Durant les semaines suivantes, Trevor continua de m’envoyer des messages et m’appela quelquefois. Le travail en studio avait commencé avec son groupe et nous n’avions pas le temps de nous voir. J’appréciai qu’il me fasse partager son quotidien au travers de ses sms et le ressenti de ses séances. Je faisais de même, malgré le côté routinier de mes journées. Lors de ses appels, qui avaient lieu le soir, nous passions plusieurs heures à parler de tout et de rien. Bien calée dans mon lit, je me laissai bercer par sa voix grave.
Justement, mon portable sonnait. Je me jetai dessus en entendant la sonnerie dédiée au jeune homme. D’un doigt fébrile, j’appuyai sur le petit symbole vert.
— Allo, soufflai-je.
— Salut toi.
— Salut, répondis-je, un sourire dans la voix.
Même si j’avais passé une journée pas terrible, le simple son de sa voix me redonnait le moral.
— Tu vas bien ?
— Hum, hum. Et toi ? Tu as avancé sur ton texte ?
Il m’avait confié sa difficulté à créer, ce syndrome de la page blanche à l’origine de ce changement d’horizon.
— J’ai eu quelques déclics récemment. On peut dire que j’entrevois le bout du tunnel. Au fait, je t’appelai pour fixer un prochain rendez-vous, même si techniquement on ne sera pas seuls.
— Tu m’intrigues. Qu’as-tu en tête ?
— On donne un concert sur place samedi prochain. Si ça te tente de venir nous réécouter. Je t’envoie deux places, tu pourras venir avec ton amie.
Je me mordis les lèvres pour contenir ma joie. Me retrouver face à la scène, le revoir jouer en live, des frissons d’anticipation me parcouraient déjà le corps.
— Alors… ? s’enquit-il face à mon silence. Je peux compter sur ma non-groupie officielle ?
J’étouffai un rire et l’assurai de ma présence. Même si je réfrénai autant que possible mon excitation, elle dut être perceptible car dans sa voix perçait l’amusement.
— Je t’envoie les billets par mail. Bon, je ne peux pas profiter de ta conversation ce soir car les gars ont prévu de sortir. Je te souhaite une bonne soirée et à samedi soir.
— Bonne soirée à toi aussi et hâte d’être au concert.
Il raccrocha après un dernier au revoir et je me laissai tomber sur le lit, le cœur battant. J’allai l’entendre de nouveau chanter.
*
Seule au milieu de la foule, je me focalisai sur la pensée de voir Trevor bientôt. Alix travaillait ce soir-là et n’avait pu m’accompagner. Je revoyais encore son expression désolée à l’idée de rater cette chance de voir son groupe favori sur scène. Depuis que je m’étais liée d’amitié avec le jeune homme, je prenais conscience des progrès que je faisais. Même si je portai mon sweat préféré, la capuche reposait bien sagement à l’arrière. La salle ne baignait pas encore dans la pénombre propre au concert. L’éclairage donnait à l’espace une apparence banale, mais bientôt, la magie opérerait. Dans une quinzaine de minutes exactement vérifiais-je sur mon portable. Juste le temps de faire un saut aux sanitaires. Je slalomai entre les personnes, de moins en moins nombreuses au fur et à mesure que je remontai le couloir. Je savais que trouver une place au premier rang relèverait du défi. Mais là, impossible de passer la première demi-heure la vessie pleine. J’atteignis enfin les WC pour femmes, prête à expédier mon affaire en une minute chrono. Au moment de sortir, j’entendis des gloussements. Je me dirigeai vers le lavabo, me lavai les mains tout en remarquant du coin de l’œil un groupe de quatre filles envahir le petit espace. J’allais sortir quand l’une d’elles me bloqua le passage. Je m’excusai, attendant qu’elle daigne s’écarter. Un rire méprisant me répondit. Je relevai les yeux, ne comprenant pas son manège. Les autres m’entouraient à présent, m’ôtant toute tentative de manœuvre. Que me voulaient -elles ? Le concert allait commencer, je n’avais pas le temps pour des jeux puérils.
— Serais-tu pressée, par hasard ?
Je fronçai les sourcils. Où voulait-elle en venir ? Je ne la connaissais pas, aucune d’entre elles.
— Le concert va débuter dans quelques minutes, donc oui, j’aimerai passer.
Je réprimai mon agacement alors que la fille s’avançait d’un pas vers moi. Elle était en plein dans mon espace vital. Un pas de plus et elle me frôlait. J’esquissai un pas en arrière, par réflexe. Je butai contre l’une de ses amies. Je sursautai alors que deux bras se saisissaient des miens, me bloquant. Je tentai de me défaire de cette prise.
— Qu’est-ce que vous…
— Non, je ne crois pas. Vois-tu, les filles comme toi, qui se croient particulière aux yeux du magnifique Trevor, on ne peut pas les voir en peinture. Alors on va te faire comprendre que tu n’es rien d’autre qu’une fille lambda. Tu vas avoir tout le loisir de réfléchir…ici.
Je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une claque magistrale me percuta la joue, envoyant ma tête sur le côté. Une main se saisit de mes cheveux et ramena mon visage vers mon bourreau. Une deuxième gifle me fit monter les larmes aux yeux, puis ce fut un déluge de coups, au visage, au corps. Je me recroquevillai sur moi-même dans une tentative dérisoire de me protéger. Elles finirent par s’arrêter. Dans les toilettes ne résonnaient plus que leurs souffles saccadés. On me saisit par les bras avant de me traîner en dehors. J’arrivai à peine à ouvrir les yeux. J’entendis une porte s’ouvrir puis on me poussa sans ménagement à l’intérieur d’une pièce sombre. Le battant se referma, un verrou s’enclencha à l’extérieur. Je laissai échapper un gémissement de douleur en tentant de me redresser. Je rampai jusqu’à la porte et tentai de l’ouvrir. Sans succès.
Je tâtai mes joues, mon arcade sourcilière. Tout mon corps m’élançait. J’essuyai avec précaution la commissure de mes lèvres. Le sol vibra. J’entendis, assourdis, les applaudissements frénétiques. J’étouffai un sanglot de rage. Tout c’était passé si vite. J’avais encore du mal à croire que je venais de me faire agresser, gratuitement. Je tapai sur le battant métallique. J’abandonnai rapidement. Avec le bruit des instruments de musique, les cris des fans, personne ne m’entendrait. Je glissai contre le mur, la tête entre mes bras. Trevor… Allait-il me chercher dans la foule ? S’inquiéter de ne pas me voir ? Je me berçais d’illusions. Il me croirait dans la foule, ne remarquerait rien avant la fin du concert. Je devais sortir d’ici.
En entendant le martèlement de pas, je sortis de ma torpeur. Je me redressai en grimaçant. Je tapai pour avertir de ma présence.
— Ouvrez-moi ! Je suis enfermée. S’il vous plaît.
Je continuai de marteler la porte jusqu’à entendre le grincement du verrou. Je m’écartai d’un pas. Le soulagement m’envahit. Un rais de lumière m’éclaira. Quelqu’un s’avança à contrejour et m’attrapa par le bras. Je me figeai avant de remarquer la présence d’une autre personne juste à côté. Mon sang se glaça. Mon agresseur. Vu le sale sourire sur son visage, elle ne venait pas à mon aide. Ses paroles me le confirmèrent.
— Tu l’embarques. Je te laisse en disposer à ta convenance.
Je me débattis aussitôt. C’était un cauchemar. L’homme me traînait déjà derrière lui, m’emmenant vers une porte à l’arrière. Il allait m’enlever, vraiment ! Je ruai, lui criai de me lâcher. Sa main vint se plaquer sur ma bouche, de l’autre il me tordit le bras derrière le dos. Nous étions dehors à présent et j’avisai le parking, non loin. Je devais me libérer avant qu’il ne me mette dans son véhicule. Bien que costaud, il avait dû mal à garder son emprise sur moi alors que je gesticulais. La panique me submergeait alors que j’avais du mal à respirer avec sa main à moitié sur mon nez. Je me laissai soudain aller, imitant un évanouissement. Mon corps devint tout flasque. Surpris, il faillit me lâcher, sa prise se desserra quelques secondes. J’en profitai pour me glisser sous son bras, l’instinct de survie primant sur la faiblesse de mes muscles. Libre… Je m’élançai, trébuchai, repris ma course éperdue. Il n’avait pas tardé à me poursuivre. Je criai, ma voix à peine audible, essoufflée. Je forçai sur mes cordes vocales pour appeler à l’aide alors que ses pas me talonnaient. La porte du bâtiment me semblait si loin… Lorsque sa main m’agrippa de nouveau, je hurlai le seul nom qui occupait mon esprit, le seul auquel je m’accrochai pour ne pas abandonner.
« Trevor ! »
Un coup me percuta la tempe. Des lumières explosèrent dans mon crâne. Je m’effondrai alors que tout s’obscurcissait autour de moi. Une interpellation au loin, des bruits de pas rapides… le néant.
Cette scène nous fait poser beaucoup de question sur l'impact de la relation de Zoey et Trevor sur leurs entourages et sur les fans de Trevor.
J'ai adoré ce que vous avez écrit.
Merci