La nuit commence à faire son apparition.
— Madameuh ! Madameuh !
Cette présence face à moi m’effraie légèrement. Je n’ai jamais été interpellée comme cela. D’habitude, on me sourit timidement quand on me voit. Rien de plus. Cette femme… Quelque chose me met mal à l’aise. Je ne sais pas pourquoi…
Je me lève du banc pour m’éloigner discrètement. Je n’ose pas me retourner… Il le faut. Mais, je n’ose pas…
— Madameuh ! Madameuh !
Je me retourne. La femme me suit d’un pas lent. Il n’y a personne d’autre dans le parc. Mon cœur s’accélère. Des sueurs froides s’échappent de mes tempes. Mes genoux s’entrechoquent. Je tremble de partout... Je regrette de ne pas être rentrée chez moi, sans détour.
— Véra… Dans quel fumeux pétrin t’es-tu encore mise…? Bescherelle n’est pas un bled dangereux mais on ne sait jamais, me dis-je d’une voix silencieuse.
Nerveuse, je me retourne une nouvelle fois. La femme ne s’en cache même plus : elle me suit à la trace. Elle doit avoir une quarantaine d’années, environ. Voyant que je me suis arrêtée pour l’observer, elle manque de trébucher derrière un buisson. Sa chevelure rousse toute décoiffée détonne avec les rangées de lilas noires, de tulipes grises et de tournesols bleu-vert qui jonchent le petit chemin. Ses vêtements aussi sortent de l’ordinaire. Elle porte une chemise à fleurs très ample. On dirait qu’elle s’est habillée avec son rideau de douche. Un rideau de l’ancien temps avec des souliers de plage. Elle tente d’agir comme une promeneuse ordinaire. Elle fait tout pour ne pas croiser mon regard.
Elle a l’air étrange, sans être dangereuse pour autant. Je reprends ma route, bien décidée à rentrer chez moi. L’heure défile. Ma mère risque de bientôt s’inquiéter si je ne rentre pas avant le coucher intégral du soleil. J’accélère le pas. J’en perds mon souffle.
Je n’aime pas être suivie. J’ai l’impression qu’elle s’est éloignée lorsque j’entends de grandes enjambées derrière moi.
Elle revient à la charge. Elle peine à courir avec sa chemise qui vole dans tous les sens. Ce vêtement lui cache parfois la vue. Je ne sais pas comment elle fait pour courir en chaussures de plage… Cela relève presque de l’exploit.
La panique me gagne à nouveau. La voir si sereine tout en pressant le pas, c’est inquiétant… Cette inconnue me terrifie. Je crains pour ma vie.
Je ne parviens plus à maintenir une distance suffisante entre elle et moi. J’entends même au loin, quelque chose qui ressemble à :
— Vulez-vu connaytre votre avenire ?
Je ne comprends rien à ce qu’elle me demande. Je saisis l’intonation interrogative ainsi qu’un ou deux mots dépourvus de sens. Vu… Connaître…
— Pardon, madame… Mais… pardon, mais… Je ne comprends pas… Je ne vous connais même pas.. Vous devez vous tromper de personne...
— Vulez-vu connaytre votre avenire ?
L’incompréhension reste totale. Je remarque à peine que je suis à l’arrêt quand je lui réponds :
— Vous ne parlez pas la même langue que moi, n’est-ce pas ?
Je n’ai jamais rencontré un tel accent. Je ne sais pas d’où elle vient. Mais elle n’est pas originaire de Bescherelle-sur-Mer. On dirait que son langage s’inspire de plusieurs langues. Des dialectes tellement différents que le mélange en devient indigeste.
— Vulez-vu connaytre votre avenire ? répète-t-elle inlassablement alors que ses mains s’agitent comme si elle consultait une boule de cristal invisible.
Avenir… Connaître… Il semble que je sois face à une voyante. Je n’ai jamais eu affaire à cette science. Je n’en ai pas envie. Je n’ai pas confiance en cette femme. Je veux rentrer chez moi.
— Laissez-moi tranquille, s’il vous plaît… Je ne veux pas voir de voyante… Je sais tout… tout ce que j’ai besoin de savoir. Quand je ne sais pas, je vais voir… voir... dans mes livres de bibliothèque et cela me suffit… Au revoir, madame. Bonne continuation.
Je poursuis mon chemin.
Je distingue enfin la sortie du parc. La voix de la voyante résonne encore dans l’air :
— Veyra !
Mon sang se glace. Malgré l’accent, j’ai reconnu mon prénom. Véra. Je ne me suis jamais présentée à elle. J’en suis certaine. Je ne lui ai qu’à peine parlé dans le seul et unique but qu’elle me laisse en paix.
— Veyra !
En guise de première réponse, je lui envoie un regard noir plein de peur.
— Veyra ! Vulez-vu connaytre votre avenire ?
Elle insiste vraiment beaucoup…
— Veyra ! Vu deyvriez me voire. Jay crois qué jay dey cheuses à vus apprendr’ sour votre avenire.
Je suis à court de patience. Je m’effondre sur le banc le plus proche. Mes jambes ne me répondent plus. Je suis comme figée sur place. La chemise à fleurs de la voyante se meut au gré du vent. Je crains que cette femme ne se retrouve dénudée si le vent se décide à souffler un peu trop fort. Par chance, seule une légère brise souffle en ce moment. Nous sommes toujours seules. Je ne peux plus bouger. Elle ne partira pas avant que j’accepte sa requête.
— Veyra ! Vulez-vu connaytre votre avenire ?
— Pas vraiment… Partez, s’il vous plaît… Madame… euh… madame. Je… Je… Partez, je vous prie… partez.
Elle me fait de plus en plus peur. Les diseuses de bonne aventure ont la réputation de n’être que des charlatans, assoiffés de pièces. Son apparence négligée la rend innocente, inoffensive mais je m’en méfie. J’espère qu’en refusant ses services, elle ne va pas m’agresser. Je préfère ne pas y penser…
— Veyra… Jay nay vus veux aucune male, creuyez-mwa.
Je perçois de la sincérité, autant dans son regard que dans ses paroles. Elle cherche sans doute à m’amadouer avec son apparence et son accent sorti de nulle part.
Des feuilles d’arbustes viennent se mêler à sa chevelure rousse déjà décoiffée. Elle manque de perdre l’équilibre en se marchant sur les pieds. Je ne pensais pas possible une telle maladresse.
— Euh… Toutes ces feuilles… Je peux vous aider à les enlever… si vous voulez. Vous en avez partout.
Elle accepte ma proposition. Je me relève pour m’approcher d’elle. Ma gentillesse me perdra. J’espère qu’après cela, elle se résoudra à me laisser tranquille.
Pendant que je lui retire une dernière feuille coincée dans une de ses tresses emmêlées, elle se met à trembler sans prévenir. Prise de panique, je recule en faisant quelques bonds. Je me sens incapable de l’apaiser. Je ne sais pas quoi faire… Le tremblement se change rapidement en convulsion. À la vue d’une telle scène, je me demande si elle simule. Dans le doute, je me rapproche à nouveau d’elle.
— Madame, vous allez bien ?
Aucune réaction de la part de la voyante. Elle ne semble plus en mesure de parler.
— Vous m’entendez ?
Je ne reçois que quelques bafouillements. Un ou deux filets de bave s’échappent furtivement de ses lèvres. J’hésite à aller chercher de l’aide ou bien rester à ses côtés. C’est une situation spectaculaire et stressante.
La crise de convulsion dure depuis plus d’une minute. La minute la plus longue de ma vie. Et puis, son corps s’immobilise d’un coup sec. Elle sombre dans l’inconscience dans un grognement étouffé. C’est très effrayant à regarder. Alors que je vérifie son pouls en palpant ses poignets, il me semble qu’elle reprend peu à peu ses esprits.
En réalisant qu’elle a perdu connaissance, la voyante sursaute. Elle se redresse à moitié. Son sursaut me surprend. Je bondis à mon tour, reculant de plusieurs pas, le cœur battant. Elle m’aura fait passer par tout un tas d’émotions…
Mon instinct me souffle de l’aider à se relever avant de l’asseoir sur le banc le plus proche.
— Levez-vous ! Allez... Il faut vous lever maintenant. Debout...
Je parais insistante. J’essaie de ne pas m’en vouloir en me rappelant que j’agis pour son bien.
— Vous allez bien ? Vous êtes sûre ? J’ai des doutes...
Les grognements s’apaisent mais ne se transforment pas en mots pour autant.
— Ça va aller ? Vous avez besoin que je vous conduise chez le soigneur du coin ? Vous avez peut-être besoin d’être examinée…
— Jay vay bien, Veyra. Jay vus raymayrcie.
Sa réponse me convainc suffisamment. Elle n’a pas l’air d’avoir des séquelles suite à son malaise et à sa crise convulsive.
Dans ma tête, j’entends la voix de ma mère qui me presse de rentrer. Elle doit désormais m’attendre de pied ferme. La connaissant, elle va de suite me faire réviser ma leçon jusqu’à tard ce soir. Cette perspective me fait presque oublier que je me trouve encore dans le parc municipal, la voyante face à moi. J’envisage alors de laisser cette femme reprendre ses activités.
Je lui dis au revoir avant de lui tourner le dos. Sauf qu’elle n’a pas compris le sens du mot « au revoir ». Plutôt, elle l’a compris que trop bien et je regrette de ne pas avoir dit « adieu »... Chassez la voyante farfelue et elle revient au petit trot.
— Veyra ! Jay eu day praymonitiones à veutre soujet.
Elle est déterminée à attiser ma curiosité.
Je suis à deux doigts de regretter de lui être venue en aide. Mais, j’ai été bien élevée. Je ne peux m’empêcher de venir en aide aux autres, quand je peux. Même secourir quelqu’un que je ne connais pas et qui m’agace sérieusement.
— La visione aytay si pouissante quay j’en ay conevoulsay… Ça nay m’aytay jamay arrivay avant…
Une vision puissante qui provoque des convulsions… Elle maîtrise décidément l’art du suspense et de l’intrigue. Elle sous-entend peut-être que j’en suis responsable pour que je culpabilise. Elle a quand même failli trépasser sous mes yeux. Je ne pense pas qu’elle ait fait semblant.
Je suis sur le point de lui céder. Par curiosité ou pour qu’elle me laisse en paix… Je n’en sais rien.
Je ne me suis jamais demandé ce que cela ferait de connaître son futur à l’avance. J’ai toujours été séduite par l’idée de connaître le grand amour, un jour. Cela me permettrait de m’éloigner de ma mère bien trop stricte. Aussi, je me suis déjà interrogé sur ce que j’allais devenir après l’école. Ce flou dans mon propre avenir me fait bien trop réfléchir parfois. La perspective de connaître des détails rassurants me fait trépigner d’impatience, bien malgré moi. Je me donne l’impression d’être une petite fille s’accrochant à la magie et à l’art des miracles.
— Bon, alors… Que me réserve l’avenir, madame… ? Euh… Comment vous appelez-vous, déjà ?
— Jay manquay à tut may deuvoires. Bonejur, Veyra ! se présente-t-elle en me serrant la main d’une poigne de fer.
Ma main est toute engourdie suite à ces salutations impromptues. Je la somme de poursuivre, malgré la gêne que je ne parviens pas à masquer.
— Jay nay pas fini de m’installay, vu savay… Jay souis obligeay day fair may conesoultationes dans lô rue, se désole-t-elle.
Exaspérée par ses élucubrations, je baisse la tête pour fixer ma belle robe. La nervosité me pousse à tirer dessus pour en chasser le moindre pli. J’ai à nouveau une petite pensée pour mon père. Comme si chaque pois de mon vêtement représente le nombre de fois où je pense à lui dans une même journée.
— Jay souis Madame Brillance. Jay souis popoulayre dans Le Livre. Jay viens de la Page Blanche. May jay nay connay pas Bescherelle-sur-Mer. Jay souis nuvelle ici.
Poursuivre cette discussion me demande de puiser dans une énergie que je ne possède pas. Je prends mon courage à deux mains pour lui rappeler que je suis pressée par le temps. C’est comme si Madame Brillance recherchait de la compagnie plutôt qu’une cliente.
La voyante m’invite à m’asseoir près d’elle, sur le banc. Il n’y a toujours personne aux alentours. Je rêve de rencontrer Madame Poèse, Selvina, Monsieur X., Balthazar, même le maire, Monsieur Mère-Grand… Mais il n’y a personne dehors, à cette heure.
— Mademoisel ? Vu zallay bien ?
Le vent se lève légèrement. La chemise de la voyante manque de se soulever. Elle la rattrape de justesse.
Maintenant que la prédiction est imminente, une petite angoisse s’empare de moi. J’ai toujours eu peur de l’inconnu. L’avenir est un ensemble de tout plein d’inconnus possibles. C’est effrayant… J’ai aussi des appréhensions lorsque l’on s’apprête à me faire d’importantes révélations. Cet instant présent ne fait pas exception.
— Horemis trois piayces, la sayance sayra gratouite.
Les sentiments qui m’envahissent en cet instant m’empêchent de souligner ce coûteux paradoxe. De toute manière, je possède ces trois pièces. Elles se trouvent dans la poche de ma robe, près des photographies de mon père. Pour cela, je peux remercier mes économies effectuées à l’époque où je travaillais pour Monsieur X. dans son magasin de cookies. Ce n’est pas cher payé pour me débarrasser de cette femme envahissante.
Dès l’âge de quatorze ans, les bescherellois sont autorisés à travailler. Mon expérience professionnelle n’a pas duré bien longtemps. Mon patron n’a pas apprécié que je grignote la marchandise, durant mes heures de travail. Il a attendu que je déguste mon quarante-deuxième cookie avant de se lasser de moi et de se passer de mes services. Je me souviens encore de ses mots :
— Véra, tu es bien meilleure cliente qu’employée. Sais-tu pourquoi ? Parce que la cliente paye pour les cookies qu’elle consomme. L’employée, elle, ne doit pas manger la marchandise. Ou alors, elle doit apprendre à être très discrète. De ce fait, tu es donc une bien meilleure cliente.
— Pare lay dieux du Vishnu, jay dayclar la sayance uverte !
L’inquiétude me dévore l’esprit et me sort de ma rêverie.
— Donnay-mwa vot main, mademoisel !
Sans m’en rendre compte, j’obéis à la voyante.
Madame Brillance entre dans une sorte de transe assez étrange. Convulse-t-elle à nouveau ? Elle est comme possédée par un esprit hyperactif, électrocutée par une énergie invisible. Elle émet des vibrations pour le moins inaudibles. Instantanément, elle se reprend. Elle fuit mon contact visuel. Pire, elle semble avoir oublié ma présence. Elle jette son regard au loin, comme pour voir quelqu’un se trouvant dans mon dos, loin derrière moi. Voit-elle à travers moi ? Est-ce cela, la lecture de l’esprit ? Par acquit de conscience, je me retourne. Bien entendu, il n’y a personne. Nous sommes pour toujours et à jamais seules dans le parc municipal.
— Nay bougeay pô, mademoisel !
Vu que la séance est payante, il est hors de question de la gâcher. Si je déconcentre la voyante par un quelconque mouvement ou mot de travers, mes quelques sous atterriront quand même dans ses poches.
— Oune meussieu Ixeuh va menay à l’amur. Ui, l’amur sayra au renday-vus…
— De… quoi ? Hein ?
Ce sont les seuls mots que je peux formuler. L’effort nécessaire afin de traduire ses propos est si intense que j’en perds toute ma syntaxe polie. Malgré moi, j’ai hurlé ces quelques mots sur la pauvre Madame Brillance qui a pris peur. Elle se frotte les oreilles à plusieurs reprises.
Si je comprends bien, elle m’avertit de la nécessité de chuchoter au risque d’interrompre la connexion avec les dieux du Vishnu. Je lui propose alors poliment de répéter ce qu’elle vient de me dire.
— Oune meussieu Ixeuh va menay à l’amur. Ui, l’amur sayra au renday-vus, reprend-elle en articulant du mieux possible.
Cette déclaration me plonge dans une intense réflexion. Je lève le menton vers le ciel, espérant peut-être que la lune m’apporte des réponses.
Soudain, une illumination traverse mon esprit tout entier. Je crois comprendre qu’un certain Monsieur X. doit me guider au cours d’un rendez-vous. Monsieur X. ? Le Monsieur X. du magasin de cookies ? Est-ce bien la prédiction de la voyante qui parle ou celle de mon estomac criant famine ? Je ne suis sûre de rien… Me suis-je habituée à l’accent de la voyante au point de la comprendre ou suis-je sur le point de perdre la raison ?
— Vu vulay savoar le nom de votr âme sœur ?
Nom... Âme sœur... Cela me suffit. Je fais oui de la tête afin de lui témoigner de mon intérêt quant à la suite de la prédiction. Si je dois rencontrer l’amour, autant avoir un maximum de détails.
— Lay dieux du Vishnu sonte avecque mwa !
Si j’en crois son intonation, cela est un bon signe. Je ne connais pas personnellement ces dieux du Vishnu, n’étant pas très croyante.
— Ils may chouchoteuh le praynom à l’oreilleuh mais j’entends pô bicu…
Grossièrement, Madame Brillance tend son oreille comme si le nom en question flottait dans l’air et qu’elle tentait de le capturer grâce à son canal auditif.
— Or…
— Or ? Or ? C’est tout ? m’étonnè-je, surprise.
Rapidement, je tente de trouver des prénoms commençant par cette syllabe. Je désespère assez vite.
Mon regard se plonge à nouveau en direction de ma robe à pois. Rien ne me vient à l’esprit. Vraiment rien.
— Or… Or… Ormi… Non, Orni… Ui, Orni…
Orni ? Ornithorynque ? C’est le seul mot connu auquel je pense. Ce n’est pas un prénom. Pas du tout, même. J’ose espérer que Madame Brillance ne cherche pas à me mettre en ménage avec cet animal. Autrement, je me serai bien trompée sur sa crédibilité. Payer trois sous pour entendre que je vais finir ma vie avec un ornythorynque, c’est un peu cher…
— Or… Orni… Orni… Orni… Ornik…
L’ornithorynque est hors course avec le nouveau son dévoilé. Je suis très curieuse d’avoir l’intégralité de ce prénom que je ne connais pas. C’est très étrange… En même temps, je trouve aussi mon prénom, Véra, très étrange. Tous les prénoms sont étranges à mes yeux lorsqu’ils sont répétés trop souvent.
— Orni… Ornik… Ornika… Ornikar. Oui, Ornikar. C’ay ça, Ornikar !
Madame Brillance se fige sur place. La connexion avec les dieux du Vishnu s’est interrompue. Ai-je fait quelque chose pour troubler la séance ? La culpabilité m’envahit peu à peu alors que je me mordille la lèvre inférieure.
— Ornikar ?
En répétant le prénom, je crois que je cherche à avoir d’autres renseignements. Pour elle, ce n’est peut-être pas un prénom si rare. Je souhaite sans doute aussi la confirmation que cet Ornikar est bel et bien la personne qui m’est destinée. Tout cela me paraît si irréel… Comme tous les événements de ce début de soirée, d’ailleurs.
— Ornikar, m’assure-t-elle.
Ce n’est pas un prénom qui semble la surprendre. Il faut dire que je ne suis pas beaucoup sortie de Bescherelle-sur-Mer… Si la voyante est connue dans les villes du Livre, elle a dû rencontrer énormément de monde. Un Ornikar, qui sait ?
— Mais où est donc cet Ornikar, Madame Brillance ? Mais où est donc Ornikar ? Vous pouvez me le dire ?
La voyante me répond par la négative. Je hausse les épaules, affichant ainsi ma déception. Pour autant, je n’oublie pas de la payer pour m’avoir divulgué ce mystérieux prénom.
— Cey sayra trwa sus pur vus, mademoisel ! S’il vus play…
Si je résume, je vais voir du pays avec Monsieur X. pour trouver un Ornikar. Tout ceci est très vague. La partie où je dois voyager accompagnée de mon ancien patron reste encore à confirmer. Cependant, je garde en tête que tout cela peut être le fruit de l’imagination d’une femme excentrique. Cet Ornikar peut tout aussi bien habiter à Bescherelle-sur-Mer. Cet Ornikar peut ne pas exister du tout. Il y en a peut-être qu’un seul dans tout l’univers. Il y a peut-être des villes entières peuplées d’Ornikar. La voyante a pu tout inventer pour me ruiner. Elle a pu se tromper, en toute bonne foi. Je n’en sais rien… Je suis perdue. Toutes ces pensées diverses et contradictoires s’emmêlent dans mon esprit.
En échangeant une nouvelle poignée de mains musclée, je prends congé auprès de la diseuse de bonne aventure.
Comme convenu, elle a cessé de me suivre et elle disparaît dans les buissons.
Le périple qu’elle m’a prédit pour trouver l’homme de ma vie n’est absolument pas d’actualité. Je dois rentrer chez moi. Ma mère m’attend. J’ai une leçon à réviser pour demain et des pots de confiture à préparer pour la prochaine vente sur le marché. J’ai toujours vécu à Bescherelle-sur-Mer. Ma mère ne me laissera jamais partir à l’aventure comme cela. En rentrant, elle risque même de me sermonner pour mon retard. Très en retard. Je me suis absentée longtemps. Très longtemps. Au pire, je lui dirai simplement que je n’ai pas vu l’heure en lisant à la bibliothèque. Elle ne connaît pas parfaitement les horaires de l’établissement. Elle n’est pas obligée de savoir pour la rencontre avec Madame Brillance dans le parc municipal. Je dois laisser tout cela derrière moi. N’en parler à personne. Ne plus jamais y penser. Plus jamais…
Heureusement que tu me dis que tu penses aux Fleurs d'Algernon à cause de l'accent de la voyante, parce qu'en lisant la quatrième de couverture, je ne voyais pas le rapport ! Mais l'histoire a l'air chouette. Je ne connaissais pas du tout.
Je suis touché quand tu dis prendre plaisir à me lire. Je te remercie !
Conte randu N° 1
3 mars. Le Dr Strauss dit que je devrez écrire tout ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive à partir de mintenan. Je sait pas pourquoi mais il dit que ces un portan pour qu’ils voie si ils peuve mutilisé. J’espaire qu’ils mutiliserons pas que Miss Kinnian dit qu’ils peuve peut être me rendre un télijan.