Allongé sur son lit, les bras croisés sous sa nuque et un reste de migraine lui battant les tempes, Lysander s’abîmait les yeux sur son plafond. Il n’avait pas allumé en rentrant et avait assisté à la baisse progressive de la lumière du jour. Peu à peu, le jaune s’était fondu dans le bleu ; à présent, un voile outremer baignait ses meubles et sa peau. Parfois, il levait un bras et étirait ses doigts devant lui, juste pour s’imaginer sous l’eau.
Sous l’eau, il n’aurait pas eu à écouter ses parents. Il avait eu beau tendre l’oreille à l’autre ou à l’extérieur - au vent, au grondement des véhicules… rien à faire, la curiosité l’emportait et, chaque fois, son attention revenait aux voix basses du rez-de-chaussée.
Il les inquiétait.
La discussion au salon se tut, des pas se rapprochèrent de lui, jusqu’à ce que sa mère se tienne devant sa porte et demande :
— Lysander, je peux entrer ?
— Oui.
Elle actionna la lumière tout en refermant la porte derrière elle. Étrangement, la peine qui ridait la douceur de son visage et son parfum, qui berçait Lysander depuis l’enfance, eurent raison de son mal de tête. L’autre soupira.
— Ce serait bien qu’on parle, non ? dit-elle en prenant place sur le lit. On dirait que quelque chose te tracasse. Tu as fait de la peine à ton père, en lui parlant ainsi.
Lysander se redressa et posa les pieds au sol, fixant ses orteils plutôt que sa mère. C’était comme si son mal de tête avait jeté un voile sur l’heure précédente et que ce voile commençait à se déchirer. Le film de son retour à la maison le frappa. Plusieurs petits poings s’abattant sur ses tempes et sa gorge.
Il était rentré à pied de chez Ismael, à la fois soulagé et mal à l’aise de s’être confié. Quand il avait poussé la porte de chez lui, le malaise avait pris l’ascendant. Son père l’avait accueilli, lui reprochant – pas sévèrement, il se souvenait maintenant – son retour tardif sans le moindre avertissement, et Lysander avait…
— Je ne voulais pas parler comme ça à papa, dit-il.
Il avait été sec, hautain… colérique ? Son père n’avait-il pas tenté de l’apaiser ?
— On sait, assura sa mère. C’est pour ça qu’on aimerait savoir si quelque chose est arrivé aujourd’hui.
— Rien de grave, répondit-il.
C’était étonnamment facile de protéger ce secret.
— Je préférerais le garder pour moi.
— Tu es sûr ?
— Ismael a été de bon conseil.
Cet argument rassura pleinement sa mère, et il sut qu’il serait répété à son père. La carte « Ismael » le protégeait de nombres de discussions désagréables. Sa mère se leva, l’embrassa sur le front, et déclara en quittant la pièce :
— Tu seras quand même puni.
— Je sais, pas d’argent de poche ce mois-ci.
Elle se retourna. Un instant il crut qu’elle allait dire quelque chose sur le fait d’écouter aux portes, sûrement avant de songer que ce n’était pas de sa faute. Pourtant, en quelque sorte, il avait fait exprès. Il pouvait se forcer à écouter ailleurs. Mais ça, l’avaient-ils seulement jamais compris ?
— Oui, Lysander, pas d’argent de poche ce mois-ci.
Ce chapitre est très court, mais plein d'informations et de sous-entendus aussi. Il est clairement en train de remettre en question les choix que ses parents ont fait de l'isoler et de le "cacher". D'ailleurs, moi aussi, je me pose des questions...
Et j'ai bien aimé le fait que son loup ne soit pas insensible à la douceur de sa mère. Lui aussi se retrouve partagé entre deux familles !
Il n'y avait qu'une coquille déjà relevée plus bas : "nombre de" est invariable.
Mais oui, Lui aussi a fini par s'habituer à ces humains plutôt prévenants ♥
Merci pour cette remarque !
Ah si petite coquille : "nombres de discussions désagréables" je crois bien que nombre doit être sans /s/ ici
♥