22 - Zoey

Par Aylyn

Mes yeux papillonnèrent avant de percevoir la lumière. Je les refermai aussitôt sous l’éclat trop vif qui agressa mes rétines. La nouvelle tentative fut un peu plus fructueuse. Mes sourcils se froncèrent alors que j’avisai le néon fixé au plafond. Où… Je me redressai en position assise pour mieux faire face à ce décor inconnu. Je n’étais pas dans ma chambre. Les lieux ressemblaient à s’y méprendre à une chambre d’hôpital. Une douleur au flanc me fit gémir. J’essayai de remonter le cours de mes souvenirs. La tête embrumée, une sensation de malaise persistait en arrière-plan. Je grimaçai d’agacement face à cette amnésie. Tiens, mon visage aussi était douloureux. Je le tâtais du bout des doigts. Avais-je eu un accident ? Comment… Le concert. Trevor. Le cœur battant, je réussis à retracer les évènements de cette soirée. Mon arrivée, mon incursion aux toilettes et… Je déglutis, le souffle court en me rappelant la scène avec ces filles, leurs coups puis cet homme qui voulait… Je faillis me sentir mal. A partir de cet instant, c’était le trou noir. Avait-il… Les larmes me montèrent aux yeux, la nausée monta. On toqua à cet instant à la porte. Une femme revêtue d’un ensemble vert d’eau entra, un sourire rassurant aux lèvres. Une infirmière compris-je. J’essuyai mes joues avant de lui rendre un semblant de sourire.

— Vous venez de vous réveiller, me dit-elle. Vous devez être un peu perdue. A votre arrivée vous étiez inconsciente.

— Savez-vous ce qu’il s’est passé ?

Je devais paraître désespérée car elle se saisit doucement de ma main avant de me répondre.

— Respirez ma petite. Je vais vous dire ce que je sais. On vous a récupéré à la salle de concert du centre-ville. Le vigile a appelé l’ambulance suite à une agression. Il nous a raconté être intervenu juste avant qu’un homme vous emmène dans sa voiture. Vous souffrez de quelques contusions mais rien de grave. Vos affaires sont rangées dans le tiroir près de vous.

Au fur et à mesure de son récit, je repris mon calme. J’avais échappé au pire. Je me laissai retomber contre les coussins, soulagée. L’infirmière prit mes constantes avant de me laisser me reposer. On me gardait encore jusqu’au lendemain pour être sûr que tout allait bien. Après son départ, l’idée de prévenir Alix me vint mais le sommeil eut raison de moi.

 

Lorsque je me réveillai, je n’étais plus seule dans la chambre. Dans le fauteuil près de la porte, la silhouette longiligne de Trevor reposait, ses yeux tourmentés posés sur moi. Le froissement du drap l’avait averti de mon réveil. Je lui souris timidement.

— Hé, le saluai-je d’une voix enrouée. Tu es là.

— Je suis venu dès la fin du concert. Même si j’aurai voulu partir avec toi dans cette ambulance.

— Tu ne pouvais pas laisser le groupe en plan. Tu as bien fait. Quelle heure est-il ?

Il haussa les épaules avant de sortir son portable de sa poche.

— Bientôt 7 heures.

— Tu… Tu es là depuis…

— Je n’allais pas te réveiller.

— Tu dois être épuisé.

Il s'approcha de moi, son regard ancré dans le mien. Mon cœur se serra face à l'intensité qui se dégageait de lui. Le souffle en suspens, je déglutis avec lenteur et me crispai brièvement sous la douleur qui se réveillait. Il tressaillit et sa main qui se levait vers mon visage retomba. 

— Je vais bien, le rassurais-je. Juste des contusions. Ça va passer.

Il déglutit à son tour, ses doigts arrivèrent enfin contre ma peau. Je luttai pour ne pas tressaillit sous ce contact qui me troublait. Je ne voulais pas risquer qu'il l'enlève. Il frôla ma joue en une caresse trop brève.

— Non, ça ne va pas.

Sa voix rauque tremblait presque. Ses yeux se détournèrent, se rivant au sol

— Je suis désolé. Tout ça...

­— Tu n'y es pour rien, le coupais-je avec douceur. 

— Tu très faite agressée par des fans jalouses. Si j'avais été plus discret, si je...

— Tu regrettes d'être sorti en public avec moi ?

Ma voix vacilla sur la fin. J'appréhendais la réponse. Il s'assit alors sur le lit, si proche soudain, puis saisit mon menton pour plonger ses iris dans les miennes.

— Être avec toi est bien le dernier de mes regrets. Si tu savais le bien que m'ont fait chacune de nos sorties, cette sensation d'être enfin moi-même et non le chanteur de Dark Hopes. C'est juste que...

— Trevor, je ne veux pas que tu t'en veuilles pour ça. Ces filles... Elles ont juste extrapolé et pensé que... Enfin... Que nous deux...

Je bafouillai, mal à l’aise sous son regard perçant.

— Si tu préférais cesser de me voir, je comprendrai, souffla-t-il.

Ma poitrine se comprima à cette simple pensée. Ne plus le voir… J’avais besoin de lui faire comprendre que… qu’il… Mes émotions s’emmêlaient, pulsaient et ma timidité les muselait. Devant mon silence, il hocha la tête et s’écarta, la mâchoire crispée. Dans un élan, ma main s’élança vers lui et se referma sur sa chemise. Les yeux braqués sur la couverture, je déglutis avant d’arriver à extraire les mots de ma gorge nouée.

— Ne dis plus des choses pareilles. Je…

Les larmes aux yeux, je cherchais comment lui dire ce que mon cœur m’exhortait à lui avouer.

— Je ne veux pas retourner à ma vie avant toi, murmurai-je.

— Zoey…

Un murmure si doux et douloureux à la fois. La seconde d’après, je me retrouvai envelopper par ses bras, son torse contre le mien. Un soupir tremblant m’échappa et je plongeai mon visage dans son cou. Les battements de son cœur me parvenaient, à peine assourdis. J’écoutai leur musique qui se mêlait à la mienne. Il s’écarta de façon à me faire face. Son visage si près du mien, je bloquai sur ses lèvres entrouvertes, son souffle chaud aussi court que le mien. Le temps sembla se figer. Et alors qu’il réduisait la distance, on toqua à la porte avant d’entrer. Nous nous écartâmes d’un même élan. Je devais avoir les joues rouges. Trevor se redressait déjà. Je devinai dans ses mouvements la même frustration que la mienne.

— On se voit à ta sortie, me souffla-t-il avant de saluer l’infirmière qui approchait.

Je surpris le coup d’œil appréciateur de celle-ci sur le jeune homme alors qu’il se dirigeait vers la sortie. Je ne pouvais lui en vouloir, il ne laissait pas indifférent.

 

*

 

                Une fois de nouveau seule, j’attrapai mon portable dans la table de chevet et appelai Alix. Juste avant de sélectionner son contact, j’avais eu le temps de voir les textos et appels en absence.  Elle avait dû se faire un sang d’encre par ma faute.  Une tonalité. Une deuxième.

                — Zoey Petrov, c’est maintenant qu’on daigne me donner des nouvelles, m’accueillit une voix loin d’être joyeuse.

                — Alix, je suis déso…

                — J’espère bien que tu es désolée ! J’étais sur le point de contacter la police. Je t’imaginais déjà en encart des faits divers. Je n’aurai jamais dû te laisser y aller seule. C’est…

                — Je suis à l’hôpital, lâchai-je.

Un peu brutal comme entrée en matière mais nécessaire pour stopper son flot de paroles. En effet, un silence me parvint en réaction, avant qu’elle ne lâche un « quoi ? » affolé.

                — Rien de grave, je te rassure. Si ça ne te dérange pas de venir me chercher. Les médecins préfèrent que je sorte accompagner pour plus de sécurité. Je te raconterai tout dès que tu seras là, promis.

                — Je termine mon service et j’arrive ma belle.

                — Je t’attends.

 

                Quand ma colocataire débarqua dans la pièce, mon cœur se serra à la vue de son expression tourmentée. Elle tiqua à la découverte des hématomes sur mon visage mais se garda bien d’émettre le moindre commentaire. A la place, elle vint se poser à mes côtés et m’enlaça avec délicatesse.  Je posai ma tête contre son épaule.  Puis, je lui racontai tout, de ma rencontre avec Trevor à ce concert et mon agression. Elle ne me coupa pas une seule fois. Lorsque j’eus terminé, elle m’offrit un doux sourire.

                — Le chanteur de Dark Hopes, rien que ça. Je suis contente pour toi, Zoey. Tu mérites ce bonheur, alors fonce.  Il a l’air de tenir à toi. Et je suis là, si tu as besoin, tu le sais ?

— Oui. Merci, Alix. Et encore désolée de t’avoir inquiété autant.

—  Allez, prépare-toi que l’on rentre à la maison. Les hôpitaux ne sont pas mes lieux favoris.

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