21 novembre 1942 (1ère partie)

Par deb3083
Notes de l’auteur : Ce roman est un spin off de mon roman « Le journal de mon grand-oncle Werner », accessible en partie sur mon profil Wattpad https://www.wattpad.com/user/Aelnen (et bientôt ici aussi)
C’est pourquoi, les informations au sujet de cet officier SS ne sont pas détaillées dans ce texte. Il est préférable de le lire en premier. Ainsi vous aurez une meilleure approche du personnage avant de lire le point de vue de Calev. La réécriture apportera plus de détails sur l’arrivée et la procédure d’admission à Dachau en jouant notamment sur les sons et les odeurs. Je vais rectifier le fait que Werner Von Neurath avait supprimé la quarantaine. Ce n'est pas réaliste. Je vais donc prévoir au moins deux chapitres pour décrire cette quarantaine et la découverte des procédures du camp. Cela permettra au lecteur de mieux s’immerger dans le contexte. Cela implique aussi une modification dans les dates des premiers chapitres que je vais donc devoir avancer.

 

 

L’entrepôt fait partie d’un ensemble de bâtiments industriels à l’abandon. Quatre membres de la Gestapo nous oblige à en faire le tour complet, s’arrêtant devant d’anciennes machines, des armoires vides ou encore des bureaux où la poussière s’accumule depuis des mois.

À nouveau, je m’interroge sur la précision de leurs renseignements. Et chacune de mes conclusions revient à l’unique solution possible : quelqu’un au sein de ma propre famille nous a trahi.

Je n’ai pas encore eu le temps d’en discuter avec mon père et Yakim car nous avons été séparés dès notre arrivée sur place.

Je suis attaché à une planche de bois, posée à même le sol et mes chevilles sont encerclées avec un fil. Avant que je ne comprenne ce qui va m’arriver, mon corps est secoué de décharges électriques.

Puis, on m’entaille la plante des pieds avec un rasoir avant de m’obliger à marcher sur du sel répandu sur le sol.

Les larmes me brûlent les yeux, la douleur est telle que je crains de m’évanouir.  Je me retiens d’hurler cependant. Il est hors de question de que je donne satisfaction à ces crapules.

 

Je crois que cet épisode est celui de trop pour mes tortionnaires : ils me détachent et me rouent de coups jusqu’à ce que je sombre dans l’inconscience. Lorsque je reprends conscience, je suis seul, ligoté à un tuyau avec le silence pour seul compagnon.

Mon dos et ma cage thoracique me font souffrir atrocement. Je me demande même si je n’ai pas quelques côtes cassées. Alors j’évite de bouger et j’attends que quelque chose se passe.

J’élabore divers scénarios tous plus morbides les uns que les autres : une explosion, un bombardement, une exécution en règle, une immolation par le feu…

 

Je jette un regard à travers l’une des vitres qui laissent filtrer les rayons d’un pâle soleil d’hiver et mon esprit s’égard.

Ont-ils décidé de nous laisser mourir de faim ? Ce serait une mort bien trop douce en totale contradiction avec les méthodes radicales de la Gestapo.

Non, vraiment je ne comprends pas.

Un vacarme assourdissant retentit alors : croyant ma dernière heure venue, je murmure quelques prières. Puis, un escadron complet de soldats surgit devant moi. Les cordes qui me retenaient prisonnier sont coupées et je suis emmené à l’extérieur avant d’être jeté dans un camion.

C’est à nouveau sous les cris et les injonctions des SS que je quitte le véhicule après un trajet relativement court. Autour de moi, une cinquantaine d’autres hommes sont regroupés et attendent les consignes.

Mon regard se pose sur une haute clôture en fils barbelés. Elle semble s’étendre à l’infini. Puis, plus loin je distingue des miradors, des fossés, des rangées de baraquements et des gardes armés par dizaine.

Mon premier réflexe est de pousser un grand soupir de soulagement. Cela peut paraître stupide mais avoir échappé à une exécution me permet de rester optimiste. Après tout, n’ai-je pas élaboré avec les amis de mon père un plan pour permettre à des prisonniers de s’évader ? Car, à moins qu’il n’existe un autre camp dans les environs de Munich, je dois vraisemblablement me trouver dans celui de Dachau.

 

Nous sommes contraints de nous placer en deux files et, dans la cohue, je parviens à retrouver mon père et Yakim. Nous avançons lentement sous le regard attentif de plusieurs soldats.

Contrairement à certains détenus, je me tiens bien droit et je ne baisse pas les yeux. Je veux montrer que je ne suis pas abattu et que je ne crains pas les épreuves qui m’attendent.

Je croise alors le regard d’un officier, un regard glacial et hautain. Quand les deux yeux d’un bleu intense se posent sur moi, je reconnais, grâce à des photos qui m’avaient été envoyées, l’homme que j’ai désigné comme notre proie, celui qui nous aidera, contre son gré, dans notre projet d’évasion. Werner Von Neurath. On le dit impitoyable et insensible au sort des milliers d’hommes qu’il côtoie chaque jour.

Mais moi, je détiens sur sa famille des secrets dont il n’a pas encore connaissance. Alors je le fixe, la tête haute, comme si je le défiais en silence.

Il a un petit rictus au niveau de sa bouche et je sais qu’à cet instant précis, il fait de moi sa cible. Cela tombe bien, c’est ce que je souhaite. Mais cet instant ne dure pas. Nous sommes amenés devant une baraque puis, un groupe de SS nous détaillent des pieds à la tête. Ils sont jeunes, très jeunes. Je crois même qu’il n’y en a pas un qui dépasse les vingt ans. À leur sourire, à leur attitude dominatrice, je comprends qu’ils profitent de chacun instant, de cette position qui leur permet sans doute d’assouvir leurs fantasmes les plus cruels. Ils empoignent quelques détenus dans nos rangs et se mettent à les battre sous nos regards écœurés. Les insultes, comme les coups, pleuvent. « Porc », « merde », « abomination », « sale chien », il semble que les SS possèdent un langage des plus fleuris.

Tandis qu’ils s’amusent et se défoulent, je remarque que Von Neurath se délecte de la scène. Dans nos rangs, plusieurs hommes échangent des regards apeurés. Un par un, nous sommes appelés devant celui qui doit être le chef de cet escadron de barbares. Tous, sans exception, nous devons donner le motif qui nous a valu de nous retrouver devant eux. Je remarque qu’il vaut mieux ne pas indiquer que l’on ignore la raison de notre présence pour éviter un déluge de coups. Je n’échappe cependant pas à la bastonnade. Plié en deux, je grimace : moi qui souhaitais paraître à mon avantage devant ma proie, c’est raté. Courbaturé de partout, je me redresse cependant et cherche l’officier qui n’a pas bougé de sa place. Cette fois, c’est lui qui me nargue.

Cet incident me fait comprendre qu’avec mon père, nous avons sous-estimé l’impact des mauvais traitements sur les prisonniers. Pas question cependant de céder à la panique. À chaque problème sa solution comme aurait dit ma mère.

À nouveau, j’observe les barbelés et les miradors. Cette fois, une sensation de malaise m’envahit. Nous nous trouvons dans un monde à part, où les règles de l’extérieur n’existent plus. Je prends alors pleinement conscience de ma situation périlleuse lorsque j’aperçois au loin un groupe d’hommes, le crâne rasé, tous vêtus d’un uniforme bleu et gris. Ils s’alignent sur une grande place et ne bougent plus. Leur aspect misérable, leur posture soumise m’interpellent. Je vais être honnête : je ne m’attendais pas à cela.

Mon attention est détournée par un soldat qui nous demande d’entrer un par un dans le bâtiment face à nous. Comme nous sommes plus d’une cinquantaine, je dois attendre longtemps que mon tour vienne. Et, pendant ce temps, de l’autre côté sur la place, les détenus sont toujours là, immobiles et silencieux. 

Lorsque vient mon tour, un homme me pose plusieurs questions puis, il fulmine, en découvrant un rapport sans doute transmis par la Gestapo, que je suis Juif et me demande de reculer pour qu’il ne soit pas contaminé. Ensuite, on me prend en photo, toujours sous les hurlements et les insultes.

 

 

 

 

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