20 | Ta vie de Garde-ciel (1/3)

Notes de l’auteur : Chapitre mis à jour le 06.12.23.

NOVA  ELLÉE.

Souria, je m’observe dans le miroir. Reflet brunejauni, des doigts grasseux ont trainé sur la glace, j’arrive néanmoins à me voir là-dedans. J’approche mon visage, réprime une moue de dégoût en remarquant une tisse-toile à l’araignée ici, pendue au coin. Bon… Faisons avec ! Un doigt tirant ma paupière, je trace un trait-dorure à la bordure des cils, le rehausse lorsque j’arrive à l’extrémité de l’oeil. Fluidia, aucune tremblote. Je m’attaque à l’autre, recule d’un pas, examine le résultat et souriâtes-nous, encore. C’est parfait. La fébrile d’or sur ma peau-brin-bronzette met en évidence l’ambre de mes iris. À mes lèvres : poudre claire, framboise pastel. Je m’empare ensuite d’un collier, constellé d’une ribambelles de pierrettes, mini-fluorites bleues, le croche proche du cou. Mes mains glissent ensuite à mes cheveux. Je m’empare de quelques mèches, plaque une tresse au crâne, une seconde, une troisième. Je tortille juste le haut, laissant la moitié de ma tignasse volivola à l’arrière, ondula jusqu’au bas des épaules, comme Séphora m’a appris l’autre jour. Quelques floriflorettes la parsèment. Reculette d’un autre pas, tourne la tête de droite à gauche, examine ma coiffure et mon visage, effleure cette mâchoire moins carrée que d’habitude, touche mon cou, surtout là où ma pomme d’Adam ne saillit pas. Je resserre alors cette ceinture qui taille ma robe grise, donnant plus d’incurve à mes hanches. Séphora a voulu me prêter des vêtements mais, en plus d’être trop grands et mal ajustés à ma silhouette, ils sont de terriblement mauvais goût. Là, j’ai au moins pu coudre quelque chose d’acceptable avec les tuniques râpes et décolor’ de Michio. Peut-être qu’il va m’en vouloir d’avoir retouché ses habits fadasses, mais il faut bien que je me vêtisse convenablette, non ? Et s’il aime ressembler à un sac, tant mieux pour lui. Pour ma part, j’ai bien envie d’avoir un minima de tenue. Certes, ma robe pâlisse au gris-poivreux, au moins elle fluiditombe en mettant en valeur les lignes de mon corps.

Encore d’un pas je me reculâmes. Failli me cogner la tête, satanée chambre qui tanière trop basse chez Séphora et Michio. J’étudiale le résultat final, me tournitourne pour voir là, vue de dos, observe ici de côté. Je me trouve belle et aime à la folle cette sensation-là. D’autant plus qu’en Eurythmie, aucune trace de tout ce qui gonfle et croûte-sèche en Sublunaire, me donnant alors un court moment d’oubli, comme si tout allait bien partout et que je pouvais profiter de l’instant présent. Moi pirouette, ma jupe volète.

C’est la quatrième nuit où ça m’arrive, maintenant. Avoir le corps d’une femme en Eurythmie. Ce n’est pas tant quelque chose que je maîtrise, et en même temps, ça me semble si naturel qu’il n’y a rien de particulier à contrôler. Avoir une peau de garçon quand on est un garçon. Celle d’une fille quand on est une fille. Et quand on ne sait pas trop, ou qu’on se sent aucun des deux, ou qu’on s’en fiche, c’est un peu au hasard. L’Eurythmie nous dévoile pour ce qu’on est vraiment, pourquoi ça ne pourrait pas concerner le genre ?

La première fois où je me suis éveillée ainsi, je n’ai même pas été plus désarçonnée que ça. J’étais là, couchée dans mon lit, à fixer la pierrouge s’effritant au-dessus de ma tête, et je savais, bien avant de voir, que les choses étaient juste comme elles devaient être. C’était comme un ressenti qui roucoulait bien-être au chaud du ventre, les fibres du coeur qui battaient à la féminité, si bien que mes changements corporels n’étaient, tout compte fait, pas même considérés comme des changements. C’était juste un corps comme ça. Qui était ce qu’il était. Sans bizarrerie aucune. Ça ne m’a pas empêchée de m’observer, plus tard, avec une forme de béaphorie rarement éprouvée auparavant. Ce n’est pas tous les jours où je révulse mon corps en Sublunaire, mais tantinette que ça m’arrive, désirant parfois, par exemple, des flancs moins droits, ou une barbe avec laquelle jouer – hélas elle refuse de pousser. Et là, en tant que fille, j’étais enfin ce que je voulais être : un peu d’ondule à ma silhouette fuselée, pas trop de poils, une voix-rosée, des cheveux mi-longs, une mâchoire allongée, des pommettes saillantes, des sourcils fins. Je restais néanmoins facilement reconnaissable. Ayant des traits plutôt doux en Sublunaire, ma fluctuation d’un genre à l’autre ne me repeignait pas le portrait. Et tout ça c’était… merveillant !

Extrabelle et satisfaite, j’allais m’en retourner dehors, lorsqu’une série de voix ont échoé dans les corridors du terrier. Mon sourire s’écrase aussitôt. Il s’écrase parce que j’entends Michio. Et Michio m’a l’air superfin colère.

Voilà bien une semaine que je ne l’ai pas vu. Après m’avoir expliqué les rudiments de l’Eurythmie, il a été rappelé en urgence à l’Académie de Valaska. Je devais rester claquetaniérée ici, avec Séphora qui garde un oeil sur moi. Oupsi’oups ! Je ne l’ai pas fait. Souvent, quand la femme de Michio avait le dos tourné, je me suis éclipsée pour explorer l’Eurythmie et ses farfollées contrées. Au début, je privilégiais l’horizon loin là-bas, ce tableau oublié des gens. Plus tard toutefois, plus curieuse que je voulais bien me l’admettre, j’ai fini par ville-visiter Valaska, une capuche sur la tête. Séphora n’était franchement pas ravie lorsqu’elle a compris où j’allais, me disant que je ne devais en aucun cas être repérée, surtout pas par des Garde-ciel ! au risque de commettre une nouvelle bourde. L’argument à l’agace. Parce que je suis née le mauvais jour, je devrais me tapis-clapir au fond d’une grotte, coupée du monde et des gens et de tout ce qui vit ? Séphora sous mes protestations arguait mais non, mais non… Michio a un plan pour toi, et ce n’est pas celui de te cacher ici jusqu’à la fin de tes jours.

— Ok mais alors quel plan ? rouspétais-je.

Séphora détournait le regard, ne me répondait jamais. Mon oncle Héliodore, qui se pointait quelques fois ici : tout pareil. À la place, il disait : profitons encore un peu avant le retour de Michio, tu veux ? Ainsi, Héliodore m’a même accompagnée au marché, une fois, m’aidant à choisir des bijoux ou m’achetant un joli châle, bien que Séphora restait réticente à ce qu’on s’éloigne trop de la tanière. Et si nos premières interactions avec mon oncle étaient tendues – après tout je lui en voulais de silencer au sujet de l’Onde, ne pas reconnaître son appartenance au mouvement, et je ne savais pas jusqu’à quel point j’étais un pion pour lui – ça a fini par s’adoucir. Peut-être n’arrivais-je pas à rester trop longtemps coléria contre les gens ? Peut-être qu’il avait des bonnes raisons de me maintenir dans l’ignorance ? Peut-être parce qu’il m’avait avoué, durant notre conversation à l’Arbolifère, qu’il y avait des choses à découvrir à travers la boussole, et que même s’il n’avait pas précisé quoi, c’était déjà une partie de la vérité ? Une ombre planait toutefois à la méfiance, et je restais déterminée à trouver un maître-flomade avec Maxine sans lui en parler. Je n’évoquais plus la boussole et ses voix, faisant comme si de rien, youplazou ! Et ça allait… ça allait… ! Mais plus les jours passaient, plus je craignais le retour de Michio. Mon intuition me soufflait qu’il n’apprécierait pas mon comportement, ni même celui d’Héliodore. Je n’avais pas eu tort de penser ainsi : lorsque Michio est entré en trombe dans ma chambre, il était plus furibond qu’il ne l’a jamais été. Me surprenant là, il me détaille de la tête au pieds, lâche un rire des plus railleurs des plus détestables que j’ai pu entendre, puis jette :

— Alors, ma chère nièce adorée, comment vous portez-vous en cette charmante journée ensoleillée ? Longtemps qu’on ne s’est pas vus, n’est-ce pas ?

Contrite, je tente un maigre sourire, toute en sentant ses explosi-émotions jaillir dans mon ventre. Sans vraiment savoir comment contrôler mon pouvoir d’Empathe, je sonde mes entrailles où brouille beaucoup de colère, beaucoup beaucoup, la sienne. J’essaie d’y voir autre chose là-dessous, mais tout est extrêmia flou, flou et chaud, si bien qu’il m’est impossible de savoir si ce gros fond de lassitude, enfoui tout là, est réel ou pas. Pas le temps de mieux creuser nos émois qui émeutent : Michio s’empare du col de ma robe grise et me tire dehors avec virulence. Ça me coupe la gorge, m’étouff’touffe presque, mes pieds n’arrivent pas à suivre ils patinent traînent j’étrangle, et Héliodore qui soudain crie à Michio d’arrêter ! On n’a pas tout dit à Ellée, ce n’est pas la peine de me malmener !! n’y change rien. À peine un grognement de réponse chez Michio, il renforce même sa prise. Dehors : un éblouissement de soleil gris. Je cligne des paupières, ma respiration siffle-stridulente, encore Héliodore implore Michio de me lâcher.

— Non ! aboie Michio. Je n’arrêterais pas tant que vous n’aurez pas compris qu’on ne joue pas dans une cour de récré ! Parce que là, mes Minouchesses m’excuseront mais vous ne semblez pas avoir exactement compris la délicatesse de la situation ni l’absolue nécessité à ce qu’on mette Ellée en condition pour la suite ! Vous semblez même faire tout votre possible pour empirer sa situation, jouant à la frivole-gaga-ô-ma-belle-Eurythmie, mais il est grand temps que je mette les points sur les i et que je vous soumette à la dure réalité de l’Eurythmie. Visiblement, discutailler et prévenir par la beauté de la parole ne suffit pas, je me trompe ?

Sur ces mots, Michio me jette sans état d’âme au sol. Mon corps percute la terrouge. Épaule lancinée, respiration coupée, vibration dans les os. Héliodore veut accourir mais Michio, d’un geste du bras, l’empêche d’avancer plus loin. J’essaie de me relever, aussitôt à quatre pattes qu’un autre coup cogne à mon ventre. Mes mains ripent je m’éclate dans la caillasse, le menton tremblé, gr.osse pression. sur le. dos poitrine. bloquée j’es.s.s.ssoufle. c’est Michio. qui a p.osé un. pied sur mon é.pine. dorsale, je tourne la tête, je le découvre la silhouette noire si haute, tranchée, contre laquelle frappe le soleil. Si maigre si décharné, des fines lèvres comme des sourires aux couteaux. D’une lenteur calculée, il déplace son pied et l’écrase contre ma joue. Gravillons de terre à mon oreille, dans mes yeux bouche je vois fl oo u  u ·  ̇ ·.

— Michio enfin ! Tu dépasses les bornes !

Je crois Héliodore esquisse un nouveau geste pour intervenir, mais Michio fait siffler une lame en l’air. Hein quoi ? Sortie je ne sais où, pointée dans la direction de mon oncle. Celui-ci porte la main à sa ceinture où, de ce que je suis capable de voir, pend aussi une longue et fine épée. Son corps, habituellement si ondoyant, fugace animé, se tient avec raideur sous la grise clarté de jour.

— Tu sais très bien qu’en combat entre épéistes, je te bats…, gronde Héliodore.

Michio éclate de rire :

— Certes ! Toutefois je doute qu’Ellée me batte, vu comment tu l’as si médiocrement entraînée toutes ces années.

Et la lame tendue vers Héliodore se tend en direction de mon visage. Sa cicatrice qui venimeuse à l’oeil, Michio persifle un sourire, provoque mon oncle :

— Vas-y, avance Héliodore chéri ! Viens protéger ta bien-aimée trop ‘gnonne pitite pitite loupiotte suraimée ! Juste, que les choses soient claires : plus tu lui tendras la main en Eurythmie, plus je lui mènerai la vie dure. Et à moins de briser notre fameux pacte, celui où tu l’entraînes en Sublunaire, moi en Eurythmie, tu ne pourras rien faire contre ça.

Michio accentue la pression de sa chaussure sur ma joue, la troue, je tousse la terrouge me brouille le souffle, tout en ajoutant :

— Or tu ne voudrais pas risquer à ce que je défigure son lisse minois d’enfant sans plaie, hhm ? Ce serait dommage en effet, une aussi belle frimousse que la sienne… une ado-joliesse en phase d’éclosion qui enfile des jolies robes et se tresse les cheveux…

La pression à mes tempes explose, je gémis. Michio continue, de plus en plus tranchant, à l’adresse d’Héliodore qui n’ose plus faire un pas en avant :

— T’as tes manières, méthodo à la bichonne, très bien. J’ai les miennes. T’as pas à y mettre tes pattes.

Ainsi, Michio décolle sa chaussure mais c’est pour remplacer la douleur par une autre, plus acide et incisive, lorsque sa lame entaille ma pommette. Étonnamment, ça fait mal mais je crois… aucun filet saigne ? Je veux ramper pour échapper à son emprise, à peine bougée que Michio tombe sur moi, son genou enfoncé dans mon dos, me coupant une. nouvelle. fois. la. respiration. Des relents-cigare flottent.

— Je… comprends pas…, suffoqué-je.

— Mais moi non plus, gamine !

De plus en plus de mal à respirer, mes poumons gémisifflent, Michio estafilade une autre coupure sur ma joue tout en disant :

— Je ne comprends pas ce que vous tous, vous ne comprenez pas ! Qu’est-ce qu’il vous manque pour voir que la menace contre les Hỳdōrs et solstice d’été est réelle ? Que si ce n’est pas l’avortement c’est l’infanticide, que si ce n’est pas l’infanticide c’est un assassinat plus tard parce que la délation envahit les rues comme la peste ? Vous tous porte-chaos, vous êtes tous rayés de la carte puisqu’il suffit d’un soupçon, aussi minime soit-il, pour orchestrer votre mort ! Entre les rumeurs, les personnalités-types et les pouvoirs hỳdōriens qui trahissent, croyez-moi : ça va vite. Si bien que la seule façon d’augmenter les chances de survie d’un Hỳdōr est soit de le laisser Lunéen à jamais, au moins il n’y a pas le risque à ce que son pouvoir le démasque, soit de lui donner accès à l’Eurythmie quand il est nourrisson mais d’assez vite le rendre oublieux, lui donner les armes nécessaires pour qu’à son entrée en Eurythmie à dix-sept ans, il sache se défendre. Mais toi… mais toi !

Sa ricanette part dans une délirette-foliette, comme si Michio perdait soudain les pédales et qu’il était trop coléré pour taire tout ce qu’il pense de moi. Sa vilaine fumodeur m’irrite les voies respiratoires jusqu’à tout ronger me nauséer.

— Toi, la seule chose qu’on ait pu faire de toi, c’est rien du tout ! Aucune arme, aucune préparation physique ou mentale, on nous lègue qu’une minouflette qui sourit et danse à longueur de journée, convaincue que le ciel est gorgé de beaux papillons et d’arc-en-bleu subliminaux ! Et en plus de partir avec un désavantage des plus monumental, tu enchaînes bourdes sur bourdes depuis ton entrée en Eurythmie !

— Quelles… bourdes ?

— Oh ! Suis-je vraiment obligé de te les lister ?

— Ou-i…

— Lors de ta première nuit ici, tu te vêts d’un habit qui passe pas inaperçu, et s’il était inévitable que tu te retrouves ici avec la dernière fringue portée en Sublunaire, t’aurais quand même pu mettre un truc un peu plus passe-partout, au lieu de ton pyjama aux petits voiliers ! Ensuite tu barioles tes cheveux en bleu, madame-je-déroge-à-vos-Lois-sans-pression, et comme si ça suffisait pas, alors qu’Héliodore t’avait dit de ne pas bouger, tu pars en exploration et te tapes la causette avec des Garde-ciel qui sont précisément en quête d’oublieux porte-chaos ! Comment dire, gnarde… Est-ce qu’on peut seulement imaginer pire, comme situation ? À peine entrée qu’on t’a déjà dans le viseur et te voilà incapable de te démerder seule ! Oh ! J’oubliais ! Oui, parce que ce n’est pas fini ! Alors que je dois m’absenter quelques jours à l’Aska, je découvre à mon retour qu’on explore encore les environs, que Séphora et Héliodore t’ont rien expliqué de ce qui est prévu alors que je le leur avais demandé, qu’Héliodore t’as rien entraîné durant mon absence alors que je le lui avait ordonné, et qu’en plus, madame est capable d’une distorsion en plus dans nos Lois de l’esprit ! Un changement de genre, rien que ça ! Alors excusez-moi, mes tendres amis, si légèrement, je me scandalise, mais avouez que la situation est des plus désastreuses !

Michio a quelque peu allégé son poids sur mon dos, j’étouffe moins, je maugrée la bouche pâterreuse :

— Vous êtes injuste.

— Je ne fais qu’exposer des faits objectifs auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.

— Concernant ma première nuit : j’aurais pu ne pas bouger que ça n’aurait rien changé. C’était un hasard si des Garde-ciel me sont tombés dessus.

Il se couche presque sur moi, susurrant à mon oreille :

— Faux. À peine la nuit tombée en Sublunaire que déjà j’étais là, paré sur le qui-vive. Sens aiguisés, toutes canines dehors, la ligne de mire à l’épaule, je te visais et personne, je dis bien personne, n’aurait pu t’intercepter avant moi si seulement tu ne t’étais pas trop éloignée de là où je pensais que tu atterrirais.

Crachat sur ma joue. Ma joue dont je ne sens plus aucune douleur des entailles de Michio, comme si elles n’avaient jamais existé. Zéro tache de sang qui file-coule sur ma peau. Je le foudroie du regard, il éclate d’un rire gras, tonitruant de fumée, et ça fait remonter la bile dans ma gorge.

— Michio ! tonne Héliodore. Ellée n’a jamais eu toutes les clés en main, tu peux pas lui en vouloir pour ça ! S’il y a une personne contre laquelle tu dois t’acharner ici, c’est moi. Pas elle !

— Parce que tu crois que ce n’est pas déjà ce que je fais ?

Le vent souffle humide, Héliodore ne répond rien. Michio en profite pour ricaner :

— Bah ouais. Je vois bien que t’as mal, Hélio-chouchou. Mais peut-être qu’ainsi, tu comprendras enfin qu’il y a un problème dans le fait de ne jamais rien lui dire. Soit-disant que ça la protège ! Moins iel en sait, plus iel est en sécurité, avez-vous constamment répété, mais c’était une erreur ! Une grossière erreur, la pire que vous auriez pu faire. Vois maintenant comment Ellée en pâtit et comment elle va en pâtir dans les années à venir. Enfin… dans le cas où elle survivrait tout ce temps, ce qui à ce stade relèverait franchement du miracle !

Soudain, il se lève. Sa géante et décharnée ombre recouvre mon corps étouffé tout entier. Il persifle :

— Ellée aurait dû savoir depuis enfant, s’entraîner en conséquence depuis enfant. Elle aurait dû grandir le regard dur, les épaules carrées, les poings serrés, les mains calleuses. Ce sont des mains qui chaque jour sans exception chaque jour auraient tenu une arme, n’importe laquelle. Des lames à l’infini, des lames à aucune larme, jamais aucune plainte, de la sèche détermination, du fer-acier pour envelopper son coeur. Alors elle aurait été prête, foncièrement prête à s’attaquer à l’Eurythmie et à son implacabilité, sa glaçante rigidité. Mais à la place, vous ne lui avez donné que des doux bisous sur la joue, des protèges-mensonges, de la tendresse pour seule cuirasse, et voilà le résultat : une guimauve ambulante en Eurythmie, flagadant boulette sur bourde sur couillonade. Et dire que l’avenir de l’Eurythmie repose sur elle !

Et chacun de ses mots m’heurtent davantage. Je les encaisse comme j’encaissais sa rossée tout à l’heure, sauf que cette fois c’est tout à l’âme. Elle s’en retrouve toute meurtrie, tant que je n’arrive même pas à analyser cette dernière phrase qu’il a dite. Je veux fuir m’en aller, mais alors que, les paupières humides, je tentais de me relever, Michio assène une nouvelle roulée de coups. Ses pieds dans mes côtes. Je m’explose à terre plus de suffoc’ ça cogne rosse sans plus finir sur toute ma peau, une poignée de poigne poing poing poing au ventre, dos, visage, partout le corps. Je me recroqueville, me protège la face avec les deux mains. Gémissante j’écope les hématomes, j’avale les ecchymoses, la respiration fracturée, pendant que là-haut Héliodore implore Michio d’arrêter mais Michio n’arrête pas. Il redouble d’efforts. Il crie : il est grand temps que t’apprennes gnarde ! La vie en Eurythmie ou jamais tu n’y survis. En quatrième vitesse hop ! je vais t’endurcir moi, braille-t-il, t’ôter ton sourire pour que tu grandisses un peu, deviennes infracturable à force d’en mâcher de la douleur, une guérillero hors pair, muscles de béton qui remplaceront tes bras de coton.

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Edouard PArle
Posté le 25/06/2024
Coucou Louison !
Excellent chapitre. J'aime beaucoup le passage de la violence physique à la violence verbale (à ne pas sortir de son contexte mdr), c'est très naturel et on comprend sans les partager les émotions qui animent Michio, sa colère. On voit ses motivations, ce qui l'anime plus que jamais, ça rend ce personnage plus intéressant. Ca amène du débat avec Heliodore qui n'a peut-être effectivement pas tout bien fait. Bon après, ça reste un salaud dans sa manière d'agir....
J'ai adoré ce passage :
"S’il y a une personne contre laquelle tu dois t’acharner ici, c’est moi. Pas elle ! — Parce que tu crois que ce n’est pas déjà ce que je fais ?"
On y comprend tellement bien les enjeux de la scène !
Bref, j'ai beaucoup apprécié ce chapitre et je suis vraiment hyper curieux de voir où tu nous emmènes avec tout ça....
Un plaisir,
A bientôt !
Louison-
Posté le 27/06/2024
Re- !
Trop chouette si on comprend bien les émotions qui animent Michio, je crois que c'est l'un de mes personnages préférés hihi, qui contient plusieurs contradictions, ou du moins j'aime énormément l'écrire, alors oui je suis contente si on le comprend et si ça amène un débat intéressant avec Héliodore !
dodoreve
Posté le 10/06/2023
Salute Louisald

« Souria, je m’observe dans le miroir. » J’arrive pas à savoir si c’est Souria pour pas genrer souriant/souriante (c’est comme ça que je l’ai lu sans réfléchir) ou si c’est du passé simple pour suivre son nom ? Je ne sais et c’est pas important et c’est pas une sensation désagréable de pas savoir mais je te dis voilà je cause

« Un doigt tirant ma paupière, je trace un trait-dorure à la bordure des cils » C’est fait exprès l’effet un peu répétition tirant/trace/trait ? J’arrive pas à trancher non plus

(Que d’indécision en moi ce soir mais qu’arrive-t-il)

« souriâtes-nous, encore » momoh j’adore quand Nova pense comme ça

PEAU HÂLÉE ok j’imaginais Nova hyper blanbec translucide mais dac cette perspective me plaîtAH mais iel est en Eurythmie en fait !! C’est peut-être différent ?

« Et s’il aime ressembler à un sac, tant mieux pour lui. » dorja comme tu dirais

« Je me trouve belle et aime à la folle cette sensation-là. » si mimitouchant <3

Ça va sans dire mais j’aime bien le fait que Michio genre Nova au féminin malgré la violence de ses coups


« Et en plus de partir avec un handicap des plus monumental, tu enchaînes bourdes sur bourdes depuis ton entrée en Eurythmie ! » Je sais pas trop si le terme « handicap » est si bien choisi ? (si jpeux me permettre)

J’aime beaucoup toute la colère de Michio, je trouve ça très authentique et vivant (tu sais la sensation que le personnage est réel) (les autres le sont pas moins mais parfois on en a conscience en même temps qu’on lit donc je te le dis)

Wow mais cette violence physique c’est vraiment beaucoup

« Des lames à l’infini, des lames à aucune larme, jamais aucune plainte, de la sèche détermination, du fer-acier pour envelopper son coeur. » (joli j’aime bien que triste)

J’aime beaucoup le discours de Michio, ça évoque clairement des débats sur l’éducation et comme je te disais juste avant on sent que le personnage est vivant et avec ses convictions, c’est chouettas même si déso les doux bisous c’est cool quand même (par contre les protèges-mensonges non ici on déteste)

« Et dire que l’avenir de l’Eurythmie repose sur elle ! » Ouw le ptit pic de ahbon

Terrible terrible cette violence michioque ;-;
Louison-
Posté le 18/06/2023
Salute Dodoooooo <3
Marciiii tout plein pour ton com plus que mimi, j’apprécie maxi <3

Pour « souria » : oué je me souviens plus ce à quoi je pensais quand j’écrivais ça je t’avoue haha, mais je pense ça doit être souriant/souriante et du passé simple ensemble voilà comme ça on résout le problème x)

Aaah l’effet répétition trait/trace/tirant c’est pas fait exprès, du moins je crois pas, et maintenant je me demande si c’est gênant et je change ou si ça passe haha ^^ Ca t’a gêné à la lecture ?

Ah c’est marrant que tu imagines Nova blanbec translucide ! Dans ma tête iel est bronzée parce que je sais pas j’associe le soleil/la chaleur à Nova, et à l’inverse j’imagine plus Jules pâle parce que grognonne elle passe pas beaucoup de temps dehors et se cache sous des bérets et autres chapeaux ^^

Oui le terme handicap, merci de souligner effectivement je vais changer :)

Oh merci sinon pour ce que tu dis au sujet de Michio, contente s’il paraît « vivant » comme tu dis et si on entend bien ses arguments ;) Parce que c’est vrai qu’il a pas tout tort le bougre, même s’il pourrait utiliser d’autres méthodes pour faire comprendre son pdv haha.

Merciiiii pour le reste des phrases que tu relèves et que t’as bien aimé !! <3 <3
dodoreve
Posté le 18/06/2023
"Aaah l’effet répétition trait/trace/tirant c’est pas fait exprès, du moins je crois pas, et maintenant je me demande si c’est gênant et je change ou si ça passe haha ^^ Ca t’a gêné à la lecture ?" > Ahah bah du coup je me suis dit "ah marrant cool" mais en même temps oui "je me demandais si c'était intentionnel" (la sensation à la lecture tu vois). Donc en soi c'est pas gênant, y a moyen que ça devienne lourd si tu forces le truc, chépo fais ce que tu veux en tout cas, même laisse si tu veux, c'est le genre de trucs qui reste agréable à discuter avec ses autrices fav (vision de toi dans une librairie en train de faire des dédicaces)

"Ah c’est marrant que tu imagines Nova blanbec translucide ! Dans ma tête iel est bronzée parce que je sais pas j’associe le soleil/la chaleur à Nova, et à l’inverse j’imagine plus Jules pâle parce que grognonne elle passe pas beaucoup de temps dehors et se cache sous des bérets et autres chapeaux ^^" Ma représentation était complètement arbitraire donc je n'ai aucune défense ahah

hop hop <3
Louison-
Posté le 18/06/2023
Okay merci pour ton avis sur le trait/trace/tirant !

lol tu peux continuer à voir Nova blanbec et t'imaginer Jules bronzée si c'est le cas, je pourrais aussi la concevoir comme ça dans le fond ahaha
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