Les Ténèbres du Croquemitaine
Dans un coin de la pièce, les ténèbres s’épaissirent. Elles se rassemblèrent lentement, suintant comme une fumée noire. Une forme s’érigea dans l’obscurité, grande, drapée d’ombre, aux yeux rouges comme des braises humides.
Valère.
Le comte de Malebrume se tenait là, sa silhouette à moitié translucide, mais son regard parfaitement réel. Son haut-de-forme semblait flotter au-dessus de sa face blême.
— Je vous avais prévenus, dit-il, d’une voix caverneuse et sépulcrale. Je vous avais offert la clémence. Mais vous êtes venus malgré tout…
Sa voix fit vibrer le plancher.
— C’est lui, balbutia Clément. Le... le comte…
Avant que quelqu’un ne puisse réagir, des mains d’ombre surgirent du sol et du plafond, silencieuses comme des araignées. L’une se referma sur la cheville de Claire.
Elle hurla, et frappa aussitôt avec son flambeau. La main se rétracta dans un sifflement, comme brûlée.
— Clément, fais quelque chose ! s’écria-t-elle.
— Je… je peux tenter… l’incantation ! bredouilla-t-il.
Il s’agenouilla dans le pentacle et ouvrit en vitesse le grimoire à la page griffonnée.
Mais Valère leva une main, et une rafale de givre balaya la pièce, éteignant le flambeau de Claire dans un soupir glacé.
Un instant, tout devint noir.
Puis la lampe à pétrole de Lucien s’alluma à nouveau, suivie par le rayon vacillant de la dynamo de Jean.
— Reculez ! lança Lucien, frappant les ombres avec sa lumière.
— Ne touchez pas à Claire, pourritures ! grogna Jean.
Les mains d’ombre refluèrent, sifflant comme des vipères.
Au centre du pentacle, Clément récitait, plus fort, plus vite. Le sol tremblait sous lui, et des lettres lumineuses apparaissaient sur les bords du cercle.
Le spectre hurla de rage, une plainte déformée, humaine et inhumaine tout à la fois, puis s’agenouilla, son corps vacillant sous la contrainte de l’incantation.
Ses mains se crispèrent. Ses yeux rouges devinrent bleus. Sa forme se densifiait.
Lucien comprit l’instant.
Délaissant sa lampe à pétrole, il dégaina son arme de service, visa la poitrine du comte, et tira.
La détonation fut assourdissante.
Mais une main d’ombre, dans un dernier sursaut, dévia le bras de Lucien. La balle se logea dans l’épaule de Valère au lieu de son cœur. Le revolver, lui, fut projeté à l’autre bout de la pièce.
Le comte poussa un cri de douleur absolue. Un vrai cri, cette fois. Un cri humain.
Il tomba en arrière, à moitié matériel, sa blessure saignant une substance noirâtre qui fumait sur le sol.
Il leva les yeux vers le plafond, défiguré par la panique, et hurla :
— VICTOR ! SERS-MOI !
Un silence.
Puis, juste derrière Clément, une ombre se glissa hors des ténèbres. Un homme, le regard vidé de toute âme.
Victor Ravène.
Il leva un poignard, aussi silencieux qu’un cauchemar.
Mais Jean, voyant la scène, hurla :
— CLÉMENT, À TERRE !
Jean plaqua Victor au sol dans un bruit sourd, entraînant dans sa chute la lampe à pétrole, qui roula dans un coin, projetant des ombres folles sur les murs. Le poignard tomba sur le parquet poussiéreux dans un tintement métallique.
Jean, le souffle court, resta un instant figé, le poing fermé sur le col de son adversaire.
— Je… je l’ai touché ! balbutia-t-il.
Il tourna la tête vers les autres.
— Il est solide ! Ce salaud est solide comme nous !
Lucien, haletant, raffermit sa prise sur son revolver.
— Alors ça veut dire que… que tant que le comte est humain… ses serviteurs le sont aussi.
Clément, accroupi au centre du pentacle, n’avait pas cessé son incantation. Sa voix devenait rauque, sa gorge sèche, mais les symboles brillants sur le sol pulsaient plus fort à chaque syllabe.
Victor tenta de se redresser, mais Jean lui asséna un coup au visage qui le fit chanceler. Pourtant, dans le regard vitreux de son ennemi, Jean ne vit ni rage, ni détermination.
— Tu retiens tes coups, murmura-t-il. Pourquoi ?…
Victor répliqua, mais ses gestes étaient lents, hésitants, presque maladroits. Il parait, sans frapper. Il reculait. Son regard, fixe, semblait appeler à l’aide.
Jean le saisit à deux mains et lui planta violemment son propre poignard dans la poitrine.
Victor poussa un râle, les yeux écarquillés. Un jet de sang noirâtre éclaboussa le sol, fumant au contact du bois ancien. Il s’écroula sur le dos.
Au même instant, un hurlement strident résonna dans toute la bibliothèque.
— VICTOR ! hurla le comte de Malebrume, la voix tordue par la haine. ESPECE DE LÂCHE !
Ses mains d’ombre se redéployèrent avec fureur, ses yeux bleus brillant d’une intensité délirante. Une onde de froid secoua l’air. Le plancher se fissura, et les étagères gémirent comme des bêtes blessées.
Victor, à genoux, retira le poignard d’un geste lent. Son regard vide croisa celui de Jean.
Et dans un dernier sursaut, il enfonça la lame sanglante dans la gorge du jeune homme.
Jean n’eut qu’un hoquet, un son rauque et tremblant. Il s’effondra sur le côté, les yeux figés d’horreur. Le sang s’épancha autour de lui, rougissant les planches vermoulues.
Claire poussa un cri d’effroi. Lucien, stupéfait, recula d’un pas.
Victor restait immobile, agenouillé, son bras encore levé. Puis, lentement, il se tourna vers Valère.
— V-Victor ? souffla Claire, incertaine.
Mais Victor ne dit rien.
Il fit un pas vers le comte. Puis un autre. Mais son corps vacillait, son souffle était brisé.
Et il s’effondra à la renverse, son regard éteint.
Lucien, figé, ne bougeait plus. Clément avait cessé de lire. Le pentacle clignotait faiblement.
Dans le silence revenu, le comte chancela.
Il porta une main à son épaule ensanglantée. Il respirait vite, trop vite. Son regard tourna autour de lui comme celui d’un animal acculé.
Ses mains d’ombre, qui fouettaient encore les murs quelques instants plus tôt, se replièrent lentement. La peur — la vraie peur — l’envahit.
— Non, non… murmura-t-il. Pas encore… Pas comme ça…
Claire serra les poings, les yeux embués de larmes, et cracha :
— Tu le méritais. Tu mérites tout ce qui t’arrives, assassin !
Lucien avança d’un pas, le revolver tremblant dans sa main.
— Tu peux saigner, maintenant, Malebrume. Tu saignes comme un homme, et tu vas subir le courroux des hommes.
Quel chapitre. On est dans le dur.
Le moment avec Ravène contrôler par malebrume, puis lucien qui lui donne un coup de couteau avant de se faire tuer.
L'incantation, les mains d'ombres, ...
ça marche très bien :)
Contente que ce chapitre t'ait plu, j'espère que les derniers à venir sauront aussi te satisfaire ! ^^