce dont il s’agit.

Le commandant hésita.

— On peut pas le liquider comme ça, Taz, s’indigna Mu. Juste sur un microscopique doute.

— Si c’est un de ces mutants monstrueux, Murcile, il pourrait tous nous transformer en marionnettes dès qu’il sera pleinement réveillé.

— Ça ne tient pas debout, Taz, objecta Marsou. Si c’était l’un d’entre eux, suspendu par les autorités dans le passé, il y aurait des avertissements partout sur le caisson, en rouge clignotant avec des têtes de mort. Et sinon, pourquoi eux-mêmes mettraient-ils un des leurs en suspension ?

Taz s’humecta les lèvres avec indécision :

— Je n’en sais rien, Marsou, je n’en sais rien : rivalités, conflits, tout est possible… Mais tu as raison, on ne peut pas éliminer quelqu’un sur une si infime présomption. On le laisse se réveiller et on le garde à l’œil. Il devrait rester faiblard et inoffensif pendant au moins quelques jours. Murcile, tu t’occuperas de lui. S’il devient violent ou agité, tu appelles. Si tu as le moindre doute, tu appelles. Ah oui…

Taz fonctionnait comme ça, par ajouts successifs. S’il finissait toujours par fournir toute l’information, cela pouvait prendre du temps. Il était conscient de ce point faible, toutefois il estimait qu’il valait mieux perdre un peu en efficacité que d’omettre des éléments essentiels.

— Il va te demander depuis combien de temps il mijote là-dedans. Te questionner sur la date du jour. Tu ne lui réponds pas. Les réveillés, ça les traumatise à chaque fois, j’ai entendu ça. Pas étonnant, non ? Alors on attendra qu’il soit en meilleure forme. Tu n’as qu’à prétendre que tu suis les ordres. Et en cas de pépin…

— Je sais, par la molle limace galactique ! J’appelle ! rétorqua Mu avec agacement.

Taz sentit ses mauvais pressentiments se dissiper : les jurons de Mu avaient souvent sur lui des effets revigorants.

— Ah ! Murcile : si tu arrives à découvrir l’année de sa mise en suspension, je t’offre de nouvelles fringues dès qu’on atterrira dans un coin civilisé.

Taz venait de prendre conscience que sa propre critique sur l’apparence de Mu ne lui faisait pas honneur. Après tout, il lui incombait de veiller à ce genre de détails. Comme s’il n’y avait rien de plus crucial, vu leur situation…

Mu souffla en roulant des yeux désespérés. Un sourire franc illumina le visage de Taz et il sortit en gloussant. Si Mu se mettait à ressembler aux adolescentes de son âge, cela risquait de réserver des surprises.

 

¤¤¤

 

En l’absence de progrès de l’endormi, Marsou était parti se reposer peu après Taz. Mu, elle, avait senti qu’il fallait rester et s’était proposée pour un tour de garde. Elle dévisageait l’étranger, incertaine. Veiller sur sa survie : marée galactique ! Taz lui avait refilé là un putrespace de fardeau. S’il mourait, faute de se réveiller, elle en serait dégagée, mais ce n’était pas là ce qu’elle souhaitait, pas une milliseconde.

Il avait la peau claire, presque pâle. Ses cheveux noirs en bataille autour de son visage en accentuaient encore la blancheur. Il était imberbe. Mu avait plutôt l’habitude des trognes burinées couvertes de poils des matelots. Ici, les hommes ne se rasaient pas plus souvent qu’ils se lavaient. Et certains choisissaient de garder la barbe par commodité.

Cette peau lisse d’un grain parfait lui donnait un visage d’adolescent que venait renforcer la douceur de ses traits. Il semblait presque sourire. Mu se demanda quel âge il pouvait avoir en réalité. Vingt ans ? Ou plutôt trente ? Les gens du passé aperçus dans des films paraissaient tellement en bonne santé, sportifs, bien nourris, sans soucis, qu’ils vieillissaient forcément moins vite que ceux d’aujourd’hui.

Seul indice qu’il ne s’agissait pas d’un être imaginaire, sorti d’un rêve, mais bien d’un homme, une discrète cicatrice sur sa tempe droite rappelait qu’il avait une histoire, que Mu espérait bien entendre.

Un infime mouvement la fit sursauter. Elle focalisa son regard sur ses yeux fermés. Là, au creux de la paupière, un frémissement : il semblait vouloir ouvrir les yeux. Mu retint son souffle, fascinée par cette trace de vie. Réjouie : il n’allait pas mourir, elle y veillerait.

Elle décida de ne pas réveiller Marsou. Après tant d’heures de veille attentive, le petit homme était lessivé. Et puis en toute honnêteté, Mu avait envie de profiter seule de ce moment.

Les paupières de l’homme tressaillirent ; elles demeuraient closes, comme si les soulever représentait un effort insurmontable.

Mu se redressa d’un coup et baissa l’intensité de l’éclairage, en se traitant de nébuleuse du bulbe. Elle la régla pour que son visage reste visible, sans qu’il soit blessé par une lumière trop crue.

Quand elle se rassit, elle arrondit la bouche de stupéfaction. Ses yeux étaient ouverts. Elle se releva d’un bond et se pencha sur le caisson dans lequel il reposait toujours. Elle avait bien vu. Ses yeux étaient d’un bleu sombre, le bleu d’un ciel planétaire au moment qui précède la nuit, lorsqu’on commence à peine à apercevoir les premières étoiles. De ce bleu qu’elle n’avait plus retrouvé depuis qu’elle traînait dans l’espace, en vadrouille entre les mondes. Leurs regards se croisèrent et il ne la lâcha plus.

— Tu m’entends ? Ferme les yeux puis rouvre-les si tu m’entends.

Les yeux bleu nuit papillotèrent. Elle sourit quand il accomplit l’exploit demandé.

— Est-ce que tu me vois ?

Nouveau clignement. Elle rougit, intimidée. Il devait la trouver moche. D’habitude, elle se contrefichait de son apparence : son corps fonctionnait en outil bien huilé, voilà tout ce qui lui importait. Même les sarcasmes de Taz ne l’avaient pas atteinte. Là, pour le réveil de cet inconnu, elle aurait voulu se montrer sous un meilleur jour, enfin… au moins propre.

Ses paupières se baissèrent, comme si ces deux clignements l’avaient déjà épuisé.

— Eh ! Attends ! Faut boire. Hy-dra-ta-tion.

Elle lui souleva la tête avec précaution, surprise de son poids sous ses doigts, et lui mit entre les lèvres une pipette. Elle appuya sur la bouteille souple pour propulser un peu de liquide dans sa bouche. Il rouvrit les yeux et avala. Elle répéta le processus trois, quatre fois et cessa quand il ferma les paupières.

Elle lui reposa doucement la tête et surveilla sa respiration, redevenue régulière. Elle rajusta le drap fin et la couverture qu’ils avaient étalée sur lui, autant pour le garder au chaud que pour le rendre présentable.

Mu jeta un dernier regard à l’homme et courut sans s’arrêter jusque chez le commandant :

— Taz ! Taz ! Par le souriceau céleste, il est réveillé, il a bu. Il va vivre !

 

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Joke
Posté le 16/10/2019
Ah ah, me voilà de retour à bord du Vieux Marp.
Bon, alors ce chapitre est très sympa, comme le premier, j'ai l'impression de me balader dans un mélange de star trek et de la nuit des temps.

J'adore direct le commandant! Je l'imagine comme Nelson Mandela.

Je sens que je vais bien aimer Marsou aussi, par contre j'étais super surprise qu'il n'ait que 35 ans, dans le premier chapitre j'avais cru que c'était un très vieil homme XD

En même temps, tu donnes certains indices qui éveillent énormément la curiosité dans ce chapitre, comme quoi les personnages de ton récit "vieilliraient" plus vite que nous ne le faisons, alors mon impression dans le premier chapitre est peut-être justifiée, elle est peut-être venue de là!

Bref très sympa, en revanche j'ai juste été un peu surprise par la réaction de Murcille, quand son boss lui demande de veiller sur l'endormi: pourquoi est-ce qu'elle proteste, alors qu'il l'intrigue tellement, et qu'elle souhaite tellement le voir s'éveiller et vivre, et sûrement l'aider?
Elle devrait être super contente de se voir confier cette tâche, il me semble, non?
ça m'a semblé surprenant, mais bon c'est un détail.
à bientôt pour la suite!
Rachael
Posté le 17/10/2019
Marsou a une sorte de maladie dégénérative, alors en un sens c'est un vieil homme...
La réaction de Mu, c'est un signe qu'elle manque un peu de maturité, et de plus, elle a une relation particulière avec Taz, ce qui fait qu'elle est assez vite en opposition avec lui. (Donc même si elle est contente, ça ne l'empêche pas de râler...)
Merci de ton passage !
Keina
Posté le 28/03/2019
Bon bon bon... spion ou pas spion ? C'est bien mystérieux tout ça... Je me demande bien quels secrets se cachent derrière cette gueule d'ange !
En tout cas j'ai retrouvé ton univers avec plaisir sur ces deux premiers chapitres ! J'aime déjà beaucoup ta petite Mu, et j'ai hâte de connaître un peu mieux les autres habitants du vaisseau. À très vite pour la suite !
 
Rachael
Posté le 28/03/2019
Hello Keina !
C'est cool de te voir par ici. J'espère que la suite te plaira ! Mu a la cote auprès des lecteurs, en général, je suis contente qu'elle te plaise. 
aranck
Posté le 06/02/2019
Hello Rach'
Désolée d'avoir mis autant de temps à revenir, je fonctionne au ralenti depuis quelques temps.
J'ai donc relu ce chapitre et peut-être que je me mélange les pinceaux avec l'ancienne version, mais il me semble que tu as supprimé la partie où la larme de Mu venait réveiller l'endormi. J'avais bien aimé pourtant, même si ça avait un côté belle au bois dormant. 
De la même façon, tu ne présentes pas le père de Mu dans ce chapitre, (même si tu le dis dans le résumé) et je me demande si tu n'aurais pas tout de même intérêt à rajouter cette info, d'autant que j'avais été très surprise de l'apprendre, vu la façon dont Taz se comporte avec sa fille. j'avais trouvé ça sympa un père comme ça, à la fois distant et proche.
Il me semble que tu as aussi supprimé la partie qui expliquait que Marsou était largué face à cette technologie, et je suppose que tu as tes raisons.
Sinon, c'est un bon chapitre (même si je le trouve un peu long), toujours aussi bien écrit et avec des personnages vraiment très présents, et je n'ai pas plus de remarque à faire que lors de ma lecture de la première mouture sauf pour le placement de deux virgules (c'est dire !) que je supprimerai carrément :
"pour emporter des humains aventureux - ou fous - vers l'espérance de mondes vierges, (ici)avant qu'on invente l'hyperespace 
"même si personne n'était épargné, (ici)avec la guerre. " 
Voilà.
Bonne soirée à toi (peut-être es-tu en plein PArathon ?) !
Rachael
Posté le 06/02/2019
Hello Aranck !
C'est cool que tu sois revenue voir le vieux Marp. Non, non, je n'ai pas supprimé la scène avec la larme, elle était dans le chapitre précédent. Et pour Marsou, la partie où il dit qu'il est largué, c'est aussi dans le chapitre 1.  
J'ai changé peu de choses dans ce début par rapport à la version récédente, j'ai principalement coupé en deux les deux premiers chapitres qui étaient très longs, en retravaillant les transitions. Du coup, je suis surprise que tu le trouves un peu long, car il ne fait que 3000 mots environs, alors qu'avant, le pemier chapitre faisait plus de 5000.
En fait, Les vrais et gros changements arrivent un peu plus tard, à l'ancien chapitre 8 (qui est le nouveau 14, j'ai scindé plusieurs chapitres)
Pour le père de Mu, c'est exprès que je ne précise pas que Taz est son père au début, c'est une info que Mu apprend à Keizo dans le chapitre 4. Mais du coup, c'est vrai que je me suis spoilée en le mettant dans le résumé... je vais y réfléchir... 
Je suis en théorie en plein PArathon, mais j'y vais tranquillement... je suis justement dans l'épilogue de ma nouvelle version de l'éveillé, je ne veux pas la foirer, alors je procrastine un peu aujourd'hui...
Merci de ton passage, bises !
Fannie
Posté le 22/05/2019
Ah, là je me rends compte que j’ai anticipé certains éléments dans mes remarques sur le premier chapitre.
Avec l’arrivée du commandant, on comprend la situation. Du moins quand on sait ce qu’est un spion. Je ne pense pas que tu emploies le terme « ultra » dans les autres histoires que j’ai lues, mais j’ai une idée de ce que ça peut être.
Ce chapitre permet de faire plus ample connaissance avec les personnages. Il ne me donne pas la même impression de lenteur que le précédent. Les personnages ne sont plus dans l’attente, ils s’organisent. C’est judicieux d’avoir fait coïncider l’entrée en scène du commandant avec cette sorte de mise en mouvement de l’équipe, qui découle du réveil du bel inconnu.
Malgré le fait qu’on craigne que ce dernier soit un ennemi, Mu a l’air tellement contente qu’il se réveille et qu’il survive ! Apparemment, elle veut croire que c’est un gentil. J’aime bien aussi comme subitement, elle se fait des réflexions sur son apparence en se mettant à la place de son vis-à-vis.
Coquilles et remarques :
une fois et demi plus rapide [et demie]
n'est pas la seule expertise requise [compétence, aptitude, savoir-faire ; voir ici :http://www.academie-francaise.fr/expertise-experience]
on l'aurait drogué, puis mis dans en suspension [dans en]
Rachael
Posté le 22/05/2019
J'aime bien tes commentaires Fanny, parce que ça me donne ta vision de l'histoire et c'est tout à fait intéressant de voir comment tu perçois les personnages et les situations. Evidemment que Mu veut croire que c'est un gentil ! Il est si mignon (c'est elle qui parle, là ^^)
Bien vu pour expertise, zut, d'habitude, c'est plutôt moi qui fait la chasse aux anglicismes, mais on arrive à se faire contaminer dès qu'on tourne le dos... Aptitude sera mieux !
Merci pour ton commentaire, j'espère que ça continuera à te plaire ! 
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