22. Les Sang-Mêlés

— Dépêche-toi ! Théo ! cria Katy.

Le scientifique se jucha maladroitement sur la selle du Migrateur. Ce dernier ploya jusqu’à se retrouver presque à la verticale.

— Attache-toi !

Entre-temps, la patrouille était arrivée jusqu’à eux. Celui qui semblait être le chef leur lança une phrase en aérien. Les phares de sa machine balayèrent la scène et ses yeux s’agrandirent quand il vit le groupe de fugitifs.

Son visage se peignit d’indignation et de surprise. Il s’approcha et posa les yeux sur le jeune Messager. Il lui dit quelque chose dans sa langue, en crachant ses derniers mots.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit ? demanda la jeune fille, en réfléchissant à un moyen de s’en sortir.

— Il… a vu les marques de Clan sur mes joues…

— Et il a reconnu celle des Harfangs ?

— Non, je ne porte pas les marques des Harfangs, ni des Corneilles. Je me suis inventé mon propre Clan. Il m’a traité de Sans-Clan.

Il avait un ton amer.

Le soldat leur hurla des ordres et sortit son arme, imité par le reste de sa patrouille.

— Quelles sont les options ? glissa-t-elle à son pilote.

— Fuir ou se rendre. Mais dans cette situation, fuir va être compliqué.

Elle réfléchissait vite.

— Est-ce qu’il y a une chance pour que ces soldats parlent cocardien ?

— Une sur un million, au moins.

— Bien.

Son corps se mit à trembler et elle jeta un coup d’oeil affolé aux soldats.

— Mon dieu ! Que vont-ils nous faire ?! cria-t-elle en secouant Rhyn. Théo, attire leur attention ! Oh mon Dieu !

Le jeune Messager lui lança un regard surpris. Elle avait prononcé ses deux dernières phrases avec les mêmes intonations que les premières. Ainsi, ceux qui ne parlaient pas sa langue ne pouvaient pas avoir deviné qu’elle donnait un ordre à Théodorus.

Celui-ci comprit immédiatement et se laissa glisser de son siège.

— Au secours ! appela-t-il de façon très convaincante. Je glisse ! Je glisse !

Les soldats se tournèrent vers lui, il ne suffisait que d’une seconde.

— Aaaaaahh ! Non  ! Aidez-moi ! paniquait le savant en agitant les jambes dans le vide.

Katy tira cinq fois et toucha les cinq gardes du premier coup.

Dès qu’il vit cela, Théodorus resserra sa ceinture de sécurité et se rétablit sur sa selle.

— Démarre, Rhyn ! ordonna-t-elle.

L’Aérien s’exécuta et le Zireilyre bondit en avant.

Malheureusement, Katy n’avait pas eu le temps de tuer les faucons qui accompagnaient la patrouille. Tempête de Neige en écorcha deux mais les autres s’enfuirent en poussant des cris d’alarme. Bientôt, toutes les machines volantes alentours furent à leurs trousses.

Le Messager accéléra à fond et la jeune fille dut se tenir fort car elle n’avait pas de ceinture de sécurité.

Ils sortirent de l’espace aérien de la prison, poursuivis par une vingtaine de gardes. Afin de les semer, Rhyn fonça vers une file de machines volantes civiles. Les conducteurs poussèrent des cris quand il passa entre deux véhicules avant d’effectuer un looping magistral afin de se retrouver caché derrière un engin aussi grand qu’une maison.

— Magnifique ! s’exclama Théodorus en examinant l’engin. Quelle technologie incroyable !

Un aboiement d’officier l’interrompit : les gardes les avaient trouvés.

Immédiatement, le jeune Messager piqua vers le sol, rasa une ruelle en manquant de décapiter les passants qui s’écartèrent précipitamment. Puis il pointa vers un des autres pics entourant la cité, couvert de champs en escalier.

Ils avaient pris de l’avance sur leurs poursuivants mais le poids du Migrateur les ralentissait. Le soleil levant teintait de rose la mer de nuages à quelques dizaines de mètres sous eux. La visibilité que procurait la faible lumière matinale convainquit les soldats de leur tirer dessus. Sous un feu nourri, Rhyn fit faire une embardée à son engin. Le Migrateur prit quelques tirs sur son fuselage, épargnant heureusement le vieil homme monté dessus. Vieil homme qui poussait des cris à mi-chemin entre l’excitation et la panique à chaque virage.

Katy voulait répliquer mais elle risquait de se faire éjecter du Zireilyre si elle desserrait un de ses bras. Plusieurs rayons bleus les manquèrent de justesse.

— Rhyn, ils vont nous avoir !

Le pilote hocha la tête et murmura :

— Accroche-toi bien.

Sur ce, il plongea à une vitesse vertigineuse dans la brume. Pendant un instant, ils ne virent que du blanc avant qu’il ne fasse faire au véhicule le chemin inverse encore plus vite.

Ils jaillirent du manteau nuageux à une allure que la jeune fille n’aurait pas jugée possible. Elle sentit qu’elle perdait pieds et la panique monta en elle. Le Zireilyre fit un large looping qui surprit leurs assaillants et se retrouva derrière eux. L’Alycienne se reprit et tira sur les gardes devant eux. Sa blessure recommença à l’élancer mais elle l’ignora.

Avant que les gardes ne puissent faire demi-tour, Rhyn replongea dans le brouillard pour y rester, cette fois, slalomant dangereusement entre les pics aussi vite qu’il le pouvait.

Quelques minutes plus tard, ils se posèrent sur une énième corniche.

Théodorus se détacha précipitamment et alla vomir son repas de prison dans un coin.

— Pourquoi nous sommes-nous arrêtés  ? demanda Katy, qui en avait encore des vertiges.

— On ne peut pas continuer comme ça, je ne maîtrise pas assez bien le Zireilyre et mon Migrateur n’est pas assez rapide pour leur échapper. Là, nous avons juste eu de la chance.

Au vu des incroyables acrobaties qu’ils venaient de faire, Katy se demanda ce que cela donnait quand il maîtrisait bien son véhicule.

— Et que proposes-tu ?

— Je me suis arrêté près du quartier général des Messagers. On va aller là-bas, changer d’habits et se faire des marques de Clan réglementaires puis nous rechargerons Mi, et si possible on modifiera son assise  pour qu’il puisse porter trois personnes.

— Mi ?

— Mon Migrateur.

Une voix les interrompit.

— Fantastique ! Ces rouages, quelle précision ! Et quelle est la source d’énergie que vous utilisez ? On dirait des Cristaux Lucidum, mais beaucoup plus puissants !

Ils se tournèrent vers Théodorus, qui avait ouvert le Zireilyre pour en contempler l’intérieur.

— Ce sont des Gristelios, des Cristaux Bleus. Maintenant, si vous voulez bien refermer ça et remonter sur le Migrateur s’il vous plaît.

— Oh oui, certainement, dommage que je ne puisse pas examiner le mécanisme passionnant de vos machines ! Comment nomme-t-on ces engins ?

— Des Chevaucheurs de Vents, en Aérien, Aereilyre, répondit Rhyn en montant sur le Zireilyre, imité par Katy.

— Comme c’est poétique, commenta le savant.

Ils se remirent en route et atteignirent bientôt un large pic. Au-dessus d’eux, cachés par la brume, circulait une foule d’Aereilyre dont on entendait les moteurs bourdonner.

— Nous allons rentrer par une entrée secrète connue seule des Messagers, prévint le pilote.

Ils s’engouffrèrent dans une grotte creusée dans le pic juste assez large pour leur permettre de passer. Après avoir traversé un long tunnel sombre, ils arrivèrent devant une grande porte de métal éclairée par une lampe bleue. Rhyn plaça son véhicule parallèle à la porte et toqua cinq fois fort et deux fois doucement. Aussitôt, la porte s’ouvrit en grinçant et ils entrèrent.

— Rhyn ! s’exclama une voix grave en cocardien, mais qu’est-ce que tu nous amènes ?

Pendant un instant, Katy crut voir le commandant Otto et son cœur de serra.

— Rien qui t’intéresse, Boro.

Le colosse à la peau brune qui avait parlé s’approcha à la lumière.

— Oh que si ! Qui sont ces personnes ?

— Je vous présente Boro, c’est un immigré provenant du Solcho, autant vous dire qu’il est presque le seul étranger dans tout le Royaume, c’est lui qui m’a appris à parler le cocardien. Boro, voici deux personnes comme toi. Elles viennent de… heu…

— D’Alycie, fit la jeune fille, je m’appelle Katy Pumbleton.

— Et moi de Cocardie, compléta le vieux savant, je suis Théodorus Stew.

— Ce nom me dit quelque chose…

— C’est possible, je suis assez célèbre, dit-il avec une pointe de fierté.

Katy était de plus en plus troublée, cet homme ressemblait de façon confondante à Otto.

— Dites-moi… d’où venez-vous et comment avez-vous atterri ici ? demanda-t-elle d’une voix hésitante.

— Oh la ! C’est une longue histoire ! Pourquoi voulez-vous savoir cela, gente demoiselle ?

— Je… j’ai connu un homme qui vous ressemblait… beaucoup… mais c’est peut-être une impression…

— Ce n’est pas qu’une impression, intervint Théodorus, moi aussi je trouve qu’il ressemble au commandant.

Le visage de Boro avait changé.

— Et comment s’appelait-il, cet homme qui me ressemble ?

— Otto, je ne connais pas son nom de famille.

Le colosse noir se mit à trembler.

— Otto… c’est le nom de mon grand frère…

— Voilà qui est surprenant, commenta le scientifique.

— Où… où est-il ?

Le regard de Katy s’assombrit.

— Il est mort, je suis désolée.

Boro tomba à genoux.

— Je vois, souffla-t-il, comme s’il s’était soudain vidé de toute sa force.

— Il était le commandant de la Résistance.

— Le comandant de… sacré Otto… !!

Rhyn s’approcha de Boro, lui posa une main amicale sur l’épaule puis déclara d’une voix douce.

— Je connais ta douleur, et je la comprends, mais l’heure n’est pas à l’abattement. Tu te doutes que ces personnes ne sont pas ici par hasard, j’ai besoin de ton aide.

Pendant un temps qui sembla durer une éternité, l’homme noir ne dit rien, puis il releva la tête, le regard empreint d’une détermination nouvelle.

— Tu as raison, ce n’est pas le moment de se laisser aller ! De quoi as-tu besoin ?

Le Messager sourit.

— Je te remercie, fit-il, j’aimerais que tu changes le moteur de Mi pour le rendre beaucoup plus rapide, il devra porter trois personnes et être au moins aussi rapide que les Zireilyre dernière génération.

— Oh la ! C’est un sacré boulot que tu me demandes là ! C’est ce qu’on appelle un sacré défi ! Je suppose que je dois changer la selle ?

— Oui, ce serait bien. Et… si tu pouvais le faire dans les plus brefs délais… je ne veux pas que les Voltigeurs aient le temps de se préparer à notre arrivée.

— Les Voltigeurs ? demanda Théodorus.

— C’est comme ça qu’on appelle les soldats d’élite du Royaume Ailé, ce sont des pilotes hors-pairs à ne pas prendre à la légère.

— Bon, il est temps que je me mette au travail. Je vais demander à Miri de nous apporter tout ce dont on a besoin. Je vais commander aussi des casse-croûtes et de la peinture pour vous faire des marques de Clan. Comment vous les appelez déjà, dans votre langue ?

— Merci, Boro, et on appelle ça des Ryluk.

Le mécanicien tira un câble qui pendait du plafond, on entendit alors un son de cloche lointain. Quelques secondes plus tard, une porte au fond de la grotte s’ouvrit. La jeune fille qui apparut semblait avoir dans les quatorze ans. Plutôt menue, elle avait des yeux gris. Mais ce fut sa chevelure blanche bouclée qui marqua l’Alycienne, ainsi que les deux traits bleus sur chacune de ses joues, identiques à ceux de Rhyn. La jeune fille salua le Messager et posa une question en Aérien à Boro. Celui-ci lui répondit dans la même langue, bien qu’avec un accent fort que même Katy put entendre. Elle hocha la tête, et avec un regard pour les deux étrangers, repartit par où elle était venue.

— Qui est-ce ? fit Théodorus.

— Miri, une Sang-Mêlé, comme moi. Elle a hérité des cheveux blancs des Sleineagyre et des yeux gris des Hérons Cendrés.

— Tu veux dire qu’elle vient du même clan que toi ? intervint Katy.

— On peut dire ça. Les parents de Miri, conscients qu’ils commettaient une faute grave en ayant une relation, sont venus se cacher ici. C’est ainsi qu’ils ont échappé à l’extermination de leur Clan. Malheureusement ils ont été retrouvés par les autorités et exécutés il y a dix ans. Le chef des Messagers accueille tous les clandestins pour les cacher. Il les cache tous, quelques soient leurs origines. Il doit y avoir une vingtaine de personnes illégales vivant ici. Mais Miri et moi sommes les seuls à avoir des parents Harfangs. Pour montrer notre différence et notre union en tant que Sang-Mêlés, nous avons inventé le Clan des Milles Plumes, dont nous portons les marques.

Il y avait quelque chose de mélancolique dans sa voix.

— Bien ! Et que faisons-nous en attendant ? fit Théodorus.

— Pour l’instant, rien, mais Miri est allée chercher de la nourriture, des habits et de quoi vous marquer. Elle est la seule à pouvoir se déplacer aux heures de pointes car elle passe par des tunnels aménagés dans la roche, malheureusement trop étroits pour qu’un adulte puisse aisément passer.

— Je ne comprends pas bien où nous sommes… fit Katy en contemplant le plafond de roche.

— Au QG de la Guilde des Messagers. Une organisation semi-indépendante qui est chargée de la communication du pays entier. Tous les colis et les lettres passent par ici. Historiquement, la Guilde était uniquement composée de Pigeons Voyageurs, mais désormais c’est une des rares instituions qui accueillent tous les Clans. Cela dit, les temps sont durs. Les Faucons et les Aigles voient la Guilde d’un mauvais œil. Le chef a déjà fait l’objet de plusieurs arrestations.

À ce moment, Miri revint, les bras chargés.

Pendant que le repas cuisait, Katy et Théodorus se changèrent chacun leur tour, cachés derrière un drap. La nudité ne dérangeait pas la jeune fille. Sur le champ de bataille, la pudeur était un luxe qu’elle ne pouvait pas se permettre. Et encore plus lorsqu’elle servait de poupée à Lydia.

Cependant, Rhyn et Boro avaient fait de telles têtes quand elle avait commencé à se déshabiller, qu’elle avait préféré leur épargner cette émotion. Surtout Rhyn, qui était devenu aussi rouge qu’une tomate bien mûre. Quant à Théodorus, il s’était poliment détourné en lui disant qu’elle était indécente.

Elle avait enfilé des vêtements de Messager, à savoir un pantalon de cuir épais rentré dans de grandes bottes, un haut bleu sombre et une veste, de cuir également, qui s’arrêtait à la taille. À la place de boutons, c’était deux ceintures qui la fermaient. La jeune fille noua ses cheveux pour plus de commodité.

Le repas pris, le Messager sortit d’une malle un matériel de peinture en réfléchissant à voix haute.

— Katy est petite, avec des cheveux et des yeux bruns. Je pense que les Ryluk Mirl-on t’iront parfaitement.

— Les quoi ?

— Les marques du Clan des Moineaux.

Il plongea deux doigts dans un pot rempli de substance marron.

— La peinture utilisée est très spéciale ; elle ne part pas à l’eau, on utilise un produit bien précis pour l’enlever. Les Moineaux sont un Clan au rang très bas, alors, quand on parlera aux soldats, veille à garder les yeux baissés.

Il traça deux traits marron sur chacune des pommettes de l’Alycienne, puis il passa à Théodorus.

— Vous, monsieur, avec vos yeux gris et votre grande taille vous pourriez être… mmmh… un Héron Cendré.

Il fit un trait gris pâle sur chaque joue du savant avant de tracer deux traits noirs et fins, qui s’écartaient, sur son front. Pour finir, il mit un long triangle jaune qui pointait vers le bas entre ses deux sourcils.

— Bien, dit le nouveau membre des Hérons Cendrés, à quoi je ressemble?

— Comme d’habitude, répondit Katy.

— Katy, ne te moque pas de moi !

— Je suis sérieuse.

Il soupira.

— Oui, souffla-t-il d’une voix empreinte de tristesse, c’est bien ça le problème, tu es toujours trop sérieuse.

Cette remarque plongea la grotte dans un silence pesant.

Il se brisa heureusement quand Miri entra de nouveau, portant le matériel dont Boro avait sûrement besoin pour ses modifications.

Très intéressé, Théodorus s’approcha pour observer et se mit à poser plein de questions au mécanicien. Ce dernier lui répondit en lui renvoyant des questions sur le commandant Otto. Leur conversation étrange, découpée entre termes techniques et souvenirs de la Résistance, résonnait dans toute la cavité.

— Mais comment avez-vous été séparés ? s’enquit Théodorus, au bout d’un temps. Comment se fait-il vous soyez toujours ici ?

Boro baissa un peu la tête.

— À quinze ans, Otto a été appelée à rejoindre l’armée cocardienne puisque notre pays en était une colonie. Il n’est revenue qu’une fois dans notre village, après ça. Il manquait beaucoup à notre mère. Moi, j’étais encore trop jeune pour être enrôlé. Quand c’est arrivé, j’ai eu droit à une allonge de mon temps en civil car ma mère était malade et j’étais le seul qui pouvait m’occuper d’elle. Elle est décédée peu après. Otto n’a pas pu venir à son enterrement. Bref, j’ai donc embarqué pour Embéria, j’avais hâte de le revoir. Mais mon bateau a été dérouté et s’est échoué sur la côte du Royaume ailée. J’ai été capturé comme les autres par la milice. Normalement, quand des ressortissants étrangers sont faits prisonniers, leur pays d’origine est prévenu et doit payer une lourde rançon. S’il ne le fait pas dans un délais de deux ans, ils sont exécutés. Seulement voilà, Cocardie avait disparu à ce moment-là, annexée par l’Empire. On est donc resté deux ans en prison avant qu’ils décident de se débarrasser de nous. C’est là que j’ai réussi à m’enfuir avec un groupe de compagnons. On est passés par l’En-deça, c’est là qu’ils y ont tous laissé leur vie, sauf moi. J’ai été secouru par le chef des Messagers.

Il redressa un peu le menton.

— Je me suis attaché à cette terre, même si elle ne veut pas de moi. Je sais aussi que mon pays n’existe plus. Alors je suis resté ici, et je pense que j’y resterai encore. Enfin, si j’avais su que j’aurais pu retrouver mon frère… je le croyais mort dans la bataille de Vasalva…

Il étouffa un sanglot. Théodorus lui tapota maladroitement l’épaule sous le regard vide de Katy qui se tourna vivement vers Rhyn.

— Où allons-nous, à partir de maintenant ? demanda-t-elle.

— Nous nous rendrons d’abord sur un petit archipel désert non loin de la côte, puis nous volerons jusqu’au sud du Royaume par la mer. Voyager par l’intérieur est trop risqué. Ensuite nous ferons escale aux Îles Noires, c’est un endroit dangereux à cause des pirates, mais c’est faisable. Puis nous rejoindrons le Solcho.

Le Solcho, là où Johann l’attendait.

— D’accord, dit Katy, faisons ça.

 

___

 

— C’est fini !

Boro s’essuya le front, fier de son ouvrage.

— On va pouvoir partir ? demanda Rhyn.

— Affirmatif, j’ai fait toutes les modifications que tu as demandées. Par contre, n’y va pas trop fort, la structure n’est pas faite pour ça, elle risque de se désagréger.

— Je ferai attention, c’est promis.

— Ne fais pas de promesses que tu ne vas pas tenir ! répondit Boro en lui ébouriffant affectueusement les cheveux.

Puis son visage s’assombrit.

— Si j’ai bien compris, tu vas nous quitter ?

— C’est exact.

— Pour toujours ?

— Je ne sais pas…

Le colosse noir prit Rhyn dans ses bras et le serra au point de l’étouffer.

— Tu vas me manquer, p’tite tête, déclara-t-il en retenant ses larmes.

— Toi aussi.

Miri s’approcha et posa une question hésitante, le Messager lui répondit sur un ton triste. Alors, elle sauta dans ses bras et lui confia ce qui était sans doute des paroles d’adieu.

Quand elle l’eut relâché, il les salua une deuxième fois et monta sur son Migrateur.

— Venez, dit-il à Katy et Théodorus, il est temps d’y aller.

— Pourquoi ? demanda abruptement la jeune fille.

Il eut un sourire amer, comprenant le sens de sa question.

— Je n’ai pas de maison. Cela fait très longtemps que je veux partir, c’est juste que c’est l’occasion.

Elle le dévisagea. Elle aurait tué pour pouvoir rester près de ses proches.

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