22- Atelier Couture

Notes de l’auteur : ATTENTION: le chapitre qui va suivre est un doux mélange de violence physique (blessures, intervention chirurgical, si je me suis employée à protéger le lecteur.rice, ça reste ce que c'est) mais également psychologique ( remarques homophobe, racisme).
Pour ceux.elles qui demeurent, j'aimerais assez avoir votre avis sur la question. Je voudrais savoir si vous avez le sentiment que la narratrice est trop 'passive' face à ces comportements, et si elle devrait en faire plus.
bonne lecture :)
Update: modifications (merci Cleooo :) )

L’homme ne se fit pas prier pour rentrer, et  je compris enfin pourquoi l’idiot était dans les pommes. Tout son flan droit était rouge sombre, allant même jusqu’à goutter le long de ses doigts-

« La cuisine. » Je m’entendis aboyer, m’y précipitant aussi vite que possible. Britannicus n’était pas loin, et nous eûmes vite fait de débarrasser la longue table en bois.

L’homme déposa aussi délicatement que possible un Scetus inconscient sur la table, et ce fut pire encore. C’était en vérité tout son côté droit qui était peint en cramoisie, le tissu poisseux, et son teint gris, les lèvres sèches-

Je me dépêchais de m’interposer entre Britannicus et lui, en priant pour qu’il en voit le moins possible. Dans notre hâte, nous n’avions pas fait attention et un petit coup d’oeil dans sa direction me dévoila des yeux hagard, un teint gris-

Et merde.

« Britannicus, attend dans le salon s’il te plait. » Je dis en le poussant doucement vers l’autre pièce.

« Non, je ne suis pas un poltron, je suis fort, je veux rester-»

« Évidemment que tu n’es pas un poltron. On voit ce qu’il en est, et on avise ensuite, d’accord?» Je dis, et si cela ne lui fit pas vraiment plaisir, il  ne protesta plus.

« Ou est Mafalda? » L’homme aboya, le ton rauque alors que je revenais vers la table. L’odeur était absolue et je retins un soubresaut de mon estomac pour examiner cette-blessure de plus près.

« Elle est au Sanatorium, je ne sais pas quand elle rentre- par tous les Saints, que lui est-il arrivé? » Je m’écriai d’une voix caverneuse, mais à ma décharge, la blessure était encore pire de près. À vrai dire, ce n’était pas une, mais une constellation de plaies assez profondes.

« Ésocharge, il était près d’une vitre. » Il rugit, la voix teintée de panique.

Je me mis à nerveusement secouer la tête.

« Il lui faut un guérisseur, maintenant. »

« Mafalda-»

« N’est pas là, alors, il faut l’emmener à un sanatorium, ou un Auratoire je ne sais pas mais-»

« Il n’était pas supposé être là-bas. » L’homme se braqua, le regard terrible, le nez étincelant- ah, c’était donc ça, l’aspect étrange. Le nez de l’homme était en métal-une prothèse. C’était d’ailleurs de long le seul détail sur son visage, constellé de cicatrices, une cernant même dangereusement un de ses yeux.

« Vous avez vu son flanc? Il faut refermer les blessures sans quoi-»

« C'est ça, on va aller chercher un guérisseur, et vous lui expliquerez ce qu’il fabriquait dans ce quartier là, avec des pupilles aussi dilatées, dans l’heure ça se retrouve dans la presse, et-»

« Et qu’est-ce qu’on en à a foutre- vous êtes débile ou quoi-»

« Ne me parlez pas sur ce ton jeune fille-»

« Vous venez de jeter un Scetus tout sanguinolent sur la table de cuisine, vous comptez clairement le laisser là, mais c’est moi qui suit impolie? Il lui faut un guérisseur, maintenant! Le sang, c’est supposé demeurer dans les veines, et s’il y a du verre, les entailles Cassini nous vienne en aide- »

« Il était en charmante compagnie. » Il me coupa la parole sans complexe, l’air terrible, comme s’il s’agissait là d’un argument imparable.

Étais-je folle, ou le monde était-il devenu fou par tous les Saints?

« Les gens vont rarement au Trocadéro pour enfiler des perles-»

« Avec un homme. » Il cracha, les joues écarlates, et ça me souffla net. Je dus me retenir- par tous les Saints cette soirée!

Un Cohortier? Ils avaient légèrement tendance à- bref, on s’en fichait- pourquoi était-on en train de débattre de ce genre de choses à la fin?

« Et alors- mais regardez-le bon sang! »

« Si cela s’ébruite, il sera radié de la Cohorte- vous pensez sincèrement que Lazarus continuera à jouer aux grands seigneurs avec Cassiopeia s’il apprend que Scetus est une tapette? »

Ah.

Oui, tout de suite, cela devenait un argument et de taille. Comme si la situation- comment-

Une petite minute.

" Alors, les insultes, on va s'en passer, merci bien. En particulier quand les oreilles d'un petit garçon son dans le coin."

"Il finira bien par les apprendre tôt ou tard."

"Ce qu'il apprendra, c'est que les prononcer, c'est risquer de devoir manger du savon." Je répliquai fermement. L'homme leva les yeux au ciel pour toute réponse.

Étrangement, Lazarus me décevait. Ce qui était stupide, car après tous le Conclave n’étaient pas des petits nuages mais-

Grande Cassini, que j’étais idiote. Il avait failli m’avoir, à jouer au gentilshomme- tant mieux.

Tant mieux.

« Britannicus, est-ce que tu peux aller chercher mon matériel de couture s’il te plait? Et la trousse à maquillage de Mafalda. » Je demandais doucement et Britannicus fila immédiatement dans les escaliers.

J’en profitais pour saisir un couteau et découper ce qui restait de la chemise de Scetus. Sans le tissu poisseux pour dissimuler la blessure… par tous les Saints l’odeur du sang, le vent, il y avait des morts partout-

Non.

Il n’y aurait pas de mort aujourd’hui, ni demain. Je pris quelques brèves inspiration, et expirais le plus lentement possible. Mon coeur comprit le message et l’urgence pour se tranquilliser, la tempête cérébrale s’atténua peu à peu, jusqu’à ce qu’il ne reste rien, hormis une certitude froide.

« Est-ce que vous pouvez me donner une bouteille d’alcool s’il vous plait? Elles sont juste derrière vous? » Je demandai à l’inconnu qui pendant une seconde, me dévisagea sans comprendre.

« Qu’est-ce que vous- non, hors de question. » Il rugit, le regard illuminé de dégout.

« Vous avez une meilleure idée? »

« Scetus n’est pas un vulgaire tapis! » Il s’énerva, les paumes illuminées, mon nez saturé d’ozone.

Donc non, il n’avait pas de meilleure idée.

« Actuellement, c’est un morceau de gruyère et je pense qu’il préfèrerait largement être une tapisserie. » Je répliquai.

Je ne le laissai pas l’opportunité de me répondre, et tournait les talons vers les escaliers, ou Britannicus bondissait de marche en marche, une pile de palette dans les mains.

Je saisis de la caisse à couture ainsi que de la petite sacoche de beauté, et en extirpait une pince à épiler.

« Britannicus, tu vas retourner dans le salon, d’accord? » Je dis le plus calmement possible quand il fit mine d’entrer dans la cuisine.

« Mais-»

« Non, il ne faut pas que tu viennes dans la cuisine, toi il faut que tu attendes dans le salon, d’accord? »

«Je veux aider. »

« Mais c’est ce que tu vas faire. Mafalda peut rentrer à tout moment, et il ne faut surtout pas qu’elle rentre dans la cuisine, elle ne le supporterait pas. Toi ta mission, c’est de veiller à ce que cela ne se produise pas, d’accord? »

Britannicus hocha gravement la tête, et alla s’installer face à la porte d’entrée, une expression déterminée au visage. Je n’en demandais pas davantage et filait dans la cuisine.

L’homme avait achevé de retirer la chemise de Scetus et remonté ses manches. Il semblait s’être calmé dans l’entre temps et me tendit un tablier beige que je nouais rapidement à la taille avant d’examiner la blessure.

C’était vraiment moche. Tout son côté droit était parsemé de plaies assez profondes, bien que le bras ait pris le plus gros. Heureusement d’ailleurs, car certains éclats avaient la taille de

« Et, vous avez déjà fait ça, jeune fille, n’est-ce pas? » Il demanda et je hochais la tête.

« Par contre ça sera du premier secours, donc il faudra quand même l’emmener voir un spécialiste, alors, je me fiche comment mais il faudra trouver une excuse, il s’est assis sur un cristal d’ésiop, ou quelque chose dans ce gout là. »

« Vous êtes certaine d’avoir les nerfs? Vous n’allez pas vous évanouir-»

« Si je m’évanouissais à la vue du sang, je m’évanouirais une fois par mois. »

« Je crains de ne pas-ah. » L’homme rougit de la tête aux pieds. Je devais avouer que voir un homme embarrassé à la mention de mes menstruations, c’était réconfortant. Enfin, non, rien n’aurait pu me réconforter actuellement, mais au moins, cela changeait du masque impassible de Lazarus.

Comme un retour à la normal.

Je commençais donc par désinfecter tout ce qui me tombait sous la main. C’était loin d’être parfait, mais à nouveau, il ne s’agissait là que de premier secours. L’objectif, c’était de convaincre son sang de rester dans son corps. Le reste, un guérisseur devrait s’en occuper.

Bon, après avoir épongé, je dus me retenir de pousser un soupire de soulagement. C’était plus impressionnant que prévu. Moche, certes, et il fallait s’en occuper mais pas aussi critique que prévu. Je débutais donc ma chasse à l’éclat dans les plaies et remerciait le ciel que Scetus soit dans les pommes, car sans cela il aurait fallu gérer un colosse conjurateur qui avait mal, et je n’étais pas d’humeur.

Je trouvais cela quand même gonflé de sa part, voir de leur part à tous. J’étais tout de même supposée être leur prisonnière, et je me retrouvais à faire de la couture sur Scetus. Je veux dire, quitte à m’enlever, ils auraient au moins pu avoir la courtoisie de le faire dans les règles.

Enfin, ils avaient tentés de le faire, mais j’avais un peu marché sur leurs efforts.

Bon, peut-être méritais-je cet atelier couture en fin de compte.

Cela n’en était pas moins absurde.

« Et comment en-êtes vous venue à savoir faire ça? » Une voix me tira de ma concentration -ce n’était pas la meilleure idée au passage.

Me voir piquer la peau tel un moustique médical ne l’enchantait visiblement pas.

«  Daniel jouait souvent aux petits malins avec les grands. Le problème c’est qu’ils chipaient des couteaux au réfectoire et parfois ils parvenaient à lui tomber dessus. » Je dis alors.

Enfin, cela m’échappa, plutôt. En temps normal, jamais, de ma vie, je n’aurais mentionné Daniel, à quiconque. La faute revenait à ma concentration. J’étais si focusée à ne pas transformer Scepticrétin en véritable scepticémie que je me mettais visiblement à parler sans filtre.

Je levais inconsciemment la tête et découvrit l’homme, blafard à souhait, une expression d’horreur et de pitié dans le regard-

Berk.

« Vous continuez à en faire tout un plat et je vais m’énerver. Ça aurait pu être pire. » Je grommelai, après avoir extirpé tant bien que mal un morceau de verre de la taille d’un duccas d’une plaie.

Je laissai le morceau rejoindre ses petits camarades dans le bol. Il commençait à en avoir un assez bon nombre pour que cela teinte. Je ne m’attardai pas dessus, essayant de conserver au mieux mes nerfs pour m’attarder sur le trou. Que de la mâche, aucune veine sectionnée- et mais, c’était l’artère, là, à un demi-pouce de l’entaille!

Décidément, ce crétin avait une chance de cocu, car si elle avait été même égratignée, tous mes ateliers de coutures n’auraient rien changé à l’issue.

« Oui, il a eu une chance cassinienne. » L’homme soupira, mon expression probablement plus parlante que tous les discours, et je lâchais un grognement d’approbation tout en préparant mon fil. Ce ne fut pas une affaire aisée, car mon aiguille commençait à me glisser des mains -sans parler que sous ces gases poisseuses, j’avais des cloques et elles n’appréciaient ni la marinade, ni mes gestes crispés. La pièce se mit à légèrement tanguer-

« Ça va toujours? » Sa voix me tira d’un plongeon.

« Oui, je me suis brûlée tout à l’heure, mais ça va. » Je le rassurai avant d’y retourner.

J’étais une bonne enclume, je ne craignais pas le marteau.

Si je faisais abstraction de quatre vingt dix pour cent de mon champs de vision, et du bruit, et de la texture, cela je pouvait prétendre être en train de coudre avec Madame Catherine.

À la différence que jamais elle n’aurait fait une suture pareil. Même avec les nerfs en vrac, elle avait trop de talent pour cela. J’aurais vraiment aimé qu’ils me laisse ma robe, celle qu’elle m’avait offert pour mon anniversaire. Elle avait travaillé toute la nuit dessus, et le résultat était si beau, si délicat- bon un des boutons s’était décroché pendant mes livraisons mais je n’étais pas connue pour être très douce sur mon bicycle, et il avait un défaut, il était plus lourd que les autres.

Je l’avais glissé dans mon pendentif, lui aussi perdu. Ou Nordström avais-je pu le laisser-

« Comment cela aurait put-il être pire? » Il m’arracha à nouveau à mes tribulations, et je mis une bonne seconde à comprendre sa question.

« Nous aurions pu être seuls. » Je maugréais et il eut un hoquet cynique.

« La barre n’est pas très haute. »

« Le tout c’est qu’il y en ait une. » Je dis calmement « Vous êtes un vétéran, n’est-ce pas? »

« C’est le nez qui a vendu la mèche, n’est-ce pas? »

« C’était soit ça, soit vous aviez respiré de la poudre plus jeune. »

« C’était, à vrai dire, ni l’un, ni l’autre. Maelström. » Il dit tranquillement et ma main fit un raté. L’aiguille alla se planter tête la première dans la chaire de Scetus. Heureusement ce dernier était trop dans les nuages pour ressentir quoique ce fut.

« Si vous pouviez éviter de me faire faire des bêtises, je vous en serais reconnaissante. » Je sifflai de colère, en espérant que cela dissimule suffisamment mon malaise. C’était un espoir perdu d’avance cependant, je sentais mes joues se creuser, le sang quitter mon visage.

« Vous, vous en avez déjà vécu un. » Il ne manqua pas de relever.

« À nouveau, vous voulez que je fasse un travail potable, oui ou non? » Je grommelai.

Je me remis bon grés mal grés au travail. Mes gases aux mains devinrent peu à peu cramoisies, et le vent se leva. Ce fichu vent, froid, sifflant, l’air s’alourdissait-

Non. Je clignai alors les yeux, afin de chasser cet enfer blanc pour revenir parmi les vivants. Le corps meurtri de Scetus redevint visible et je repris mon atelier couture.

L’odeur semblait s’être imprégnée sur ma peau elle-même.

« Il en a vécu un, le même à vrai dire. Kerch. » L’homme murmura, me faisant l’effet d’une décharge ésotérique. Je secouai la tête et me tordis le cerveau pour trouver autre chose à dire, n’importe quoi. Tout, sauf ça.

« Régulière ou Cohorte? » Je demandai alors, ma langue parcheminée.

« Cohorte, il était trop jeune pour la régulière. La Cohorte n’y regardait pas trop, tout du moins notre Capitaine de Légion n’y regardait pas vraiment, du moment que les compétences étaient là. »

J’allais vomir, c’était officiel.

« Les limites d’âge, ça existe pour de bonnes raisons. » Je murmurai.

« Je suis d’accord… mais il était déjà doué. » Il soupira, comme tous les autres. C’était les mais qui nous tuaient en fin de compte.

« Ce n’était pas une raison. Et C’était quoi sa raison formidable pour s’engager? »

« Patriotisme? C’est ce qu’il avait dit. Mais… » Il demanda et je levai à nouveau la tête, le regard appuyé et il leva les mains au ciel.

« Mais quoi? »

« Il s’est engagé trois jours après que son paternel, vous savez, très chère… les dettes étaient assez importantes. Je suppose que le gamin n’avait plus le luxe de s’amuser à la Magiversité, et la Cohorte… la solde en vaut bien une autre. »

D’accord, donc, il y avait un type qui a vu un gamin endetté jusqu’au cou, sans véritable échappatoire, et il s’est dit qu’il ferait un bon soldat.

« Je vois. » Je dis, peut-être un peu froidement, mais en toute franchise, c’était la réplique la plus polie dont j’étais capable.

« N’allez pas t’imaginer qu’il y soit resté que pour l’argent, hein, je n’ai pas dit ça. Je dis simplement que le patriotisme et les valeurs, ça peut mettre du temps à venir, surtout avec un père comme le sien, mais ça a fini par venir. »

Je dus me faire violence pour ne pas me mettre à hurler, mais il le fallait. À en juger par mon interlocuteur, il l’aurait mal pris. Je prétendis donc me concentrer sur les blessures et achevais de le suturer en silence.

« Voilà, franchement, je ne peux pas faire mieux. » Je soupirai de fatigue mais également de soulagement. J’aurais aimé pouvoir me laisser tomber sur le sol, comme Britannicus il y a quelques heures, mais la cuisine ressemblait actuellement un peu trop à une boucherie à mon gout.

J’eus cependant à peine posé le petit couteau et mon aiguille que l’homme secoua la tête.

« Cassini ait pitié de nous, vous en avez bien assez fait, et êtes aussi pale qu’un spectre Mademoiselle. Laissez-moi prendre le relais. » Il dit fermement, et j’étais trop épuisée pour protester.

J’en profitais donc pour passer la tête par la porte, et découvrit la petite figure de Britannicus, tout endormi dans un fauteuil, à la manière d’un chat. Je ne pus m’empêcher de pousser un soupire de soulagement, ni même de sourire. Il faudrait le réveiller  bien entendu, mais cela pouvait attendre encore un peu, au moins que la cuisine ait retrouvé un semblant de civilité.

« Il dort? » Il demanda et soupira de soulagement lors que je secouai la tête « Tant mieux. Il en a déjà vu bien assez. »

« Il a perdu sa mère, c’est cela? »

« On ne t’a pas raconté toute l’histoire. » Il demanda prudemment.

« Pas vraiment, de ce que j’ai compris c’est… délicat? »

L’homme me toisa pendant une bonne minute, hésitant visiblement. À sa décharge, il ne me connaissait ni d’Evan ni d’Andrée. Il finit par jeter un petit coup d’oeil dans la direction de Scetus et soupira.

« Agamemnon avait un penchant pour les amourettes omegs, mais jamais je n’aurais imaginé qu’il ne prenne pas ses précautions. Il avait eu la décence de les prendre jusque là. » Il dit, le ton sec, le regard volcanique. « Ou alors, c’était elle. Avec leur race, il faut s’attendre à tout. »

Leur race, rien que ça. Bon, je m’y attendais un petit peu en vérité. Il était de la Cohorte, personne n’y va pour faire des sandwich. J’en vins tout de même à remercier mon Esprit Familier de m’être brulée les mains car la base dissimulait mes paumes de mains. S’il avait vu ma peau immaculée… je n’étais pas si certaine que je serais ressortie de cette cuisine en un seul morceau.

« En voilà un bien vilain mot. » Je m’entendis dire d’un air laconique, car visiblement je n’avais aucune envie de vivre moi. La logique aurait voulu que je m’écrase mais…

Il ne se fit pas prier pour hausser les sourcils.

« Vous n’êtes pas d’accord. »

« Les insultes, ça salit tout sur son passage, de la bouche à l’air qu’on respire. En particulier quand elles viennent déranger les morts. »

« Elle ne s’est pas gênée, de son vivant. »

« Cela ne change rien, c’était la mère de Britannicus. »

« Loin de moi l’idée de le blâmer, lui. J’ose simplement espérer que vous ne pensez pas trop de mal de Mafalda. Elle n’a pas eu un mari des plus avenants, et dernièrement… enfin bref. » Il soupira « S’il serait possible au passage, de ne pas lui conter cette aventure en détails… »

Je ne retins pas ma grimace. Mafalda commençait à peine à me faire un minimum confiance, et je n’avais pas vraiment envie de risquer cela pour un hécatarchiste notoire.

« Je ne pense pas avisé de lui dissimuler une pareil affaire, je veux dire, au cas ou cela vous aurait échappé, sa blessure est légèrement voyante. »

Il eut un petit rire.

« Certes, mais je ne suis pas certain qu’elle le supporte. »

« Si à sa place, on tentait de me cacher ça, ça se transformerait en bottage de derrière. »

« Décidément, Mademoiselle- et je faillis à tous mes devoirs. Phobos Scipio, je suis un vieil ami de la famille. »

« Atalie Maceni, je donne un petit coup de pouce ici et là. » Je répondis machinalement, non sans glisser ma main dans la sienne -et remerciait à nouveau le Ciel pour ces bandages.

Il avait les mains couvertes de cicatrices blanches et fines, certaines étaient des blessures, d’autres des runes délicates. Numérologicien, de mémoire. En tout cas, il avait récemment invoqué un portail astral. Il lui manquait également une phalange au petit doigt gauche.

« Atalie Maceni, cela sonne de Pral. »

« Vallée de Danoisie. » Je répliquai, et sans surprise, il se figea.

« Ah, mes condoléances. » Il dit, le ton sincère, et j’allais me sentir mal. C’était probablement dû à la fatigue, et à cette odeur de sang- elle collait toujours aux narines celle-là. Rien ne pouvait jamais l’arrêter.

Je forçais un sourire aux lèvres. Sourire grinçant, voir amère.

« Merci. » Je parvins à articuler, en espérant que cela coupe court une bonne fois pour toute au sujet. Les Esprits aient pitié, il perçut ma demande silencieuse et n’insista pas.

Je savais parfaitement quelle grimace Daniel ferait, s’il était là.

« C’est à moi de vous remercier. Sans vous, cela aurait tourné à la catastrophe. »

« Ce n’est pas- je ne suis pas guérisseuse, il faut qu’il en voit, un vrai. »

« Oui, oui-»

« Non, mais sérieusement, ses plaies ont été nettoyées avec de la liqueur de pomme. Alors je me fiche si vous devez embaucher un conteur professionnel, mais vous l’emmenez au Sanatorium. » J’insistai. Je connaissais ce ‘oui-oui’, c’était le même que Mathurin employait quand Catherine lui demandait de passer à son atelier de couture en allant chercher le journal. Lui et le contremaitre se détestaient courtoisement et il faisait toujours tout pour ‘oublier’ de s’y arrêter.

Phobos me sourit chaleureusement, mais avec un drôle d’air néanmoins. La faute à son nez de métal, probablement.

« Je doute que nous ayons besoin d’en arriver là. Cette nuit ne sera pas des plus calmes. » Il dit, d’un air qui en disait long.

« C’est à dire? »

« Le Trocadéro était un des bastions du Syndic. Ils ne se rendront pas sans combattre. » il me répondit tranquillement « J’ai dû en rouster quelques uns avant de pouvoir invoquer un portail digne de ce nom. Il ne sera pas le seul blessé avant l’aube. »

Splendide.

« Donc, c’était un tir allié? » Je demandai tranquillement, en pointant Scetus du menton, avec l’air le plus apathique actuellement en stock.

Pas folichon, mais bon, je n’avais pas mieux.

« Disons qu’il n’était pas supposé être là, voilà tout. Quand je me suis rendu compte… je pensais que ça lui été passé pour être honnête avec vous mademoiselle. J’ose espérer que cela ne vous peine pas trop.»

Je ne voyais pas en quoi cela me concernait, et ne me gênais pas de froncer les sourcils.

« Il fait ce qu’il veut, je m’en fiche complètement. »

« Bien sur. » Il renchérit, de ce ton anormalement doux, et- une petite minute… était-il en train de penser ce que je m’imaginais? Non, impossible, je devais me faire un roman, jamais quiconque ne serait aller imaginer que-

« Vous êtes beaucoup trop charmante pour qu’il ne rentre pas dans le rang. »

Sainte Cassini ayez pitié, moi qui pensait avoir touché le fond de l’absurde, quelqu’un s’était visiblement mis à creuser.

« Tout ce que je demande c’est qu’il ne se fasse plus transformer en gruyère. Les ateliers coutures, ça va bien cinq minutes. Le reste n’est pas important. » Je tentais de dire le plus tranquillement possible, car s’énerver pourrait me valoir des ennuis, mais ne rien dire aurait été pire encore.

Une vague de compassion pour cet idiot sur la table m’envahit, et je le détestais vraiment pour ça. Monsieur était un crétin qui m’avait cassé le genoux, la moindre des choses serait de m’apparaitre constamment odieux.

Le Ciel eut visiblement pitié de moi et cet idiot bougea enfin, m’arrachant à ma contemplation. Ce réveil fut de toute évidence douloureux, à en juger par le grognement qui s’échappa de ses lèvres, et troublé. Peu importe ce qu’il avait pris, cela n’avait pas encore tout à fait fini de lui secouer les méninges car il apparut tout à fait déboussolé.

« Qu’est-ce que- aoutch! » Il siffla de douleur après avoir tenté de se retourner sur le dos.

Phobos poussa un soupire, à la fois exaspéré et soulagé, et je fus assez frappée par la douceur de son regard.

« Bon retour parmi nous fiston. »

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Cléooo
Posté le 16/10/2024
Coucou Dramallama !

Maaaaaais tu es sous quoi en ce moment ? xD Tu publies tellement vite !

Alors pour répondre à ta question du début, oui, j'ai trouvé un peu dur les termes employés (ndlr : "tapette" pour sous-entendre gay), et peut-être qu'un chouilla plus de réaction de la part de Sidonie, si tu considères qu'elle est contre l'emploi de ce genre de mots, serait approprié. Parce que sans qu'elle ne s'offusque à voix haute, qu'elle réagisse en pensée au moins me semblerait mieux. Par ailleurs, même à voix haute, elle pourrait... Britannicus est présent, et reprendre l'homme pour son vocabulaire me semble sensé pour ne pas montrer le mauvais exemple à un enfant.

Quelques remarques diverses :
- "était dans les pommes." -> tombé dans les pommes?
- "L’odeur était absolue" -> absolue? J'ai l'impression qu'il manque un bout de mot/phrase.
- "bisounours" -> étant une marque de notre monde, même si l'expression est répandue, je ne sais pas si elle se fond bien dans ton récit.
- "Il s’énerva, les paumes illuminées, mon nez saturé d’ozone." -> "son" nez?
- "car certains éclats avaient la taille de " -> il manque la fin de la phrase ou une ponctuation je pense.
- "C’était plus impressionnant que prévu. Moche, certes, et il fallait s’en occuper mais pas aussi critique que prévu." -> c'était MOINS impressionnant que prévu, du coup, non ?
- "J’étais si focusée" -> traduction littérale de l'anglais ^^ Tu cherchais "concentrée", je pense.
A Dramallama
Posté le 16/10/2024
Coocoo Cleooo!

ahahah alors je suis en pleine phase d'insomnies! à répétitions! Comme je m'ennuie très vite, j'emplois mon temps à l'écriture lol.

Ok je vais faire ça! C'était mon plan initial, mais après en révision ça faisait top monologue et c'Est passé à la trappe. Merci pour ton avis et pour tes remarques! C'est toujours un plaisir de lire tes commentaires.
Cléooo
Posté le 17/10/2024
Prends soin de toi quand même, il faut prendre le temps de dormir ^^
Vous lisez