… manque de se faire couper la tête par une faux démesurément grande. Komïo se baisse in extremis. La lame frôle ses boucles bleues.
Le chevalier s’écrase contre le mur en se protégeant avec son bouclier. Des pierres tombent sur la cour du château. Komïo recule, surprise, elle marche sur un cadavre, elle tressaille. L’homme à la faux soulève son arme pour lui trancher le bras.
Une rafale de balles l’interrompt. Le bruit strident et saccadé de la mitraillette assourdit Komïo, elle se bouche les oreilles, l’homme à la faux bascule en arrière. La militaire continue de tirer, mais cesse au bout de quelques secondes. Plus de munitions. Elle se dépêche de recharger. Trop tard, l’homme à la faux se relève. Malgré les impacts de balles sur son corps, il est loin d’être mort. Il s’élance, lui fauche les jambes, la militaire hurle de douleur, des émojis éclaboussent le visage de Komïo. Le chevalier, de nouveau sur pied, charge l’homme et le plaque sur le sol en plantant son épée dans sa cage thoracique. Son ennemi crache une gerbe de 😢. Une flèche transperce le ventre de Komïo et s’enfonce dans le cou du paladin. L’homme à la faux, un trou béant dans le torse, empoigne fermement son arme et décapite son assaillant. Un jet de 🥑 arrose Komïo, qui, la main sur son ventre, voit la tête du chevalier rouler sur le sol. Elle détourne le regard. Une nouvelle flèche s’enfonce dans la cuisse de l’homme à la faux. Il va bientôt mourir et pourtant, son corps tremble de vie et de rage. L’archère, cachée derrière Komïo, rate son dernier tir en tremblant. Horrifiées, elles fixent toutes les deux l’homme qui avance d’un pas lourd et glaçant. Sa faux racle sur le sol. Il la lève et l’abat sur elles. Komïo bloque sa respiration. Elle se demande ce qui est pire entre une flèche qui vous éventre ou une lame qui vous découpe.
— C’est ainsi que Leidom Aktopolos gagne Karma Arena et devient le premier Criminel Légal de Turshali.
Komïo inspire profondément. Enfin, c’est terminé. Elle déteste la violence trop réaliste. Elle observe tour à tour l’homme à la faux, désormais immobile avec son visage enragé, son trou dans la poitrine, sa peau marquée de balles et sa faux dégoulinante d’émojis. La lignée de cœurs au-dessus de lui est presque vide. Une seule attaque aurait suffi pour l’éliminer. Si elle avait tiré, l’archère l’aurait tué.
— Ce premier cybkill a été un véritable succès, poursuit le professeur. Karma Arena, diffusé quelques mois après l’adoption de la loi Criminals Versus Criminals, a battu des records d’audience tous cybshows confondus.
— Ça a quand même super mal vieilli, commente une élève. On ne pouvait pas interagir en direct, les décors et les skins étaient sans intérêt, les jowers n’avaient qu’une seule vie…
— C’était une autre époque, concède l’instructeur. À ce moment-là, le Cosmosos n’était qu’un métavers extrêmement basique.
Leidom Aktopolos, les cadavres des autres jowers et le bain d’émojis s’évaporent pour un nouveau décor. Toute la classe se retrouve dans une salle circulaire du centre Tezka, reconnaissable par les lignes lumineuses qui ornent ses murs et ses sols. Un flash éblouit Komïo. Une ribambelle de journalistes entoure la table d’opération au milieu de la pièce, sur laquelle un homme est assis. Leidom Aktopolos n’a plus le regard plein de rage, mais des yeux dépourvus d’émotion. Un médecin l’incise au niveau de la nuque et y introduit une minuscule puce électronique. Le corps de Leidom Aktopolos sursaute. Son visage ne réagit pas, éternellement perdu dans le néant. Komïo se demande à quoi il pense.
— Une fois pucés, les Criminels Légaux peuvent aider le Protexius horco, mais la majorité de leurs exécutions se déroulent inco, soit sur l’échafaud virtuel pour les délinquants mineurs…
Le décor se renouvelle, dessinant le ciel constellé d’étoiles et la cascade de l’Île du Dernier Souffle. Sur l’estrade blanche, Leidom Aktopolos décapite sans émotion une jeune femme attachée aux poignets. Un geyser de ✨ dissimule l’action et tapisse l’échafaud, ce qui rappelle à Komïo le glaçage sur un gâteau. Elle mangerait bien une pâtisserie sauvage plutôt qu’un ubk, pour le goûter. Peut-être bien une tarte au citron. Miam. Ses grands yeux bruns brillent de gourmandise avant de se poser sur le cadavre sans tête de la femme dégoulinant d’émojis. Beurk. Comment a-t-elle pu songer à manger à un moment pareil ?
— … soit lors de cybkill pour l’exécution de délinquants plus importants.
L’Île du Dernier Souffle s’efface à son tour et la transition retourne l’estomac de Komïo. Horco, c’est à dire dans le monde réel, la jeune fille rote dans sa chambre. Inco, dans le monde virtuel du Cosmosos, son avatar asynkrom reste impassible, même quand une boule enflammée traverse sa tête. L’orbe incandescent atterrit sur un Leidom Aktopolos bien plus vieux. Ses yeux vitreux se réduisent désormais à des fentes sans vie dans les rides de son visage. Il se bat avec un magicien dans un temple du Japon féodal.
— C’est là que Leidom Aktopolos est mort ! constate l’un des élèves.
— Oui, il fut détrôné au bout de la troisième saison de Karma Arena.
Comme imbibé d’essence, le vieil homme à la faux s’enflamme. Une odeur de peau calcinée saisit les narines de la jeune fille qui se bouche le nez horco. Encore une fois, son avatar ne l’imite pas. La Komïo inco contemple Leidom Aktopolos mourir dans une totale indifférence, les bras ballants dans son uniforme multicolore.
— Avant, indique la première de la classe, il n’y avait que les adultes qui pouvaient être exécutés.
— C’est exact, acquiesce le professeur. Le système Criminals Versus Criminals s’ajuste au fil des années. Au début, seuls les délinquants ayant commis un meurtre ou une agression physique étaient concernés. Puis, cela s’est étendu de manière plus large, afin d’englober toutes les personnes qui représentent un risque pour la sécurité des habitants, que ce soit des adultes, des adolescent.es ou des enfants. Parce qu’à Turshali…
— … il n’y a pas de place pour le chaos, terminent les élèves en chœur.
Komïo le dit sans réfléchir. Le cadavre calciné de Leidom Aktopolos s’estompe, tout comme la silhouette victorieuse du magicien et le décor du Japon féodal. La salle de classe d’Idyid, pourtant majestueuse avec sa hauteur sous plafond et ses interminables fenêtres, paraît bien ennuyeuse après toutes ces scènes d’action. Des graphiques se déploient sur le tableau du professeur. Il montre fièrement le nombre exponentiel de hors-la-loi éliminés ces 30 dernières années. Komïo ne l’écoute plus. Elle songe aux retrouvailles avec ses amis, Jank et Mieneta, qu’elle reverra enfin ce soir, horco, après des semaines de virtuel. Iels parleront notamment de la mystérieuse annonce de la Haute Providence. Qu’est-ce qu’Ubata Jeck, le porte-parole du gouvernement, va bien pouvoir déclarer ce soir, à 19 heures ?
Tempoks, qui habille la totalité de son écran à la manière d’un calque de couleur, passe du violet à une teinte abricotée, le tout accompagné de quelques notes d’ocarina. Dans la vie réelle comme dans le Cosmosos, les heures orange commencent. Presque l’heure du goûter, songe l’estomac de Komïo, rapidement remis de ses émotions. La jeune fille oublie déjà les cadavres, les geysers d’émojis et l’odeur des corps brûlés. Alors que son avatar prend une moue concentrée, Komïo horco rêvasse dans sa chambre. Assise confortablement sur son siège, son casque cérébral sur la tête, son doigt entortille une mèche de ses cheveux bleus et ses pieds se balancent nonchalamment au-dessus du sol. Heureusement, les cyber-équipements ne sont pas suffisamment évolués pour connaître ou contrôler les pensées. L’esprit de Komïo vagabonde en toute sécurité, sans crainte d’une quelconque pénalité. Le cours se poursuit sur l’exemplarité la Haute Providence, avec sa société sûre et égalitaire, où tout le monde est traité…
J'aime bien ce concept innovant et assez amusant (dans un certain sens) qui demande à lire la suite, ce que je ferais bientôt, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
Merci et à bientôt Marylin
Gardar
Merci beaucoup de me partager tes impressions. Les émojis ne laissent personne indifférent, et c'était le but.
Prends tout ton temps pour lire, merci encore et à bientôt
Je viens de lire ton premier chapitre, je le trouve intéressant et plutôt bien écrit. Une action rapide, joliment présentée, même si je trouve qu'il y a beaucoup d'informations jetées, sur un monde qu'on ne connaît pas encore bien.
Et il y a quelque chose qui me gêne un peu : l'utilisation des émojis... Alors, outre le fait (mais c'est une appréciation personnelle) que je ne suis vraiment pas fan de les utiliser au milieu d'un récit, j'ai en plus un problème de logique et je me demande si sur mon ordinateur elles ressortent comme tu l'avais entendu : j'ai un smiley qui pleure, un avocat, et des étoiles... Et je ne comprends franchement pas le rapport avec l'histoire.
Voilà, bonne journée à toi :)
Merci beaucoup pour ton temps et tes retours !
Oui, je comprends pour les émojis. Ton ordinateur les fait bien ressortir : ils n'ont effectivement rien à voir avec la violence de la scène, et c'est fait exprès. L'idée est de montrer comment la mort est montrée dans Karma Arena, de manière si légère, presque cartoonesque, que cela en devient absurde.
Merci encore et bonne journée à toi aussi :)
J'ai absolument adoré ce second chapitre, plus long que le premier, et ce n'est pas pour me déplaire.
À son tout début, j'ai été agréablement surprise par la transition de personnages, qui est en quelque sorte ta marque de fabrique dans Karma Arena, si j'ai bien compris ta note post-chapitre, même si j'ai eu pendant quelques instants un peu de mal à la saisir. Qu'importe, ce petit effort ne m'aura pas fait de mal.
Ensuite, tu nous présentes une scène d'action, sèche, extrêmement dynamique, mouchetée de mono-phrase (comme " Plus de munitions" par exemple "), et qui ne laisse pas vraiment le temps de se poser pour réfléchir, la prochaine action nous fonce déjà dessus, bref, tout ce que j'aime dans une scène de combat !
Je suis franchement admirative de ton invention de mettre des émojis divers et variés à la place des blessures et du sang dans tes scènes de combat horco. (très bonne idée aussi, les termes spécifiques et déclinés comme des adjectifs pour distinguer le monde virtuel du monde lambda)
Je trouve même que cela frôle superbement l'humour noir parfois, notamment dans le passage où des émojis avocat jaillissent du cou tranché du chevalier, décapité par le colosse à la massue, en plus d'être novatrice et très bien placée dans un contexte d'histoire de science-fiction centrée sur un monde virtuel.
Une autre transition, de Karma Arena à une salle de classe morose ou un professeur scande son cours, agréable également et, je trouve, plus fluide que la précédente, et un personnage principal chamboulé par la violence trop réaliste.
Le passage ou les élèves répondent au professeur (" Parce qu’à Turshali…
— … il n’y a pas de place pour le chaos, terminent les élèves en chœur." ) me fait un tantinet froid dans le dos, et j'en viens à penser, en espérant avoir raison, que Turshali est peut-être sous la domination d'un régime totalitaire...
J'ai savouré le passage ou Komio songe à manger une tarte au citron en voyant les émojis étoiles fuser depuis la plaie béante d'une jeune femme tuée par
Leidom Aktopolos. C'était très drôle...
Enfin, je trouve vraiment génial que tu utilises parfois l'écriture inclusive ainsi que des personnes non-binaires avec le fameux pronom iel ( je crois que cela risque peut-être de faire jaser dans les commentaires...) dans ton histoire, et ce dès le chapitre 2 !
Concernant les fautes, je n'ai de nouveau rien remarqué qui pourrait t'être préjudiciable.
J'ai cependant quelques petites remarques à te faire au sujet du fond de ce second chapitre. Même s'il présente d'innombrables qualités et qu'il est très bien écrit, je trouve que le fait qu'on se retrouve après quelques explications dans une salle de classe en plein cours où le personnage principal s'ennuie plus ou moins comme un rat mort, avec le professeur s'enflammant soudainement et les élèves complétant ses phrases est une transition un peu vue et revue, dans le monde du cinéma par exemple. Après, tu te rattrapes largement ensuite, mais tout de même.
Deuxième point.
Après ma lecture, j'étais légèrement surchargée d'informations. Tu nous parles de la ville, du monde virtuel, de Horco, de Inco, de criminels légaux, de l'origine de Karma Arena, de son premier combattant et de sa chute, du fait que des personnes de tout âge confondus peuvent se faire tuer virtuellement, d'un discours sans doute d'une grande importance politique du dirigeant de Turshali...
Pour moi, tu inclus beaucoup d'informations sur un monde qui m'a l'air particulièrement complexe à décortiquer, en un second chapitre relativement court. Évidemment, ce n'est pas parce que cela me gêne moi que ça sera le cas pour tout les autres lecteurs.trices...
Mais je t'invite tout de même à revoir un peu à la baisse ton débit d'informations dans ce chapitre...
Pour résumer, beaucoup des qualités pour des légères imperfections mineures, du suspens toujours, et une excellente écriture, je suis conquise par Karma Arena !
Je te souhaite une excellente soirée
Cordialement,
Quels retours, je suis extrêmement touchée que tu prennes le temps de me faire des remarques si détaillées !
Merci beaucoup pour ces critiques constructives qui m'encouragent et m'aident à améliorer Karma Arena.
Je suis contente que tu aies autant aimé ce deuxième chapitre, la scène d'action, les émojis, et mes touches d'humour noir, car ce sont 3 éléments qui me tiennent à coeur et que l'on retrouve tout le long de Karma Arena.
Pour l'écriture inclusive, ce n'est pas encore parfait, mais j'essaie de la placer le plus souvent et le mieux possible.
Effectivement, le coup de la salle de classe est loin d'être original, j'avoue que c'est une scène certes revue mais que j'ai toujours beaucoup aimé.
Je prend bonne note pour l'excédent d'informations, je vais essayer de mieux les dispatcher, sachant que j'avais déjà beaucoup élagué par-rapport à mes premières versions. Je dois calmer mes ardeurs de professeur...
Merci encore énormément pour ton temps et tes retours très utiles.
Passe une très belle journée
Je suis ravie que tu aies trouvé mes conseils constructifs, j'avais peur qu'ils aient bien au contraire un côté moralisateur et intrusif absolument insupportable...
Cela me fait toujours plaisir de faire des retours très détaillés sur les choses que j'aime, en particulier lorsqu'il s'agit d'écriture, et je suis contente que tu aies pris le temps de lire cette vaste brique de texte, et que sa longueur ne t'aies pas dérangé, me semble-t-il.
J'aimerais revenir rapidement sur la scène de la salle de classe... En effet, il ne m'était étrangement jamais venu à l'esprit que tu aies pu l'écrire simplement par goût de l'atmosphère qu'elle dégage, ce qui est évidemment très compréhensible et impossible à critiquer, puisqu'il s'agit de tes goûts personnels...
Donc écoutes, tant que tu te fais plaisir toi, ni moi ou les autres n'avons, je pense, quoi en redire...
Tu me vois comblée que mes retours t'aient été constructifs, et, en toute modestie, j'espère que les miens et tout les autres, j'en suis sûre, à venir, pourront t'apporter de l'aide dans ta rédaction de Karma Arena.
Bien cordialement,
Merci encore pour ton temps, tes retours et tes messages, qui sont extrêmement bienvenus. C'est un vrai plaisir de te lire, j'ai hâte de recevoir tes prochaines critiques et j'ai aussi hâte de commencer la lecture de tes livres dont les résumés m'ont immédiatement fait de l'oeil.
Belle journée à toi