Aux environs de huit heures et demi, je suivais le chemin qui s’éloignait du bâtiment G afin de me rendre en cours d’analyse musicale. Améthyste m’accompagnait, car son cours de technologies musicales était donné dans le même bâtiment. Cependant, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à ce que m’avait dit Hélène un peu plus tôt. Pourtant, hier soir à ce snack, elle avait dû repousser les avances d’un garçon. Et ça ne pouvait pas être un mégenrage de ma part, puisqu’elle l’avait appelé « mon gars » sans que ça ne semble le déranger.
Et, je devais bien l’admettre, j’étais un brin inquiète d’avoir laissé dormir avec moi une personne pour laquelle je pouvais représenter un intérêt sexuel. Rien que cette pensée me mettait mal à l’aise.
— T’es pas dans ton assiette Lili ? m’interrogea Amélie avec entrain. Moi j’ai super bien dormi, un truc de ouf ! déclara-t-elle en s’étirant tandis qu’elle marchait d’un bon pas.
— Si tu pouvais éviter de rêver à des matchs de boxe, je dormirais sans doute aussi bien que toi, répondis-je dans un soupir, essayant de fuir ma véritable préoccupation.
— C’est ça qui t’mine ? demanda-t-elle avec un brin d’inquiétude dans la voix, haussant un sourcil. J’peux dormir par terre aussi, avec mon sac de couch –
— Améthyste ! l’interrompis-je avant de m’immobiliser et de la regarder bien en face. Je dois te poser une question que je n’ai aucun moyen de te poser subtilement, prévins-je en levant une main en signe d’apaisement. Alors, s’il te plaît, ne la prends pas mal.
Il y eut un bref moment de silence où Améthyste afficha une moue un peu inquiète. Je pouvais presque deviner qu’elle était en train de plisser les yeux, en lisant le reste de son visage. Elle hocha ensuite silencieusement la tête et fourra ses mains dans les poches du pull que je lui avais prêté :
— Demande, fit-elle simplement.
— Est-ce que tu es… gay ? articulais-je simplement, avec une légère boule dans la gorge.
— Heu… hésita-t-elle en affichant une expression indéchiffrable. Elle sort d’où c’te question ?
— Ce n’est pas très poli de répondre à une question par une autre.
— Et c’est poli de poser une telle question ? riposta-t-elle sans animosité, mais sans chaleur non plus.
— Améthyste, je… c’est déjà difficile pour moi de le demander, ne rends pas les choses plus compliquées, demandais-je dans un soupir.
— Ah, parce que c’est moi qui rends les choses compliquées ! s’exclama-t-elle, vexée. Tu sais très bien que j’me suis tapé le mec d’hier soir au snack ! déclara-t-elle en levant les mains, comme si elle citait une évidence.
Je secouais légèrement la tête et portais une main à mon visage. Ça n’était pas dans mes habitudes de montrer de tels signes de faiblesses, mais je devais me montrer honnête, pas inquisitive. Je pris alors une profonde inspiration :
— Écoute, ça n’est pas de la curiosité répondis-je d’un ton qui se voulait apaisant. Je veux juste savoir si… hésitais-je, cherchant mes mots, mon accent anglais revenant à la charge. Je veux juste savoir si le fait de dormir avec moi avait, pour toi, des implications que j’ignorais, formulais-je bien maladroitement.
— Merde, j’en reviens pas, grogna Améthyste en se tenant l’arête du nez. OK, d’accord, on va mettre les choses au clair ! déclara-t-elle en faisant un vif geste des mains. Il n’y a aucune implication que t’ignores ! Fin d’la discussion !
Elle se fermait à moi, elle refusait de discuter d’un sujet qui la rendait possiblement vulnérable. Cela, je le comprenais, mais je ne pouvais pas simplement laisser la question irrésolue. J’adoptais alors une posture décontractée et tentais de calmer la conversation.
— D’accord, je suis désolée, ça ne change rien entre nous, je t’assure, mais essaie de te mettre à ma place, s’il te plaît.
— Je peux pas me mettre à ta place ! clama la Napolitaine. T’es complètement une hétéro qui a grandi dans un milieu privilégié ! m’accusa-t-elle, un brin sur la défensive.
— Très bien, cédais-je en mettant mes mains dans mes poches. Dans ce cas, je vais te poser une autre question, soufflais-je avant de prendre une profonde inspiration. Est-ce que tu essayais de me draguer la première fois qu’on s’est vues ?
Le silence s’installa de nouveau, Amélie grimaça légèrement en baissant les bras, remettant ses mains dans le pull que je lui avais prêté. Je ne disais rien, l’expression de mon visage était simplement sincère, du moins c’est ce que je voulais exprimer.
— Ok Lili, j’avoue, souffla timidement la Napolitaine. Mais c’est plus pareil, d’accord ? Quand je t’ai vue, t’étais juste l’Asiatique canon en tailleur Gucci… confessa-t-elle en détournant le regard. Quand on s’est parlé, t’es devenue miss Bourge, puis quand j’ai appris à mieux t’connaître, t’es devenue Lili. J’ai pas le même point de vue qu’au début, et toi non plus, alors ça ne change rien, que j’aie essayé de te draguer ou pas, maugréa-t-elle.
Je laissais passer quelques secondes, avant de trouver quoi répondre :
— Donc… commençais-je d’un ton sérieux. Tu me trouves canon ?
J’arrachais alors un début de sourire à mon amie, qui hocha la tête. J’avais réussi à ne pas envenimer la discussion.
— Ouais… fit-elle simplement. Ouais, c’est vrai.
— Et… ce garçon au snack d’hier soir ? demandais-je d’un ton faussement timide.
— Bah, juste pour le sexe, et puis j’étais bourrée, c’était la fête… il m’attire même pas, conclut-elle avec un haussement d’épaules, donnant un petit coup de pied dans un caillou.
— Donc… ton intérêt romantique… hasardais-je.
— Va aux femmes, conclut-elle rapidement. On peut parler d’autre chose maintenant ? demanda-t-elle en soupirant brièvement.
— Oh, oui, bien sûr, m’excusais-je. Mais juste pour que tu saches, ça ne changera rien à mon comportement envers toi ! promis-je sans trop savoir si j’étais capable de tenir cette promesse.
Le silence se fit une fois de plus. Un peu plus gêné cette fois-ci. Mais je trouvais rapidement un changement de sujet idéal en voyant arriver Robert au détour d’un chemin qui rejoignait celui que nous avions emprunté Amélie et moi. Je levais alors la main pour le saluer :
— Bonjour Robert, tu vas en cours d’analyse toi aussi ?
Cependant, je n’eus pas de réponse, ce qui m’inquiéta un petit peu. Je savais que Robert Bötnik, de son nom complet, était un élève extrêmement sérieux et rigoureux. Il m’avait d’ailleurs impressionné lors de son passage au cours de pratique du violoncelle la dernière fois. Cependant, je craignais qu’il n’ait aucune sympathie à mon égard, vu la manière dont il avançait sur le chemin de terre battue, silencieux et l’air renfrogné.
— Heu, Lili, c’est qui c’mec là ? demanda Améthyste. Il m’inspire pas confiance.
Cependant, malgré l’impolitesse de ma collègue, le violoncelliste ne sembla pas y prêter attention. Étrange, vu qu’à présent, il semblait se diriger dans notre direction.
— Eh bien, il est plutôt réservé mais… murmurais-je en essayant de détailler le visage de Robert.
— Lili, j’le sens pas ! déclara mon amie en m’attrapant par l’épaule.
Et en effet, je compris rapidement ce qu’elle voulait dire. Le violoncelliste avançait vers nous sans ralentir le pas, bien que nous ne nous trouvions pas en travers de son chemin. De plus, il semblait fixer un point indéterminé derrière nous, plutôt que de nous regarder directement. Et ses poings étaient crispés.
Je commençais alors à reculer, entraînant Amélie avec moi. J’étais certaine qu’il y avait un danger, mais j’ignorais totalement à quoi m’attendre. Et rien que ce léger stress força mon esprit à lire une partition rythmique, marquant les pas de Robert dans ma direction. Dans de telles conditions, j’avais trop de mal à me concentrer pour faire appel à Cool Cat.
— T’inquiète, j’te couvre, m’assura alors Améthyste avec chaleur et détermination, se mettant entre le violoncelliste et moi.
C’est alors que je sentis une légère chaleur au creux de mon ventre, comme flattée, ou plutôt touchée par le geste spontané d’Amélie. Elle avait à cœur de me protéger et n’avait pas hésité une seule seconde. Sa présence n’en était que plus rassurante.
J’utilisais alors cette sensation pour surmonter brièvement mon stress, inspirer longuement, cristalliser mes émotions au fond de moi et expirer lentement, laissant un frisson désormais familier me parcourir.
Désormais armée de Cool Cat, je levais les yeux vers Améthyste, qui tenait carrément Robert par les épaules pour l’empêcher d’avancer. Il ne semblait même pas faire attention à elle, tendant le bras dans ma direction avec une expression effrayante.
— Lindermark ! Tu dois quitter ce campus ! Rentre chez toi, espèce de petite bourgeoise ! vociféra le violoncelliste, d’habitude si réservé.
Je fis un pas de côté et plissais les yeux, examinant son crâne afin d’y déceler l’habituel puzzle émotionnel que mon don me permettait de voir… mais je n’y trouvais rien. Pourtant, en regardant en direction d’Améthyste, je pouvais distinguer le sien très clairement, orné de nombreuses pièces rouge orangé évoquant son actuelle combativité.
Je décidais alors de regarder plus attentivement, de pousser Cool Cat à son efficacité maximum en fixant le violoncelliste. Cependant, tout ce que je distinguais était un espace flou et vide de couleur, comme le calque d’un dessin qui n’aurait pas été colorié.
J’interrompis ensuite immédiatement Cool Cat, afin de ne pas souffrir d’un contrecoup de fatigue.
— Améthyste, il est manipulé !
La Napolitaine grognait sous l’effort, lâchant plusieurs jurons tandis qu’elle interceptait encore et encore les tentatives de Robert pour se dégager de son étreinte. Elle agrippait ses poignets, donnait des coups d’épaule et forçait de tout son poids afin de l’empêcher de m’atteindre. Et je me sentais assez curieusement en sécurité.
— On fait quoi du coup ? Aïe, putain ! grogna-t-elle tandis que le violoncelliste lui marchait sans vergogne sur les pieds. Je veux pas lui faire de mal ! conclut-elle en le repoussant d’une grande bourrade.
— On court ! déclarais-je alors.
Je commençais à m’enfuir instinctivement dans la direction opposée de laquelle venait Robert, vérifiant que ma collègue soit bien en train de me suivre. J’avais bien du mal à réfléchir à la situation. Il me fallait gagner du temps.
— Lili m’interpella Amélie en me tapant sur l’épaule. Regarde ! s’exclama-t-elle.
Je cessais de courir et faisais volte-face, constatant que le violoncelliste qui en avait après moi ne semblait pas être décidé à nous courir après. Il continuait de vociférer des menaces et des insultes en avançant vers nous, marchant rapidement mais semblant manquer d’équilibre.
— Tu crois que c’est un zombi ? demanda la Napolitaine.
— Mais non voyons, soupirais-je en roulant des yeux. Je suis certaine qu’il est manipulé par quelqu’un. Et que ça a un rapport avec mon père.
— Ouais, ça fait pas d’doute, répondit Améthyste, restant sur ses gardes pour intercepter mon agresseur. D’habitude, dans les jeux vidéos, y faut juste dégommer le gars qui contrôle les zombis pour s’en débarrasser, conclut-elle avec un sérieux assez déconcertant.
Pour le coup, je ne savais pas ce qui me déconcertait le plus. Le fait qu’une Emprise puisse prendre le contrôle d’un corps, le fait que ma collègue réfléchisse selon une logique de jeux vidéos, ou le fait que cette même logique ne soit pas du tout stupide.
— Lindermark ! gronda Robert en ralentissant le pas. Je vais te faire partir de ce campus… en ambulance ! ajouta-t-il avec une étrange difficulté à articuler.
— Recule Améthyste, j’ai une idée ! déclarais-je alors en reculant avec elle.
Je m’aperçus alors que le violoncelliste continuait de ralentir au fur et à mesure que l’on prenait de la distance. Les fils du marionnettiste derrière tout cela n’allaient visiblement pas plus loin.
Ma collègue et moi-même étions toujours sur le qui-vive, nos souffles étaient courts. De plus, cela me faisait de la peine de voir Robert dans cet état.
— Il est un peu naze, ce zombi, articula Amélie entre deux souffles.
Pour ma part, je prenais le temps de retrouver une respiration normale, sachant que j’étais désormais hors de portée du violoncelliste manipulé. Ce dernier continuait de grogner et d’agiter les bras de manière menaçante.
— Au contraire, soufflais-je, il est très efficace. Son but n’est pas de m’attraper à tout prix, il cherche simplement à m’empêcher de venir sur le campus.
À ces mots, je désignais le portail qui se trouvait à quelques mètres à peine derrière nous, l’un des deux seuls, avec celui du parking, permettant d’entrer ici.
— Mon père cherche simplement à me faire renoncer ! grognais-je, repensant avec frustration à notre dernière rencontre. Même lui ne voudrait pas me faire de mal, physiquement, concluais-je.
Améthyste observait Robert d’un air stupéfait tandis qu’elle reprenait elle aussi son souffle. Elle avait dû faire bien plus d’effort que moi dans cette confrontation.
— Lindermark ! Tu te trompes ! vociféra le violoncelliste manipulé en agitant les bras. Adrian m’a autorisé à te mettre en pièces !
— Taisez-vous, qui que vous soyez ! lançais-je avec détermination. Je suis en guerre contre mon père ! Aucune menace ne me fera reculer !
— Pars d’ici Lindermark ! insista le marionnettiste à travers la bouche de Robert. Mieux vaut une bonne querelle que la solitude !
— Je ne suis pas seule, répondis-je en me redressant de toute ma hauteur, affichant un sourire victorieux. Améthyste, je vais t’envoyer un message sur Discord pour te demander de m’apporter quelque chose, tu veux bien ? demandais-je en sortant mon téléphone de mon sac à main.
— Heu, ouais, d’accord, hésita-t-elle. Mais je comprends pas trop ce que tu… Oh, je vois ! déclara-t-elle en examinant l’écran de son propre appareil. Je t’apporte ça tout de suite ! conclut-elle avant de littéralement disparaître.
Je souriais alors un petit peu plus. Elle avait eu l’intelligence de se rendre invisible afin que notre agresseur ne puisse pas savoir dans quelle direction elle se dirigeait.
Pour ma part, je croisais mes bras sur ma poitrine et commençait à marcher le long de la ligne imaginaire que le violoncelliste manipulé ne pouvait franchir.
— Peu importe ce que tu utiliseras contre ma marionnette Lindermark ! J’en ai autant que je le désire ! grogna la voix de Robert.
Je m’immobilisais alors, puis j’étendis le bras afin de pointer mon doigt vers la poitrine du violoncelliste. Je n’avais plus qu’une seule chose à faire, c’était de gagner du temps.
— Savez-vous ce que je suis en train de pointer du doigt ? demandais-je alors d’un ton conquérant.
— Peu m’importe ! grogna mon agresseur en s’agitant de plus belle, incapable de s’approcher plus près.
— Je pointe du doigt la direction dans laquelle vous vous trouvez ! Si votre marionnette est à la limite de sa portée, alors vous êtes à l’autre bout de ses fils tendus au maximum, expliquais-je sans baisser le doigt.
Le violoncelliste manipulé grogna alors de plus belle et balança son bras dans ma direction avec une violence inouïe. Et bien qu’il fût normalement hors de portée, je sentis un choc violent contre mon arcade sourcilière, ce qui me fit reculer instantanément, me forçant à porter une main à mon visage tandis que je penchais la tête vers le sol.
— You feckin' manky plonker ! m’écriais-je alors dans mon anglais le plus vulgaire.
En regardant le sol, je compris ce qu’il avait fait. Il m’avait lancé au visage le téléphone portable de Robert. Je retirais ensuite mes mains de mon arcade sourcilière et constatait que mes doigts étaient tachés de sang. La douleur était supportable, mais du sang me coulait dans l’œil. Il avait spécifiquement visé cet endroit, en sachant qu’une arcade sourcilière ouverte, même de manière superficielle, saignait abondamment.
— Allons ! Ce n’est pas un langage pour une Lindermark ! caqueta mon agresseur. Maintenant, pars d’ici ! Rentre chez toi !
Je ne répondis rien, me contentant de l’observer avec colère, tandis que je sortais un mouchoir de mon sac à main afin d’endiguer le saignement. Je restais alors sur mes gardes, vérifiant qu’il ne tente pas de m’envoyer d’avantage d’objets en pleine figure.
Quelques secondes plus tard, je sentis mon téléphone vibrer et je retrouvais un début de sourire en lisant le message d’Améthyste. Je lui répondis alors de passer à l’action et m’autorisais à me dresser à nouveau de toute ma hauteur, tenant toujours mon mouchoir contre ma blessure.
— Peu importe les blessures, ou le nombre de mes ennemis ! déclarais-je, un brin théâtrale. Je vaincrai quoiqu’il arrive ! Et je vous donne une dernière chance de vous rendre, monsieur Puipéid !
Et tandis que je faisais cette révélation, mon agresseur afficha une moue un peu difforme d’étonnement. Cela n’était pas étonnant qu’un vieux bonhomme rondouillard comme Puipéid ait du mal à contrôler le corps svelte du jeune Robert. D’ailleurs, le violoncelliste manipulé porta soudainement ses mains à sa gorge et écarquilla les yeux, comme s’il se faisait étrangler.
— Qu’est-ce que...! bredouilla-t-il en semblant se débattre.
— Vous avez commis trois erreurs ! déclarais-je en retirant mon mouchoir de ma blessure. La première, c’est de m’avoir montré les limites de votre marionnette ! La deuxième, c’est d’avoir utilisé une expression irlandaise telle que « Mieux vaut une bonne querelle que la solitude ». Ensuite, votre surnom signifie « marionnette », toujours en irlandais, concluais-je en levant mon téléphone à hauteur de mes yeux. Une quatrième erreur aura été d’avoir un bureau à votre nom dans lequel Améthyste a pu vous trouver ! Rendez-vous, professeur, et je vous pardonnerais ! proposais-je non sans véhémence, tandis que mon agresseur continuait d’étouffer. Je sais que mon père fait pression sur vous, mais vous devez admettre votre défaite, si vous voulez pouvoir respirer de nouveau !
— D-d’accord, articula la voix de Robert avec difficulté. Mais je vous en prie, a-arrêtez… supplia-t-il.
J’envoyais alors immédiatement un message à Améthyste, et mon agresseur cessa de suffoquer quelques secondes plus tard. Je devais alors bien admettre que ce qu’avait dit le jeune homme hier soir au snack était plutôt vrai : l’étreinte d’Améthyste était mortelle. C’était un avantage que je notais dans un coin de ma mémoire.
Et tandis que mon agresseur se remettait de son manque d’air, je profitais qu’il occupe encore le corps de Robert afin de lui faire passer un dernier message :
— Vous continuerez de donner vos cours comme si de rien n’était, commandais-je en m’approchant de lui. Et si vous tentez quoi que ce soit à nouveau, je serais sans pitié !
— Fort bien, Lindermark, souffla-t-il en réponse. Mais ne soyez pas aussi fair-play avec d’autres, qui pourront s’avérer plus dangereux que moi.
Quoi que je dise, j’avais en moi une immense fierté, un ego qui, sans être surdimensionné, avait une certaine ampleur. Je me targuais volontiers d’avoir reçu une éducation exemplaire, de faire partie d’une certaine élite. Je me savais privilégiée, je savais que toutes les chances avaient été de mon côté depuis le jour de ma naissance. Mais je restais une Lindermark, cela faisait partie de mes priorités que de demeurer exceptionnelle en toutes circonstances.
De plus, j’avais surmonté plusieurs Emprises sans aucune autre arme que ma volonté, puis j’avais obtenu un pouvoir surpassant ces simples Emprises. De plus, je l’avais obtenu des mains d’une personne importante, afin de mener à bien une mission cruciale.
Je me sentais supérieure, et je n’y voyais aucun mal.
— Ne vous faites aucun souci, professeur Puipéid, soufflais-je avec véhémence, plongeant mon regard dans le sien. Le pire danger que l’on puisse actuellement croiser sur ce campus… ajoutais-je avant de faire appel à Cool Cat, mes yeux devenant ceux d’un véritable prédateur. C’est moi !