21. Baba fait son show

Par Neila

— Comment va-t-on la trouver, alors ? a demandé Théo.

— En se perdant, a répondu Sacha. Toi le premier, a-t-elle ajouté en l’invitant à passer devant.

Comme il semblait se demander où était l’embrouille, elle a précisé, sans cacher son plaisir :

— Baba Yaga adore les petits garçons.

— Oh, je vois. Tu veux te servir de moi comme appât.

— Tu disais que tu voulais aider, non ? Si ça te fait peur, c’est pas encore trop tard pour reculer.

Si elle avait espéré se débarrasser de Théo comme ça, c’était raté. Coinçant sa lampe torche entre ses dents, il a fouillé son sac à dos et en a tiré un boîtier noir orné de loupiotes et d’un cadran digital.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? ai-je demandé.

— Un détecteur de champ magnétique. Ça peut aider à repérer les esprits, même lorsqu’ils ne veulent pas être vus. Normalement, il faudrait quadriller la zone une première fois pour étalonner l’appareil, mais là…

— Pff ! a fait Sacha. Encore un jouet.

— Comme celui qui nous a sauvés des sluagh dans l’avion, oui.

— Tu rêves ! Ce qui nous a sauvés, c’est que les esprits sont tous partis quand Enzo est tombé.

— Les sla… quoi ? suis-je intervenu.

— Sluagh, a répété Théo. Des esprits issus du folklore irlandais et écossais, qui ont l’habitude d’enlever l’âme des personnes mourantes. En tout cas, je crois que c’en était.

— Wouah ! T’en sais des choses.

— C’est surtout toi qui sais rien, a rétorqué Sacha. Tu connais même pas les esprits de chez toi !

— Eh, j’ai jamais mis les pieds en Irlande, moi.

— Va dire ça à Crom Dumb, a-t-elle glissé avec un rictus. Les esprits irlandais se bousculent pour avoir ta peau, en tout cas.

— Il faut dire qu’il y a une grande concentration d’esprits errants au Royaume Unis, a dit Théo, le ton professoral. On ne sait pas vraiment pourquoi.

Personnellement, je trouvais Théo plein de ressources. Un genre de Batman, mais qui chassait les fantômes à la place des criminels et ne portait pas de costume en Lycra.

— Et alors, c’était quoi, ce gadget que t’as utilisé pour faire fuir les sla… slo… ? ai-je demandé.

— Un simple émetteur d’ondes radio. Certaines fréquences semblent nuire à la cohésion des esprits.

— Ooh…

— Ça marchera pas sur un esprit comme Baba Yaga, a grommelé Sacha.

— Comment les faucheurs s’y prennent-ils, pour repérer les esprits ? a demandé Théo, plus intéressé que vexé.

— Avec nos sens. Tu vois, c’est ça la différence : nous, on est fait pour ça.

— Et la technologie est faite pour permettre aux gens d’accomplir ce qu’ils ne pourraient pas autrement.

Il est parti ouvrir la marche sans laisser le temps à Sacha de répliquer. Ce qui ne l’a pas empêchée de marmonner qu’il pouvait bien s’enfoncer son émetteur dans un endroit peu commode.


 

Pendant une bonne heure, on s’est contentés d’avancer en silence, tous les sens en éveil. Le noir devait être impénétrable pour des yeux de vivants. Pour moi, la forêt se dessinait toute en nuances de bleu marine et de gris, baignée d’une clarté lunaire alors même qu’il n’y avait pas de lune à l’horizon. Sous le couvert des pins, les sifflements du vent prenaient des airs de complaintes ponctuées par les craquements des branches. De temps en temps, on entendait le hululement d’une chouette. Minuit approchait, et toujours pas d’esprit errant à l’horizon.

— Dis… ai-je lancé. C’est peut-être un peu tard pour se poser la question, mais… y a pas un risque que cette Baba Yaga soit de mèche avec le Chevalier ?

— Ouais, a répondu Sacha d’un ton désinvolte, c’est le risque.

— D’accord. Je suis content qu’on ait mis ça au clair.

— Mais je crois pas que ce soit le cas.

J’ai failli en trébucher. Pour une fois que j’envisageais de me méfier d’un esprit, voilà que Sacha réfutait l’hypothèse d’une trahison. Décidément, le froid lui faisait un drôle d’effet.

— Ce serait étonnant, a-t-elle expliqué, étant donné que c’est Baba Yaga qui m’a dit de venir te trouver – ce qui fiche un peu en l’air les petits plans du Chevalier.

— Elle t’a dit de venir me trouver ? Euh… moi ?

— Elle a dit « la confiance entre tes mains sera ta destruction, l’européen, ton salue ».

Elle n’avait pas relevé les yeux de sa carte, sûrement pour s’épargner la peine de se confronter à mon expression ahurie.

— Qu’est-ce que ça veut dire, au juste ?

— Va savoir… Cette vieille chouette s’est envolée sans me donner plus d’explication !

— Mais elle a pas dit le faucheur européen ? Alors… peut-être qu’elle parlait d’un autre européen ?

— Oui, sûrement, elle devait parler d’un boulanger européen, a asséné Sacha en roulant des yeux.

Ça aurait été préférable. Comme elle l’avait si bien souligné, mes réflexes n’étaient pas toujours très fiables, alors s’il fallait que je la sauve… En tout cas, ça expliquait pourquoi Sacha avait décidé de venir me trouver, elle qui était si méfiante et indépendante. Et cette histoire de confiance… Est-ce qu’il s’agissait d’une allusion à son arme, ou bien de véritable confiance ?

— Vous sentez quelque chose, alors ?

Théo avait cessé de progresser pour venir marcher à notre hauteur. Le faisceau de sa lampe torche est passé de moi à Sacha, dans l’attente d’une réaction qui ne venait pas – personnellement, je ne sentais que de l’embarras, et l’état de congélation avancé de mes doigts de pieds.

— Qu’est-ce que c’est, au juste ? a-t-il demandé en se penchant sur la carte de Sacha.

— Pas tes affaires, a-t-elle grondé en la ramenant contre elle.

— Est-ce que… cette carte te permet de trouver les esprits errants ?

— Retourne faire l’appât.

— Que je marche avec vous ou cinq mètres devant, je ne crois pas que ça change grand-chose.

— Ça change que si tu continues à me coller, c’est moi qui vais t’en coller une, a rétorqué Sacha, avant de presser le pas.

Elle avait dû parler russe, car Théo s’est tourné vers moi, dubitatif :

— Qu’est-ce qu’elle a dit ?

— Euh… qu’elle allait ouvrir la marche.

— Tu mens très mal, tu sais.

On s’est retrouvés à piétiner les fourrés côte à côte, cernés par les ténèbres et le froid. Si on m’avait dit qu’un jour, je partirais à la chasse au fantôme dans une forêt sibérienne avec Théo Reddy, je n’y aurais pas cru.

— Alors, comme ça, a-t-il commencé, vous traversez les murs ?

Il était revenu à l’italien, par habitude peut-être, ou bien il ne voulait pas prendre le risque que Sacha l’entende me cuisiner. Moi, je ne voyais pas l’intérêt de continuer à se faire des cachotteries, alors j’ai répondu :

— Seulement les matières pas vivantes.

— Les matières… inorganic ?

— Euh, ouais. Le métal, le béton… ces trucs-là. Mais pas les gens, pas les arbres.

— Et un arbre mort ?

— Ça dépend depuis combien de temps. Me demande pas depuis combien de temps, honnêtement, je découvre encore.

— Ça fait combien de temps que tu fais ça ?

— On est quel jour ?

— Mardi 12 mars 2002.

— Alors ça fait cinq jours.

— Seulement ? Mais… les faucheurs ne sont pas censés exister depuis… longtemps ?

— Si on veut. C’est un peu bizarre.

— J’aime quand c’est bizarre, a-t-il assuré avec un petit sourire.

— On se réincarne. Avant de mourir.

— Quoi ?

— C’est plus pratique.

— Tu plaisantes ?

— Je t’avais prévenu que c’était bizarre.

— Et… a-t-il fait avec une certaine hésitation, tu te souviens de tes vies passées ?

— Non, c’est tout le problème. Il y a ce nécromant hyper balèze, le Chevalier. Il a décidé de tous nous zigouiller.

— Vous quoi ?

— Ah, pardon… Nous tuer.

— Mais vous vous réincarnez ?

— Pas si c’est lui qui nous tue. Il a le pouvoir de détruire complètement notre âme.

— Oh. Ça craint.

— Comme tu dis. Et il a volé les souvenirs de nos vies antérieures.

— Et c’est pour ça que vous cherchez Baba Yaga, a-t-il conclu. Pour qu’elle vous conseille.

Il a paru méditer tout ça quelques secondes, puis il a secoué la tête.

— J’ai beau être habitué au paranormal et aux esprits… c’est dingue. Je ne le croirais pas si je ne vous avais pas vus faire toutes ces choses.

— Mais tu m’as vu. Tu m’as vu depuis le début, au collège, et ensuite à l’hôtel President.

Théo s’est arrêté net et j’en ai fait autant. Le vent a soufflé et les arbres ont grincé.

— T’étais pas en Égypte par hasard, hein ? ai-je dit. En fait, tu me suis.

Le mouvement derrière la porte des toilettes, la Mercedes aux vitres fumées, Théo qui voyait les esprits et me croisait dans le commissariat d’un patelin en plein désert égyptien, puis encore une fois à l’aéroport… J’étais un peu mou du bulbe, mais pas à ce point.

— Ce n’est pas ce que tu crois, a-t-il lâché, le timbre aussi serré qu’une vis.

— Je crois rien.

— C’est vrai, oui, je t’ai surpris avec le fantôme de cette fille, a-t-il aussitôt admis. Je voulais te donner un coup de main, venir te parler, mais…

Le nez baissé sur ses baskets, il a haussé les épaules.

— Le fils du patron de la cinquième plus grande entreprise du monde qui joue les chasseurs de fantôme, ça ne renverrait pas une très bonne image. Je t’ai suivi au President ce soir-là, mais je n’ai pas osé te rejoindre… Et puis je t’ai vu, a-t-il dit en relevant les yeux, avec ce manteau et cette faux, sauter sur les toits des immeubles.

— Et t’as décidé de me suivre jusqu’en Afrique ?

Ce n’était peut-être pas si fou, quand on avait un jet privé, plein d’argent et un nom qui ouvrait toutes les portes. À bien y réfléchir, ce n’était pas le « pourquoi » qui me laissait le plus perplexe.

— Comment t’as fait pour savoir où me trouver ?

— Ton téléphone portable, a-t-il dit comme si ça coulait de source.

Machinalement, j’ai porté la main à ma poche, dans laquelle se trouvait le téléphone à présent vidé de sa batterie.

— On peut retrouver les gens avec ces trucs là ?

— Bien sûr, a-t-il répondu, surpris par mon ignorance. Les téléphones reçoivent et émettent des signaux. Et quand on a de l’argent, des connexions et qu’en plus, on possède la compagnie, ce n’est pas bien compliqué de tracer le signal.

— Ooh.

C’était incroyable, ce qu’on pouvait faire avec la technologie. Tête enfoncée dans le col de son manteau, Théo m’a scruté avec prudence.

— Tu dois me trouver… bizarre.

— J’aime quand c’est bizarre.

Moi qui espérais détendre un peu l’atmosphère, ma plaisanterie ne l’a pas déridé du tout.

— Je n’ai pas été entièrement honnête avec toi, a-t-il insisté, ça ne t’énerve pas ?

À mon tour, j’ai haussé les épaules :

— Je comprends. On se connaît à peine et tu t’attendais à ce que je réagisse mal. Moi non plus, j’ai pas été honnête. Mais mentir, c’est pas trop mon truc… En fait, je suis plutôt content que tu saches tout. Maintenant, il y a au moins une personne au collège qui sait que je suis pas complètement zinzin.

S’en est suivi un nouveau et très profond silence. Mince, je venais peut-être bien de le convaincre du contraire. J’ai piétiné, sans trop savoir s’il valait mieux mettre fin à la conversation ou tenter de rattraper le tire.

— Pas complètement, a lâché Théo.

J’ai ouvert de grands yeux, puis éclaté de rire. Derrière le faisceau de la lampe torche, j’ai cru le voir sourire.

— Et si on repartait à zéro ? ai-je proposé, avant de tendre la main et de déclarer : Moi, c’est Enzo Leone, la Grande Faucheuse.

Riant à son tour, il amorcé un geste pour sceller ce nouveau départ. Son bras s’est figé à mi-chemin et l’amusement a paru le déserter, comme si l’aura d’un mauvais esprit était venue jeter un froid sous les bois. Avant que j’aie le temps de lui demander si tout allait bien, il est sorti de son immobilité et m’a serré la main avec le sourire affable d’un recruteur qui conclut un entretien d’embauche.

— Oh eh ! a grondé la voix de Sacha. Vous foutez quoi, là ?

Elle a jailli des fourrés comme un renard en furie et a haussé les sourcils en nous découvrant main dans la main.

— Sérieusement, vous faites quoi ? a-t-elle répété, avec moins de colère que de stupeur cette fois.

— Rien, ai-je dit en laissant retomber mon bras. On était simplement en train de…

— C’est pas le moment de flirter.

— On flirtait pas, ai-je bêtement objecté.

— Quoi ? a réagi Théo, aussi décontenancé que moi.

Pas que ça m’aurait dérangé, mais ce n’était pas du tout l’ambiance.

— Ouais ouais… a fait Sacha en se remettant en marche. Concentrez-vous plutôt sur Baba Yaga.

— Elle est jalouse ? a glissé Théo.

— Hein ? ai-je lâché, et cette idée m’a paru encore plus improbable que Théo et moi flirtant dans les bois. Alors ça, ça m’étonnerait.

— Mais ça te plairait ?

— Quoi ?

J’ai trébuché sur une racine et tous mes organes me sont remontés dans le cerveau. Sacha a fait volte-face, aussi agitée que moi.

— On peut savoir ce qu’il raconte encore ? s’est-elle exclamée – évidemment, Théo avait dit tout ça en italien.

— Euh, rien, ai-je fait d’une voix beaucoup trop aiguë, tandis que le coupable ricanait.

— Vous vous foutez de moi ?

— Non !

— Tu devrais lui dire, a renchéri Théo. Que c’est avec elle que t’as envie de flirter.

C’est moi ou il faisait très chaud d’un coup ? Si seulement un mauvais esprit avait pu se manifester, là, tout de suite. N’importe lequel. Même le Chevalier aurait été le bienvenu.

— Ça suffit l’italien ! Si t’as quelque chose à dire, dis-le-moi dans une langue que je comprends !

— Oh, c’est pas moi qui ai quelque chose à te dire…

— BABA YAGA ! ai-je clamé, puis je me suis élancé entre les arbres, les mains en porte-voix. Ohé ! Madame Baba Yaga !

— Il a fondu un plomb… ?

J’ai détalé comme un lapin, bondissant au-dessus des buissons et des talus en appelant l’esprit à tue-tête. Les nécromants, les squelettes ambulants, l’apocalypse : pas de soucis. Mais cette situation… non merci. À quoi jouait Théo ? D’accord, j’aimais bien Sacha, mais je n’avais aucune envie de flirter avec elle ou quoi que ce soit.

Pourquoi tu réagis comme ça, alors ? me suis-je demandé en me regardant galoper comme un idiot.

Parce que… la glace commençait enfin à se briser entre Sacha et moi. Si elle s’imaginait que je m’imaginais des choses, ça allait devenir super bizarre, et pas le genre de bizarre que j’appréciais. Avec tout ça, j’étais à l’ouest. Hasard – ou pas ? – c’est là qu’elle a décidé de se montrer.

Le brouillard a surgi d’un coup et la présence s’est abattue sur moi comme un rideau de pluie, glacée et lourde. La tête m’en a tourné, j’ai perdu l’équilibre et me suis étalé dans les épines de pin.

L’atmosphère avait changé. Le froid laissait une sensation poisseuse et piquante sur la peau, comme si l’air était devenu corrosif. Un silence de mort était tombé sur la forêt. J’ai relevé les yeux et me suis retrouvé nez à trou avec un crâne humain.

Il y en avait toute une rangée, qui surmontait les barreaux d’une clôture faite d’os. Une à une, les orbites vides des crânes se sont illuminées comme autant de bougies, perçant l’épaisse nappe de brume. Elle était là.

La cabane de Baba Yaga.

Petite et biscornue, l’habitation se dressait sur deux piliers écailleux, si hauts que le faîte de la maison rivalisait avec celui des pins. Une cheminée en pierre pointait sur un versant du toit tandis que sur l’autre, une girouette tordue tournoyait en grinçant alors même qu’il n’y avait pas un souffle de vent. Il n’y avait d’ailleurs plus rien. La brise dans les branches, les hululements, les petits animaux qui galopent : tout avait foutu le camp, et on les comprenait.

D’autres crânes pendaient sous l’auvent façon boules de Noël ou servaient de bougeoirs sur les rebords des fenêtres. Le brouillard rampait dans le jardin en friche ponctué d’outils abandonnés à la merci de la végétation – fourche, binette, cisailles, hache… – tous tellement rouillés qu’ils semblaient repêchés d’une épave. Non, vraiment, l’endroit n’aurait pas pu crier plus fort « ATTENTION, DANGER ».

— C’est coquet, ai-je commenté alors que Sacha me rejoignait devant la clôture de fémurs.

— Elle se montre enfin…

Théo a débarqué avec un temps de retard. Dans sa main, toutes les loupiottes du détecteur s’étaient allumée. Sacha lui a décoché un regard moqueur tandis qu’il se pliait en deux pour reprendre son souffle.

— Heureusement que t’es là, Inspecteur Gadget. Sans toi, on l’aurait ratée.

Insensible à ses moqueries, Théo a remballé l’appareil avec sa lampe torche et s’est redressé, écartant d’un coup de tête les cheveux qui lui glissaient devant les yeux.

— Incroyable. C’est vraiment comme dans les contes…

— J’aurais préféré une maison en pain d’épice.

— Écoutez-moi bien, tous les deux, a dit Sacha avec sérieux. La dernière fois, j’ai eu de la chance. Baba Yaga m’a offert ses conseils gratuitement, mais c’est pas toujours le cas. Alors ne posez pas de questions en l’air, ça pourrait nous coûter cher… En fait, ne posez pas de questions du tout. Laissez-moi faire et fermez-la.

— D’accord, ai-je dit. Est-ce que je peux te poser une question ? Comment on entre là-dedans ?

La hauteur de la maison n’était pas un problème pour Sacha et moi. L’ennui, c’était qu’il n’y avait pas de porte. Sacha a clamé, comme on récite un poème :

— « Petite maison, petite maison, tourne le dos à la forêt, tourne-toi vers moi ».

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les piliers qui soutenaient la cabane se sont pliés, déracinés, dévoilant quatre longs doigts terminés par des griffes. En fait, ce n’était pas des piliers mais des… pattes de poule géantes ?

Dans un concert de craquements, la maison-poule s’est retournée pour nous présenter sa porte et un escalier en bois s’est matérialisé. Une lumière vacillante dansait derrière les carreaux troubles des fenêtres, de part et d’autre de l’entrée. On aurait dit deux grands yeux en feu.

— Restez groupé, a dit Sacha, avant de franchir le portail.

On a traversé le jardin en veillant à ne pas se couper sur les outils, qui avaient le don de se retrouver pile où on s’apprêtait à poser le pied. La présence de l’esprit – des esprits – était suffocante, tout en étant frigorifiante. Pour un peu, on se serait crus prisonniers dans les abysses du lac Baïkal, comprimés sous des tonnes de glace. J’avais empoigné ma faux à deux mains. Sacha ne décollait pas le doigt de la gâchette de son revolver. Derrière, Théo marchait si près qu’il nous écrasait les talons.

L’escalier, étroit et moisi, a gémi sous nos pas. La porte a pivoté à notre arrivée sur le porche, s’ouvrant sur les ténèbres. Je me suis fait la réflexion qu’il fallait être sacrément débile pour s’aventurer dans un endroit pareil. Évidemment, on est entrés.

L’intérieur nous est apparu une fois le seuil franchi : petit, lugubre et encombré. Une table en bois massif occupait le centre de la pièce. Les coins et les étagères disparaissaient sous les marmites, jarres, pots, balais, coffres et livres. Dans un registre plus champêtre, des champignons, des fleurs et tout un tas d’herbes à l’air plus ou moins toxique avaient poussé un peu partout. Le plafond, pour sa part, était envahi de cages, certaines contenant les squelettes de petits animaux. Mais Baba Yaga ne collectionnait pas que des animaux morts.

Un gros chat orange se prélassait sur la table, un renard dormait sur un paillasson et une chouette nous fixait de ses grands yeux, perchée sur le rebord d’une fenêtre. À ma grande surprise, il s’agissait bel et bien d’animaux vivants et non pas d’esprits.

Campée devant la cheminée, une petite silhouette ronde nous tournait le dos. Elle jetait des ingrédients dans un grand chaudron, tout en chantonnant ce qui ressemblait à une comptine.

— « Tili-tili-bom ! Ferme vite tes yeux, Quelqu’un marche là dehors et toque fort à la porte…

Tili-tili-bom ! Les oiseaux de nuits gazouillent,

Il est déjà dans la maison, venu voir ceux qui ne dorment pas…

Tili-tili-bom ! L’entends-tu se rapprocher ?

Il se tient dans le coin, te regardant fixement…

Tili-tili-bom ! La nuit muette cachera tout,

Il se faufile derrière toi et il vient te chercher…

Il approche, il arrive…

Il est déjà tout proche. »

J’ai échangé un regard avec Théo et je crois bien que la même pensée nous a traversée : « Et si on faisait demi-tour ? ». La porte s’est refermée en claquant.

— Vous arrivez juste à l’heure pour le souper… Ne restez pas là, asseyez-vous, mes enfants.

Sans même avoir bougé le petit doigt, je me suis retrouvé assis à la table, pris en sandwich entre Sacha et Théo sur un banc juste assez large pour nous accueillir tous les trois. Théo a sursauté en découvrant la vieille en face.

Après une telle entrée en matière, je m’étais préparé à une hideuse sorcière, nez crochu et dents pointues. C’était tout l’inverse. Pour commencer, Baba Yaga n’avait pas une dent. Affublée d’un foulard à pois, de petites lunettes et d’un pull en tricot à motif de cochon, elle avait l’allure d’une gentille grand-mère. Le déguisement parfait pour tromper la vigilance des enfants imprudents. Ses yeux étaient si plissés par son sourire qu’ils disparaissaient sous ses pommettes roses. Si on le fixait bien, pourtant, cet innocent sourire prenait des airs de rictus malveillant.

Plaide sur les genoux, elle se tenait assise dans un drôle de fauteuil – on aurait dit un bol… de l’art moderne, peut-être ? Le chat vautré au centre de la table s’est mis à ronronner comme une turbine.

— C’est si gentil, de rendre visite à une vieille dame.

Baba Yaga parlait d’une voix frêle, doucereuse, mais si on tendait l’oreille, on percevait des fausses notes dans la mélodie ; une ironie sournoise.

— Garde ton cinéma pour les touristes, a dit Sacha, on est pas venus là pour ça.

— Bien sûr, bien sûr… Vous êtes là en quête de réponses. Morena, c’est la deuxième fois en une vie… et cette fois, tu as amené Thanatos. C’est bien, très bien…

Fronçant le nez, Sacha m’a jeté un coup d’œil avant de revenir sur l’esprit. Elle était tendue, d’un coup – je veux dire, plus que d’habitude.

— Je répondrais à vos questions, a déclaré Baba Yaga, mais la vieille âme que je suis a besoin de manger, alors il faudra payer.

Elle avait prononcé le dernier mot avec un plaisir évident, en nous régalant de son sourire édenté.

— Dis-nous ton prix, a dit Sacha.

— Dites-moi vos questions !

Ça sentait l’embrouille à trois kilomètres. Sacha a reniflé avec mauvaise humeur.

— Où se trouvent les souvenirs que le Chevalier nous a volés ?

Baba Yaga a claqué des doigts et une boule de cristal s’est matérialisée au centre de la table en écrasant la queue du chat. « Oust ! » l’a-t-elle houspillé, et il a filé sur un « miaou ! » offusqué.

— Vous lisez dans les boules de cristal ? me suis-je étonné.

Sacha m’a donné un coup de pied dans le tibia. J’avais oublié : pas de questions. Baba Yaga a gloussé.

— Bien sûr que non, mon garçon. Ça fait partie du spectacle.

— Super, a lâché Sacha, merci pour le show. Et sinon, nos souvenirs ?

Baba Yaga s’est mise à psalmodier tout en faisant danser ses petites mains ridées au-dessus du globe, qui s’est rempli de fumée. Sacha a soupiré, mais pris son mal en patience.

— Vos souvenirs sont en possession de celui qui commande aux morts, a déclaré Baba Yaga en adoptant des intonations mystiques de diseuse de bonne aventure.

Dans la boule de cristal, les volutes ont pris forme, laissant entrevoir une troupe de squelettes ambulants.

— Celui qui commande aux morts ? a répété Théo. Est-ce qu’elle veut dire…

— Un nécromant, a dit Sacha, fixant les silhouettes des squelettes d’un œil mauvais. Le Chevalier. T’es en train de nous dire que les souvenirs que le Chevalier nous a volés sont en possession du Chevalier… tu te foutrais pas un peu de nous, là ?

La vieille a caqueté en se dandinant d’amusement, ce qui a achevé de taper sur les nerfs de Sacha.

— On veut un lieu ! Une adresse !

— Vos souvenirs se trouvent dans la capitale du vieux loup. Dans la tombe où des millions reposent sans tombes.

Évidemment, il fallait qu’elle nous ponde une devinette. Les reliefs d’une ville sont apparus dans la boule. L’architecture des bâtiments m’a paru familière. Baba Yaga a aussitôt enchaîné et la ville s’est estompée :

— Prudence cependant, car le trésor que vous convoitez est gardé.

— Par quoi ? Des squelettes ? Le Chevalier ? Il nous attend, c’est ça ?

Nouveau gloussement.

— On peut savoir ce qu’il y a de si drôle ?

— Votre ignorance ! Il n’y a qu’une entité capable de mettre un terme à la mort et ça n’est pas le Chevalier ! a-t-elle chantonné.

La déclaration a jeté un froid d’un nouveau genre. Sacha a dégluti :

— Tu veux dire qu’il y a… quelqu’un d’encore plus puissant que le Chevalier ?

— Lorenzo Leone… a susurré Baba Yaga, qui me lorgnait comme une bonne tourte qu’elle s’apprêtait à gober. Sais-tu ce que le Chevalier cherche à obtenir dans tes souvenirs ?

J’ai entrouvert les lèvres. Une partie de moi le savait. C’était comme si les pièces du puzzle flottaient au-dessus de ma tête, mais chaque fois que je tendais le bras pour les attraper, elles s’éloignaient. Le sourire de Baba Yaga s’est accentué.

— Tu es la clef.

— La clef, ai-je répété avec la sensation d’effleurer une pièce.

— La clef de quoi ? s’est impatientée Sacha. Je te préviens la vieille, si tu continues avec les devinettes, je vais t’enfoncer mon flingue dans le…

— J’ai répondu à ta question, Morena ! a clamé Baba Yaga en remballant sa boule d’un claquement de doigts. À présent, il est l’heure du paiement !

Sacha a serré les dents, toute impatience envolée.

— Qu’est-ce que tu veux ?

Pour la première fois, les paupières de Baba Yaga se sont desserrées juste assez pour laisser entrevoir ses yeux. Ses prunelles avaient la froideur d’un requin et elles étaient fixées sur moi.

— Thanatos.

Je savais bien que ça finirait comme ça. Sacha et moi avons échangé un regard, puis répondu à l’unisson :

— Non.

Baba Yaga ne l’a pas très bien pris. En un clin d’œil, les traits de la gentille mémé se sont déformés. Foulard et lunettes lui ont sauté de la tête. Son visage – tout son corps – s’est aminci, allongé comme du chewing-gum. Poussant un hurlement à crever les tympans, elle s’est dressée jusqu’au plafond, puis elle s’est ruée sur nous.

J’ai brandi Memoria en rempart. Le banc a basculé à la renverse et je me suis retrouvé plaqué au sol, coincé sous la vieille qui me ricanait à la figure. Une belle collection d’ongles et de dents lui avait poussé au bout des doigts et sur les gencives. Son haleine exhalait la pourriture et ses chicots étaient incrustés de sang et de morceaux de…

— Ah, beurk !

Théo a rampé d’un côté, Sacha a roulé de l’autre et levé son arme, mais le chat lui a sauté dessus. Le renard et la chouette se sont joints à la mêlée.

— La tête de moi ! a grondé Sacha. Je vais vous défoncer !

Elle a braqué le canon de son arme vers le renard qui avait refermé ses mâchoires sur sa jambe, mais n’a pas pu se résoudre à tirer. Couteaux, casseroles et balais se sont mis à voler à travers la cabane. Théo s’est recroquevillé sur son sac à dos, la tête dans les épaules.

J’ai essayé de me dégager, mais Baba Yaga avait enroulé ses longs doigts osseux autour de ma faux et faisait pression. Le contact avec Memoria avait beau la faire fumer comme du bacon sur le feu, elle ne lâchait rien. Sacha n’avait pas exagéré sa puissance : son âme était si lourde qu’elle me donnait la sensation d’être coincé sous un 38 tonnes.

Rejoins-nous, Thanatos ! a-t-elle clamé la voix soudain rocailleuse. Avec nous, tu trouveras le repos dont tu rêves !

— C’est… tentant, ai-je répondu, le souffle coupé, autant par l’effort que par son haleine. Mais… une prochaine fois peut-être ?

— Mange ça la vieille !

Théo a surgi et enfoncé l’antenne de son émetteur radio dans l’œil globuleux de Baba Yaga. Le visage et les bras de cette dernière se sont brouillés, la pression a faibli et je l’ai repoussée d’un bon coup de faux.

De son côté, Sacha avait réussi à se débarrasser du chat en l’enfermant dans une malle. Elle s’est arrachée aux mâchoires du renard et a tiré vers le plafond. Une cage s’est décrochée et s’est abattue sur l’animal.

— Sortez ! a-t-elle crié en se baissant pour éviter la chouette.

Excellente idée. J’ai paré une volée de couteaux, fait volte-face et frappé la porte avec une telle volonté que je l’ai pulvérisée. On s’est tous les trois rués sur le porche. Problème : l’escalier avait disparu. J’ai attrapé Théo par la taille et sauté en même temps que Sacha.

Théo a crié, avant de finir affalé sur le sol.

— Ça va ? me suis-je inquiété. Tu peux te relever ?

— Hum…

— Attention ! a hurlé Sacha.

Au-dessus de nous, la cabane avait levé sa grosse patte de poule et s’apprêtait à nous aplatir.

— Courez ! ai-je lancé.

Sacha et Théo se sont précipités vers la clôture. Frappant du bas vers le haut, j’ai piqué Memoria dans la patte et l’ai tranchée en deux. La cabane a penché. Je me suis empressé de filer, lui fauchant l’autre patte au passage, et elle s’est effondrée pour de bon.

Ça n’a pas empêché Baba Yaga d’en jaillir, accompagnée d’une vague de spectres hurlant d’agonie. La sorcière s’est élevée vers le ciel noir en ricanant, les cheveux dressés sur son horrible tête, l’arrière-train toujours vissé à son fauteuil du turfu. Elle tenait un balai dans une main, un pilon dans l’autre. C’est là que j’ai réalisé : en fait, elle était assise dans un mortier géant.

Ne partez pas maintenant, la soupe vous attend !

Binette, hache et cisailles ont fusé dans notre direction. Sacha et moi nous sommes efforcés de les repousser tandis que Théo se jetait sur le portail.

— C’est bloqué !

— Pousse-toi ! a ordonné Sacha.

Elle a tiré et dégommé le crâne qui tenait lieu de serrure.

Destruction de propriété ! a beuglé la sorcière, et j’ai trouvé ça franchement déplacé.

Théo a détalé à toute blinde entre les pins et on a bondi derrière lui. Baba Yaga et ses spectres se sont lancés à notre poursuite, déferlant dans le bois en soulevant une tempête. Sacha a tiré. Ses balles dissipaient les spectres, mais Baba Yaga veillait à rester intouchable, filait derrière les troncs en caquetant de rire.

Vous êtes ici chez moi ! Vous ne vous échapperez pas !

Sacha et moi aurions pu décamper beaucoup plus vite, bien sûr, mais ça revenait à abandonner Théo. À moins de le porter sur mon dos… ? Je n’ai pas eu le temps de soumettre l’idée. Quelque chose m’a crocheté la cheville et je me suis étalé en beauté.

— What the… !

Tout autour de nous, le sol de la forêt s’était mis à bouger, grouiller. J’ai d’abord cru à des serpents, ou à d’énormes vers sortis de terre. J’ai baissé les yeux sur celui qui grimpait le long de ma jambe.

Ce n’était pas des vers, mais des racines.

Par réflexe, j’ai fauché la racine pour me libérer. Ma lame est passée au travers sans lui infliger une éraflure. Elles étaient matérielles, vivantes. Ce qui signifiait que nos armes ne pouvaient pas les trancher.

Ou du moins, elles ne pouvaient pas trancher le bois, mais elles pouvaient blesser l’âme qui les animait. Mon coup de faux avait figé la racine autour de ma jambe. Je me suis empressé de l’arrachée à main nue.

Sacha s’était réfugiée dans les hauteurs, mais les branches étaient aussi de la partie et elle n’a pas tardé à redescendre. On s’est retrouvés tous les trois dos à dos, cernés par les racines qui se tendaient vers nous comme des doigts menaçants. Le rire de Baba Yaga valsait tout autour.

— Et alors, a lâché Théo, vous qui êtes fait pour ça, c’est quoi la procédure ?

Memoria vibrait dans mes paumes comme un diapason. N’écoutant que mon instinct, j’ai concentré tout mon pouvoir et fendu l’air. Une brise mortelle a balayé les arbres, soufflé les spectres, contré le vent. Une pluie d’aiguilles de pin nous est tombée dessus, puis : le calme. Les racines s’étaient immobilisées.

Les arbres étaient tous morts sur un bon kilomètre.

— Eh, vas-y mollo ! s’est exclamé Sacha. Tu veux nous faire un désastre écologique ou quoi ?

— Pardon, ai-je bredouillé, aussi choqué qu’elle. Je pensais pas…

La tête m’a tourné et j’ai dû m’appuyer sur ma faux pour ne pas vaciller. Note : ce coup était efficace, mais très fatigant.

— Est-ce que tu l’as eu… ? a soufflé Théo.

Sa question n’a pas tardé à trouver une réponse.

Yah ah ah !

Baba Yaga est tombée du ciel. Sacha a plongé d’un côté. J’ai reculé, bousculant Théo pour le pousser à l’écart tout en brandissant Memoria. Le pilon de la sorcière s’est abattu avec une force monstrueuse, juste au-dessus de ma tête. Mes jambes ont ployé et je suis tombé à genoux tandis que l’impact se répercutait jusque dans mon âme, comme les vibrations d’une cloche. Mes muscles se sont changés en coton et j’ai vu trouble.

Baba Yaga a levé une nouvelle fois son pilon, prête à m’achever. Des coups de feu ont retenti et le rire dément de la vieille s’est mué en rugissement. Disparaissant dans son mortier, elle a battu en retraite.

— Ça va ? m’a lancé Sacha.

— Au poil.

Bras et jambes flageolant, je me suis relevé, cramponné à Memoria. Mes forces me revenaient lentement, mais mieux valait éviter d’encaisser une nouvelle attaque comme celle-là. D’un commun accord, Sacha et moi nous sommes mis en garde. Si on attaquait ensemble…

Allons, Morena, a susurré Baba Yaga en pointant son nez crochu hors de son mortier. Pourquoi t’embarrasser de tous ces poids ? Ce que tu veux, ce sont tes souvenirs ? Le Chevalier te les rendra, si tu laisses Thanatos mourir !

— Tu te fous de moi ? C’est toi qui as dit qu’il serait mon salue ! Ou c’était juste un mensonge pour que je revienne avec Enzo ?

Baba ne ment jamais ! Elle profite de la vérité. En voici une, Thanatos, que tu devrais méditer : avec Morena à tes côtés, dans le dos, tu es sûr de te faire poignarder, eh eh eh !

J’ai regardé Sacha, qui m’a regardé en retour. Est-ce qu’elle insinuait que Sacha allait… me trahir ?

Yah ah ah ! Mieux vaut ne pas prendre de risque !

Les mains de Sacha se sont resserrées autour de son revolver. Elle a pivoté, très légèrement. Soudain, on ne formait plus un front face à Baba Yaga, mais un triangle. Ça m’a fait l’effet d’un coup de pilon fantôme en plein cœur. Comment Sacha pouvait douter de moi, après tout ce qu’on avait vécu ? Nos regards se sont croisés et j’ai compris, trop tard, qu’elle se posait la même question.

— Tu vas pas la croire ? a-t-elle lâché. Tu penses vraiment que je pourrais faire un truc pareil ?

— Hein ? Non, bien sûr que non !

— Ah ouais ? Pourquoi t’es pas bien, alors ? Ça sert à rien de me mentir, je le sens !

Mes entrailles ont fait quelques nœuds supplémentaires. Il avait suffi d’une étincelle de doute pour allumer le brasier de sa méfiance. À présent, Sacha semblait à deux doigts de retourner son revolver contre moi, comme si elle s’attendait à ce que je l’attaque. Comment lui en vouloir ? Entre ses émotions et les miennes, ça devait être le bazar dans sa tête… Je n’aurais pas dû douter, même une seconde.

Maintenant, je ne voyais qu’une façon de désamorcer la situation : ne pas se vexer et passer à autre chose. J’ai reporté toute mon attention sur Baba Yaga et son sourire de requin.

— Peut-être bien que quelqu’un me poignardera dans le dos, mais ce sera pas Sacha.

Et je me suis élancé.

Vous vous êtes engagés, a beuglé la vieille, il faut PAYER !

Elle a donné un grand coup de balai qui a soulevé une bourrasque digne d’une tornade. Le vent m’a fauché en pleine course. Mes pieds ont décollé et je me suis écrasé contre un pin.

Vous me devez une âme !

Théo a poussé un cri. J’ai relevé la tête, à temps pour le voir glisser sur le sol de la forêt. De nouvelles racines s’étaient enroulées autour de ses jambes et le traînaient jusqu’à la cabane de Baba Yaga. La diabolique maison-poule était de retour sur ses pattes et elle attendait, penchée en avant, porte grand ouverte, prête à gober Théo.

J’ai sprinté, bondi, amorcé le geste pour faucher les racines, mais ces dernières ont donné un coup d’accélération et ma lame a failli atteindre Théo. Changeant de stratégie, j’ai plongé et lui ai attrapé une main. De l’autre, j’ai planté Memoria dans le sol : la faux a labouré la terre sur presque dix mètres avant de s’immobiliser enfin, devant la bouche béante de la maison.

Baba Yaga nous fonçait dessus en gloussant comme une folle. Sacha a fait feu, mais la vieille balayait – littéralement – ses balles. Les racines tiraient toujours pour entraîner Théo, qui s’agrippait à moi d’une main, l’autre fouillant son sac à dos. Il avait laissé tomber son émetteur. On était mal. Je n’allais pas pouvoir me protéger, à moins de lâcher Théo.

Je n’ai pas lâché. Les ongles affûtés de Baba Yaga ont fusé vers ma gorge et…

— TENEZ ! a clamé Théo.

Suspendue dans les airs, son hideux visage à dix centimètres du mien, Baba Yaga s’est figée. Ses globes oculaires ont roulé dans leurs orbites pour se poser sur la rose bleue que brandissait Théo.

— Ça, ça vous irez comme paiement ?

D’accord, c’était une très jolie rose, mais une fleur à la place d’une âme… ? Elle n’allait jamais accepter. Sacha nous a rattrapés et a pointé son revolver droit sur le front de Baba Yaga.

Celle-ci a éclaté de rire.

En voilà un qui sait comment faire plaisir à une vieille dame ! Ma foi, l’âme est un mets qui se bonifie avec le temps… Théobald Reddy, mieux vaut récolter la tienne demain plutôt qu’aujourd’hui.

Sa main a changé de cible et cueilli la fleur. L’étreinte des racines s’est relâchée et Théo m’est tombé dans les bras.

— Sérieusement ? a dit Sacha. C’est tout ?

Tout ? a répété Baba Yaga en découvrant largement ses dents pleines de sang.

Accroupi aux côtés de Théo, j’ai tendu ma faux en barrage. Dans notre dos, Sacha a raffermi sa prise sur son arme, prête à tirer. Le message était clair : on ne céderait l’âme de personne. La sorcière a levé un doigt osseux et nous a pointés tour à tour :

Faucheurs et voyants, unis à la vie à la mort, voilà le vrai trésor !

Là-dessus, la maison s’est redressée, nous a tourné le dos, et elle est repartie de sa démarche de poule tandis que Baba Yaga s’estompait dans la nuit en ricanant.

Mais ne vous méprenez pas ! Le moment venu, la vieille Baba viendra chercher son dû.

Elle a disparu.

Le brouillard s’est dissipé. Malgré le froid persistant, l’atmosphère m’a paru douce. J’ai laissé retomber ma faux et inspiré une grande bouffée d’air, l’esprit étourdi. Finalement, est-ce que Baba Yaga était de notre côté ? C’était à rien n’y comprendre. Le bonnet piqué d’aiguilles de pin, le visage couvert de griffures, Sacha a abaissé son revolver.

— Ça va ? ai-je demandé. Vous avez rien ?

Théo s’est relevé en grimaçant. Ses mains étaient pleine de terre, écorchées jusqu’au sang. Il avait aussi une vilaine égratignure sous le menton.

— Je crois que je me suis arraché deux ongles et foulé la cheville. Où est mon émetteur ?

Les gestes prudents, il a tiré sa lampe torche de son sac et s’en est allé boitiller à la recherche de son gadget. Sacha ne disait rien, le nez baissé sur son arme.

— Sacha…

Elle a reniflé et relevé la tête en rejetant sa tresse en arrière.

— C’est bon, laisse tomber. On va pas en faire un fromage.

— D’accord.

Nos regards se sont croisés. J’aurais voulu ajouter quelque chose, m’excuser pour ce qui s’était passé, lui assurer qu’elle avait toute ma confiance. Mais je le voyais bien dans ses yeux : les mots n’auraient pas suffi.

— Si je peux me permettre, a fait Théo en revenant, il y a de la marge pour de l’amélioration.

Sacha s’est tournée vers lui, piquée au vif.

— Comment t’as su, pour la rose ?

Rajustant son costume et sa cravate du bout des doigts, Théo a haussé les épaules et répondu le plus naturellement du monde :

— J’ai lu la page Wikipedia.

Je n’ai pas pu m’en empêcher : j’ai éclaté de rire. Théo a souri.

— Pff ! a fait Sacha, mais notre amusement a semblé la contaminer malgré elle et ses lèvres ont frémi.

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MichaelLambert
Posté le 21/11/2022
Salut Neila !
Ah comment je vais faire pour patienter sagement avant que tu ne postes la suite ?! Les ossements sans sépulture de la ville du vieux loup ? Je penche pour les catacombes de Rome... Mais je veux savoir ! Et surtout je veux savoir que que ton trio d'enfer va échafauder comme hypothèses ! Comment t'aider et t'encourager à écrire la suite vite vite ??? ;-)
Encore une super scène : l'ambiance de cette forêt et la maison de Baba Yaga fonctionnent parfaitement pour moi, le face à face Baba Yaga Sacha est impeccable et le rôle de Théo est de plus en plus intéressant, Enzo et Sacha lui sont de plus en plus redevables et à sa merci question sentiment amoureux ! Alors, le fait qu'il soit si à l'aise dans l'affrontement avec Baba Yaga et pas du tout blessé par les couteaux qui volent, les racines qui agrippent, ça ne fait qu'augmenter mes doutes : il cache encore des intentions et des ressources secrètes ? Mais si c'est un traitre, c'est étonnant qu'il sauve ainsi Enzo et Sacha. Alors personnellement puisque je le trouve un peu tête à claque, je voudrais qu'il subisse un peu plus les conséquences de la situation pour que je finisse enfin par lui faire confiance et trouver ses attitudes vraiment crédibles !
Je vais guetter impatiemment la notification qui m'indiquera que tu as posté la suite ! Belle et longue écriture à toi !
Neila
Posté le 28/11/2022
Je suis vraiment désolée pour l'attente. ^^' Si ça peut te rassurer je suis plus très loin de la fin (et donc, du postage). L'enthousiasme de tous les gens qui m'ont lue est tout ce qu'il faut pour m'encourager à mettre le turbo. <3

Les catacombes de Romes, hein... C'est une hypothèse qui se tient. A voir. :p
Ben je suis méga super contente si la rencontre avec Baba Yaga t'a paru réussite ! Après avoir à ce point traîné et fait monté la sauce pour cette rencontre, j'avais peur que ce soit un peu décevant. x'D
Tu trouves Théo tête à claque ? Mdrr... c'est vrai qu'il est un peu tête à claque. Mais pas invulnérable. Le fait qu'il s'en sorte sans une égratignure c'est plus le fait de l'auteur qui a échoué à penser à tout. x'D Va falloir que je rectifie ça, parce qu'entre les couteaux qui volent, le saut de la maison et la glissade sur le sol de la forêt, il devrait quand même être un peu plus amoché. Mais il vient de sauver Enzo et Sacha et tu lui fais toujours pas confiance ? :O T'es dur en affaire.
Je travaille activement à l'écriture de la suite, promis !
Encore un gros gros merci à toi pour ta lecture et tes retours enjoués, ça m'a fait très chaud au cœur. <3
LionneBlanche
Posté le 06/10/2022
Fiou ! Coucou, Neila. On est vivants ? Oui, moi je n’y étais pas vraiment, mais bon… ^^

On ne peut trouver baba yaga qu’en se perdant ? J’aime bien le principe, et j’ai souris quand Sacha a dit à Théo de passer devant et de jouer l’appât. Va savoir pourquoi, je n’ai pas du tout été surprise.

Comme promis, enfin, comme tu me l’avais dit, du moins si je me souviens bien, on apprend ce qu’il s’est passé pour Sacha et Théo quand Enzo est tombé de l’avion. Et le nom des bestioles, aussi. Sauf que je me pose encore plus de questions. ^^ C’était le chevalier qui les avait envoyés ou pas du tout, du coup ? Elles en avaient particulièrement après Enzo ? C’est bien le gadget de Théo qui les a protégés avec Sacha, où ils ont juste suivi leur cible ?

L’idée que baba yaya puisse être avec le chevalier : brr. Mais du coup est-ce bien le cas ? Parce qu’elle voulait tuer Enzo, oui ? Ou juste, elle le voulait pour le lui livrer ? En tout cas, le chevalier a besoin ‘Enzo, elle l’a bien confirmé. Du coup, il le veut en vie…

Je me suis posée pleins de questions dans ce chapitre. L’européen, d’ailleurs, ça aurait pu être Théo… Mais bon, comme le but était d’attirer Enzo, c’est bien lui. En tout cas, la première réponse de baba explique pourquoi Sacha l’a cherché (du moins la fin, car le début, je ne comprends rien) C’était le seul truc déductible et compréhensible, il était donc logique qu’elle aille à sa rencontre.

Les explications de Théo tiennent la route, selon moi. Mais quand même : team Sacha ! On est dans un livre, en plus ! Je ne sais pas si je ne me plante pas, mais… Je pense qu’il y a plus. Au moins plus. Il faut quand même une sacrée motivation pour suivre Enzo dans un autre pays, et même après l’avoir vu faire tout ça, après avoir trouvé quelqu’un, enfin, qui voit aussi les esprits et avoir les moyens, largement, de le pister… Je ne sais pas… Disons que c’est crédible, mais qu’en tant que méfiante de nature, je ne suis pas complétement convaincue.

Sinon, mais que voici le beau triangle amoureux ! Enzo est déjà un homme, malgré son âge : il ne voit rien. ^^ Il n’est pas fermé à Théo, mais réagit franchement à la mention de Sacha… Va falloir choisir mon grand. Enfin, pour l’instant, il y a plus urgent. Le truc c’est qu’après tout ça, Sacha devra rester chez elle, et lui, repartir…

J’ai trouvé très beau, très chaleureux la décoration de baba yaga. Non, vraiment, pour halloween, c’est parfait ! Tout ça m’a fait penser à un conte et aussi à une trilogie que j’ai lu il y a peu et beaucoup aimé : l’ours et le rossignol. Ah, et… Je ne sais pas pourquoi, mais aussi au château ambulant. J’adore ce dessin animé ! Mais si ! Lol ! La maison qui se déplace ! ^^
Bref, bonne ambiance, j’achète. Ça peut être sympa pour les vacances… ^^
Je m’attendais à ce que baba yaga demande leurs âmes ou au moins une partie. Bah j’avais raison, en fait. Mais pas celle d’Enzo, par contre. Là, j’ai été surprise.

Enzo est la clef… Oui, mais en quoi ? Mince, ils auraient pu la laisser finir ! :’( Est-ce que Zozo peut détruire la mort ? Est-ce qu’il a déjà su comment il était possible de faire et que le chevalier noir en aurait connaissance ? mais comment, alors ? Il aurait fallu qu’ils partagent des choses… C’est Voldemor ? ^^
Pas cool le coup des racines, mais j’avoue ne pas avoir trop compris ce passage. Il ne pouvait pas les trancher, mais… Détruire ce qui relie les arbres, la végétation ensemble ? Comment, pourquoi il pouvait faire l’un mais pas l’autre ?

Au début, j’ai eu du mal à rentrer dans le « combat », ou plutôt, à ressentir le danger ; Ne me demande pas pourquoi, je ne sais pas. J’ai pensé que c’était parce que les personnages manquaient de peur, mais je ne pense pas que ça diffère des autres affrontements. Théo, peut-être, m’a paru bien à l’aise. Je ne sais pas, difficile à dire.
En tout cas, j’ai rattrapé le train en marche dans la forêt et c’est devenu super palpitant ! Il faut vraiment lire ce chapitre à Halloween, ça mettrait bien dans l’ambiance. ^^

Théo a conclu un pacte, n’est-ce pas ? Il a promis son âme pour plus tard…

Comment ça, tu n’as pas écrit la suite ?! Mais c’est une catastrophe ! J’ai trop de questions sans réponse ! Tu ne peux pas me faire ça ! Du coup, je te dis à très bientôt, Neila. Très bientôt…. ^^
Neila
Posté le 19/10/2022
Coucou Lionne ! Ewi, c’est moi. Enfin. ^^’ Pardon pour l’attente.
Pour répondre à certaines de tes questions concernant ce qui s’est passé dans l’avion, pour Enzo et Sacha, c’est plutôt clair que les sluagh ont été envoyés par le Chevalier. Disons que des esprits irlandais qui se promènent au-dessus de la Mongolie, ça arrive pas en temps normal. Et Sacha confirme bien que les esprits sont partis dès qu’Enzo est tombé, donc à priori c’est bien lui qu’ils visaient.
Si les intentions de Baba Yaga paraissent floues, c’est normal. J’aimais bien l’idée d’en faire un esprit ambiguë et chaotique. Mais… elle coure aussi après quelque chose, faut pas croire. Si je peux, j’aimerais bien explorer un peu plus le mystère qui entoure Baba Yaga, si je trouve une bonne façon d’inclure ça dans la trame de l’histoire.
Décidément, la méfiance autour de Théo ne faiblit pas ! Mais je comprends, c’est normal. Moi aussi, en tant que lecteur, je me satisferais pas de ces explications. En tant qu’auteur, j’avoue que c’est assez drôle de vous voir vous poser toutes ces questions. ^o^ J’espère que les réponses qui arrivent seront à la hauteur !
Pour la maison de Baba Yaga, je n’ai pas inventé grand-chose. On doit toutes ces bonnes idées cauchemardesques (et un peu loufoques, comme la maison à pattes de poule et le mortier volant) aux contes. Les gens ont une imagination incroyable. Oo En tout cas, c’était très marrant de creuser dans le folklore russe !
« C’est Voldemor ? » xDD Tu m’as tuée. Oui, c’est ça, Enzo est la réincarnation de Voldemort. Avec un nez et des cheveux.
Pour les racines, j’ai repris le passage. C’était pas clair, en effet, puis beaucoup trop d’explication au milieu de l’action. En gros, les armes des faucheurs peuvent pas blesser la matière organique comme le bois ou la peau, mais elles blessent quand même l’âme à l’intérieur. Et à ce moment, c’est comme quand tu coupes la circulation sanguine dans un membre : le membre se retrouve coupé de l’âme. Résultat, les racines bougent plus. Je sais pas si c’est clair ? ^^’
Pour la difficulté à rentrer dans le combat au début, je vais devoir attendre d’avoir pris un peu de recul pour voir ce qui pourrait éventuellement pécher. Là, c’est encore trop frais, j’arrive pas à voir le chapitre avec des yeux des lecteurs. T.T
Un pacte, j’irais pas jusque là, mais ils ont définitivement une dette envers Baba Yaga et elle a bien l’intention de venir réclamer l’âme de Théo à un moment…
La suite, j’y travaille. Mais c’est dureuh. T^T
En tout cas, un grooos merci à toi ! Pour ta lecture et tous tes commentaires plein d’enthousiasme ! Ça m’aura permis de faire le plein de motivation. <3
A bientôt pour la suite !
Isapass
Posté le 06/10/2022
Alors aucune inquiétude à avoir : c'est parfait ! Tu as réussi la performance de convoquer une ambiance de conte de sorcière, tout à fait conforme à l'image que je me faisais d'une rencontre avec Baba Yaga, tout en restant fidèle au style de ton histoire. Le décalage entre la narration d'Enzo, les répliques de Sacha, les recours à la technologie de Théo et tous les symboles de la magie noire et de la sorcellerie, ça donne vraiment quelque chose de savoureux !

Le début de chapitre avec les conversations qui dégénèrent complètement au goût d'Enzo, c'est une bonne mise en jambe. On a envie de les secouer en leur disant "Hé, les gars ! Est-ce que c'est vraiment le moment de parler romance, là ?!" Mais d'un autre côté, c'est très révélateur et on commence à voir se former un triangle, qui va forcément être une bonne source d'engueulades, de jalousie et de mauvaise foi... J'en salive d'avance ! Déjà que les rapports Sacha/Théo sont hauts en couleur... je sens que c'est pas fini !
Petit Enzo chou qui n'a repéré aucun des signes émis par Sacha au moment des retrouvailles... C'est logique, ceci dit : Sacha ne transpire pas la romance.
Quant à la discussion entre Theo et Enzo, elle est assez rassurante. Theo avoue enfin la vérité (en tout cas, ça semble être la vérité. Et la phrase de Baba Yaga à propos d'une alliance entre Faucheurs et voyants paraît indiquer que leur association est positive. Je ne peux quand même pas m'empêcher de penser que Théo cache encore pas mal de chose. En tout cas, il prouve sa valeur dans ce chapitre : Enzo et Sacha font quelques bons coups, mais entre la rose et l'émetteur radio, Théo leur sauve pratiquement la mise.

Dans la première partie de la rencontre avec Baba Yaga, j'ai adoré la façon dont Sacha lui parle. J'ai aussi adoré toute les descriptions, les éléments d'ambiance, c'est génial. Evidemment, les réponses restent très énigmatiques, sinon ce serait trop simple. Ceci dit, je n'ai pas complètement compris pourquoi Sacha met autant en doute le fait que les souvenirs soient avec le Chevalier. Si je me souviens bien de ce qui se passe au premier chapitre, il a bien récupéré la boule de souvenirs de Sam (quand son corbeau zombie lui vomit dans la main). Du coup, ce n'est pas si surprenant. Sacha pensait qu'il les avait cachés quelque part et laissés en plan ?
Quant à la révélation sur la clé, est-ce qu'on avait pas déjà eu une info un peu dans ce genre, avant ? Ou je l'ai rêvé ?

Je n'ai pas grand chose à dire sur toute la partie où ils tentent d'échapper à Baba Yaga : c'est haletant, c'est clair, parfois drôle, et on se demande vraiment comment ils vont s'en tirer. La cabane aux pattes de poule, les racines, les couteaux qui volent, ça marche très très bien !
Je me demande quand même si tu ne devrais pas accentuer un peu le moment où Théo, Enzo et Sacha tournent leurs armes les uns vers les autres, parce que ça me paraît important, ce truc de confiance qui se perd brièvement entre Sacha et Enzo. Est-ce que c'est bouclé avec la décision d'Enzo de balayer ses doutes, ou est-ce que ça va ressurgir ? Dans le second cas, je pense qu'une petite phrase introspective ou deux de plus, pour montrer les implications de ce risque de trahison, ça serait vraiment bien. Parce que si Enzo ne peut plus faire confiance à Sacha, c'est tout son monde qui s'écroule, non ?
Dernière chose : les répliques de Baba Yaga en gras, ça marche très bien aussi, ça donne l'impression qu'elles résonnent dans la forêt.

Je te souhaite plein d'inspiration et de courage pour la dernière ligne droite, en tout cas. Oui, ça a l'air intéressé (ça l'est, hein, je peux pas nier, tu sai sà quel point je prend plaisir à te lire !), mais mon côté gentil te souhaite aussi tout ça parce que je sais que c'est souvent compliqué de boucler un tome ;)

A+ !
Neila
Posté le 15/10/2022
Coucou Isa !
Désolée, je réponds un peu tardivement, bien que je me sois jetée sur ton commentaire.
Ben je suis super contente et soulagée de savoir que l’ambiance conte de sorcière était au rendez-vous ! C’était le défis du chapitre. Je me suis jamais essayée de près ou de loin à quelque chose qui ressemble à du conte. À la base, je suis pas trop fan, mais plus je vieillis plus je retombe en enfance je crois. ^o^ En tout cas j’ai pris beaucoup de plaisir à imaginer et écrire tout ce chapitre, et si c’est aussi un plaisir à lire, alors c’est parfait ! * . *
J’ai beaucoup hésité à garder la scène du « teasing » romantique, pour être honnête. J’avais peur d’aller… trop loin trop tôt ? Mon copain a dit que c’était cringe. T.T Mais j’arrive pas à savoir si c’est juste lui qui supporte pas les situations gênantes, ou si la scène dénote réellement dans l’histoire. Je veux bien ton ressenti sur la question, ça m’aiderait à y voir plus clair. é.è
Toujours pas convaincue par la bonne foi de Théo ? :O Tu es dure en affaire.
Pour te répondre, oui, Sacha imagine que le Chevalier a dû planquer les souvenirs volés quelque part. Elle remet pas en doute qu’il ait les souvenirs, simplement elle l’imagine pas se trimballer avec partout. Ça semble pas logique ?
Pour cette histoire de clé, si j’ai pas fait de boulette, normalement jusqu’ici, tout ce qu’on savait c’était que le Chevalier voulait quelque chose dans les souvenirs d’Enzo. Il avait pas encore été question de « clé », même si les personnages en ont déduis qu’Enzo devait savoir quelque chose d’important pour les plans du Chevalier. Et cette histoire d’entité qu’il veut libérer, ça, c’est complètement nouveau. Après, je comprends qu’on peut avoir le sentiment que Baba Yaga enfonce des portes ouvertes quand elle dit que le Chevalier a besoin d’Enzo, puisque c’est quelque chose qui était clair depuis longtemps, mais les vraies révélations sont dans les détails. ^^’ Enfin bon, c’est possible que j’ai mal géré le dosage et le rythme des révélations, c’est quelque chose que je reverrai avec attention une fois que j’aurai fini le tome.
Accentuer le moment où Enzo et Sacha sont à deux doigts de se retourner l’un contre l’autre : c’est noté. La question de savoir si les faucheurs sont capables de se faire confiance, c’est au cœur de l’histoire, donc non, ça va pas être si facilement balayé. Je vais voir ce que je peux faire pour donner plus de poids à l’instant. Je crois, ce qui pourrait être bien, c’est que Sacha saute à la gorge d’Enzo (verbalement) en interprétant immédiatement son hésitation comme de la méfiance à son égard et qu’elle s’enflamme. Ça ressemble bien à Sacha et ça illustrerait sa paranoïa.
Merci beaucoup pour tes retours Isa ! Ton enthousiasme me motive à fond pour l’écriture et tes remarques m’aident bien à identifier ce qui pourrait être amélioré. Merci merci ! <3
Je vais me concentrer à fond sur la fin, maintenant ! è.é
Isapass
Posté le 16/10/2022
"Pour te répondre, oui, Sacha imagine que le Chevalier a dû planquer les souvenirs volés quelque part. Elle remet pas en doute qu’il ait les souvenirs, simplement elle l’imagine pas se trimballer avec partout. Ça semble pas logique ?" ==> Si c'est logique, mais il faudrait peut-être écrire en toutes lettres ce qu'elle espérait. La cause de sa colère/surprise serait alors plus claire, non ? Ceci dit, je suis peut-être la seule que ce passage va intriguer, hein !

"Enfin bon, c’est possible que j’ai mal géré le dosage et le rythme des révélations, c’est quelque chose que je reverrai avec attention une fois que j’aurai fini le tome." : non, je ne crois pas que tu aies mal géré. En plus, ne te base pas trop sur mes impressions à moi pour déterminer ça, parce que ma lecture morcelée (et ma mémoire défaillante ?) me donne parfois de fausses impressions. C'est vrai qu'on savait que le Chevalier en voulait particulièrement à Enzo, mais cette histoire de clé et d'entité est nouvelle, oui. T'inquiète, c'est moi qui mélange !

"Je crois, ce qui pourrait être bien, c’est que Sacha saute à la gorge d’Enzo (verbalement) en interprétant immédiatement son hésitation comme de la méfiance à son égard et qu’elle s’enflamme." ==> Oui mais justement, ça ressemble à Sacha, donc on peut s'y attendre plus ou moins. Ce qui serait vraiment marquant, c'est si Enzo avait un accès de méfiance aiguë contre Sacha, même très passager. Parce si même Enzo commence à perdre sa confiance dans les autres faucheurs (et surtout Sacha), alors que ce n'est pas du tout dans sa nature, là ça donne des frissons. Ca pourrait être un truc très passager, car Enzo étant d'un naturel confiant, il pourrait vaincre ce sentiment. N'empêche que ça sème un peu le doute dans l'esprit du lecteur et je trouverais ça intéressant. Mais bon, tu ne veut peut-être pas infliger ça à la personnalité d'Enzo ;)
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