23. La paléographe

Il était réapparu, et comme promis lui avait apporté tout ce qu'elle désirait, du moins concernant Castelnaud. Pour les archives de la Gentilhommière, il lui faudrait attendre encore, lui avait-il dit. Peu importe, pour le moment elle n'avait d'yeux que pour sa précieuse découverte. Les nouveaux cartons concernaient toute une décennie de baptêmes, mariages et sépultures, BMS dans le jargon, comme le lui avait expliqué le Père Noël. Une décennie et une immensité de documents. Lorsqu'elle avait demandé les registres, elle s'était attendue à un petit livret dans lequel seraient consignées quelques naissances et quelques morts, mais pas à cette montagne de feuillets. 

— Nom d’un chien ! laissa-t-elle échapper devant l'immensité de la tâche, en se laissant aller en arrière contre le dossier de la chaise.

Un juron immédiatement salué par une constellation de chut et de regards outrés. Elle se retint de critiquer leur niveau de concentration relativement précaire, et rapprocha sa chaise de la table de lecture, dans un raclement involontaire. Oups. La haine était partout où son regard se posait, jusqu'à ce que ses prunelles tombent sur le sourire amusé de sa voisine de droite, celle qui lui avait conseillé de remonter ses cheveux.

— Première fois ? lui demanda-t-elle dans un chuchotis.

— Aussi inexpérimentée qu'une dévote durant sa nuit de noces, grimaça Astrée en veillant bien à parler bas. Je désespère.

Un regard en direction de la pile de cartons et un soupir de désolation achevèrent de convaincre la gentille madame.

— On commence par quoi ? la surprit-elle en faisant glisser son siège jusqu'au sien.

—  Vous voulez m'aider ?

— Quelle est l'autre option ?

— Abandonner et éventuellement me pendre.

— Alors oui, je vais vous aider, répondit-elle dans un léger rire. Que cherche-t-on au juste ?

Avec son brushing savamment négligé et son rang de perles en chute libre dans l'échancrure de son chemisier stricte légèrement entrouvert, cette femme était un contraste ambulant. Le snobisme décontracté surmonté d'un sourire quasi-permanent.

— L'hypothétique mort d'une hypothétique aïeule à une date hypothétiquement inconnue, dans un hypothétique Castelnaud.

— D'accord, quelles sont nos certitudes ?

— Hélix de Beynac, dite Aelís vraisemblablement, fille de Pons de Beynac et Hélix. Tenez...

Astrée fit glisser l'arbre généalogique jusqu'à elle, puis scruta avec espoir les traits de la quinquagénaire pendant sa lecture. Elle voulait y déceler une lueur de compréhension, mais cette dernière restait parfaitement inexpressive et concentrée.

— Pour bien faire il faudrait éplucher toute la décennie, mais puisque j'ai cru comprendre que ce n'était pas une option, on va tâcher de définir une hypothétique date, donc... Vous connaissez les conditions de sa mort ? 

— Une flèche en plein cœur.

La petite blonde haussa un sourcil et lui offrit un regard en coin.

— Enfin, c'est peut-être une simple légende familiale, continua-t-elle, préférant un pieu mensonge à une vérité si étrange. Je sais qu'elle est morte jeune... Mon âge, peut-être ?

Simple théorie, encore une fois, puisque si Aelís prenait les traits d'Astrée durant la nuit, elle pouvait très bien lui emprunter son âge en plus de son apparence, et alors qui pourrait dire à quoi elle ressemblait vraiment et quel âge avait-elle ? À moins que...

— Il y a, il me semble, une statue la représentant dans notre cour.

— Il vous semble ?

— La plaque dit « Hélix de Beynac », mais je n’ai jamais vraiment cru à son existence.

Devant l’air interrogatif de la blonde, Astrée précisa :

— Il s’agirait d’une de mes ancêtres qui, dit-on, serait tombée amoureuse d’un homme qui n’était pas de sa condition. La bâtisse aurait été élevée pour abriter leurs amours clandestines. J’ai toujours cru à une histoire inventée de toute pièce. Ça sonne bien trop romanesque, mais… Son nom était Hélix. 

— Chaque légende détient sa part de vérité. Quel âge avait-elle, alors ? 

— Hélix ou la statue ? Hélix devait être jeune puisque sa mort est survenue alors qu'elle s'apprêtait à être mariée de force. Quant à la statue, j’imagine qu’elle doit être postérieure donc pas nécessairement très fidèle à l’originale. On dit qu’elle me ressemble un peu…

— Un peu ? gloussa la joviale blonde. Si vous évoquez la statue de bronze de la Gentilhommière de Beynac, elle est votre copie conforme. 

— Vous… vous savez qui je suis et où j’habite ? bégaya une Astrée pour le moins interdite.

— J’ai votre arbre généalogique sous les yeux et votre famille a donné son nom à un village très touristique. Je n’ai aucun mérite. 

Astrée se sentie bête de s’être imaginée totalement anonyme après avoir, elle-même, offert toutes ces informations à son interlocutrice. Elle n’était pas à Paris. Elle n’était pas personne, ici. Du moins ne l’était-elle pas encore tout à fait. 

— Très bien, donc… reprit la blonde. 

Tirant son bloc à elle, la femme fit cliqueter son bic avant d'entamer ses gribouillages. Différents prénoms, une date, la seule que l'on connaissait, puis des additions, des soustractions, des points d'interrogation. Deux minutes plus tard, après une dernière vérification, elle trancha.

— Je dirais... Autour de 1390. Peut être un peu avant, 1388 ou 1389, mais pas après 1392 en tout cas, c'est pile la fin de la trêve entre Plantagenêts et Capétiens, Castelnaud avait prêté allégeance au roi anglais, Beynac n'aurait jamais donné sa fille en mariage de ce côté-ci de la Dordogne. Non, c'est forcément avant 92.

— Ça réduit considérablement les recherches, nota Astrée en cherchant les cartons correspondants à ces quatre années. Ça fait deux cartons.

— Moins que ça. Dans les BMS vous avez les fonds paroissiaux et les fonds seigneuriaux. Si Aelís est bien morte à Castelnaud, elle sera consignée dans les fonds seigneuriaux.

Elle joignit le geste à la parole, et s'empara du carton contenant les deux premières années. Après ouverture, la blonde entreprit de séparer les feuillets en deux tas tout à fait inégaux. D'un côté les registres paroissiaux, immense pile fragile et imposante, et de l'autre ceux de la chapelle composés de quelques feuilles de vélin à peine. Avec une infinie précaution, conférant à la vénération, elle déposa la dernière pile devant Astrée, puis s'empara du deuxième carton pour reproduire le même exercice. Dans le sien, les archives semblaient mieux conservées, et le registre de la chapelle avait encore sa reliure de cuir, ce qui en facilitait grandement la manipulation.

— Bien que cela soit moins poétique, les avoir sur microfilms nous aurait bien rendu service.

Armée de ses propres gants -pas ceux fournis par le bâtiment, vu la qualité, mais les siens propres-, elle lui offrait ses réflexions à voix haute sans cesser de caresser la rugosité fragile du papier.

— Seigneur, comme j'aime cette odeur.

Astrée, quant à elle, n'aurait su dire si elle aimait ou non tant ces effluves témoignaient de la fragilité qui résidait entre ses mains malhabiles. Elle avait peur de mal faire, d'abîmer, d'endommager quelque chose qui devait, très probablement, avoir une valeur inestimable. Alors, elle se contenta de laisser les différents feuillets sur la table de lecture, et les mains sagement posées sur ses cuisses, elle se penchait en avant pour s'informer du contenu. Un contenu qui la laissa perplexe dans un premier temps, avant de lui tirer une grimace d'incompréhension.

— Mais... C'est quelle langue, ça ? demanda-t-elle en penchant la tête dans un sens, puis dans l'autre, des fois que la lecture lui semble plus claire ainsi. C'est quel alphabet surtout ?!

Tirée de sa lecture, sa bienfaitrice l'observa sans comprendre, avant de reporter son attention sur le feuillet qu'elle tentait en vain de déchiffrer.

— C'est de l'ancien français, avec l'alphabet approximatif qui va avec... J'oubliais qu'il s'agissait de votre première fois. Si vous vous attendiez à plus de simplicité, sachez que chaque texte, chaque document est comme une énigme qui ne dévoile pas si facilement son trésor. Il faut savoir le décrypter d'abord. Essayez, vous verrez ! Votre œil finira par s'y faire et cela deviendra vite un automatisme.

Devant la mine peu convaincue de la jeune femme, un léger rire s'échappa à nouveau de cette bouche rouge carmin. La chaise glissa un peu plus en direction de son homologue, et les doigts gantés se faufilèrent jusqu'à la page supposée indéchiffrable.

— « En l'an de grâce mil trois cent et quatre vingt et onz, le IIIème jour de may, devant le sieur Nompar seigneur de Castelnau, Dame Magne de Castelnau son espousée, Olimp Le Varingar fu fait venir des prisons dudit castel »... La lettre « s » n'existant pas, les « f » peuvent être tout à la fois. Donc, je reprends... « il avoit confessé avoir jetté poisons en plusieurs puis… »

Elle avait lu et décrypté tout le texte sans aucune hésitation, avec une facilité déconcertante qui mena Astrée aux portes de l'idolâtrie. Bien que l'orthographe, comme elle l'avait précisé au préalable, laisse à désirer et que certains mots lui soient, parfois, totalement inconnus, elle avait saisi l'essentiel du texte, et comprenait que ce Olimp Le Varingar était plutôt mal parti vu la gravité des faits qui lui étaient reprochés.

— Vous avez compris le principe ? demanda la petite blonde.

— Est-ce qu'il meurt à la fin ? fut simplement capable de lui quémander l'autre.

Un sourire amusé, et plusieurs feuillets de vélin retournés, plus tard, le doigt ganté s'immobilisa au début d'un autre passage.

— A vous de me le dire.

Une invitation sous forme d'exercice qui ne trompait pas Astrée. Et pourtant, refusant de passer pour une incapable, elle s'attela à la tâche comme un enfant qui apprenait à lire.

— « Monseigneur de Caumont demandé audiz conseillers presens leur advis et oppinions. Icellui monseigneur De Caumon condemna ledit Olimp Le Varingar à estre décapitez comme traîtres. »

Sourcils froncés de concentration, ses lunettes glissaient le long de son arête nasale. Astrée reprit une profonde respiration, comme après un sprint intense, un effort purement physique au lieu d'intellectuel. La petite dame avait raison, à force de lecture elle avait prit le pli. Évidemment, c'était beaucoup moins fluide et même passablement indigeste, mais elle était parvenue à décrypter et à comprendre le texte dans sa grande majorité. Elle allait pouvoir s'en sortir seule pour le survol du reste. Si Aelís se trouvait quelque part là-dedans, elle la trouverait.

— Merci, finit-elle par murmurer pudiquement à l'adresse de sa charitable sauveuse. 

Satisfaite, cette dernière retourna à sa tâche propre, entamant la lecture de l'année 1390. Il ne lui fallu qu'une quinzaine de minutes pour en venir à bout, alors qu'Astrée n'en était même pas à la moitié de sa documentation. 1388 et 1389 n'ayant rien donné, la jeune femme sentit le doute supplanter l'euphorie de l'espoir. Et si elle se trompait ? Et si Aelís n'avait jamais mis les pieds à Castelnaud ? Et s'il s'agissait d'une toute autre période ? Tout ceci n'était sûrement qu'une coïncidence à laquelle elle voulait à tout prix trouver un sens. Est-ce que ça en aurait un si elle trouvait une Aelís décédée dans les conditions dont elle avait rêvé ? 

Au moins aurait-elle la mince conviction qu'elle n'était pas folle. Sauf que si elle ne mettait pas la main sur une preuve de l'existence de cette Aelís, alors elle n'aurait rien de tout cela. Juste la confirmation de ce qu'elle s'imaginait depuis des années. Elle sombrait dans une folie, dont les hallucinations nocturnes n'étaient que la première étape. L'enthousiasme déserteur, elle laissa la dame, dont elle n'avait même pas songé à demander le prénom, scinder la dernière petite pile en deux, et s'emparer d'une partie pour elle-même. Astrée la laissa poursuivre ses recherches tandis que les siennes se faisaient plus lentes, plus dilettantes. Sa concentration avait pris la fuite également, et elle se retrouva à relire plusieurs fois le même inintéressant passage, lorsque, soudain...

— Je l'ai !

L'exclamation à voix basse la tira de sa désespérante torpeur, et ce fut un regard en biais qu'elle jeta à la quinquagénaire. Qu’avait-elle au juste ?

— Helix de Beynac, c'est bien ça ? s'informa-t-elle en faisant glisser la page concernée entre elles deux. Et vous aviez raison, elle est bien décédée à quelques jours de son mariage. Elle avait été promise à Guillaume Raymond le deuxième, fils de Nompar de Caumont et de Magne de Castelnaud. C'est tellement évident que j'aurais dû y songer plus tôt.

— À quoi ?

— Les seigneurs de Caumont ne deviennent propriétaires de Castelnaud qu'avec Nompar, ce dernier épouse Magne de Castelnaud, unique descendante de la lignée. Nompar est donc le premier Caumont seigneur de Castelnaud. Pourtant, l'Histoire retiendra son fils à ce titre, pour la bonne et simple raison que Nompar était un étranger peu soutenu par son propre peuple. En mariant son fils à une Beynac, seigneurie très puissante de la région, il asseoit son autorité et sa légitimité. C'est totalement logique. C'était même une excellente stratégie, si la petite ne s'était pas tuée avant la noce. 

— Elle existe vraiment, alors, souffla Astrée pour elle-même, totalement déconcertée par cette nouvelle, avant que la dernière information donnée n'atteigne son cerveau. Attendez, quoi ? Comment ça elle s'est tuée ? Elle a été tuée, vous vouliez dire ?

— Je ne fais que vous transmettre tel quel ce qui est inscrit ici. Elle se serait tuée en tombant des remparts durant une promenade nocturne.

— C'est faux ! s'insurgea-t-elle sans se laisser atteindre par une nouvelle avalanche d'indignation sonore dans la salle. Elle n'avait pas le droit de sortir de sa chambre, comment aurait-elle pu simplement aller tranquillement faire une petite balade ?

— Calmez-vous, la tempéra la blonde en posant une paume qui se voulait apaisante sur son bras. Je ne fais que vous fournir la version officielle, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle corresponde à la vérité. D’ailleurs lorsqu'on s'intéresse de près à cet acte en particulier, on constate que, fait très étrange, si le décès d'Helix a bien été consigné dans le registre seigneurial, elle n'a, en revanche, pas été enterrée dans la chapelle privée, comme il était d'usage. Elle n'a pas eu de cérémonie publique, n'a même pas reçu les hommages. Sa dépouille a été confiée à la paroisse et ensevelie à la hâte le 21 avril 1391, au lendemain de sa mort.

— Et qu'est-ce que ça signifie ?

— Deux options probables. Soit elle a déshonoré Guillaume Raymond. Soit les causes de sa mort n'étaient pas celles évoquées, et il fallait absolument éviter qu'on voit le corps.

— Se pourrait-il que ce soient les deux ? 

Sa lèvre inférieure coincée entre ses dents, Astrée tentait de démêler ce brouillon historique. Aelis aurait-elle pu déshonorer son futur époux et, en voulant fuir une mort probable, être victime, ironie du sort, d'un accident mortel qu'on aurait souhaité camoufler ?

— Est-ce qu'il existe un moyen de connaître la vérité ? reprit-elle, enfin.

— J'ai bien peur que non. L’Histoire n’est qu’interprétation de documents, et vous avez sous les yeux le seul relatant la mort de votre aïeule. A moins que quelques érudits témoins aient pris soin de la conter de manière clandestine, mais nous en aurions connaissance, depuis le temps. Dans une cité médiévale telle que Castelnaud, la plupart était des paysans ne sachant ni lire, ni écrire. Je suis désolée, jeune fille, mais je doute que la vérité ait pu nous être transmise. Du moins, pas à l'écrit.

Cette dernière affirmation fit relever le nez à la jeune brunette.

— Comment ça ?

— Il reste la tradition orale. N'est-ce pas ainsi que vous avez su pour la flèche dans le cœur ?

— Ah... Oui, baragouina Astrée précipitamment. Un récit familial qui s'apparente plus à une légende qu'à un fait historique. J'aurais eu besoin qu'on me le confirme de manière officielle. 

— Vous devriez vous rendre à Castelnaud. La guide qui s'occupe des visites est formidable, elle connaît toutes les anecdotes et secrets d'alcôves. Si quelqu'un peut vous aider, c'est bien elle.

Un regain d'espoir s'empara d'Astrée, qui en éprouva même le besoin de sourire de soulagement. Elle n'aurait pu l'expliquer à sa sauveuse, mais comprendre cette histoire lui était vital. Elle avait encore rêvé, cette nuit. Son avant-bras comprimé contre sa poitrine, elle avait rêvé de lui. Et d'Aelís aussi. Encore en vie. À présent, elle savait que si Aelís avait déshonoré Guillaume Raymond, ce fut entre ses bras à lui. Juste une danse, une simple danse comme Jeanne l'avait prédit. Et puis le reste, bien plus charnel. Elle avait ressenti chaque émotion, chaque espoir, chaque interrogation de son ancêtre. Tout comme elle avait ressenti dans sa chair chaque picotement électrique né de sa peau contre la sienne. Elle aurait voulu se convaincre qu'il ne s'agissait que d'un rêve, de la transposition de sa propre situation dans une époque fantasmée. Mais puisque Aelís avait réellement existé, puisqu'elle avait vécu et trépassé dans des conditions si similaires à ses songes, alors serait-il possible qu'elle ait vécu et enduré les mêmes étranges phénomènes qu'Astrée subissait dans le présent ? Et si oui, qui était réellement Syssoï ? Comment pouvait-il être et avoir été ? Comment expliquer qu'il existe encore sept siècles plus tard, et qu'il fasse toujours le même effet sur les aînées de Beynac ?

— Tu ne m'aurais pas un peu oublié ?

Si la plainte s’adressait bien à Astrée, elle n'émanait pas de la quinquagénaire. La voix grave et masculine prenait place dans son dos. Elle n'eut pas besoin de se retourner pour savoir qu'il s'agissait de Pierre qu'elle avait, effectivement, complètement oublié. Un coup d'œil à sa vieille montre l'informa qu'elle avait plus d'une heure de retard sur l'horaire prévu. Sourire charmeur aux lèvres, ce dernier ne semblait pas vraiment traumatisé alors qu'il tendait une main pour se présenter à sa bienfaitrice.

— Pierre, chauffeur et homme à tout faire totalement négligeable de Miss Astrée. Enchanté.

— Lauretta, paléographe et généalogiste, annonça-t-elle armée de son éternel sourire amusé. Et je suppose que Miss Astrée, c'est vous.

Elle obliqua son regard bienveillant et interrogateur en direction d’Astrée. Une confirmation que cette dernière lui fournit d'un simple hochement de tête penaud. Elle avait tout accepté de cette femme, son aide, son temps, son savoir, mais n'avait même pas pensé à lui demander son prénom. Ou bien lui fournir le sien.

— On va pouvoir rentrer, maintenant ? l'interrompit son chauffeur après avoir tiré une chaise à lui pour se placer entre les deux femmes.

Elle s'apprêtait à lui répondre par l'affirmative lorsqu'un autre grand oublié de l'histoire fit son entrée les bras chargés d'un nouveau carton. Et zut, elle avait complètement occulté les archives de la Gentilhommière !


 

*


Avec l'aide de Lauretta, éplucher le dernier carton leur avait pris une bonne heure supplémentaire, après quoi, quelques clichés et impressions plus un échange de numéros de téléphone plus tard, l'étrange duo avait pris congé de la généalogiste. Astrée voulait rentrer directement, mais Pierre avait insisté pour manger un morceau d'abord. Ils n'avaient déjeuné ni l'un, ni l'autre, et malgré le petit-déjeuner copieux de Jeanne, la faim commençait à leur tenailler les entrailles. La jeune femme se serait bien contentée d'un fast-food ou autre alimentation à la sauvette, mais monsieur voulait s'asseoir, monsieur voulait prendre son temps et profiter du lieu pour s'initier aux spécialités locales. 

Dépendante de son chauffeur, Astrée dû se soumettre, et accepter une petite visite du quartier Renaissance jusqu'à l'heure du dîner et l'ouverture des restaurants. Tout comme elle dû se faire à l'idée que tout individu, en les croisant, voyait un charmant couple et se faisait un devoir d'entreprendre la conversation. Une conversation que Pierre se faisait un malin plaisir d'alimenter lorsqu'elle avait le malheur de vouloir chercher à rétablir la vérité. Le dîner en tête à tête n'arrangea pas vraiment la fausse image qu'ils renvoyaient. Elle était pressée de rentrer, mais puisque Pierre l’invitait, il se sentit autorisé à faire durer le plaisir et la séquestrer plus que nécessaire. Si bien qu'il faisait nuit noire lorsqu'ils réintégrèrent l'habitacle de la voiture et qu'ils laissèrent derrière eux les lumières de Périgueux.

 

*

 

— Et ça, c'était la version courte.

Elle l'avait observé durant tout son récit, l'avait détaillé même, puisque son regard semblait bien incapable d'aller au-delà de la stricte périphérie de son être. Elle l'avait vu traverser une à une les diverses étapes le menant de la contraction la plus totale à une forme de détente. Il avait d'abord été rigide sur son fauteuil hors d'âge, le dos bien droit, ses grandes mains jointes entre ses cuisses ou bien contractées sur ses genoux. Mâchoires serrées et front plissé, ses doigts allaient et venaient martyriser un menton mal rasé. Puis, après une lutte intérieure qui sembla acharnée, il s'était un peu affaissé dans le fauteuil, ses jambes s'étendant légèrement dans le mouvement. Et finalement, maintenant qu'elle avait tapé dans ses mains dans un « Voilà ! » enjoué et mettait fin au récit de ses exploits, Astrée nota qu'il avait rapproché encore plus son assise du lit en face de lui, et ses jambes s'étendaient à l'horizontal sur l'édredon vieillot qui recouvrait le matelas. C'était comme observer une bête sauvage se laisser apprivoiser, et combattre une à une les années de conditionnement pour se laisser aller à plus de simplicité.

— Dans la version longue, tu aurais eu droit au détail du repas choisi par mes soins. Et puisque j'ai mis un point d'honneur à commander tout ce qu'il y avait de plus cher sur la carte, crois-moi, ça aurait rajouté plusieurs chapitres à l'histoire.

Une ébauche de sourire, c'est ce qu'elle entrevit sur ses lèvres avant qu'il ne baisse la tête et ne se dérobe à son regard. Est-ce qu'il souriait de sa manière de présenter les choses ? Ou bien prenait-il plaisir de l'enfer qu'elle pouvait faire vivre à Pierre ? Qu'importe, puisque lorsqu'il releva le menton, et que son regard croisa le sien, elle perdit instantanément le fil de ses pensées.

— Donne-moi ton portable.

Un ordre. Encore. Mais tellement moins sec, tellement moins oppressant, comme si avec le temps il avait gagné en douceur sans pour autant se délester totalement de son autoritarisme d'origine. Sa main tendue désignait le téléphone abandonné sur le matelas au milieu du bordel de documents. Astrée ne chercha pas à connaître le pourquoi du comment, elle avait appris à économiser ses questions, et étira le bras pour lui offrir son bien. Elle poussa même la docilité jusqu'à lui fournir des informations sans qu'il n'ait à faire l'effort de les quémander.

— Dix-huit, onze.

C'était ce dont il avait besoin, n’est-ce pas ? Devant son air surpris, elle douta un instant, s'apprêtait à lui expliquer qu'il s'agissait du code personnel pour accéder aux différentes fonctionnalités, mais se ravisa en le voyant entrouvrir les lèvres.

— Dix-huit, onze pour dix-huit novembre ? 

— Oui, c'est ma date de naissance, et oui je sais, c'est idiot, n'importe quel crétin pourrait facilement craquer mon code, mais...

— Quel âge as-tu ? la coupa-t-il sans ménagement.

— Vingt-quatre ans... Pourquoi ? l'interrogea-t-elle à son tour, sourcils froncés et nez retroussé. 

— Pour rien, souffla-t-il dans sa barbe tandis qu’il s'appliquait à taper le fameux code. 

— Tu sais que ça commence à être sérieusement gonflant ton culte du secret ? Tu ne veux pas essayer autre chose que les réponses évasives ? Je ne sais pas, genre, des réponses pas évasives du tout, par exemple ?

— Non, pas pour l'instant, répondit-il calmement, sans lever le nez de l'écran du portable.

— Est-ce qu'au moins je peux savoir ce que tu fabriques, là ?

Exaspérée, elle avait, toutefois, appris par expérience qu'il ne servait à rien de s’acharner. Aussi se  contentait-elle de l'observer faire sans rien dire, pianoter sur son propre téléphone, et finir par relever le nez lorsqu'il eut terminé.

— Oui. J'entrais mon numéro de portable afin que tu puisses me joindre directement la prochaine fois que tu auras besoin d'un taxi, annonça-t-il toujours aussi calmement en lui rendant son bien.

— Oh...

Elle fut incapable de lui offrir autre chose. C'était si... inattendu. Et prévenant. Autant dire assez improbable de la part du danseur. Du pouce, elle chercha la nouvelle entrée, nota qu'il s'était sobrement contenté de son simple prénom, puis pianota à son tour, un sourire naissant aux lèvres. C'était au tour du russe de l'observer sans comprendre. Il ramena ses pieds au sol et retrouva de sa droiture à mesure qu'elle tapait sans plus se préoccuper de lui. Et finalement, lorsqu'elle releva le nez, l'air visiblement satisfaite, il fut interrompu dans son esquisse d’interrogation par une vibration en provenance de sa poche. Pas très perspicace, pour une fois, il ne sembla comprendre qu'après lecture du texto qu'il venait de recevoir. 

« inconnu : On va à Castelnaud, demain ? »

Il releva ses prunelles d'acier jusqu'à elle, les y planta, et passa une main dans sa nuque, avant de répondre à son tour.

« Syssoï : Oui. »

Ni plus, ni moins. Elle n'obtiendrait rien d'autre. Ce qui ne l'empêcha pas d'afficher un sourire de bécasse tandis qu’elle consultait l'ébauche de conversation. La journée avait été bien trop étrange pour qu'elle ne prenne la peine de se réjouir des petites victoires. A la lumière de ce qu'ils étaient il y a une semaine, leur actuelle relation était la Mélodie du Bonheur. Son sourire vacilla lorsqu'elle entendit les pieds du fauteuil racler contre le parquet tandis qu'il se levait. Un sourire qu'elle perdit totalement lorsqu’elle l'observa remettre le meuble à sa place initiale, effacer tout indice de sa présence ici et préparer son départ. Alors elle prit conscience qu'elle avait bêtement espéré qu'il resterait. Pire encore, elle s’était tout simplement attendu à ce qu'il reste, comme s’il existait une forme de normalité à ce que ce presque inconnu demeure avec elle dans cette chambre.  

— La voiture est toujours sur le parking à la sortie du village, disait-il sans qu'elle ne prête réellement attention aux mots qui dévalaient ses lèvres. Je t'y attendrais pour neuf heures, ne sois pas en retard.

Il n'avait même pas donné son avis sur ses trouvailles, ils n'avaient pas exposé la moindre théorie, ni ressenti vis-à-vis de l'existence d'Aelís, du fait qu'elle en ait rêvé, du fait qu'il ait pu la tuer. Il n'avait fait qu'écouter, simplement écouter. Et sa curiosité satisfaite, ses ordres distribués, il s'en allait, gagnait la porte d'un pas lent, hésitant, mais toujours de trop aux yeux d'Astrée l'indécise. D'ailleurs, elle ne le regardait pas. Elle devait feindre l’indifférence. Aussi détourna-t-elle le regard et entreprit de triturer un fil évadé de la manche de son pull trop grand. Elle était tellement dans son rôle qu'elle ne le remarqua pas lorsqu'il rebroussa chemin, et dû réprimer un sursaut de surprise lorsqu'il fut devant elle.

— Bonne nuit, dit-il précipitamment, comme pour s'en débarrasser.

Puis, avant qu'elle n'ait le temps de comprendre ou répondre, il se pencha jusqu'à elle, plia son corps en deux pour atteindre la petite chose en tailleur sur le matelas, et avec cette même précipitation teintée de maladresse, déposa ses lèvres contre son grand front. C'était quoi, ça ? Un baiser si furtif qu'elle aurait pu l'imaginer si les résidus de picotements électriques ne le rendait pas si réel. Elle n'eut pas le temps de réaliser ce qui arrivait qu'il s'était déjà redressé et quittait la pièce avec tellement plus de détermination cette fois. Ça avait quelque chose de si étrange, de si... fraternel ? Elle n'était plus du tout faussement indifférente à présent, elle était totalement perplexe, purement frustrée.

— Syssoï ! l'appela-t-elle avant qu'il n'atteigne la porte.

Il se contenta de tourner la tête vers elle, interrogatif, et elle ne sut que dire. Elle n’avait songé qu’à interrompre sa progression, sans jamais réfléchir à la suite. « Reste » semblait être la suite évidente. Mais rien ne vint. 

— Bonne nuit, dit-elle à la place après une éternité. 

Idiote ! Évidemment qu'il se satisfit d'un hochement de tête avant de reprendre sa marche rapide jusqu'au seuil de la porte. Évidemment que le cœur d’Astrée se mit à se révolter contre son sein, pris d'une panique aussi soudaine qu'inexplicable. Et, évidemment que ce sentiment d'urgence ne fit que la rendre plus idiote encore.

— Syssoï !

Reste, bon sang !

— Je me disais que… commença-t-elle, incertaine. 

Je me demandais si tu tenais tant que ça à rejoindre ta chambre, et si éventuellement tu ne préférerais pas, pour une raison ou une autre, rester ici.

— ... que... C'est quoi la tienne de date de naissance ?

Pourquoi n'était-elle pas capable d'exprimer le fond de sa pensée plutôt que de l'interrompre et le retenir avec des questions stupides ? Surtout qu'il n'allait pas lui répondre. Il ne lui répondait jamais. Pour preuve, sans un mot, il passa le seuil de la porte, comme si cette requête n'avait jamais existé. Fondamentalement, elle se moquait de connaître sa date de naissance, ce fut juste la première question qui avait émergé de la brume flottante entre ses deux oreilles. Il y avait tellement plus intéressant à savoir, tellement plus urgent aussi. 

Pourtant, lorsque la voix masculine, contre toute attente, résonna, elle releva les yeux pour s'assurer qu'elle n'avait pas rêvé, qu'elle n'avait pas imaginé cette réponse comme beaucoup d'autres choses. Mais non, il était bien là, résolument présent, dos à elle, un pied dans la chambre, l'autre dans le couloir, ses grands doigts sur le chambranle de la porte.

— Dix-huit novembre, avait-il dit dans un murmure. Même jour, même mois et même année que toi.

Et puis, il avait disparu.


 

*

 

— Elle sait pour Aelís.

La voix, à peine plus forte qu'un soupir, s'évertuait à n'être entendue que d'un seul et unique interlocuteur. Porte et fenêtre verrouillées, le corps tassé dans un recoin de la petite pièce, l'heure était à la plus grande discrétion.

— Laquelle est-ce ? répondit l'autre voix, rendue métallique en traversant le combiné.

— Aelís de Beynac, XIVème siècle me semble-t-il. Celle que j'ai tué d'une flèche.

— Je vois. Sommes-nous compromis ?

La silhouette redressa le nez et tendit l'oreille, et vérifia une énième fois l'absence de bruit suspect qui aurait pu trahir une autre présence que la sienne. Il y avait trop de risques à téléphoner d'ici, à avoir cette conversation là. Pourtant il ne s'agissait nullement de négligence, simplement d'urgence.

— Non, répondit finalement la voix basse et grave. Pour l'instant elle se contente de se poser des questions. Elle reste une rationnelle qui s'obstine à négliger l'évidence.

— Et jusqu'à présent, ce défaut a toujours fait notre réussite.

— Jusqu'à présent, oui. Mais le fait que ce soit une de Beynac m'inquiète, je vous l'avoue. Elle est trop proche, et le temps ne joue pas en notre faveur.

Si la voix prétendait être inquiète, son timbre n'en laissait rien paraître. Détermination, sérieux, et contrôle, c'est absolument tout ce qui s'échappait de cet être dont le grand corps, plié en deux, semblait irréel et disproportionné dans cette toute petite chambre.

— Pour l'instant, continue sur ta lancée, continue de prétendre vouloir l'aider dans ses recherches et reste proche, très proche d'elle. Ainsi tu sauras lorsqu'il sera temps d'intervenir.

— Bien Monsieur, furent ses derniers mots, succincts, avant de raccrocher.

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Morgane64
Posté le 23/06/2021
Bonsoir ! Je reprends ma lecture après une interruption indécente et impardonnable. Je le regrette d'autant plus que j'ai beaucoup aimé ce chapitre. Un peu de mystère se dévoile, un peu se rajoute, c'est parfait !
J'aime beaucoup le personnage de Lauretta. Peut-être rajouter que pour la remercier Astrée lui propose qu'elles se revoient autour d'un café, ou marquer le coup, je trouve qu'elle disparaît un peu sèchement. Mais cela n'a pas gâché ma lecture !
Bon, je n'ai pas pu m'en empêcher :
Chemisier stricte/avait prit/
OphelieDlc
Posté le 25/06/2021
Encore et toujours ces coquilles. Je me suis fait une raison, tu sais ?
Merci de ta lecture (et entièrement d'accord concernant Lauretta - Cela dit, elle ne disparait pas totalement par la suite... Mystère, mystère... )
Notsil
Posté le 14/02/2021
Coucou !

Oh purée ce final ! Mince je ne sais même pas si c'est Pierre ou Syssoï ou à qui ils font référence.... il me semble qu'on avait déjà eu Syssoï dans ce genre de discussion, et comme en plus il est censé être celui qui l'a tuée... mais à quoi il joue, et qu'est-ce qu'il se trame dans les hautes sphères ?? ^^

Bref, on a la suite des archives, une partie que j'ai trouvée fort intéressante. Les passages en ancien français sont suffisamment courts pour ne pas être trop difficiles à lire. La dame qui l'aide (Lauretta donc) est vraiment sympathique, après fait-elle partie des gens qui l'aiguillent en douceur à comprendre ?

Je me demande si le frérot disparu pourrait être la personne au bout du fil, tiens.

"Si vous évoquez la statue de bronze de la Gentilhommière de Beynac, elle est votre copie conforme. " -> j'ai l'impression que c'est un rappel de la transformation de la statue qu'on a vue lors d'un chapitre précédent, non ?

"Comment expliquer qu'il existe encore sept siècles plus tard, et qu'il fasse toujours le même effet sur les aînées de Beynac ?" -> héhéhé. Y'a un truc à creuser, ouaip !

"Elle s'apprêtait à lui répondre par l'affirmative lorsqu'un autre grand oublié de l'histoire fit son entrée les bras chargés d'un nouveau carton. Et zut, elle avait complètement occulté les archives de la Gentilhommière !" -> j'ai beaucoup aimé cette conclusion de partie ;)

"Dépendante de son chauffeur, Astrée dû se soumettre, // Tout comme elle dû se faire // et dû réprimer un sursaut" -> j'ai l'impression d'un petit souci avec les "dû", pour moi le "dû" c'est un participe passé, ça serait plutôt dut (ou dût, j'ai toujours un doute sur l'accent ^^). Je te laisse voir ça ^^

"— Dix-huit novembre, avait-il dit dans un murmure. Même jour, même mois et même année que toi." -> ça je ne m'y attendais pas ! Y'a donc un truc qui les lie. Va-t-on apprendre qu'ils sont de la même heure, aussi ? Ça serait pour ça qu'ils seraient "liés" à travers les âges ?

J'ai beaucoup aimé leurs interactions, Astrée et sa petite voix intérieure, ses envies par rapport à la réalité...

Mais avec la fin, je me demande si Syssoï joue un rôle, si c'est vraiment lui qui a tuée l'autre Astrée (ou si c'était son amour du moment ou si c'était une erreur - ou les 2, tiens - faudrait que je relise le passage ^^), s'il devait jouer un rôle mais se laisse prendre au piège, si c'est bien Syssoï et pas Pierre...

Bref je me pose beaucoup trop de questions :) Vivement le week-end prochain ^^
OphelieDlc
Posté le 19/02/2021
Haha, j'adore tes théories et tes interrogations, elles me rassurent beaucoup. Certaines sont très justes, d'autres erronées juste ce qu'il faut, et parfois tu me donnes même des idées nouvelles que je n'avais absolument pas envisagé.

Concernant la statue, oui c'est bien celle évoquée dans l'un des premiers chapitres (je ne sais plus exactement lequel) et dont la plaque change de prénom sans qu'Astrée ne le remarque.

Et oui, j'ai un gros problème avec le participe passé. Pourtant, ce n'est pas faute de me relire de très nombreuses fois avant de poster. Je vais corriger tout ça ! Merci !

Quant à ta dernière interrogation, et les théories qui en découlent, tu vas avoir la réponse tout bientôt. 2 chapitres max, il me semble.

Merci, merci et encore merci pour tes retours ! :))
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