Le redémarrage
— Qu’est-ce que vous voulez ?
— Je… je passais juste prendre de vos nouvelles. Je sais que le sergent était descendu aux archives et il m’a semblé bien sur les nerfs après.
— Et vous vous demandiez pourquoi, jeune homme ?
— Oh non. Non, non, je ne voulais surtout pas venir fureter sur ce que vous avez dit avec le sergent. Ce ne sont pas mes affaires. Le règlement interdit de toute façon la curiosité.
— Ah non ? Bon, tant pis. Je vous l’aurais bien raconté. Mais puisque vous ne voulez pas savoir…
— Oh… eh bien… si vous n’avez rien d’autre à faire… L’archive est sortie de sous l’étagère au fait ?
— Toujours pas. Je pense qu’elle est heureuse là-bas. Je peux la comprendre, ça a l’air d’un endroit tranquille. Loin de l’agitation. Enfin bon ! C’est gentil à vous d’être passé, jeune homme.
— Vous n’allez pas raconter ce que vous avez trouvé ?
— Je croyais que vous n’étiez pas intéressé.
— Eh bien… enfin…
— Ca va, j’ai compris. En plus, j’avais besoin d’en parler à quelqu’un. Quelqu’un d’autre que le sergent, je veux dire. Ce n’est pas que je l’apprécie pas, on se connait depuis de longues années. Mais souvent, il a des idées tellement arrêtées. Et ici, nous sommes dans un cas où il faut de l’ouverture d’esprit !
— De l’ouverture d’esprit ?
— Parfaitement ! Et je pense que vous, vous avez l’esprit assez ouvert, jeune homme. Voyez-vous, j’ai découvert que ce qui nous arrive actuellement, c’était déjà arrivé par le passé. Ça a conduit à un redémarrage complet de l’univers, ça a tué toute la vie. Et ça, c’est arrivé quand les formes de vie sont devenues assez autonomes pour comprendre qu’on existe.
— Mais… Vous êtes sûr ?
— Tous les signes sont là. J’aurais tellement voulu me tromper.
— Qu’est-ce qu’on va faire ? Redémarrer l’univers, c’est un peu extrême, non ?
— Ah, je savais bien que je trouverais un bon interlocuteur en vous, jeune homme ! Je vois qu’on se comprend. Et je suis entièrement d’accord. Redémarrer l’univers, personne n’en a besoin. Vous imaginez ce que ça va être ? Des milliers d’années à attendre que la première particule de vie apparaisse de nouveau. Non, c’est très contre-productif, tout ça. Sauf que voilà, le sergent n’a rien voulu entendre. Il a dit que c’était tant mieux si on redémarrait et que si c’était ce qui devait se passer, il n’allait pas s’y opposer.
— Il a vraiment dit ça ?
— Et comment. Moi, j’ai bien tenté de le raisonner, de lui proposer un thé imaginaire. Mais il n’a rien voulu savoir. Très borné.
— En même temps, il n’a sûrement pas tort. Le sergent sait très certainement mieux que nous ce qui est mieux pour l’univers. Vous ne pensez pas ?
— Le sergent qui sait mieux ? J’espère que vous plaisantez, jeune homme. Le sergent est un militaire. Il a pour habitude d’obéir à des ordres ou d’en donner. Il n’est pas habitué à penser un peu différemment, vous comprenez ? Il n’a pas une nature artistique comme nous autres.
— Nous autres ?
— Oui, je vous ai inclus dans le lot. Je sens en vous une grande créativité.
— Merci ?
— Pas de quoi, jeune homme. Donc vous comprenez aussi bien que moi qu’on ne peut pas laisser le sergent détruire l’univers ?
— Ne pas intervenir, ça compte comme une destruction de l’univers ?
— Non-assistance à personne en danger. Et je pense que l’univers est plus que qualifié pour être considéré comme une personne. Donc vous voyez, c’est très mal. Et puis, pensez à toutes ces formes de vie qui vont mourir si l’univers redémarre. Il y en a tellement que notre compteur s’est cassé.
— Oui, je me souviens quand il a commencé à fumer.
— Je crois que vous commencez à me comprendre, jeune homme. Donc selon vous, par quoi on devrait commencer pour éviter à l’univers de redémarrer ?
-> Si le papi archiviste considère l'univers comme une personne, est-ce que cela veut dire qu'il est lui-même un papi univers archiviste ? Ça fait un gros Barbapapa ça !
Le questionnement de laisser vivre ou tuer toute vie dans l'univers est très intéressant.