Trois notes de musique retentissent au-dessus de moi.
— Chers clients, chères clientes, il est 5:45 pm. En raison du couvre-feu, nous vous informons que notre magasin fermera ses portes dans quinze minutes. Merci de votre compréhension.
Aussitôt, le calme revient dans les allées presque vides du supermarché. Je me demande combien de personnes viennent encore faire leurs courses dans ce lieu qui ressemble davantage à un hangar désaffecté. Moi qui espérais pouvoir faire quelques achats afin de remercier les parents de Sarah pour leur accueil, je suis très vite déçue. La plupart des rayonnages sont déserts et les commerçants peinent à les remplir tant ceux-ci sont pris d’assaut. Il n’y a pas âme qui vive au coin des fruits et légumes, seuls des bacs vides occupent l’espace. Le succès n’est pas plus glorieux là où étaient stockés autrefois les confitures et le chocolat. Côté poissonnerie, étonnamment, les étals sont quasiment dépeuplés. Pour ce qui est de la viande, en revanche, j’en découvre en quantité. Mais pour combien de temps encore ?
Et, sans grande surprise, je ne trouve de miel nulle part.
Un début de migraine me prend et je décide de rejoindre la caisse avec un paquet de riz, de pâtes et quelques articles utiles. Alors que je dépose mes produits sur le tapis, mes yeux se tournent vers le présentoir où sont rangés des journaux. Un titre parmi les autres attire davantage ma curiosité : « Marre de ces salades, le peuple veut tout savoir ! ». En dessous est jointe l’image d’une foule furieuse et de pancartes recouvertes de protestations et d’injures.
J’attrape le quotidien, paye mes courses et, une fois sortie du magasin, cherche l’article à l’intérieur du journal. Peu attentive à la circulation et aux rares passants, je suis vite happée par ses mots :
« On manque de nourriture pour notre famille. Voilà ce que répètent depuis plusieurs semaines les citoyens lorsque nous les croisons dans les rues de chaque ville, de chaque état. On nous bassine avec le fait que c’est une mauvaise année et que les cultures sont faibles, mais tout le monde sait que ça n’est pas vrai ! affirme Julia Reggins, une mère divorcée et au foyer qui doit nourrir ses garçons avec ce qu’elle parvient encore à trouver. En effet, si nous regardons de plus près les événements qui se produisent depuis plusieurs semaines, on peut constater que c’est une répétition des dernières vacances estivales. Coïncidence ou pas ? Voilà ce que se demande toute la population face à cette situation fâcheuse. Faut-il s’inquiéter de cette brutale décroissance dans les rayons alimentaires ?
Face à l’angoisse grandissante du peuple américain, le président lui-même a annoncé qu’il prendrait la parole en direct de la Maison-Blanche ce 26 mars, à 7:30 pm. La vérité doit être dévoilée à tous, de ma propre voix, a-t-il communiqué lors d’interviews brefs la veille. Une déclaration qui suppose des réponses aux questions des citoyens, mais qui interroge davantage. Que nous cache-t-on de si énorme pour que le président en personne soit contraint de réagir à toutes ces préoccupations ?
Avec toute cette agitation et ce discours annoncé, nous pouvons néanmoins être convaincus qu’il ne s’agit pas d’une simple affaire de mauvaise saison. »
En rentrant, je montre l’article à Sarah. Ses yeux s’agrandissent lorsqu’elle parvient aux dernières lignes. Nous nous empressons d’appeler Lucy également et nous lui résumons le texte. Sa réaction est la même que celle de Sarah et nous discutons durant presque une heure au téléphone.
— Ce que je ne comprends pas, avoué-je, c’est pourquoi il organise un discours seulement maintenant ?
— Parce que la population s’emballe, me répond Lucy. Il y a de plus en plus de manifestations dans les villes, et les autorités sont débordées par les émeutes.
— Oui, mais pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt dans ce cas, pour éviter cette situation de crise ? insisté-je.
— Peut-être qu’il espérait trouver une solution d’ici là ?
Je hoche la tête, à moitié convaincue. Lucy a certainement raison, mais je n’en reste pas moins sceptique. À quoi s’attend notre président ? Les gens sont mécontents et son discours n’arrangera rien s’il n’a aucune solution à proposer.
— En tout cas, poursuit Lucy, toutes les chaînes en parlent à la télévision. C’est leur nouvelle attraction pour la journée.
Nous allumons le poste et tombons en effet sur un échange entre présentateurs qui semblent émettre mille et une hypothèses sur les futures annonces de notre président.
Nous remarquons également en bas de l’écran un bandeau sur lequel défilent des actualités assez insolites. « Alabama : des aides-soignants volent des plats dans une maison de retraite » est la dernière que je lis avant que nous éteignions la télévision. Nous discutons quelques minutes de plus avec Lucy, l’invitant pour le 26 mars à venir écouter le discours chez Sarah et à rester dormir, puis nous raccrochons.
Dans le silence qui s’installe après l’appel, nous nous échangeons un regard avec Sarah. Nous ne prononçons aucun mot à cet instant, mais je sais que nous pensons la même chose.
Je trouve ce début d'histoire bien mené. C'est intriguant, la réflexion politique est intéressante (et nous rappelle hélas beaucoup de que l'on vit ou ce que l'on a pu vivre dernièrement...). En revanche, je reconnais être un peu sur ma faim par moment. Le récit s'accélère mais on ne connaît finalement pas grand chose sur les personnages et leur psychologie, ni même sur la situation personnelle. Je me trompe peut-être mais Jennie me semble avoir un rôle d'observatrice, plus véritablement qu'elle n'agit. Je me doute que cela évoluera au fil des chapitres, mais pour l'instant, je m'interroge sur son passé, son traumatisme récent, tout autant que sur sa relation avec ses amies. J'espère que nous aurons des réponses à tout cela bientôt :D
Merci beaucoup pour ton retour ! J'avoue ne pas m'être trop étalé sur Sarah et Lucy au début car il s'agit de personnages secondaires ( et que peut-être certains ne resteront pas longtemps 🙃). Quant à Jennie, j'espère que je donnerai assez de contenu dans la suite ! Mais je serai ravi d'avoir ton avis là-dessus ^^
Et oui, pour le moment Jennie n'agit pas beaucoup (comme beaucoup pourraient se poser la question aujourd'hui : que pouvons-nous faire à notre petite échelle ?), mais cela va changer d'ici quelques chapitres, le temps que la situation se dégrade encore eheh...
Au plaisir d'avoir de nouveaux commentaires de ta part,
Bonne journée !