2 • Sombre

Je ne parviens plus à sentir mes membres endoloris tandis que je fixe l'horizon, habitée par la détresse. Craignant sans cesse de ne plus pouvoir te retrouver. À travers le nuage, dont la couleur liliale dissimule le paysage, j'espère voir surgir ta silhouette mouvante, loin de ces prairies mourantes qui agonisent sous les soupirs gelés de l'hiver. Parfois, je t'attends jusqu'au crépuscule, ne sachant si des bêtes ou des soldats t'ont emportée. Une flamme rêveuse demeure tout de même en moi, bercée par nos rires d'autrefois et des récits féériques qui hantent encore ma mémoire. Entre nos maux et nos pertes, il ne me reste que toi. Que faire lorsque je ne peux te voir ? Qui implorer quand je t'appelle tout bas ?

Ma maigreur est moindre face à l'horreur que je ressens lorsque ton absence s'éternise. La nuit est là. Mon monde n'est plus. Es-tu perdue ou chasses-tu encore pour notre survie ? La tempête s'affaiblit et on ne distingue que les étoiles sur cette sombre toile céleste.

Je ne parviens plus à compter les heures infinies tandis que je murmure l'espoir. Et puis te voilà, je reconnais le son de ta marche déterminée, tu sembles tout essoufflée. Un fracas funeste. Une biche. Tu viens me serrer dans tes bras, chuchotant des excuses à peine audibles. Je sens les os de tes côtes, les blessures sur ton dos et tes larmes qui viennent couler sur mon épaule contre laquelle tu t'agrippes. Comme si tu avais failli me perdre.

« C'est fini Ynes, je suis avec toi ».

Toi aussi, tu avais peur que je sois enlevée ou tuée...