23. L'empire de la Mort

Par Neila

— La voie est libre messires ! Pas un vivant en vue. Pas un mort non plus…

— Pas encore.

Le plan étant de se faire discret, j’ai laissé mon attirail et mes pouvoirs bien enfouis. Sacha, elle, avait déjà son manteau sur le dos, mais elle a sagement attendu avec moi que le feu passe au vert pour traverser la rue.

— Comment tu fais, au juste, ai-je demandé, pour te rendre indétectable ?

— Hum… ben, il faut commencer par prendre conscience de ce que tu dégages. C’est difficile d’avancer sans faire de bruit si on s’entend pas marcher.

Ça devait être mon problème : je ne m’entendais pas marcher.

— C’est un peu comme retenir son souffle, tu vois ? J’y arrive en faisant à peu près tout : courir, sauter, traverser les murs – ça me demande quand même de limiter un peu ma force. Par contre, impossible de cacher ma présence quand j’utilise mon arme. Disons que tirer, ça revient à hurler. Tu peux pas hurler et retenir ton souffle en même temps.

— Ça paraît difficile, oui. Tu m’apprendrais ?

On s’est arrêtés devant le pavillon vert où une plaque annonçait « Entrée des catacombes ». Se laissant aller contre la porte, Sacha s’est tournée vers moi et a croisé les bras sur sa poitrine.

— Il va bien falloir. T’es un vrai boulet.

J’ai pouffé.

— Bouge pas, petit boulet, a-t-elle ajouté avec un sourire en coin, je vais t’ouvrir.

Là-dessus, elle s’est coulée dans le battant comme dans un rideau.

— Tu sembles bien jouasse, a commenté Hervé. Est-ce la perspective de retrouver tes souvenirs ?

— Hein ? Oh, euh, ouais…

La serrure a cliqueté et j’ai fait un effort pour me concentrer sur les dangers à venir.

— Après vous, messieurs, a dit Sacha.

Je me suis faufilé dans le pavillon en vitesse et elle a refermé la porte sur Hervé, qui n’a pas manqué de s’en offusquer.

Une horloge digitale brillait au bout de la pièce, offrant plus de lumière que nos yeux de faucheur n’en avaient besoin. Un plan des carrières et des catacombes s’étalait sur un des murs, accompagné d’avertissements.

« La visite de l’ossuaire est de nature à impressionner les personnes sensibles et les enfants. »

Ah, ça… Des ossements qui ne bougeaient pas, il y avait de quoi être impressionné. Sacha a cueilli un prospectus en russe et l’a déplié pour examiner une version miniature du plan. Je me suis penché par-dessus son épaule.

— À ton avis, où est-ce qu’il garde nos souvenirs ?

— Sûrement pas sur le parcours des touristes. Il a dû les planquer dans un endroit impossible d’accès pour les vivants.

Le plan ne montrait que la partie de l’ossuaire ouverte au public. Le reste des galeries se prolongeait dans le noir, vers le mystère.

— Est-ce que je sors ma carte ?

Sacha a considéré l’idée avec une moue hésitante.

— Nan, nos souvenirs apparaîtront pas dessus, ça vaut pas le coup de prendre le risque de se faire repérer.

— Comme tu le sens.

On a dépassé le guichet fermé et remonté la file d’attente jusqu’à un escalier en colimaçon. S’enfoncer là-dessous était sûrement une erreur monumentale, peut-être la dernière qu’il nous serait donné de commettre. Pour autant, je ne regrettais pas d’être ici. Avec Sacha et Hervé à mes côtés, j’avais le sentiment que tout irait pour le mieux. Le temps d’un échange de regards, puis on a entamé notre longue descente dans les entrailles de la Terre.

Il y faisait frais comme dans une grotte, sombre comme dans un four. Malgré tout, j’arrivais à discerner le bord arrondi des marches. Devant moi, sous son manteau, Sacha se fondait presque entièrement dans le noir. Seuls son visage et ses mains ressortaient, pâles dans l’obscurité. Hervé, lui, était aussi visible que la lune. Il flottait derrière nous, cramponné à sa canne.

On est descendus, descendus, descendus… Une éternité de silence plus tard, les dernières marches se sont profilées dans un halo de lumière.

L’escalier nous a laissés dans un vestibule, à l’entrée d’un couloir aux allures de cave. Des néons brillaient à intervalle régulier, apportant un peu de clarté sans tout à fait chasser l’obscurité. Les murs étaient couverts de panneaux qui retraçaient l’histoire des carrières et des catacombes. Oubliant sa trouille, Hervé s’est mis à les examiner avec l’intérêt d’un critique d’art.

— Nous venons de descendre cent trente et une marches !

— Et comment vont les mollets ? a demandé Sacha.

— Fort bien, a-t-il répondu, sans saisir l’ironie.

Plan en main, Sacha a pris la tête du groupe. Plus on avançait, plus le couloir prenait des airs de galerie creusée à même la roche. La galerie s’est élargie et des piliers constitués d’énormes blocs ont fait leur apparition. Un trait semblable à une traînée de charbon filait au plafond. Le silence était total, la lumière tamisée. On se serait cru dans un autre univers ; une petite bulle hors du temps, qui fleurait bon l’humidité et la roche. J’aimais la frénésie de la ville, ses immeubles, ses routes, ses chemins de fer, ses véhicules – toutes ces choses incroyables que les humains avaient construites – mais s’en couper un instant n’était pas déplaisant. Je comprenais pourquoi les gens appréciaient descendre dans ces tunnels. L’atmosphère était reposante. Si seulement l’angoisse d’Hervé avait pu cesser de me picoter les entrailles.

On est passé devant une belle maquette sculptée dans la paroi, puis par une salle en cloche, avant de déboucher dans un nouveau vestibule. Ici, les piliers étaient rectangulaires, décorés de formes géométriques blanc sur noir. La traînée de charbon montrait la voie jusqu’à une arche à l’encadrement orné de losanges. L’inscription gravée sur le montant m’a tiré un sourire.

— Qu’est-ce qui est écrit ? a demandé Sacha.

— « Arrête, c’est ici l’empire de la mort. »

Hervé a gémi, Sacha a haussé un sourcil.

— Bienvenue à la maison.

On a pénétré l’ossuaire, et je dois reconnaître que c’était impressionnant. Les ossements couvraient les murs jusqu’au plafond, tapissaient les galeries sur des mètres et des mètres. Les crânes avaient été arrangés en lignes, qui séparaient des strates de tibias empilés avec soin. La lueur orangée des spots permettait d’y voir clair sans ruiner l’ambiance romantico-macabre.

— Les pauvres malheureux ! a soufflé Hervé, flottant si près de moi qu’il me traversait par instant.

Sacha avait matérialisé son revolver. Je me tenais prêt à dégainer Memoria. Les squelettes animés avaient beau ne pas être aussi redoutables que Baba Yaga ou le Cavalier sans tête, si tous ces os nous sautaient dessus en même temps, on allait avoir un sérieux problème.

Ils n’ont pas remué une phalange. Soit le Chevalier avait laissé nos souvenirs sans aucune surveillance, soit il attendait qu’on s’enfonce plus profondément dans le piège.

— Tu sens quelque chose ? ai-je demandé.

— Non…

Les yeux bondissant d’un mur à l’autre, Sacha s’est mise à progresser avec prudence, les mains serrées sur la crosse de son arme. Moi, je n’ai pas pu empêcher mon attention de dériver sur les citations gravées dans les plaques encastrées dans les strates d’os.

« Le trépas vient tout guérir,

Mais ne bougeons d’où nous sommes,

Plutôt souffrir que mourir,

C’est la devise des Hommes.

Lafontaine

Mince alors… Et moi qui croyais que ce type écrivait sur des lapins mignons et des renards blagueurs.

Arrivés à une intersection, on a viré à droite, dépassé une croix, descendu une volée de marches qui encadraient un puits. Certains chemins étaient condamnés par des grilles. Celui qui ne l’était pas nous a conduits dans une crypte où sifflotait un homme.

Sacha et moi nous sommes figés à l’entrée de la salle. L’homme nous tournait le dos, occupé à astiquer une armure étendue sur le couvercle d’un sarcophage, comme chacun fait un mercredi soir avant d’aller se coucher. Il a suspendu son geste et relevé la tête. Une seconde, j’ai cru que le crissement de mes baskets nous avait trahis. J’ai eu le temps d’apercevoir les écouteurs enfoncés dans ses oreilles, puis Sacha m'a poussé derrière un pilier. Hervé a bondi à couvert lui aussi – dans une pelle – à croire qu’il n’était pas tout à fait mort et invisible.

Sacha, elle, est restée tapie à l’angle du pilier, comme une panthère à l’affût. Les bruits de pas et les bourrades qu’elle m’a envoyées dans le bras m’ont fait comprendre que l’astiqueur d’armure venait par ici. Une chaînette faisait office de cordon de sécurité, tendue entre les piliers, et je me suis empressé de l’enjamber pour contourner ma cachette. Mon pied a accroché la chaîne et je me suis étalé dans la poussière.

Le type a débarqué avant que j’aie pu me relever – c’était un ado. Il s’est immobilisé à trois pas de moi, des notes de jazz s’échappant en sourdine de ses écouteurs. Sacha a écarquillé les yeux et retenu son souffle. J’ai hésité à disparaître sous mon manteau avant qu’il ne tourne la tête. À la place, je suis resté statufié comme une biche prise dans des phares.

L’ado a entrouvert les lèvres, froncé le nez et… éternué. Tirant un mouchoir de sa poche, il s’est mouché et a repris sa route en sifflotant. Je rêve. Comment avait-il fait pour ne pas me remarquer ? Il avait une vision périphérique de T rex ou quoi ?

— Qui c’était ? ai-je demandé après que les bruits de pas se soient évanouis.

Hervé a pointé sa tête hors de la pelle. Les épaules de Sacha se sont relâchées.

— Sais pas. Le concierge ?

Plus intéressée par les morts que par les vivants, elle s’en est allée examiner le sarcophage que les spots éclairaient comme une star et j’ai suivi le mouvement. L’armure en exposition ressemblait à ces boîtes de conserve en fer blanc que portaient les chevaliers du Moyen Âge. Comble du chic, le casque était surmonté d’un plumeau. D’après l’affichette, cette glorieuse boîte avait appartenu à un certain Guy de Mainvilliers. Elle était complète, épée et propriétaire inclus. Je ne plaisante pas : un squelette souriait au creux du casque ouvert.

Sacha a brandi son revolver, mais le mort n’a pas bougé. Elle a tapoté sur la visière, au cas où il aurait besoin qu’on le réveille.

— On dirait bien qu’on a trouvé le Chevalier, ai-je dit.

— Pff, a fait Sacha, mais le coin de ses lèvres s’est soulevé et elle a échangé son arme contre son prospectus. Et si on allait par là ?

Elle a désigné un couloir fermé par une grille.

— Qu’est-ce qu’il y a par là ?

— Des galeries dans lesquelles les gens ne sont pas censés aller. Ça m’a l’air prometteur.

Ni une ni deux, Sacha a traversé la grille. L’ennui, c’est qu’elle n’avait pas de clef à disposition pour m’ouvrir le passage.

— Qu’est-ce que je fais ? ai-je demandé. Je traverse ?

Elle s’est mordu la lèvre. C’était ça ou rester sur le parcours des visiteurs.

— Soit discret, okay ?

Pour la peine, je n’ai pas revêtu mon manteau. Pivotant de profil, je me suis faufilé aussi loin que possible entre deux barreaux. J’étais tellement maigrichon qu’il s’en fallait de peu que je passe, même sans super pouvoir. J’avais beau ne pas m’entendre, j’ai fait de mon mieux pour ne pas faire trop de vague – retenir mon souffle, comme Sacha disait. Le métal s’est brièvement coulé dans mes oreilles, me comprimant la tête, puis la pression et le froid se sont relâchés et j’ai émergé de l’autre côté.

Sacha et moi avons attendu quelques secondes, les sens aux aguets. Toujours rien. On s’est remis en marche.

La présentation n’était plus aussi soignée une fois qu’on quittait le parcours. Crânes, côtes, vertèbres, humérus et j’en passe gisaient pêle-mêle dans de gros tas de boue. Envolé l’éclairage tamisé et la poésie. Dans l’obscurité des coulisses, la mort retrouvait un visage lugubre et sale.

On a traversé plusieurs pièces, franchi d’autres grilles. Certains chemins finissaient sur des culs-de-sac ou des galeries effondrées qui nous obligeaient à faire demi-tour.

« Où est-elle la Mort ? Toujours future ou passée. À peine est-elle présente que déjà elle n’est plus. »

Pour le moment, la Mort était surtout paumée.

— On tourne en rond !

Nous étions de retour sur le parcours des visiteurs, dans une salle de bonne taille aux murs entièrement tapissés d’ossements. Une vasque en tuf trônait entre deux piliers. C’était la troisième fois qu’on passait devant. Sacha a inspiré un grand coup et approché le plan de la lumière.

— Okay, faisons le point : par là, la galerie s’est effondrée, de ce côté c’est un cul-de-sac… ce chemin-là ramène dans cette salle…

Tandis qu’elle cherchait une nouvelle route à emprunter, je me suis fait un devoir de surveiller les morts. Des crânes avaient été arrangés en cœur. C’était déstabilisant, quand on songeait qu’ils avaient un jour abrité une conscience : des personnes bien vivantes, avec leurs aspirations, leurs joies et leurs souffrances. Est-ce que des gens que je connaissais avaient fini ici ? Des gens que j’avais aimés et oubliés ?

— Tu crois vraiment que c’est une bonne chose ?

— Quoi ? a lâché Sacha en relevant le nez de son prospectus. Chercher nos souvenirs ?

— La mort.

Elle a cillé. Son regard a suivi le mien fixé sur les crânes vides et son expression s’est faite grave.

— C’est ni bon ni mauvais, juste nécessaire.

« Ce que l’on sème ne peut prendre vie que par la mort. », disait une autre citation. C’était sûrement vrai. Et le rôle des faucheurs était de veiller à ce que les anciens locataires aient bien fichu le camp, sans oublier une chaussette au fond d’un tiroir ou une photo sur la commode, sinon, où le nouvel arrivant allait ranger ses affaires ?

« Si vous avez vu quelques fois mourir un homme, considérez toujours que le même sort vous attend. »

Ce n’était pas le sort qui attendait les faucheurs. Pas tant qu’il resterait des humains pour venir au monde et mourir en laissant traîner leurs chaussettes.

« Je suis fatigué. »

Mon cœur s’est mis à claquer avec l’irrégularité d’un moteur défectueux. Ces mots… qui les avait prononcés ?

— Eh, ça va ?

La voix de Sacha m’a ramené sous terre, soufflant les bribes de souvenir au loin. J’ai eu beau me concentrer pour les rattraper, ils me glissaient entre les doigts. Impossible de comprendre d’où me venait cet élan de malaise.

— Ouais.

— Tu sais que je sais que tu mens ?

— C’est…

J’ai dégluti, essayant de me défaire de la poigne qui me tenaillait la gorge. Sacha a plissé les yeux.

— Tu te souviens de quelque chose ?

— Peut-être…

Je me suis tu, bouche ouverte.

Quoi ?

— Le chevalier, ai-je dit en pointant un doigt par-dessus son épaule.

Elle est devenue aussi livide qu’un fantôme.

— Oh, non ! me suis-je empressé de dire. Pas le Chevalier noir ! Le chevalier Guy !

L’armure se dressait près de l’entrée de la salle comme un garde en faction, épée pointée vers le sol. Sacha s’est liquéfiée de soulagement et elle m’a envoyé un coup de poing dans le bras.

— Ça va pas la tête ! Tu m’as fichu la frousse, espèce de gros naze !

— Pardon, désolé ! Mais… qu’est-ce qu’elle fait là, cette armure ?

Sacha a dégainé son revolver. L’espace d’une seconde, j’ai bien cru qu’elle allait me frapper avec. Heureusement, elle avait d’autres squelettes à fouetter.

— C’est bien la même ? ai-je dit en me massant le bras.

Le casque était affublé du même plumeau ridicule. Et puis nous étions déjà passés par cette salle et j’étais presque sûr de ne pas avoir remarqué d’armure. Pourtant, je ne sentais aucune présence. C’était peut-être bel et bien une autre armure.

— Comment elle tient debout ?

— Enzo… a soufflé Sacha en me voyant approcher.

Il n’y avait pas de socle, pas de tuteur ou d’attaches, juste l’armure et son épée rouillée. C’était méga louche mais, vraiment, en dehors d’Hervé, il n’y avait pas d’esprit dans le coin…

Hervé. J’ai fait volte-face, lancé des regards affolés à droite à gauche.

— Sacha, où est passé Hervé ?

Il n’était nulle part. Pourtant il était là.

Enzo !

Je n’ai pas senti l’épée se lever. Il faut dire, c’était une épée en métal, sans âme.

Sacha, qui avait bondi en avant, m’a saisi par le col et tiré en arrière. La pointe de la lame m’a effleuré la poitrine et le menton, j’ai perdu l’équilibre et nous sommes tombés à la renverse comme des dominos. Épée brandie au-dessus de son casque, l’armure a fait un pas. La lame s’est abattue comme un couperet. Pas le choix : j’ai fait apparaître Memoria et paré. Le plan « discrétion » venait de tomber à l’eau.

Me labourant le dos à coup de genoux, Sacha s’est dégagée, a reculé jusqu’à la vasque et levé son revolver.

— Attends ! me suis-je écrié. Y a un truc qui cloche ! Où est Hervé ?

Elle a tressailli, son regard horrifié rivé sur l’armure hantée qu’elle braquait de son arme sans se résigner à tirer. La nausée m’a submergé. Mes sens ne me jouaient pas de mauvais tour : c’était bien Hervé, dans ce squelette en armure. Un panache de vapeur s’est échappé de mes lèvres et tous les poils de mon corps se sont hérissés ; les lumières ont vacillé.

C’est là que les murs ont pris vie.

Claquants, craquants, des squelettes se sont extirpés des strates d’ossements. Avec les lumières qui s’éteignaient/s’allumaient, je les voyais émerger par saccade. On se serait cru dans une boîte de nuit un soir d’Halloween, au détail près que les morts ne se levaient pas pour danser. Ils se sont rués sur Sacha. Vive comme l’éclair, elle a redirigé le canon de son arme et tiré.

Repoussant la lame qui pesait sur le manche de ma faux, j’ai roulé en arrière et me suis relevé. L’épée m’aurait cueilli en pleine tête si Memoria ne s’était pas trouvée sur le chemin. Je n’avais pas réalisé à quel point nos réflexes de faucheur reposaient sur notre capacité à sentir les esprits. Contre un adversaire qui maniait une arme tout ce qu’il y a de plus normale, je ne pouvais compter que sur mes yeux. Ce qui, en soi, n’était pas le top. Avec l’alternance jour-nuit, c’était encore pire. Les assauts ne transparaissaient même pas dans l’esprit d’Hervé. Il n’émanait de lui aucune émotion, aucune volonté.

— Herv… !

La lumière s’est éteinte et j’ai vu le coup d’estoc arriver avec un temps de retard. J’ai esquivé, mais pas assez vite. Mon oreille s’est enflammée. Étourdi, j’ai plongé sur le côté tandis qu’un liquide chaud me dégoulinait dans le cou. Super. Thanatos était bon pour mourir du tétanos.

— Hervé ! Qu’est-ce qui te prend ? Reprend tes esprits mon vieux !

— Il est sous l’emprise du Chevalier ! s’est écrié Sacha.

Elle s’était perchée sur la vasque pour échapper à la foule de squelettes qui se pressait à ses pieds comme un public à un concert de rock – le genre prêt à tuer pour s’arracher un morceau de leur chanteur préféré. Les tirs que Sacha faisait pleuvoir sur eux avaient beau être d’une précision mortelle, ils étaient trop nombreux et trop proches.

J’allais m’élancer à sa rescousse quand la voix d’Hervé s’est élevée derrière la visière du casque, dénuée de sa personnalité pimpante, de ces intonations grandiloquentes qui faisaient Hervé. Il s’est mis à parler, à l’unisson avec les autres squelettes.

Morena, Thanatos Soyez les bienvenus.

Le Chevalier ? C’était nouveau, cette mise en scène. Pourquoi ne venait-il pas nous attaquer lui-même ?

— Viens te battre, a grondé Sacha, au lieu de te planquer derrière les morts !

Les squelettes ont claqué des dents en riant.

Ne soyez pas si pressés… La fête ne fait que commencer.

— Libère Hervé ! ai-je ordonné.

— Le libérer ? Il n’appartient qu’à vous de les libérer !

Les ? Guy-Hervé a levé son épée tandis qu’un squelette tentait de me sauter dessus part derrière. Je me suis baissé pour échapper à ses bras et, d’un coup de manche, l’ai poussé sous la trajectoire de l’épée. Les os ont éclaté sous l’impact et le squelette a fini en tas gigotant. De son côté, Sacha tirait sans discontinuer : à chaque détonation, un esprit en moins. Une âme détruite.

— Sacha, arrête !

Je comprenais soudain où étaient passés les esprits errants de Paris. Des esprits qui n’avaient pas encore mal tourné, aussi innocents qu’Hervé. Des esprits que j’étais censé aider, pas faucher.

— Ce sont pas des mauvais esprits ! Faut les libérer !

Quoi ? a lâché Sacha tout en envoyant des crânes voler à coups de pied. Tu rigoles ? Comment tu veux qu’on fasse !

Très bonne question. Je n’y connaissais rien du tout, en nécromancie.

— S’il te plaît !

Sacha a juré, bondi à l’autre bout de la pièce pour se soustraire à la foule et s’est mise à tirer dans les rotules des squelettes.

— On se casse alors ! Amène-toi !

Plus facile à dire qu’à faire. Guy-Hervé ne me lâchait pas d’une semelle. J’ai paré plusieurs coups tout en reculant. Manier Memoria nécessitait de l’espace, de la distance, mais impossible de s’écarter de deux mètres sans se retrouver dos à un mur ou contre un pilier. Sans oublier la lumière qui clignotait et les squelettes qui essayaient de m’attraper. L’épée m’a éraflé l’épaule, entaillé la cuisse.

En fin de compte, le secret pour déstabiliser un faucheur était une arme tout ce qu’il y a de plus normale. Pourquoi personne n’y avait pensé plus tôt ? La réponse m’est venue dans un éclair de lucidité : parce que c’était stupide. Ou alors c’était ce que je m'apprêtais à faire qui était fou ?

Mon adversaire s’est ramassé sur lui-même pour un nouvel assaut ; j’ai abaissé Memoria et me suis redressé, relâchant tous mes muscles. À peine le temps d’une expiration et l’épée piquait dans ma direction. J’ai entendu Sacha hurler « Qu’est-ce que tu fous ! ».

Je n’ai pas bougé. L’épée m’a traversé. Ou transpercé, difficile à dire. Je sentais la masse froide de l’acier dans mes entrailles, mais aucune douleur. Sans attendre, j’ai abattu Memoria et fauché la lame a demi enfoncée dans mon ventre. Elle est tombée à mes pieds, laissant Guy-Hervé avec une poignée d’épée et dix centimètres de tranchant à la main. Il a titubé en arrière, déséquilibré.

Je me suis tâté le bide pour vérifier que l’adrénaline n’avait pas simplement anesthésié mes sens. Pas de sang, pas de fuite de boyaux. La manœuvre avait réussi. Je n’en revenais pas.

La joie a été de courte durée. Les squelettes affluaient des galeries voisines, coupant toute retraite et, avec ou sans épée, Guy-Hervé semblait bien décidé à me concasser la tête. Son gantelet a fusé vers mon nez.

Pliant les genoux pour éviter l'impact, je lui ai fauché les rotules et il est tombé à la renverse dans un grand bruit d’os et de ferraille. Mon cœur aussi a accusé le choc. Chaque coup porté à l’esprit d’Hervé était une blessure… Combien pourrait-il en encaisser avant que son âme ne se désagrège ?

— Enzo ! On va pas tenir !

Quand les squelettes que Sacha démembrait ne se réassemblaient pas aussitôt, leurs différentes parties continuaient à se mouvoir. Elle avait déjà un bon paquet de bras solitaires accrochés aux jambes. Elle ne pouvait plus courir.

— Y a qu’une façon de les arrêter ! a-t-elle crié au moment où la foule de squelettes se refermait sur elle.

— Attends !

Ma voix s’était transformée en couinement de porte mal graissée. L’horreur de la situation m’empêchait de respirer, de réfléchir. D’agir. Surgissant du noir, trois squelettes m’ont foncé dessus. J’ai brandi ma faux en rempart, ce qui n’était pas très efficace contre des adversaires avec une allonge plus grande que la mienne. L’un d’eux a refermé ses phalanges sur ma gorge, les autres se sont cramponnés à mes bras et m’ont poussé. Mon dos a heurté un pilier.

Memoria s’était logée entre leurs côtes, tout près de leur âme. Je n’aurais eu qu’un geste à faire pour toutes les faucher comme des épis de blé. Je n’ai pas pu m’y résoudre. Alors que le noir me grignotait la rétine et le cerveau, j’ai vu – senti ? – des lignes qui courraient sur les os des squelettes, luisaient d’un éclat verdâtre dans l’obscurité grandissante. Les lignes se rejoignaient à l’intérieur de la cage thoracique, sur un point. Est-ce que l’absence d’oxygène me faisait halluciner ?

J’allais sombrer. Le hurlement de Sacha m’a fait l’effet d’un électro-choc. Elle avait cessé de tirer.

Non ! ai-je songé.

Ramenant Memoria contre moi, j’ai envoyé de grands coups de pied dans les jambes, les hanches, la colonne vertébrale des squelettes. La pression des doigts s’est relâchée et je me suis effondré au milieu des ossements.

— Sa… Sacha ! ai-je hoqueté en arrachant le bras pendu à ma gorge.

Les coups de feu ont repris. Sacha se battait toujours. Et elle ne tirait plus pour ralentir.

Les âmes se sont mises à disparaître les unes après les autres. Je me suis relevé en chancelant, la tête encore pleine de vertiges.

— Sacha ! Ils ont des trucs dessinés sur les os !

Guy-Hervé commençait à retrouver l’usage de ses jambes. Difficilement, il se redressait, comme un gros bébé qui apprendrait à tenir debout. Il fallait que j’aille aider Sacha – que j’aille l’arrêter. Une vive douleur m’a pincé le mollet.

Un crâne avait refermé ses mâchoires sur ma jambe. Il ne lui restait plus qu’une colonne vertébrale et une cage thoracique aux côtes brisées, mais les cubitus et les tibias éparpillés roulaient déjà pour se rassembler. Mes yeux ont réussi à capter les lignes, dans un bref moment de lumière : du sang. Et là, sur une vertèbre, un petit dessin pile au niveau de l’âme.

Une balle a fusé sous mon nez et fini sa course dans la vertèbre. Les os n’ont pas eu une éraflure. L’âme, en revanche, s’est désagrégée comme du papier brûlé et l’esprit s’est envolé. Le crâne a roulé au sol.

Les lumières ne clignotaient plus. Sacha se tenait sur une montagne d’ossements. Sa capuche lui avait glissé sur la tête, avalant son visage. Elle avait tellement déchaîné son pouvoir qu’il imprégnait l’atmosphère comme de la poudre à canon. L’effort aurait dû la laisser essoufflée, frémissante. En fait, elle n’avait même pas l’air de respirer. Elle a relevé le menton et j’ai aperçu sa figure dans l’ombre de son manteau, couverte de griffures, ensanglantée : figée, comme son regard.

— Sacha… ?

Elle s’est tourné vers moi et la vie a semblé lui revenir, sous forme de terreur. Ses yeux se sont écarquillés. J’ai entendu le cling dans mon dos, senti la présence si familière d’Hervé. Sacha a pointé son revolver par-dessus mon épaule et mon sang n’a fait qu’un tour. C’était comme si le temps avait ralenti. La balle est partie. Je ne me suis pas retourné. Au lieu de ça, j’ai levé Memoria.

Le pouvoir de Sacha a percuté le mien.

Au même moment, quelque chose m’a frappé dans le dos. Au début, je n’ai senti qu’un picotement. Puis la douleur est montée, montée, montée, vive et tranchante. Des étoiles noires ont dansé devant mes yeux et mon cœur s’est mis à tambouriner dans mes oreilles. Mes jambes se sont dérobées.

Dans le brouillard, je n’ai perçu qu’une chose : l’expression horrifiée de Sacha. Puis la souffrance est devenue telle que je n’ai plus rien perçu du tout.

Un cri a retenti dans le néant. J’ai voulu me relever, assurer à Sacha que tout allait bien, mais mon corps était comme déconnecté. J’ai battu des cils. Le sol tremblait contre ma joue. Sous le voile sombre qui couvrait mes yeux, une armure argentée s’élançait vers une silhouette encapuchonnée.

Une forme noire gisait à dix centimètres de mes doigts, comme une crevasse dans la terre.

Memoria.

J’ai tendu le bras et refermé la main sur elle. Ma vision et mon esprit se sont éclaircis. Je me suis tâté le bas du dos, là où la douleur continuait de pulser. Ma paume est revenue collante et rouge. C’était pas bon. Guy-Hervé avait dû me poignarder avec ce qui lui restait d’épée.

Sacha a tiré dans la main du squelette en armure, le désarmant une bonne fois pour toutes. Ça ne l’a pas arrêté. Elle a plongé sur le côté avant de se faire piétiner. Il fallait que j’intervienne. Je ne pouvais pas laisser Sacha et Hervé se battre, ou l’un allait finir par tuer l’autre.

Cramponné à Memoria, j’ai poussé pour me relever. Un poids s’est abattu sur mon dos et je me suis retrouvé plaqué au sol.

Les mâchoires d’un squelette ont claqué près de mon oreille. Un autre m’a empoigné les bras. Encore ces squelettes… ces fichus squelettes que je n’avais pas voulu faucher. J’ai tenté de me dégager, mais lutter a fait exploser la douleur et j’ai failli tourner de l’œil.

Genoux à terre, Sacha a levé son revolver tandis que Guy-Hervé pivotait vers elle de sa démarche d’automate.

— Fais pas ça ! ai-je crié de toute la maigre force de ma voix.

— Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ? a-t-elle hurlé en retour.

Son arme tremblait entre ses mains.

— La marque… sur la colonne vertébrale… faut la détruire !

Elle n’a pas répondu, son attention tout entière dirigée sur l’armure. Les larmes dévalaient ses joues comme elles dévalaient les miennes. Peut-être que Sacha n’était pas aussi attachée à Hervé que moi, mais ça n’avait pas d’importance si elle pouvait sentir ce que je ressentais. Il fallait qu’elle le sente.

— Je t’en supplie !

Guy-Hervé a chargé. Sacha a brandi Confiance.

Sacha !

Elle a hurlé, ou plutôt rugi et, faisant l’impensable, elle a jeté son arme et s’est élancée à la rencontre du squelette en armure.

Elle lui a sauté à la figure avec la férocité d’un chat. Refermant ses jambes autour du plastron, elle a envoyé casque et crâne voler d’un coup de coude et a plongé le bras dans le col de l’armure. Guy-Hervé l’a saisie à la nuque, aux bras. Quelques secondes, ils sont restés comme ça, dans cette drôle d’étreinte. Puis le mort a réussi à lui faire lâcher prise. Il l’a soulevée à la manière d’un catcheur et l’a projetée contre un mur.

Le choc a été terrible. Sacha s’est effondrée comme une poupée de chiffon. Debout au milieu de la salle, Guy-Hervé a plié le genou pour aller finir le travail, mais son pied est resté suspendu en l’air. Étendue dans les volutes de poussière, Sacha a levé un bras tremblant. Pour appeler son arme ? Non. Elle tenait quelque chose…

Une vertèbre.

Elle l’a fracassée sur le sol. Les pièces de l’armure et les os du squelette qu’elle abritait se sont écroulés dans un grand fracas et l’esprit d’Hervé est apparu, les bras ballants, le regard dans le vague. Le sort du nécromant était rompu.

Il a battu des cils et regardé autour de lui comme s’il sortait d’une rêverie.

— Que se passe-t-il ? Sapristi ! a-t-il fait en apercevant Sacha affalée au pied du mur, le visage et les bras en sang.

Dans mon dos, la douleur a pulsé et je me suis senti décoller.

— Hervé ! ai-je appelé entre mes dents serrées, des étoiles pleins les yeux.

— Par Saint George !

Canne à la main, il s’est précipité pour distribuer des coups aux squelettes qui tentaient de m’emmener.

— Comment osez-vous ? Ôtez vos sales pattes, vils faquins !

Sacha a tendu une nouvelle fois le bras et Confiance est réapparue entre ses doigts. Les esprits ont eu la sagesse de disparaître. Je me suis écrasé comme un sac dans une pluie d’ossements.

Ignorant l’étourdissement et les élancements, je me suis relevé tandis que Sacha boitait dans ma direction. On s’est tombés dans les bras – pas pour se faire un câlin, non : on s’est littéralement tombés dessus.

— T’as rien ? ai-je demandé.

Elle a secoué la tête. Ses cheveux étaient poisseux de sang. À la façon dont elle se tenait les côtes, j’étais presque sûr qu’elle s’était cassé quelque chose.

— Enzo… a-t-elle commencé, la voix chevrotante.

— Merci !

J’étais tellement heureux et soulagé, j’aurais pu la serrer contre moi. Je me suis contenté de lui agripper le bras comme elle agrippait le mien.

— Tu l’as fais ! Tu l’as sauvé !

— Sauvé… qui donc ? s’est enquis Hervé qui nous observait, inquiet et perplexe.

J’ai levé la tête vers lui, tout sourire.

— T’as rien, mon vieux ?

— Que nenni. Pourquoi ? Vous avez une mine effroyable ! Que diable s’est-il passé ?

Il ne se souvenait de rien…

— Les squelettes nous ont attaqués.

— Vraiment ? J’ai dû avoir un moment d’absence… Nous étions dans cette sordide crypte et puis…

— T’as disparu, ai-je dit.

— Ah ? J’ai fait le plus étrange des songes… Par tous les saints ! Enzo ! Tu saignes !

— C’est pas grave, ça va guérir.

Hervé ne semblait pas tout à fait dupe. Son regard s’est promené sur la salle, sur les murs d’ossements affaissés et les milliers d’os éparpillés. On aurait dit qu’un raz de marée était passé par là. Remarquant les pièces d’armure, il a fait un pas pour les examiner de plus près, troublé. Il ne devait pas rester là ; pas avec un nécromant dans le coin. On aurait dû se rendre compte du danger. J’allais lui dire de déguerpir quand Sacha a lâché :

— C’est ma faute.

Elle était blême, comme si elle aussi s’était fait poignarder.

— Pardon. Si j’avais pas… Je voulais pas…

— Eh, c’est rien, d’accord ? C’était juste un réflexe.

— Non. Je croyais pas qu’on pouvait les sauver. J’ai pas cherché à les sauver…

Ses grands yeux bleus brillaient de larmes. Cette fois, ça ne pouvait pas être les miennes. Je n’ai pas pu me retenir. J’ai amorcé le geste pour la serrer dans mes bras. Quelque chose m’a tiré par les chevilles et j’ai mangé le sol.

C’était peut-être l’émotion, l’hémorragie et les os cassés, le fait est que ni Sacha ni moi n’avions remarqué le retour des esprits. J’ai été traîné en arrière, droit vers le mur d’ossements. Sacha, qui m’avait attrapé le poignet, a dérapé dans la poussière en tentant de me retenir. Je me suis cramponné à elle d’une main, de l’autre, j’ai planté Memoria dans la terre. Le mur d’ossements m’a avalé jusqu’à la taille.

— Doux Jésus ! s’est exclamé Hervé.

— Accroche-toi ! m’a ordonné Sacha en poussant, un pied enfoncé au milieu des squelettes.

Avec elle qui tirait d’un côté et les esprits de l’autre, j’ai cru que mon dos se déchirait – ce qui n’était peut-être pas qu’une impression. La tête m’a tourné. J’ai inspiré à pleins poumons, lutté pour ne pas perdre connaissance, ne surtout pas lâcher Memoria et Sacha.

Les morts étaient revenus en nombres. Ils grouillaient contre moi, leurs bras jaillissant par dizaines pour m’empoigner – une vraie vision de l’Enfer. Des doigts se sont refermés autour de la gorge de Sacha et l’ont serrée si fort qu’elle en est devenue rouge. Une de ses mains m’a lâché pour brandir Confiance et tirer. Venu voler à notre secours, Hervé distribuait coups de cannes et insultes à tour de bras.

— Arrière, parjures ! Libérez notre compagnon !

— Vous l’emmènerez pas !

L’énergie qu’ils déployaient pour me sauver faisait chaud au cœur, mais les squelettes étaient trop nombreux et leur prise trop solide. Sacha n’arrivait pas à atteindre ceux qui me tiraient par les jambes tandis que les squelettes, eux, avaient tous le loisir de lui refaire le portrait. Ils lui attrapaient les bras, les cheveux, menaçaient de lui crever les yeux. Un crâne lui a attaqué le mollet à coups de dents. Sacha a étouffé un hurlement.

— Sacha !

— J’te lâcherai pas !

— Il faut que tu me lâches.

Les squelettes voulaient m’emmener à leur maître. Là où se trouvaient nos souvenirs – en tout cas, je l’espérais. C’était peut-être notre meilleure chance.

— Non ! s’est-elle écriée, penchée en arrière pour échapper aux doigts qui lui griffaient le visage.

— Eh, ça va aller.

Son regard plein de larmes a accroché le mien.

— Tu peux pas savoir… T’en sais rien !

— Je sais que tu me retrouveras. J’ai confiance.

Ses yeux se sont écarquillés. Je lui ai adressé un dernier sourire, puis j’ai fait disparaître faux et manteau. Ma main a glissé de celle de Sacha. Ses hurlements se sont confondus avec le fracas des os qui se refermaient sur moi. Les morts m’ont emporté et avec eux, le noir.

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BeuldesBois
Posté le 09/07/2023
Hello <3 Un petit message pour marquer ma progression.
J'ai lu en plusieurs cessions depuis mon dernier commentaire alors mes souvenirs ne sont plus très frais, mais il y a quand même de quoi raconter un peu ma vie.

Déjà, qu'ils sont choubidous nos deux héros ; dire que ça ne fait pas une semaine qu'il se connaissent et ils sont liés à la vie à la muerta. <3 En bonne habituée de l'évitement et de la distanciation émotionnelle moi-même, voir Sacha qui commence à se laisser dompter, c'est rafraichissant.

Hector, Baba Yaga, Erlik (t'aurais pu choisir un nom plus compliqué encore), les catacombes... Coeur coeur. Je me régale.
Théo je ne sais toujours pas trop quoi en penser, mais, c'est parce que tu sèmes bien le trouble. Quand au fait qu'Enzo SE SOUVIENT enfin d'un truc important mais que je te ne veux pas encore nous le dirreee mais je rêêêve tu veux ma peau ! Et pourquoi il veut pas encore en parler à Sacha ! Ça la concerne ou c'était juste pour pas les ébranler plus avant de se jeter dans un presque-sûr-piège ! Je grogne, attention, ça barde.

Là Enzo vient de partir par la porte des enfer escorté par les squelettes les plus collants de l'univers... Je dois m'arrêter de lire parce que demain y a école mais ça me déchire.

Oh, si, je me suis demandé mais c'est peut-être bête. Avec tous ces coups de feu dans des boyaux souterrains aussi petits, ils devraient pas devenir sourds ? (J'ai entendu que deux coups de feu dans ma vie, c'était dans un salon, genre, dans une maison, et j'ai cru que mes oreilles internes allaient s’éjecter de ma tête.) (Euh, je réalise que sans précision ça fait un peu peur. C'était pendant un nouvel an, le gars était torché, c'était des balles à blancs. Il était chasseur.) (Bon en fait ça fait pas vraiment moins peur...)
Peut-être que l'arme de Morena ne fait pas de bruit pour les vivants, mais pour Enzo, et elle-même, je me demandais ? C'est pas un revolver, avec de vraie balle, alors peut-être que ça aussi ça joue, et que le son n'est pas celui d'une vraie détonation.
(Y a des détails comme ça, on sait pas pourquoi ils nous accrochent xD.)

Rien à voir, mais en écrivant "Morena", ça m'a rappelé, dans un des chapitres qui concernent Baba Yaga, à un moment, Enzo "brandit Memoria pour se protéger", ou quelque chose comme ça, et moi, j'ai lu "Brandit Morena", et je me suis fait rire toute seule comme une dinde, en me disant no waaay, la scène ! et en plus, c'est tellement pas lui de faire ça ! Ah, bah, oui, c'est tellement pas lui que ce n'est pas écrit. Nickel.

Bon j'ai déjà annoncé mon départ et je suis toujours là à raconter mes inepties. Il est temps que je te laisse en paix <3. Merci encore pour ces délicieux moments de lecture. J'approche du bout à grands pas (grands, grands...) et j'ai hâte et en même temps ça m'attriste.
Gros bisous Demi :*
BeuldesBois
Posté le 09/07/2023
J'aurais dû me relire, j'ai même pas écrit français xD. Bon courage !
Neila
Posté le 10/07/2023
Beubeuuuuul !! <3 <3
Tes commentaires me font toujours mourir de rire. Y se passe de ces choses improbables dans ta tête. xDD
Désolée pour tous ces noms un peu chelou. Malheureusement, y a pas énormément de choix quand on cherche des entités qui personnifient la mort dans les différentes cultures. >.< Attend de voir le faucheur d’Amérique latine, question nom imprononçable il bat tout le monde.

Bon, c’est bien qu’ils soit choubidous, mais j’espère que ça paraît pas complètement improbable qu’ils soient déjà à la vie à la muerta au bout d’une semaine. ^^’ Je joue la carte du « qu’est-ce que ça rapproche, de frôler la mort ensembles ! », mais faudrait pas non plus exagérer. Faut pas hésiter à me le dire si la relation évolue trop vite, hein. On se rend pas bien compte quand on écrit.

Désolée. Enzo fait de la rétention d’information. ^^’ Il a des raisons de ne pas en parler à Sacha, mais pas forcément raison. Et ça n’a rien à voir avec le fait que je garde l’info pour un moment plus dramatique, non non.

Ton anecdote est… très inquiétante. xD Mais merci de partager cette expérience avec moi. J’ai jamais entendu de coup de feu en vrai, donc je me rends pas compte. Comme tu dis, c’est techniquement pas un vrai revolver et de vraies balles, donc je pourrais décider que ça fait le son que Sacha veut (genre, Coin ! Coin ! :P). Mais qu’est-ce qui est le mieux ? Embrasser la solution magique, ou utiliser le problème pour rajouter du challenge et de la difficulté aux personnages ? Hum…
HUM….
Je sais pas. xD Est-ce que ça paraîtrait pas débile, un faucheur avec une arme qui peut pas être utilisée dans des endroits confinés ? Sachant que tous leurs pouvoirs brisent les règles de la physique, en plus, avoir une arme qui les respectes au point d’être un handicap, ça pourrait apparaître comme une incohérence, non ? Je vais méditer tout ça.

Merci beaucoup pour ta lecture et ton retour. <3
J’espère vraiment que la fin va ta plaire… * _ * J’ai peur qu’elle soit bof. Pas bien rythmé. Avec des révélations qui tombent à plat. Des combats ennuyeux. Des émotions forcées. Okay, j’arrête. x’D Mais vraiment, faudra pas hésiter à pointer ce qui fonctionne et ne fonctionnent pas. C’est le premier jet, t’façon, ça peut pas être parfais.

J’espère que t’auras passé une bonne journée à l’école. :p
<3
BeuldesBois
Posté le 10/07/2023
(Dis donc, comment ça des choses improbables xD)

Nah, leur relation parait pas à côté de la plaque, t'inquiète pas, elle est très bien comme ça. Ils sont passés par énormement de choses fédératrices et ils ont un but commun. Ça sort pas de nulle part.
Après c'est vrai que quand Enzo nous rappelle que ça ne fait que quelques jours que TOUT à commencé, à chaque fois ça réveille un peu, ça met une petite claque. Mais ça comprend aussi le fait qu'ils ont l'air davoir vécu toute une année en une semaine, probablement.

Toutes tes questions quant a l'arme de Sacha font sens, je me demandais un peu les mêmes choses en moins poussé. Comme on a pas trop de précision à ce niveau ça laisse la place au questionnement, mais si tu décides (par exemple, hasard, premier truc qui me vient, au plus simple) que ça fait juste le même bruit mais en moins fort et que c'est quand même vachement désagréable et stressant mais que bon ça joue pas sur la santé ou bref, pof, une phrase et les casse-rouleaux comme moi n'ont plus de question a se poser. Ca marche aussi, pas besoin d'aller te retaper tes propres lois de ton propre univers pour ce détail 😊 ?(On sent que je viens de me taper 4h de marche sous 28°C en tenue de sécu, je suis pas claire i think. Très bonne journée à l'école, 10/10.)
Ou bien ça fait le bruit d'une douce brise et c'est complètement déplacé et c'est marrant. (Même si moins raccord avec le caractère de Sacha je pense.) Ou un bruit de doux pet enfin bon hein. (Encore moins raccord.) Ou même un bruit différent à chaque fois (xD le truc mégà relou). Je te laisse brain stormer seule après avoir semé la zizanie 🙃...

Gne hé hé, si la fin me déplaît je te linche en place publique. (Non.)
Je te dirais avec franchise ce que j'en pense, mais j'ai beaucoup moins d'appréhension que toi et bien plus confiance 😁😁

Plein de coeurs pour toua <3 <3 <3
Neila
Posté le 11/07/2023
(Enzo qui brandit Sacha, c'est quand même improbable tu admettra, mdr)

Mais tu es parfaitement claire, voyons. Je crois que t'as raison, le mieux c'est que ça fasse le même bruit mais en moins fort. Pis si le coeur m'en dit, peut-être qu'un coup ça fera coin-coin. :p
Quand je relirai/corrigerai le tout, j'essaierai de voir où je peux caser cette info.

Encore mercieuh. <3
Isapass
Posté le 09/04/2023
Bon ben j'ai lu en apnée, alors il m'a fallu quelques minutes pour m'en remettre...
J'avoue que je n'ai pas tout bien visualisé au cours du combat, mais en fait on s'en fout un peu, ce qui compte c'est que ça castagne sévère, qu'on sente bien qu'ils sont souvent en difficulté, qu'ils arrivent à s'en sortir une première fois, mais pas deux. Et tout le passage où Enzo veut sauver Hervé et essaie de faire comprendre ça à Sacha, c'est très clair aussi. Par contre, j'ai eu l'impression un moment qu'Enzo voulait libérer tous les esprits (donc grâce au truc de la vertèbre, si je comprends bien) comme ils le font pour Hervé. Et que c'était ce que le chevalier lui suggérait. Mais je ne vois pas bien comment ce serait possible !
Comme d'habitude, le passage rapide du calme absolu à l'action plein pot marche très bien, et je parle même pas du cliffhanger !
Quant à l'apparition du... concierge ? je suis sûre que ça va déboucher sur un truc pas net, encore.
Bref, un régal, comme d'habitude !
J'ai noté : "On est descendu, descendu, descendu" : ici, le "on" a valeur de "nous" et pas de pronom indéfini, donc il faut accorder (descendus).
A+
Neila
Posté le 10/04/2023
Coucou Isa !
Désolée pour la lecture en apnée. ^^

Arf, c’est compliqué les scènes de combat. J’ai tendance à vouloir trop décrire je crois, trop dans le détail. Quand on sait ce qu’on veut dire ça paraît clair, mais quand je me relis plusieurs mois plus tard, je me perds moi-même parfois. x’D C’est peut-être pas le plus important de visualiser parfaitement chaque mouvement, mais… ce serait quand même mieux de pas avoir l’impression de nager dans le brouillard chaque fois qu’ils se tapent dessus. >.<

Ouais, Enzo aurait voulu pouvoir tous les libérer en brisant l’espèce de sceau qu’il aperçoit sur leur vertèbre, comme Sacha fait avec Hervé à la fin, mais ça aurait été difficile de faire ça pour tous en fait. Surtout que leurs armes sont pas faites pour ça, c’est pour ça que Sacha est obligée d’y aller à main nue. Faudrait je rende certains choses plus claires ?

Contente que la fin fonctionne !

Merci pour la faute ! Je me fais toujours avoir avec le « on ». x’D

A bientôt !
MichaelLambert
Posté le 27/03/2023
Salut Neila !

Je serai plus court aujourd'hui : l'humour et l'action fonctionnent du tonnerre !

J'ai été surpris par la phrase : "Si seulement l’angoisse d’Hervé avait pu cesser de me picoter les entrailles." Enzo ne ressent pas la peur ? Hum hum... dans des catacombes ? Mais comme il ressent celle d'Hervé, je me dis que c'est un élément utile à réutiliser quand Hervé disparait pour être incarné en Guy. L'absence du sentiment de peur de Hervé pourrait inquiéter Enzo, non ? ;-)

L'ado qui astique l'armure ne me dit rien qui vaille (surtout quand il ne voit pas Enzo) et ça m'étonne que notre trio ne s'en inquiète pas plus (et que devient-il ensuite ? ah ah mystère !)

Puis, il y a le passage :
« Je suis fatigué. »
Mon cœur s’est mis à claquer avec l’irrégularité d’un moteur défectueux. Ces mots… qui les avait prononcés ?
-> c'est moi qui ait mal lu ou qui suis distrait, mais j'ai l'impression qu'on n'a jamais de réponse à cette question... bizarre...

Thanatos était bon pour mourir du tétanos. -> J'adore !!!

Je comprenais soudain où étaient passés les esprits errants de Paris. Des esprits qui n’avaient pas encore mal tourné, aussi innocents qu’Hervé. Des esprits que j’étais censé aider, pas faucher. -> Là j'avoue que je n'ai pas saisi toutes les subtilités : un petit résumé de la distinction bons esprits vs mauvais esprits m'aurait été utile, puis je ne vois pas comment Enzo est censé les aider...

J’ai entendu le cling dans mon dos, senti la présence si familière d’Hervé. -> Je croyais qu'il ne sentait plus la présence d'Hervé envouté dans l'armure.

Puis deux petites fautes d'orthographe au passage :
Les tires que Sacha faisait pleuvoir -> Les tirs
Venu volé à notre secours, Hervé distribuait -> Venu voler

Enfin, j'adore quand Hervé reprend ses esprits, quand Enzo est déchiré entre le besoin de se battre et sa volonté de préserver les esprits innocents, sa complicité grandissante avec Sacha et sa disparition dans le mur de squelettes ! Waouw !

A bientôt pour la suite !
Neila
Posté le 31/03/2023
Coucou Michael !

Contente que l’action et l’humour fonctionne !

Enzo ressent la peur, mais pas si facilement. C’est un peu ce qui fait qu’il (et les autres faucheurs) est si bizarre, pour un gamin de son âge. Il a pas peur des trucs qui feraient peur à la plupart des gens. Ça me semble logique, quand on part du principe qu’il a été confronté à la mort, à des fantômes terrifiants, à la maladie et à la guerre aussi, un nombre incalculable de vies. Même s’il s’en souvient pas, je pars du principe que ça a laissé une marque sur son âme et, du coup, ça lui fait plus autant d’effet. C’est que mon avis, mais ça me semble plus intéressant si le fait d’être un faucheur qui se réincarne a vraiment un impact sur la façon dont il voit le monde et ressent les choses.

Mais oui, il pourrait s’étonner de ne plus sentir la peur d’Hervé, du coup ! C’est une bonne idée ça, merci !

Pour l’ado, je comprends qu’il paraisse louche aux yeux du lecteur, mais du point de vue d’Enzo et Sacha, c’est si bizarre que ça de croiser quelqu’un qui fait le ménage après la fermeture ? Hum… qu’est-ce que tu te serais dit, à leur place ?

Tu n’es pas distrait, y a pas eu de réponse à qui a prononcé ces mots qui hantent Enzo. ^^ Pas encore. Mais… c’est jamais que la deuxième fois que cette phrase apparaît (la première, c’était pendant sa séance de méditation en Mongolie). Ça donne déjà l’impression que le mystère traîne trop ?

Pour la distinction mauvais esprits vs esprits neutres (c’est plus approprié que « bon »), en gros, un esprit errant comme Hervé, c’est l’esprit d’une personne qui est restée coincée dans le monde des vivants parce qu’il y avait quelque chose d’inachevé dans sa vie qui la retient. Et le rôle des faucheurs, c’est de les aider à achever cette chose, comme ça, l’esprit est en paix et il peut entamer son voyage dans l’au-delà. Mais quand un esprit dégénère en mauvais esprit, il oublie complètement qui il était avant, c’est plus qu’un condensé de mauvaise émotions qui sème la destruction et y a plus moyen de les aider à trouver la paix, donc à passer dans l’au-delà. Résultat, les faucheurs sont obligés de les détruire. Mais voilà, faucher un esprit, c’est terrible, ça doit être le dernier recours. Normalement, les faucheurs sont pas censés faucher des esprits tant qu’ils n’ont pas dégénéré en mauvais esprits. D’où le dilemme que posent les squelettes, qui sont hantés par des esprits encore sauvables (qui peuvent encore regagner l’au-delà).
C’est problématique si on a pas intégré tout ça à ce stade de l’histoire. >.<’ Mais la publication très fragmentée y est peut-être pour quelque chose ? Ou alors j’aurais dû rappeler ça dans les derniers chapitres, hum… Je prévois de faire béta-lire l’histoire complète à des lecteurs qui pourraient enchaîner les chapitres. Je verrais s’ils ont le même soucis.

Enzo sent toujours la présence d’Hervé dans l’armure ! D’où le fait qu’il dise « en dehors d’Hervé, il n’y avait pas d’esprit dans le coin » et « Il [Hervé] n’était nulle part. Pourtant il était là. ». Ce sont ses émotions, ses intentions qu’il ne perçoit plus. C’était peut-être pas claire. ^^’

Merci beaucoup pour les fautes ! J’arrive pas à intégrer qu’il n’y a pas de « e » à « tir ». x’D

Un gros gros merci pour ta lecture et ton retour ! Je vais voir comment je peux arranger les points que tu as soulevés.

À bientôt !
Vous lisez