22. La capitale du vieux loup

Par Neila
Notes de l’auteur : Voici venir le début de la fin !
J'ai fini d'écrire tout ça il n'y pas très longtemps, alors ça sent encore la peinture fraîche. Comme je l'expliquais sur mon JdB, j'ai pas encore beaucoup de recul sur ces derniers chapitres. N'hésitez pas à pointer tout ce qui pourrait être améliorer, dans le fond comme dans la forme. J'aimerais tenter l'édition, alors je vais avoir besoin d'aide pour rendre cette histoire aussi bonne que possible !

2nd note (y a pas assez de place dans la section note !) : 

Petits trucs bons à savoir : suite aux retours sur le précédent chapitre, j’ai légèrement repris la fin de la confrontation avec Baba Yaga. Notamment, quand Baba Yaga prédit qu’Enzo se fera poignarder dans le dos s’il reste avec Sacha, j’en ai un peu rajouté et Sacha s’énerve de voir Enzo douter d’elle, au point de s’attendre à ce qu’il l’attaque. Si dans la suite, je fais référence à « ce qu’il s’est passé entre eux », c’est de ça que je veux parler, donc. Aussi, j’ai rajouté des bobos à Théo, qui s’en sortait un peu trop bien pour quelqu’un qui a été traîné à travers la forêt.
Autre petit changement : je ne parle plus de cape, mais de manteau pour les manteaux qui rendent les faucheurs invisibles. En y réfléchissant, ça me paraît plus approprié puisqu’une cape, ça n’a pas de manches. Avec des manches, c’est un manteau. x’D Je sais pas pourquoi j’ai pas percuté plus tôt...

J'arrête le blabla. Bonne lecture !

__________

— Tenez bon, les renforts sont là !

Hervé a débarqué en cabriolant au-dessus des racines déterrées, canne brandie comme une rapière. Sacha, Théo et moi l’avons regardé menacer un à un les arbres morts.

— Où est la vilaine sorcière ? s’est-il exclamé. Qu’elle approche, si elle l’ose !

— Elle est partie.

— Oh.

Hervé a baissé sa canne et toussoté dans son poing.

— Pardonnez ce retard. J’ai accouru sitôt que la bastaille s’est fait sentir, hélas, impossible de vous trouver dans cette diabolique purée de pois  !

— T’inquiète, ai-je dit, on s’en est tiré.

— Le jeu en valait-il la chandelle ?

— Mouais, a fait Sacha. Elle nous a servi sa soupe de devinettes moisies.

— Elle a dit que les souvenirs étaient dans la « capitale du vieux loup », a récité Théo, « dans la tombe où des millions reposent sans tombe ». Vieux loup… c’est peut-être la traduction littérale d’un nom de ville ? Ou celui d’un personnage historique rattaché à une ville ?

— Non, ai-je dit, et ils se sont tous tournés vers moi. Je crois que c’est de moi qu’elle parlait – enfin, de Sam. Son nom de famille, c’était Wolff.

— Oh, a lâché Théo. Bien sûr.

— Donc, a dit Sacha, la capitale, c’est…

— Paris ! a claironné Hervé en écartant les bras, comme s’il s’apprêtait à enlacer un vieil ami. Oh, nous rentrons à la maison ! N’est-ce point formidable, Enzo ?

Je me suis retenu de lui rappeler que j’habitais à Florence. À la place, j’ai demandé :

— Ça te dit quelque chose, la tombe où des millions reposent sans tombes ?

— Hum… eh bien, si je ne m’abuse, il est fort probable qu’un petit million d’âmes reposent au cimetière du Père-Lachaise.

— Sauf qu’il y a aussi un paquet de tombes, là-bas, a fait remarquer Sacha. On cherche un endroit avec des millions de macchabées, mais pas de tombes.

— Oh ! a lâché Hervé. Mais bien sûr !

— Quoi ?

— Il ne peut s’agir que de cela ! Oh, mais… fichtre diantre…

— Accouche !

— Les catacombes de Paris ! a tonné Hervé.

Ça me disait quelque chose.

— C’est cette espèce d’égout où les Parisiens ont empilé plein de crânes ?

— Ce ne sont pas des égouts, a corrigé Théo, mais d’anciennes carrières – plusieurs kilomètres de galeries – dont certaines parties ont été réaménagées en ossuaire pour vider les cimetières parisiens. L’un des plus grands ossuaires au monde.

— La cachette parfaite pour un nécromant… a marmonné Sacha. Qui va remarquer s’il manque quelques squelettes dans le tas ?

— Et c’est là que le Chevalier garde nos souvenirs, ai-je conclu.

Sacha et moi avons échangé un regard. Ça sentait le traquenard à plein nez ; un piège encore pire que la cabane de Baba Yaga. Les poils de ma nuque se sont hérissés, mais l’inquiétude n’y était pour rien.

— Qu’est-ce qu’il y a ? a demandé Théo en nous voyant tourner la tête à droite à gauche.

— On a de la compagnie, a répondu Sacha.

Nos yeux sont finalement tombés sur l’esprit : celui d’une petite fille au crâne rasé. Elle nous observait en silence, l’orange de sa robe bouddhiste jurant avec le gris des arbres morts.

— Ah ! a glapi Hervé en brandissant à nouveau sa canne. La sorcière !

— Mais non, ai-je pouffé en laissant retomber ma faux contre mon épaule.

— C’est pas un esprit russe ça… a remarqué Sacha. Qu’est-ce qu’il fiche là ?

— C’est pas un esprit du tout. Enfin, c’est un esprit, mais pas celui d’un mort.

Une lueur de suspicion s’est allumée dans son regard juste avant que j’achève :

— Je vous présente Erlik, la faucheuse mongole.

Sacha a immédiatement brandi son revolver.

— Ola, du calme !

J’ai bondi devant le canon, mais ça ne l’a pas incitée à remballer son arme. Erlik n’a pas bougé d’un cil.

— Bonsoir, Morena.

— On peut savoir ce que tu fous là ? Je t’ai pas invitée !

— Pardon… Je voulais seulement m’assurer que tout allait bien pour vous. Baba Yaga est un esprit dangereux, sa réputation dépasse les frontières.

— Comme si t’en avais quelque chose à secouer, de ce qui nous arrive !

— Sacha… ai-je soufflé en lui faisant les gros yeux.

D’accord, Erlik n’avait pas fait le déplacement en chair et en os, mais quand même, elle était venue prendre des nouvelles. Pour moi, c’était un bon début.

— Baba Yaga a accepté de vous renseigner ? s’est-elle enquise de sa voix douce. Elle vous a révélé où se trouvent vos souvenirs ?

— Ouais ! ai-je répondu. Ils sont dans les catacombes de Paris.

Sacha m’a envoyé son poing dans l’épaule.

— Pourquoi tu lui dis ça !

— Pourquoi je lui dirais pas ?

— Oh, je sais pas… peut-être parce que le Chevalier est potentiellement un faucheur ! Et si c’était elle, gros nigaud ?

J’ai cillé :

— Elle est trop petite.

Après réflexion, cet argument n’était peut-être pas le plus pertinent.

— Et puis, ai-je ajouté, si elle était le Chevalier, pourquoi elle m’aurait aidé à guérir, à récupérer ma faux puis laissé repartir ? C’est débile.

— Non, au contraire, c’est malin ! Le Chevalier cherche un truc qu’il pense trouver dans tes souvenirs. Baba Yaga a dit que tu étais la clef… Et si tu savais – avais su – où trouver cette entité capable de mettre un terme à la mort ?

— De quoi parlez-vous ? a fait Erlik avec une note d’inquiétude.

— Apparemment, il y aurait quelque chose d’encore plus dangereux que le Chevalier, ai-je expliqué. Quelque chose capable de « mettre un terme à la mort ». C’est ce qu’a dit Baba Yaga, en tout cas.

Hervé s’est signé quatre fois. S’il n’était pas mort, je crois bien qu’il serait tombé dans les pommes.

— La mort ? a répété Erlik. Faut-il comprendre… les faucheurs ?

— Pas sûr, ai-je répondu. On aurait vraiment dit qu’elle parlait de la mort, au sens premier du terme.

— Ô, diantre.

— Ce serait possible, ça ? a demandé Théo. Mettre un terme à la mort ?

— Non, a asséné Sacha, ça peut pas être possible.

Mais le pli soucieux entre ses sourcils en disait long sur son degré de certitude. Le silence d’Erlik n’était pas plus rassurant.

— Et la clef se trouve dans les souvenirs des vies antérieures d’Enzo ? a poursuivi Théo. Je ne comprends pas… Je croyais que le Chevalier avait volé ces souvenirs ?

— Il a volé les souvenirs que Sam a tiré de son esprit pour me les transmettre, ai-je dit, mais ce souvenir en particulier ne devait pas être dans le tas… Mais oui ! Je l’ai fait exprès – je veux dire, Sam ! Il a dit qu’il valait mieux qu’on ne se souvienne pas ; que le Chevalier ne chercherait pas à nous tuer tant qu’on ne se souviendrait pas. Il savait que le Chevalier interviendrait, alors il a fait exprès de ne pas y mettre le souvenir qu’il cherchait ! Et le Chevalier l’a tué sans vérifier quels souvenirs lui restaient.

— Hum… a fait Sacha. En fin de compte, t’étais peut-être pas si débile que ça. Dans ta vie précédente, en tout cas.

— Merci.

— C’était donc là son plan ! s’est exclamé Hervé. Mais… pourquoi ne m’avoir point mis dans la confidence ?

Son désarroi m’a traversé. J’aurais aimé avoir une explication à lui fournir mais, comment dire : les souvenirs me manquaient.

— Peut-être, est intervenue Erlik, ta précédente incarnation souhaitait-elle éviter que tu focalises ton attention sur ce souvenir. Se concentrer sur le contenu d’un souvenir perdu le fait revenir plus vite.

— Ouais, a lâché Sacha en posant à nouveau son regard tranchant sur elle. Méditer, ça aussi ça pourrait accélérer le processus.

— Sacha, arrête. C’est pas elle.

— Je comprends ta suspicion, a dit Erlik, mais je ne suis pas le Chevalier.

— Ah ouais ? Pourquoi est-ce que tu viens pas te battre avec nous alors ?

— Je ne vous serais pas d’une grande aide… Ce corps est encore jeune et beaucoup de souvenirs me manquent. Azraël s’est battue à vos côtés, elle possédait tous ses souvenirs, tous ses pouvoirs, mais ça n’a pas suffi à venir à bout du Chevalier.

Sacha a tiqué :

— C’est Enzo, qui t’a raconté ça ?

Il y a eu un long silence.

— T’es en train de dire que t’étais là quand on l’a affronté avec Azraël, t’as regardé le Chevalier nous mettre une dérouillée et t’as pas levé le petit doigt ?

— Je ne pouvais rien faire, a assuré Erlik d’un air chagriné. Il m’est impossible de faire appel à mon arme sous cette forme.

— Des excuses, toujours des excuses ! Tu sais quoi ? Si t’es pas le Chevalier, t’es encore pire que lui ! Tu restes planquée dans ton monastère, le cul sur tes coussins, à attendre tranquillement qu’on fasse tout le boulot !

— Sacha !

— La défends pas ! Elle est comme tous les autres. Ils savent bien que l’Américain et l’Indien ont été exterminés, que les mauvais esprits se multiplient. Ils savent qu’il se trame quelque chose ! Pourtant, y en a pas un qui se décide à agir !

— Vous ne pouvez pas comprendre, a dit Erlik. Si vous aviez vos souvenirs passés, vous sauriez que ce n’est pas aussi simple…

— Dégage !

Sacha a pointé son revolver par-dessus mon épaule et tiré. La balle a filé à quelques centimètres du visage fantomatique d’Erlik.

— Arrête !

Je me suis jeté sur le bras de Sacha pour dévier le canon de l’arme.

— CASSE-TOI ! a-t-elle hurlé, et Erlik s’est volatilisée.

Sacha s’est dégagée d’un geste sec, le regard noir. J’en suis resté désemparé.

— Pourquoi t’as fait ça ? Elle reviendra plus maintenant !

— Tant mieux ! Je lui fais pas confiance.

— Sacha… on peut pas passer notre temps à s’accuser les uns les autres d’être le Chevalier. On n’arrivera à rien si on n’accepte pas de se faire un peu confiance. On a besoin des autres.

— Non ! Ce dont on a vraiment besoin, ce sont nos souvenirs. Et maintenant, on sait où les trouver.

Elle s’est éloignée d’un pas rageur. Et moi qui avais cru qu’on progressait… La prophétie de Baba Yaga lui promettant que la « confiance entre ses mains » serait sa perte ne devait pas aider. Je me suis tourné vers Hervé et Théo, qui avaient tous deux pris leurs distances quand la balle était partie – le premier caché derrière le second.

— Venez, ai-je soupiré. Si on traîne, elle serait capable de nous planter là.

La rando retour n’a pas été très gaie. Pendant un temps, personne n’a osé ouvrir la bouche de peur de s’attirer les foudres de Sacha. Elle piétinait le sol si fort qu’elle semblait marcher avec la volonté de réduire les aiguilles de pin en poussière. Théo, qui peinait à suivre avec sa cheville foulée, a fini par s’éclaircir la gorge :

— Et alors… comment vous comptez vous rendre à Paris ?

— Comment ça, comment ? a renvoyé Sacha. Ton jet a plus d’essence ?

— Parce que vous me faites confiance, maintenant ?

— T’emballe pas ! Je pense toujours que t’as rien à faire là, mais on a pas de temps à perdre et tu nous en dois une. Après tout, on t’as laissé jouer les chasseurs de fantômes.

— J’ai failli me faire tuer, lui a-t-il fait remarquer.

— Oui, je vois que ça te bouleverse, a raillé Sacha.

J’étais rassuré d’entendre qu’elle n’avait pas l’intention de nous faire courir jusqu’à Paris. Même si elle n’acceptait pas l’aide de Théo par esprit de camaraderie, au moins elle n’avait pas décidé de le chasser à coup de balles dans le derrière. Pas encore. Il y avait peut-être un peu d’espoir. Disons, une étincelle.

Le retour jusqu’au rocher du Chaman a été long. Notre route a fini par croiser celle de John le chauffeur à tout faire, qui arpentait la forêt en hurlant le nom de Théo – ses cris étaient si rauques qu’on a d’abord cru à un ours. Théo ne s’était pas donné la peine d’allumer son téléphone satellite. Furieux d’avoir été laissé sans nouvelles et de retrouver son protégé boitant, couvert de terre et de sang, John en est devenu encore plus bougon. À côté, Sacha avait l’air d’un rayon de soleil.

De retour à la civilisation, on s’est entassés dans l’hélicoptère, direction Irkoutsk. Mon premier tour en hélico. J’aimerais dire que j’ai apprécié, profité de la vue, mais après avoir remballé manteau et arme, j’ai essuyé un contrecoup si violent que je suis pratiquement tombé dans le coma. Sacha n’en menait pas plus large. Arrivé à l’aéroport, Théo a dû nous secouer un long moment pour nous réveiller. Le temps de s’installer dans l’avion et on s’est aussitôt rendormis.

J’ai fait un drôle de rêve. Drôle, car il ne s’y passait rien de notable. J’étais perché au sommet d’une église. De grosses gouttes de pluie s’écrasaient sur mon visage et le soleil couchant embrasait l’horizon, projetant sa lumière sous les nuages en dessinant un arc-en-ciel. Les couleurs flottaient encore dans mon esprit quand une voix a annoncé :

— Bienvenue à l’aéroport de Paris, Charles de Gaulle.

J’ai eu l’impression d'émerger d’une hibernation de trois ans. Le soleil m’a ébloui à la sortie du jet, puis c’est la réalité du lieu qui m’a frappé : nous étions de retour en Europe.

Sacha voulait foncer dans les catacombes sans attendre. Je comprenais la logique : de jour, on évitait la confrontation avec des mauvais esprits de la trempe du Cavalier sans tête. Mais le Chevalier et ses squelettes jardiniers avaient déjà prouvé qu’ils pouvaient se manifester n’importe quand et, pour l’heure, les catacombes de Paris devaient grouiller de touristes. Déclencher un combat contre les ossements du coin avec des vivants qui se promenaient à trois mètres ne sonnait pas comme une riche idée. Les esprits, c’était une chose – ils avaient l’avantage d’être invisibles – mais les squelettes animés ? Grosse ambiance au journal de 7h.

Forcée de reconnaître qu’il valait mieux attendre la fermeture, Sacha s’est enfermée dans un silence boudeur – ou peut-être anxieux ? Installés à bord de la Maserati qui nous conduisait au cœur de Paris – enfin, c’était John qui conduisait – elle n’arrêtait pas de me lorgner du coin de l’œil.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Elle a secoué la tête et s’est tournée vers la vitre. Elle devait encore m’en vouloir pour ce qui s’était passé avec Baba Yaga…

J’ai regardé le périphérique défiler, puis les immeubles. Je n’avais jamais visité Paris, pourtant, tout m’était incroyable familier : les noms des quartiers, les bâtiments haussmanniens, les odeurs ; je comprenais tout ce que les gens disaient aussi facilement que s’ils avaient parlé italien. Bien sûr, après l’Égypte, la Mongolie et la Sibérie, les différences entre Paris et Florence faisaient figure de détails. Mais même ces détails ne me dépaysaient pas.

En attendant la tombée de la nuit, Théo nous a gentiment offert une suite à l’hôtel Villa Montparnasse, à un pâté de maisons de l’entrée officielle des catacombes. Je n’étais pas triste de ne plus avoir à me cacher à l’arrière des camions, voler de la nourriture et des voitures, n’empêche, la simplicité des débuts me manquait. Dans le hall scintillant de l’hôtel, Sacha et moi avions l’air de deux clochards.

Située au dernier étage, la suite offrait une vue imprenable sur Paris. La tour Montparnasse se dressait dans le fond, toute noire ; un peu tristounette, mais quatre fois plus haute que tous les bâtiments alentours, ce qui la rendait assez impressionnante. Le cimetière du même nom se trouvait juste de l’autre côté de la rue Froidevaux, face à l’hôtel.

Après avoir profité de la salle de bain et englouti tout ce que le service d’étage avait à offrir, Sacha et moi sommes sortis sur le balcon pour regarder le soleil se coucher. Sa disparition sonnerait le début d’une nouvelle nuit mouvementée. En espérant que ce ne soit pas la dernière.

— Ah, Paris ! a fait Hervé en se matérialisant près de moi. Qu’il fait bon être de retour chez soi !

J’ai souri. Le sentiment était partagé, en fin de compte. J’avais bel et bien l’impression d’être de retour chez moi, un chez moi que j’aurais quitté il y a une éternité. Un tas d’émotions m’avaient envahi pendant la traversée de la ville. En passant devant la place de la Nation, mon cœur s’était serré, sans que je sache pourquoi.

Les émotions étaient là, mais pas les souvenirs. Plus que jamais, je sentais le trou béant que leur absence avait creusé. Et la présence de Sam, comme s’il était juste là, sous ma peau. D’ici quelques heures, ce ne serait peut-être plus une impression.

Sacha, qui tournait comme un lion en cage, s’est arrêtée pour me lancer un nouveau coup d’œil. Ce que je ressentais devait aussi l’atteindre.

— Désolé.

Elle a haussé les épaules :

— T’inquiète, je comprends.

— C’est tellement bizarre…

— Ouais… La première fois que j’ai vu le palais Alexandre à Saint-Pétersbourg, j’ai chialé.

En bon esprit errant, Hervé a déclaré, à côté de la plaque :

— Il y a en effet de quoi larmoyer ! Il faut reconnaître, Paris n’a point usurpé son titre de plus belle ville du monde.

Sacha a fait mine de s’étouffer.

— Pardon ? La plus puante, à la rigueur.

— Hum, l’odeur fait partie du charme.

— Ah, oui… le fameux charme à la française ?

— Ma Dame, a dit Hervé, en gentil homme, je me permettrais d’ignorer cette basse provocation.

— Y a quelque chose qui cloche, ai-je dit.

— Sans blague. Depuis quand Hector est aussi lucide ?

— Non, je veux dire… Où sont passés les esprits ?

Le quartier vibrait d’animation. Les piétons qui se pressaient aux feux, les voitures qui klaxonnaient. C’était vivant. Très vivant. Uniquement vivant. Pourtant, nous étions juste en face d’un cimetière et le soleil était en train de se coucher. J’ai fait apparaître ma carte pour en avoir le cœur net.

Mon intuition se confirmait. Que ce soit le quartier, les cimetières ; Paris tout entière était déserte. Pas un esprit errant à l’horizon sur plusieurs kilomètres.

— C’est un peu bizarre, non ? Une ville aussi peuplée, ça devrait compter un paquet d’esprits ?

— Oh que oui ! a dit Hervé. Vivants comme morts, il y a trop de monde à Paris. Impossible de faire un pas sans être interpelé. Rien qu’au cimetière du Père-Lachaise, la troupe de théâtre d’un certain Molière se réunit toutes les nuitées pour donner une représentation, puis il y a le Cercle des Écrivains Pas Encore Disparus… sans oublier ce benêt de Geoffroy de Bourbon-Conti qui se pavane comme s’il était le maistre des lieux !

— Sacha, tu sens quelque chose ?

— Non. Seulement les vivants.

— Ça peut pas être bon signe…

Théo nous a rejoints sur le balcon. Il avait l’allure d’une momie ultra chic, avec ses mains bandées qui dépassaient de son costume Armani. John avait également insisté pour lui coller un pansement sur le menton et s’était arrêté à la pharmacie lui acheter une chevillère. Avec ça, Théo ne boitait presque plus.

— Les catacombes seront bientôt fermées, a-t-il annoncé.

Il a marqué un temps d’arrêt :

— Vous avez un plan, cette fois ?

— Oui : rester invisible, a dit Sacha. Le Chevalier ne sait pas qu’on a découvert où il cache nos souvenirs. On bénéficie de l’effet de surprise. Tout ce qu’on a à faire, c’est rester discret pendant qu’on fouille les catacombes.

— Ce qui représente seulement plusieurs centaines de kilomètres de galeries, lui a fait remarquer Théo.

Sacha a gardé le silence.

— Et si le Chevalier est au courant que vous venez ? a-t-il insisté. S’il vous attend là-dessous ?

— Alors on passe au plan B, a-t-elle dit.

— On a un plan B ? me suis-je étonné.

— Oui.

Elle avait l’expression menaçante d’un renard acculé au fond d’une ruelle. Une question de plus et elle était capable de nous mordre.

— Ça ressemble à une mission suicide, votre affaire, a dit Théo, qui n’avait visiblement pas conscience du danger que représentait un renard en colère.

— Comme tu dis, c’est notre affaire, pas la tienne.

— Ils sont si importants que ça, ces souvenirs ?

— Oui ! a explosé Sacha, et Hervé en est devenu invisible. Grâce à eux, on sera à nouveau capable d’utiliser tous nos pouvoirs ! On pourra se défendre face au Chevalier et l’empêcher de mettre un terme à la mort !

— Hum… a fait Théo.

Quoi « hum » ? T’as quelque chose à redire à ça aussi ?

Il a haussé les épaules, mains enfoncées dans les poches de son impeccable pantalon.

— Je comprends que vous vouliez sauver votre peau, mais est-ce que ce serait si terrible, un monde sans mort ?

La suggestion a eu l’effet d’un coup de boule pour Sacha. Mais Théo n’avait pas tort, non... ? Mourir, ça n’avait rien de très réjouissant. Si la mort de la mort passait par la mort des faucheurs, c’était pas de chance pour nous, mais si ça évitait cette peine au reste du monde, alors pourquoi pas ?

— Parce que tu t’imagines qu’un monde comme ça peut marcher ? a lâché Sacha, ahurie.

— Blasphème ! s’est exclamé Hervé.

— Tu vois, c’est ça le problème, a dit Sacha. Quand les vivants comprennent un truc ou deux sur le fonctionnement de l’univers, ils se croient permis d’intervenir, de tout bidouiller comme ça les arrange, sans se poser plus de questions sur les conséquences à long terme.

Elle toisait Théo d’un regard sévère qui semblait le mettre au défi de la contredire. Il s’y serait sûrement risqué si John n’avait pas débarqué.

— Eh, p’tit.

J’ai d’abord cru qu’il s’adressait à Théo, avant de réaliser qu’il me fixait sous les verres fumés de ses lunettes.

— Euh… oui ?

— Ton téléphone sonne.

Je suis resté figé.

En apprenant que mon portable n’avait plus de batterie, Théo avait eu l’amabilité de me prêter un chargeur. Il en avait une pleine valise ; ça et différents modèles de téléphone, deux ordinateurs portables, des clefs USB, des disques durs et tout un tas de câbles… un magasin d’électronique à lui tout seul – tout estampillé R, bien sûr.

Comme ils me regardaient tous, j’ai avancé dans la chambre, à la rencontre du Nokia qui vibrait sur l’antique commode. L’écran affichait « papa ». Mince alors… qu’est-ce que j’allais bien pouvoir lui dire ? L’idée de ne pas répondre m’a traversé, puis je me suis souvenu que je m’apprêtais à descendre dans un souterrain rempli de squelettes qui allaient certainement essayer de m’arracher la tête. Il y avait de fortes chances que je meurs cette nuit, de façon définitive ou provisoire, allez savoir. Si cette perspective ne m'inspirait rien de particulier, celle de laisser mon père sans un mot d’explication me donnait l'impression d'avoir mangé des choux de Bruxelles avariés. Il ne méritait pas ça.

J’ai débranché le Nokia, me suis engouffré dans la pièce voisine – la salle de bain – et j’ai décroché.

— Enzo ?

— Ouais.

— Non de dieu ! C’est maintenant que tu réponds ? Je t’ai laissé au moins dix messages !

— Désolé, j’avais plus de batterie.

— Et tu ne pouvais pas attraper un fixe ou emprunter un téléphone ? J’ai signalé ta disparition à la police !

Ouille. Toute cette histoire était allée sacrément plus loin que je l’avais anticipé.

— Où est-ce que tu es ?

— Euh… je suis avec une amie.

— Quelle amie ? Qu’est-ce qui se passe ? Enzo, tu ne peux pas faire ça… Partir sans prévenir et ne pas me dire où tu vas !

— Pardon…

— Dis-moi où tu es, je viens te chercher.

— Ça va être compliqué, p’pa…

— Enzo, je suis sérieux !

Sérieusement paniqué, oui. Ça me tuait de le mettre dans cet état. J’aurais probablement dû inventer un bobard qui aurait limité la casse, mais je n’ai trouvé ni l’inspiration ni la force.

— Je suis à Paris.

Il y a eu un long, très long silence. Puis mon père a lâché, avec plus de surprise que de colère :

— Tu te moques de moi ?

— Non.

— Mais comment… qu’est-ce que tu fais à… ?

Finalement, il a abandonné l’idée de jouer les pères autoritaires et a demandé avec une franche inquiétude :

— Enzo, il s’est passé quelque chose ? On t’embête à l’école ?

— Non, ça va l’école. Enfin, normal.

— Alors quoi ? C’est quelque chose à la maison ? T’es… t’es pas heureux ? a-t-il dit, et sa voix s’est mise à trembler. Tu veux aller avec ta mère, c’est ça… ?

— Quoi ? Non ! P’pa, écoute-moi : ça va très bien à la maison. Je suis pas en train de fuguer, d’accord ?

— Alors quoi ?

— C’est comme je t’ai dit. J’ai rencontré quelqu’un qui avait besoin d’aide. Je pouvais pas lui tourner le dos, y avait que moi…

— Besoin d’aide… sur Paris ?

— Pas au début, mais… disons que la situation évolue vite.

Il a soufflé dans le combiné. Je mettais ses nerfs à rude épreuve.

— Explique-moi. Je ne vais pas te gronder, mais il faut que tu m’expliques mon grand.

— Je peux pas expliquer ça au téléphone, tu croirais que je suis fou. Il faut que je te montre.

— Que tu me montres… ? Quoi ? Enzo, tu me fais peur.

— Faut pas ! N’aie pas peur, s’il te plaît. Je te dirais tout. Quand je rentrerai, demain…

— J’aimerais que tu rentres maintenant. Viens avec ton amie, on verra ce qu’on peut faire pour elle. Non, en fait ne bougez pas – Paris ! comment est-ce que tu as atterri à Paris… ? –, c’est moi qui viens vous chercher.

— P’pa, t’as pas les moyens de payer l’essence et la route jusqu’à Paris.

— Donne-moi une adresse, je pars tout de suite.

— Ça sert à rien. Je prends l’avion demain, à la première heure.

— Et comment tu vas payer ? Tu n’as même pas de carte d’identité ! Tu ne peux pas prendre l’avion sans carte d’identité !

— T’en fais pas pour ça, j’ai tout ce qu’il faut.

— Mais…

— Tu me fais confiance ?

Il n’a pas immédiatement répondu et chaque seconde d’attente s’est mise à peser un peu plus lourd sur ma poitrine.

— Bien sûr, a-t-il dit, et j’ai pris une grande inspiration. Mais, bon, quand même… tu ne peux pas partir comme ça sans demander la permission. C’est bien de vouloir aider les gens, mais tu as douze ans.

— Parfois, j’ai l’impression d’en avoir deux cents.

C’était sorti tout seul. J’ai su au silence qui a suivi que mon père n’avait pas confondu ça avec une plaisanterie.

— Je… je sais que je comprends pas toujours ce qui te passe par la tête, a-t-il soufflé, mais tu peux tout me dire, tu sais ? Jamais je croirais que t’es fou. Quel que soit le problème, on le réglera ensemble.

Une seconde, j’ai imaginé mon père faisant face au Chevalier avec moi, armé d’une poêle et d’un balai. J’ai failli rire et pleurer à la fois.

— T’es le meilleur. Vraiment. Je serai là demain et je te raconterai tout, je te le jure.

Et puis, même si ça faisait un peu mélodramatique, j’ai ajouté :

— J’t’aime.

Il fallait que ce soit clair. Si je n’en revenais pas, je refusais que mon père s’imagine que j’étais parti à cause de lui, parce qu’il aurait mal fait les choses.

— Moi aussi je t’aime.

— À bientôt alors.

Après avoir raccroché, je suis resté planté quelques secondes entre la baignoire à pied de griffon et les éviers scintillants. Faire une chute de dix mille mètres et manquer de finir en bouillie, Baba Yaga, le Cavalier, même le Chevalier… rien de tout ça n’avait réussi à me donner autant envie de rentrer que cette discussion avec mon père.

Quand je suis revenu sur le balcon, mon regard a croisé celui de Sacha. J’y ai lu l’interrogation, l’inquiétude et l’espoir ; « Tu restes… ? Tu pars… ? ». Je lui ai souri, puis je me suis tourné vers les toits.

À la faveur de la nuit, Paris avait pris un nouveau visage, plus éblouissant encore avec ses lampadaires, ses phares, ses feux tricolores et ses immeubles illuminés. Tant de vie, qui tenait à peu de choses.

— Allons récupérer nos souvenirs et botter les fesses du Chevalier.

— En avant ! s’est exclamé Hervé.

Il a brandi sa canne à la manière d’un étendard, comme s’il partait à la conquête du monde, mais ses souliers fleuris sont restés vissés au sol. Je me suis éclairci la gorge :

— Hervé, mon vieux… Il vaudrait mieux que tu nous attendes ici.

— Pourquoi donc ? s’est-il étonné, ses yeux pâles agrandis par l’incompréhension. Ne me crois-tu point capable de faire face à quelques ossements poussiéreux ?

— Si, bien sûr, je te crois méga capable ! Mais si le Chevalier nous tombe dessus, ça pourrait devenir vraiment dangereux.

— Raison de plus ! Enzo, j’ai prêté serment. Mon âme, mon épée, sont tiennes !

— T’as pas d’épée, a fait remarquer Sacha.

— Peu m’importe les périls, a dit Hervé, je me dois d’être à vos côtés ! Vois comment les choses ont tourné l’autre nuitée !

— Ouais, c’était terrible, a dit Sacha. Baba Yaga a même pas réussi à nous débarrasser de Nostradamus.

Théo a froncé les sourcils.

— Laissez-moi une chance de prouver ma valeur, a insisté Hervé, vous ne serez point déçus !

Sacha a grimacé. Je savais ce qu’elle en pensait : Hervé ne ferait que nous gêner. Mais je n’étais pas d’accord. Hervé m’avait sauvé la vie, le soir de ma renaissance. Il m’avait aidé plus d’une fois, face au Cavalier sans tête ou dans le commissariat. Ça semblait lui tenir à cœur. Et si c’était ce dont il avait besoin pour trouver le repos ?

J’ai ravalé mes inquiétudes. Au fond, je préférais l’avoir à mes côtés.

— Okay, on y va tous ensemble alors.

— Tous ensemble ! a répété Hervé.

Le regard de Sacha s’est attardé sur moi, ce même regard qu’elle n’arrêtait pas de me lancer depuis qu’on avait quitté la Sibérie, comme si je couvais une maladie incurable. Elle s’est détournée pour se percher sur la rambarde du balcon. Son manteau s’est matérialisé dans une nappe de fumée noire.

— Prends l’ascenseur, m’a-t-elle lancé, et elle s’est laissée tomber dans le vide.

— C’est ça qu’elle appelle « discret » ? a dit Théo.

J’ai pouffé de rire. Il fallait que j’apprenne son truc. Un faucheur qui faisait son entrée en ascenseur, c’était la honte. Canne coincée sous l’aisselle, Hervé s’est coulé dans les dalles et a flotté jusqu’à la rue façon Mary Poppins.

Planté sur le seuil du balcon, Théo m’a regardé traverser la suite et ouvrir la porte.

— Tu viens ? ai-je lancé, comme il ne faisait pas mine de me suivre.

— Tu veux que je vous accompagne ?

— Seulement si c’est ce que toi, tu veux. C’est ce que tu veux, non ?

Il en est resté bête, à croire que je venais de lui poser un problème de maths. Finalement, il s’est fendu d’un grand, vrai, sourire. Ses manières de premier de la classe envolées, il s’est précipité vers son sac à dos, puis vers la porte. On aurait dit un gosse au réveillon de Noël. Le Père Fouettard s’en est mêlé. John a surgi de la pièce voisine et s’est interposé.

— Où tu crois aller comme ça ?

La joie de Théo s’est dégonflée comme un pneu crevé.

— Je vais où ça me chante. Pousse-toi.

— Non.

Les narines de Théo ont frémi et son regard s’est fait appuyé, presque menaçant.

— À quoi tu joues, John ? C’est important…

— Tu n’as pas besoin de les accompagner. En fait, il vaudrait mieux que tu ne les accompagnes pas.

— Pour qui tu te prends ? a explosé Théo. T’es payé pour faire ce que je te dis, pas l’inverse !

— Ton père me paye pour veiller à ta sécurité, a dit John, imperturbable. Les nécromants et les zombies, ce n’est pas ce que j’appelle sécurisé.

— Mon père se fiche de ma sécurité ! Tout ce qu’il veut c’est…

Théo s’est interrompu, ravalant ses derniers mots avec une expression amère.

— Je sais ce que je fais, a-t-il assuré.

— Désolé, gamin. J’ai des instructions.

Une seconde, j’ai cru que Théo allait tenter le coup et sprinter vers la sortie. Au lieu de quoi, il a pris une profonde inspiration et nous a tourné le dos, laissant son sac glisser au bout de ses bras.

— Très bien, a-t-il lâché avec raideur. Tu permets que je dise au revoir ?

John s’est écarté. Théo a abandonné ses affaires près du canapé, puis il est venu me faire face.

— Ben… merci, ai-je dit. Pour tout ce que t’as fait.

— Ne me remercie pas, a-t-il répondu, le ton encore froid. Soyez prudent, là-dessous.

Sans crier gare, il a refermé ses deux mains sur la mienne et l’a serrée. Un objet s’est logé au creux de ma paume. J’ai entrouvert les lèvres. Théo m’a adressé un clin d’œil.

— J’espère sincèrement qu’on se retrouvera.

Il m’a lâché la main et je l’ai aussitôt enfoncée dans ma poche.

— On se retrouvera, ai-je assuré.

Une fois seul dans le couloir, j’ai examiné l’objet qu’il m’avait donné : un petit boîtier noir. Il n’y avait ni boutons ni système d’ouverture, juste une étiquette avec un numéro de série et le logo argenté de la R corp. Avec un peu de chance, c’était une arme anti-esprit méga redoutable. Quelque chose d’utile, connaissant Théo. Je l’ai remis au fond de ma poche et j’ai filé en direction de l’ascenseur.

Sacha et Hervé m’attendaient dans le square Claude-Nicolas Ledoux. Accroupis comme des ninjas au milieu des buissons de rhododendron, ils zieutaient l’entrée des catacombes de l’autre côté de la rue. C’était un petit pavillon vert, accolé à un bel immeuble de deux étages au porche percé de trois arcades portées par des colonnes toscanes. Comment j’arrivais à reconnaître des colonnes toscanes ? Aucune idée.

— Eh ben, ton copain vient pas ? s’est étonnée Sacha en me voyant arriver seul.

— John a dit non. Il trouve que c’est trop dangereux.

— Sans rire.

— Mais Théo m’a donné ça, ai-je ajouté en lui montrant le boîtier. L’ennui, c’est que je sais pas à quoi ça sert.

Les yeux de Sacha se sont arrondis.

— Mec, c’est un traceur.

— Oh, ai-je lâché, et ça a fait tilt. Il veut nous rejoindre !

— C’est une super mauvaise idée. Laisse ça ici.

— Pourquoi ?

— Ce type vient de te colle un traceur !

— Pas à mon insu.

Ça, c’était ce qu’il avait fait trois jours plus tôt en localisant mon téléphone pour me retrouver après mon départ de Florence. Mais bon, Sacha n’était pas obligée de le savoir…

— On va avoir besoin de renfort, ai-je déclaré, et j’ai remis le boîtier dans ma poche, sous l’œil réprobateur de Sacha.

— Ouais, Super PDG va venir nous sauver et anéantir le Chevalier.

— Qui sait ? Il nous a bel et bien sauvés face à Baba Yaga.

— Pff ! Je l’aurais explosée, Baba Yaga !

Cette fille était légèrement de mauvaise foi.

— De toute façon, ça m’étonnerait qu’il arrive à échapper à la surveillance de son gorille. Ma main à couper que ce type est un ex-agent de la CIA ou un truc du genre.

— C’est peut-être lui qu’on aurait dû inviter, ai-je plaisanté. Heureusement, on a le plan B. C’est quoi, le plan B ?

Sacha a reporté son attention sur le bâtiment et s’est enfermée dans un drôle de silence. Alors, j’ai compris.

— Y a pas de plan B, hein ?

— Hé, Gervais. Tu veux bien aller faire un tour pour t’assurer que les vivants ont bien dégagé les lieux ?

Hervé a regardé à droite à gauche comme s’il s’attendait à découvrir une quatrième personne. Se rendant à l’évidence, il a lâché dans un couinement de souris :

— Moi ? Partir devant… seul ?

— Pas besoin d’aller loin, vérifie juste que c’est fermé. Sauf si tu préfères retourner à l’hôtel ?

— Non point ! s’est-il rengorgé. Restez ci, je serai revenu en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire !

Et il a filé comme une comète. J’ai patiemment attendu que Sacha déballe son sac. Ça sentait le pipi de chat – dans tous les sens du terme.

— Écoute, j’ai bien réfléchi… Je pense qu’on devrait se séparer.

— Quoi ?

Sacha s’est tournée vers moi et a déclaré d’une voix forte :

— Il vaut mieux que j’y aille seule. Je retrouve nos souvenirs et je les ramène.

— Et si c’est un piège ? Si le Chevalier nous attend là-dessous ? Lui aussi sait se rendre indétectable, tu le sentiras pas arriver.

— Si c’est un piège, ce serait débile qu’on se précipite tous les deux dedans !

— Mais…

— T’étais d’accord avec ça, en Égypte. C’est toi qui a proposé le premier qu’on se sépare.

— Et c’est toi qui m’a retenu.

— Parce que le Chevalier doit pas t’attraper ! T’as entendu Baba ? J’y vais seule, et si les choses tournent mal, si tu sens les échos d’un combat, tu rappliques surtout pas. Tu te casses.

Ça semblait sensé. Il y avait bien plus en jeu que l’existence des faucheurs. Si le Chevalier me mettait la main dessus, on risquait quelque chose de potentiellement cataclysmique. Mais mon intuition me soufflait que ce n’était pas ce qui travaillait Sacha – pas uniquement. Notre rencontre avait beau remonter à cinq jours, ces cinq jours avaient été plus intenses que tous le reste de ma vie et je les avais passés avec elle. Ensemble, on avait frôlé la mort – définitive et non définitive – un bon paquet de fois. Rien ne valait une bonne crise pour apprendre à connaître les gens.

— Tu m’en veux ? Pour l’autre nuit ?

Elle s’est mordu la lèvre.

— Sacha, je te fais confiance.

— Je sais. C’est ça le problème.

Il m’a fallu quelques secondes pour comprendre en quoi c’était un problème, repasser tous le film des dernières heures.

— C’est à cause de ce qu’a dit Baba Yaga. T’as peur que je me fasse poignarder dans le dos si je reste avec toi.

Comme un fantôme qu’on invoque, l’émotion a surgi pour hanter chaque recoin de son visage : tordant ses lèvres, blêmissant ses joues, menaçant de déborder de ses grands yeux gris.

— T’as pas peur, toi ?

— Si, ai-je admis avec un haussement d’épaules. Mais me retrouver tout seul, ça me fait encore plus peur.

— Justement, t’es pas seul ! T’as un père qui t’attend ! Qu’est-ce que ça lui fera, si t’y restes ? T’y as pensé ?

— Ouais, j’y pense. Mais si mon père connaissait toute la vérité et si c’était pas son rôle de veiller à ma sécurité, jamais il me conseillerait de rentrer.

Ça, j’en avais la certitude. La plupart des gens regardaient mon père de haut, ils pensaient que sa gentillesse était de la faiblesse, de la naïveté. Mais moi, je savais. Mon père n’avait pas eu la vie facile, il n’était pas né de la dernière pluie et s’il ne disait pas « non », ce n’était pas par manque de force de caractère, mais par choix. Aider les autres du mieux qu’il pouvait, se montrer gentil, c’était un choix difficile qu’il faisait encore et encore. Mon père était mon héros et j’étais bien décidé à prendre exemple sur lui.

Que ce soit le faucheur en moi ou le garçon de douze ans, aucun des deux ne pouvait accepter de tourner les talons. Sacha devait sentir ma résolution, car elle n’a rien dit.

— Je sais que je suis pas ce que t’espérais trouver en venant me chercher, ai-je ajouté, mais… même avec mes réflexes de débile, on est plus fort à deux, non ? Je te laisserai pas y aller toute seule, de toute façon.

— Enzo…

— Baba Yaga a pas dit que j’allais y rester, alors te bile pas. Un petit coup de poignard dans le dos, qu’est-ce que c’est ? J’ai accepté de t’aider et je t’aiderai jusqu’au bout.

Pourquoi ? s’est-elle écriée, si fort que les vivants l’auraient sûrement entendue jusqu’à l’autre bout du quartier s’ils avaient pu.

— Ben… parce que tu l’as demandé.

— Non ! Je t’ai rien demandé du tout !

— Si.

Elle m’a dévisagé avec incrédulité, comme si elle cherchait à déterminer si j’étais complètement fou ou totalement idiot. J’étais pas quelqu’un de très brillant, c’est vrai, et j’étais définitivement toqué. Mais, même sans être empathe, télépathe ou ce-que-vous-voulez-pathe, j’étais pas trop mauvais quand il s’agissait de cerner les gens, je crois. Sacha était venue me trouver ; elle qui était si courageuse et si fière, elle qui ne faisait confiance à personne. Elle était venue. Elle avait traversé la moitié du globe et m’avait poursuivi dans toute l’Europe. Elle continuait de me supporter alors que j’apportais plus d’ennuis que je n’en résolvais. Si ça, ce n’était pas un appel au secours, je ne savais pas ce qui en était.

Sacha a détourné le regard, mâchoires serrées, narines dilatées. L’espace de quelques secondes, elle n’a plus rien dit. Puis ses épaules se sont relâchées.

— T’es chiant, tu le sais ça ?

— Ouep.

J’ai préféré ne pas lui dire que j’avais compris ce que me voulait le Chevalier, que le souvenir dont il voulait à tout pris s’emparer m’était revenu.

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Isapass
Posté le 05/04/2023
Salut Néné !
J'avais une BL en cours, ce qui explique que je ne me suis pas précipitée sur tes chapitres, mais ce n'est pas l'envie qui me manquait ! Du coup, me voilà ! Et pour changer, je me régale...
Ce chapitre a beau être une transition (ce qui n'est pas plus mal après l'intensité du chapitre de Baba Yaga), on ne s'y ennuie pas une seconde.
Donc comme ça, Sam aurait gardé une partie de ses souvenirs, qui sont donc passés à Enzo ? Ils doivent être bien enfouis, alors ! Mais ça expliquerait aussi qu'il ait réussi à débloquer certains trucs par la méditation ? Ou alors les souvenirs cachés ne sont pas passés à Enzo et sont cachés encore ailleurs ?
J'adore l'humeur exécrable de Sacha. C'est pire que jamais ! Et ses surnoms pour Hervé me font décidément mourir de rire. Hector, tu l'avais déjà fait, je crois, mais j'avoue que Gervais m'a prise par surprise XD !
J'ai un peu oublié pourquoi Enzo doit prendre l'ascenseur. Il ne sait pas se jeter dans le vide comme Sacha, c'est ça ?
La conversation avec le père d'Enzo est arrivée juste au moment où je me disais que ça faisait longtemps qu'on avait pas eu de ses nouvelles, soit par téléphone soit par les pensées d'Enzo. Idem pour le rappel temporel en fin de chapitre : tu précises qu'ils sont partis depuis 5 jours et justement je me posais la question.
Je crois que je vais revenir très vite pour la suite parce que les catacombes, ça me fait saliver d'avance !
Quelques coquillettes :

"— Vous ne pouvez pas comprendre, a dit Erlik. Si vous aviez vos souvenirs passés, vous seriez que ce n’est pas aussi simple…" : vous sauriez
"Je n’avais jamais visité Paris, pourtant, tout m’était incroyable familier" : incroyablement.
"En passant devant la place de la Nation, mon cœur s’était serré, sans que je sache pourquoi." : alors gros pinaillage, mais a priori en venant de l'un ou l'autre des aéroports pour aller vers Montparnasse, il n'y a vraiment aucune raison de passer par Nation. Bon ok, ça doit pas t'arranger et ça dérangera sans doute pas grand monde, mais je signale au cas où.
"Le Père Fouetard s’en est mêlé. " : Fouettard
"Et il a filé comme une commette." : comète

A très vite !
Isapass
Posté le 05/04/2023
Ah oui, et en lisant le comm d'Elka, j'ajoute que moi aussi je trouve le cliffhanger très réussi (et ça donne envie de tuer pour avoir la suite). Et également les relations entre Sacha et Enzo : malgré (ou peut-être grâce) la mauvaise humeur de Sacha, on sent bien que maintenant, c'est à la vie à la mort entre eux et c'est émouvant.
Neila
Posté le 07/04/2023
Ah mais noooon encore des fauuutes !! TOT Et j’ai envoyé ça à Gallimard… c’est terrible.
Bon. Tant pis hein.

Très heureuse de savoir que la flamme de la passion est toujours là ! ^w^ Et que ce chapitre ne t’a pas ennuyé.
Que de questions, dis donc. Mais va falloir attendre encore un peu pour avoir le fin mot sur cette histoire de souvenirs, j’en ai bien peur.
Je dois t’avouer que je ne cherche pas spécialement à ne pas me répéter dans les surnoms que Sacha donne à Hervé. Ça me semble assez logique qu’elle même se répète. Mais. Si je peux en trouver d’autres assez rigolo…
Enzo sait parfaitement se jeter dans le vide. :p Ce qu’il sait pas faire c’est se rendre indétectable lorsqu’il utilise ses pouvoirs. C’est pour ça qu’il prend l’ascenseur. Je vais vraiment avoir besoin de béta-lecteurs qui enchaînent les chapitres pour voir s’il y a besoin d’un rappel là dessus. è.é
Décidément, c’était une bonne idée ce cliffhanger.
En tout cas, j’espère que les catacombes seront à la hauteur ! Je croise tous mes doigts de pieds.

Un gros merci à toi. <3
Elka
Posté le 25/03/2023
Quoi que quoi ? C'était quoi le souvenir ? Son passage dans l'autre monde ? QUOI ENZO ?
En tout cas, pour une fin de chapitre, c'est excellent comme phrase. Y en a que ça frustre quand le personnage comprend un truc qui échappe au lecteur, mais tant que ça dure pas trop (ou qu'on a pas le temps d'y penser en tout cas) et que c'est bien placé ça vaut le coup ! Là, ça vaut le coup ♥
Trop de plaisir à retrouver cette petite bande de bras-pas-si-cassés ! J'ai beaucoup aimé l'évolution de la relation entre Enzo et Sasha, sans que tu adoucisses Sasha de trop pour autant. Cette conclusion est vraie : en cherchant Enzo et en restant avec lui, elle appelait au secours. C'est un super personnage qui fait rire par sa mauvaise humeur, mais qui a un petit coeur tout mou qu'on voit de mieux en mieux au fil de la lecture.
Bon, j'ai cru que Théo allait faire un poutoux à Enzo, mais il a eu un traceur. Je remballe mon romantisme.
Neila
Posté le 31/03/2023
Yo ! Déso pour l’attente, j’étais dans le rush de la relecture pour l’envoie… ^^’
Le souvenir c’est…. !!!!!! Tu verras.
En toute honnêteté, j’ai décidé de fermer le chapitre là-dessus sur un coup de tête, mdr. Comme quoi, planifier à mort, ça n’empêche pas l’improvisation. M’enfin, contente que ça fonctionne !
Ça me rassure si l’évolution entre Sacha et Enzo ne donne pas non plus l’impression que Sacha se transforme en un autre personnage. C’est que l’évolution du personnage de Sacha est presque plus importante pour l’histoire que l’évolution d’Enzo, mais comme on a pas le point de vue de Sacha, c’est un peu dur de… faire en sorte que ça tienne la route ? Comme on a pas accès à ses pensées, on pourrait avoir l’impression qu’elle change d’avis sans savoir pourquoi. Bref, faudra pas hésiter à le dire si le personnage donne pas l’impression d’être cohérent.
Il est encore trop tôt pour des poutoux. :p
Encore merci pour ton retour. <3
LionneBlanche
Posté le 21/03/2023
Coucou, Neila ! Comme ça fait plaisir de retrouver Enzo ! Et grâce au résumé et aux explications, aucun souci pour raccrocher les wagons !
C'est un bon chapitre, je te pardonnerai presque la fin. C'est terrible de faire ça ’ j'ai trop envie de savoir ! Mais c'est dangereux, en vrai, car maintenant, le chevalier peut le lui prendre...
Il avait bien tilté pour Sam, Zozo. Comme quoi, il a vraiment des éclairs de génie. Ou alors, il avait juste davantage ça en tête. Logique ^^
J'étais enchantée à l'idée d'aller jouer dans les catacombes parisiens, je le suis toujours, mais le rappel des os et des squelettes ambulant a bien remonter mon niveau de méfiance. ^^
Zozo qui alance tout à Erlik direct ! Lol ! Lui, la méfiance... Surtout que les déductions de Sacha sont plutôt bonnes, elle pourrait être de mèche... Je suis sûre, en tout cas, que le chevalier les attend.
Très mignonne la sienne avec le papa, et je suis sûre que c'est grâce à ça plus sa discussion avec Sacha qu'il se souvient
La réaction de John et légitime et pourtant, louche... Comme si le père de Theo avait a voir avec le chevalier et qu'il était au courant... En tout cas, ça n'étonne pas que Theo cherche à venir. Ça aurait été étrange qu'il renonce si vite.
Elle sst vexée Sacha, qu'il puisse ne pas lui faire confiance, ne pas tenir à elle. J'en suis sûre, malgré ce qu'elle dit et on voit bien qu'Enzo arrive à la réconforter.
Le seul passage qui m'a un peu perdu,c'était l'hélicoptère, comme Enzo ne l'avait pas prit, lui, je m'attendais encore au jet et j'ai été u peu perdue et dû relire. Si on, ça se lit très bien.
J'espère que je n'ai rien oublié, tellement galère d'écrire sur la tablette ! ^^
À bientôt !
Neila
Posté le 22/03/2023
Ben moi ça me plaisir de retrouver tes commentaires. ^w^

Déso pour la fin. ^^’ Mais on va bientôt savoir, bientôt !
J’espère que la petite fête dans les catacombes va te plaire. J’ai mis les p’tits squelettes dans les grands. :p Blague à part, j’espère que l’action sera claire et fun, avec son lots de rebondissements. Je croise les doigts.
Sacha a de bonnes raisons de se méfier, mais Zozo… il suit son cœur, que veux-tu.
Merci pour la scène avec le papa ! John, louche ? Tu trouves ? :O
Qu’est-ce qui t’as perdu avec l’hélicoptère ? L’idée, c’est qu’ils ont pris l’hélico (dans lequel était arrivé Théo au chapitre précédent) pour aller jusqu’à l’aéroport d’Irkoutsk, puis de là ils ont pris le jet jusqu’à Paris. C’était pos clair ?
T’as rien oublié, non ! Merci beaucoup ta lecture et ton retour, toujours plein d’enthousiasme. Ça fait au cœur. <3

A bientôt !
LionneBlanche
Posté le 22/03/2023
En vrai j'avais surrement oublié pour l'hélico ^^
MichaelLambert
Posté le 15/03/2023
Quel bonheur de te relire Neila !

Voilà le chapitre de transition, la mise en place de la bataille à venir, le plus complet que j'ai jamais lu ! Tu commence lentement mais tu mets tout en place pour que la suite s'annonce jouissive, tu nous fais passer par toutes les émotions et tu reposes avec efficacité tous les enjeux, chapeau !

Pour être complet, j'ai fait un copié-collé de tous les moments qui m'ont marqué et que je te commente ci-dessous :

menacer un à un les arbres morts. -> dès le début j'ai ri !

— Sapristi ! s’est exclamé Hervé. Que n’y ai-je songé de suite ! -> là c'est un tout petit peu dur à avaler pour un fantôme français, même moi qui suis belge j'avais compris tout de suite qu'il s'agissait des catacombes !

— Ma parole, vous faites un sacré duo de débiles. -> je n'ai pas compris pourquoi elle les traite de débile en même temps à ce moment, alors que Théo vient justement de se montrer perspicace.

— Elle est trop petite. -> Ah ah ! J'adore toujours autant la logique imparable d'Enzo !

Hervé s’est signé quatre fois. S’il n’était pas mort, je crois bien qu’il serait tombé dans les pommes. -> Je l'adore vraiment ce perso !

— Vous ne pouvez pas comprendre, a dit Erlik. Si vous aviez vos souvenirs passés, vous seriez que ce n’est pas aussi simple… -> Ben si elle sait aussi long, on veut avoir plus de détails !

— Comment ça, comment ? a renvoyé Sacha. Ton jet a plus d’essence ? -> J'adore l'ironie sadique de Sacha ! Et la facilité avec laquelle tes héros ont des solutions pour avancer.

À côté, Sacha avait l’air d’un rayon de soleil. -> qu'il compare Sacha à un rayon de soleil, c'est plein d'ambivalence au-delà du sens premier : si c'est voulu, c'est très efficace ! J'attends au tournant l'évolution de leur relation à ces deux-là !

Déclencher un combat contre les ossements du coin avec des vivants qui se promenaient à trois mètres ne sonnait pas comme une riche idée. -> et en même temps, ça donne envie, ça donnait envie d'une belle scène d'action ;-)

— Oh que oui ! a dit Hervé. Vivants comme morts, il y a trop de monde à Paris. Impossible de faire un pas sans être interpelé. Rien qu’au cimetière du Père-Lachaise, la troupe de théâtre d’un certain Molière se réunit toutes les nuitées pour donner une représentation, puis il y a le Cercle des Écrivains Pas Encore Disparus… sans oublier ce benêt de Geoffroy de Bourbon-Conti qui se pavane comme s’il était le maistre des lieux ! -> J'aime beaucoup que tu profites d'une péripétie de l'action (l'absence des esprits) pour glisser une réflexion amusante sur le sentiment d'oppression des grandes villes comme Paris !

La suggestion a eu l’effet d’un coup de boule pour Sacha. Mais Théo n’avait pas tort, non... ? Mourir, ça n’avait rien de très réjouissant. Si la mort de la mort passait par la mort des faucheurs, c’était pas de chance pour nous, mais si ça évitait cette peine au reste du monde, alors pourquoi pas ? -> Waouw ! Ton histoire prend des accents métaphysique ! L'attrait de l'immortalité, c'est un sujet super intéressant !

— Tu vois, c’est ça le problème, a dit Sacha. Quand les vivants comprennent un truc ou deux sur le fonctionnement de l’univers, ils se croient permis d’intervenir, de tout bidouiller comme ça les arrange, sans se poser plus de questions sur les conséquences à long terme. -> Métaphysique et philosophique ! Si tu en profites pour dénoncer l'inconséquence des humains qui croient tout savoir des mystères de la vie, chapeau encore une fois !

l'impression d'avoir mangé des choux de Bruxelles avariés. Il ne méritait pas ça. -> je me suis encore bidonné !

C’est bien de vouloir aider les gens, mais tu as douze ans.
— Parfois, j’ai l’impression d’en avoir deux cents.
-> Oh, j'ai adoré l'émotion qui se dégage de ce dialogue père-fils !

— Tous ensemble ! a répété Hervé. -> Il me plait tellement cet Hervé et ses belles valeurs de fidélité et de solidarité !

Canne coincée sous l’aisselle, Hervé s’est coulé dans les dalles et a flotté jusqu’à la rue façon Mary Poppins. -> Euh là, je n'ai pas bien saisi l'image, désolé !

Avec un peu de chance, c’était une arme anti-esprit méga redoutable. -> L'ironie sur le potentiel objet magique, très fort !

Hervé a regardé à droite à gauche comme s’il s’attendait à découvrir une quatrième personne. -> Sa naïveté et sa relation avec Sacha, c'est excellent !

Ensemble, on avait frôlé la mort – définitive et non définitive – un bon paquet de fois. Rien ne valait une bonne crise pour apprendre à connaître les gens. -> Et on a envie qu'il traverse encore d'autres crises et qu'ils apprennent encore un peu mieux à se connaitre ses deux là !

Aider les autres du mieux qu’il pouvait, se montrer gentil, c’était un choix difficile qu’il faisait encore et encore. Mon père était mon héros et j’étais bien décidé à prendre exemple sur lui. -> Oh, là j'ai été touché en plein coeur, c'est tellement la devise que je voudrais avoir en tant que père et l'effet que j'aimerais avoir pour mes enfants ! C'est beau ce que tu proposes là !

Mais, même sans être empathe, télépathe ou ce-que-vous-voulez-pathe, j’étais pas trop mauvais quand il s’agissait de cerner les gens, je crois. Sacha était venue me trouver ; elle qui était si courageuse et si fière, elle qui ne faisait confiance à personne. Elle était venue. Elle avait traversé la moitié du globe et m’avait poursuivi dans toute l’Europe. Elle continuait de me supporter alors que j’apportais plus d’ennuis que je n’en résolvais. Si ça, ce n’était pas un appel au secours, je ne savais pas ce qui en était. -> Ah Enzo aussi simple dans son fonctionnement que subtile dans ses jugements, un vrai héros ordinaire à mes yeux !

J’ai préféré ne pas lui dire que j’avais compris ce que me voulait le Chevalier, que le souvenir dont il voulait à tout pris s’emparer m’était revenu. -> Et dernier waouw pour la route : ça c'est du cliffhanger de ouf !


Voilà, comme tu as pu le remarquer, je suis plutôt positif sur ce nouveau chapitre (un petit peu long peut-être, j'hésite à te proposer de le scinder en deux, à voir) et désolé : j'ai moi-même été beaucoup trop long ! Promis, je me calme pour la suite !

Vivement !
Neila
Posté le 18/03/2023
Merci pour ce commentaire super précis. <3 Pas besoin de te calmer, voyons, moi j’ai rien contre les commentaires longs. :p
Je suis contente que le chapitre t’ait paru complet. Le but est effectivement de faire la transition et de poser les bases pour le climax. J’espère que j’ai rien oublié ! xD

En ce qui concerne Hervé qui ne pense pas aux catacombes, faut savoir qu’il a vécu et est mort bien avant que les catacombes soient créées. Alors okay, il en a certainement entendu parler après sa mort, mais j’avais dans l’idée que l’esprit des esprits errants fonctionnaient pas comme celui des vivants. Il y a beaucoup de choses qu’ils intègrent pas, ce qu’ils perçoivent et comprennent du monde se limite à ce qu’ils veulent bien voir ou ce qui les retient. Aussi, ils sont un peu figés, ils évoluent pas. Cela dit, c’est vrai qu’Hervé est un fantôme très conscient (pas trop à l’ouest), donc ça se discute. T’es pas le premier à me faire la remarque, donc je pense que je vais changer ça. Au lieu d’être Théo qui apporte la réponse, se sera Hervé. En y réfléchissant, Théo a déjà eu son moment dans le chapitre précédent.

Le duo de débiles, c’est pas Enzo et Théo mais Enzo et Hervé, parce qu’ils pensent pas aux catacombes, justement. ^o^ Je vais reprendre ça (de toute façon, si Hervé apporte la réponse, y aura plus qu’un débile dans l’affaire :p).

Va falloir attendre encore un peu pour comprendre ce qu’Erlik essaye de leur faire comprendre. Mais, bon… elle agit surtout comme ces adultes qui disent aux enfants « oh mais tu sais, c’est plus compliqué que ça » mais en fait, ça l’est pas tant que ça, c’est juste les adultes qui rendent ça compliqué pour pas avoir à agir.

Contente que les questions autour de l’immortalité et les débats de philosophie te plaisent. À la base, je m’étais dit « je vais écrire cette histoire pour le fun, rien de sérieux, pas de prise de tête ! » Mais c’est plus fort que moi, en fait. J’ai du mal à vraiment m’intéresser à une histoire si c’est juste de l’action et des blagues, et jamais de réflexions.

Mais ! Mary Poppins ! Quand elle descend du ciel au début du film avec son parapluie ! T’as pas vu le film ? :O

Touché en plein coeur ? Oh ben. <3 Mais oui, je trouve qu’on valorise pas assez la gentillesse. è.é Je trouve ça assez fou, en fait, qu’on dise qu’il vaut mieux ne pas être trop gentil, parce que sinon les autres vont profiter de toi… C’est aux gens qui se comportent mal d’arrêter de se comporter mal, pas l’inverse, nonmé !

Scinder le chapitre en deux, tu dis ? Hum… est-ce que ça donnerait pas l’impression que l’histoire traîne un peu, du coup ? Surtout que je saurais pas trop où le scinder sans que la première moitié finisse sur… rien de particulier. Peut-être avant la conversation avec le papa ? À voir.

Mais mais, merci beaucoup pour toutes ces petites remarques. L’humour et les réflexions ont l’air d’avoir bien fonctionné, donc je suis ravie ! J’espère que ça va continuer.

Encore merci pour ta lecture, et toutes ces réflexions. Ça m’aide vraiment à mettre le doigt sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas !

À bientôt.
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