Paris, automne 2009 – point de vue d'Émilie
FLASH.
***
En face de moi, je vois son sourire au milieu d'un point de lumière aveuglante. Je suis debout et j'avance vers lui.
Il m'explique qu'il s'appelle Alexis, il est grec. Il vient faire ses études à Paris parce qu'il n'a pas eu des notes assez hautes en Grèce, c'est pas le même système qu'ici. Je n'ai pas d'avis sur ce sujet, mais c'est la première fois que je me sens... bien... depuis que j'ai commencé mes études. C'est la première fois que je me sens à ma place. Là, au milieu d'un TP dégueu où il faut découper des bouts de papillons morts. En plus, ça pue.
C'est le début d'une grande amitié entre Alexis et moi. Chaque fois qu'elle le voit, la petite fille à l'intérieur de moi sort à l'extérieur pour lui donner la main, lui faire un câlin, s'asseoir sur ses genoux. Je la laisse faire, de toute manière je n'ai pas le choix, elle ne me demande pas mon avis pour exister. Par contre, le pote d'Alexis, Costis, est un gros con. Comme je dis à ma copine Prune, la plupart des mecs sont cons, ça n'a rien d'un scoop. Les filles c'est différent, elles pourraient être sympas mais ici je crois qu'elles ne m'aiment pas. Elles me regardent presque toutes avec mépris et défiance, leurs regards sont brûlants sur ma peau. Parfois, je retrouve un peu de chewing-gum dans mes cheveux, ou mon écharpe dans les toilettes.
Alexis est très doué en cours, heureusement qu'il peut m'aider pour les exercices parce que je ne comprends rien à nos cours. Il est gentil et patient avec moi, j'ai de la chance de l'avoir rencontré. Même quand j'arrive à y assister parce que je ne suis pas en train de faire des crises d'angoisses dans les escaliers F, je n'entends pas un quart de ce que j'écoute. Lui, il a toujours le temps pour me rassurer, me donner du café et des barres chocolatées. Mais il y a toujours Camille qui vient s'installer avec lui pour travailler quand les profs nous donnent du travail à faire, que ça soit pendant les heures de cours ou à la maison. Elle n'a jamais le temps, et je trouve qu'elle parle vraiment mal à Alexis. Mais je n'ose jamais rien dire, alors qu'il est si gentil avec moi, lui.
J'ai juste une angoisse qui revient avec Alexis, parfois il me fait vraiment peur physiquement. Je le vois monstrueux, son corps se boursoufle et son visage se creuse tellement que je ne le reconnais pas. Il ressemble à mon ex ! J'en ai parlé à Solène, mais elle ne me comprend pas. Elle cherche à savoir si j'ai des sentiments amoureux pour lui, mais ce n'est pas ça le problème !!!!
Projet de couverture du livre : Alexis à la place du Roi de Bâtons du tarot Rider-Waite. Il évoque un homme charismatique, ambitieux et compétent. Fantôme des peurs ancestrales représente l'ambivalence d'une situation de dépendance envers une figure d'attachement dont dépend notre bien-être, ce qui est à la fois sécurisant et angoissant.