23. Le visage des Troyaumes

Par Jowie

Sebasha contourna l’immense table et y abattit le plat de sa main. Muette et encore troublée, l'elfe comprit l'invitation implicite et fit deux pas en avant.

Une fresque occupait la vaste surface lisse. Quatre grandes taches de couleur de diverses tailles et formes – une chaussette, un carré, un « i » et un oiseau – se mordaient et se chamaillaient pour ronger la place de ses rivales. Autour des taches régnait la mer azur sur laquelle étaient esquissés des poissons et d'innocentes vaguelettes, ainsi que des pieuvres, des vouivres et des épaves.

— C'est une carte, réalisa Eleonara, qui en avait étudié une semblable à l'abbaye du Don'hill. Une carte des Troyaumes.

La chaussette du Mikilldys couronnant le carré de l'Einhendrie et le famélique « i » de Hêtrefoux, eux-mêmes soutenus par la péninsule opyrienne à forme d'oiseau.

L'elfe caressa les bordures de cette mappemonde magnifiquement détaillée. Le nom des fleuves, des rivières, des forêts y figuraient, ainsi que ceux des villes, marquées par l'icône d'un château minimaliste. Les routes étaient tracées en bordeaux ; les forêts, d'un vert pâle. Des yeux, Eleonara chercha le chemin passant par Garlickham, mais ne localisa pas le village. Par contre, elle vit qu'un drapeau gris marquait l'emplacement du Don'hill et que des étendards citrouille parsemaient Hêtrefoux pour symboliser les bases sylvaines. Douze étoiles blanches se répartissaient au centre et au sud du Mikilldys. L'une d'entre elles avait été biffée. Ces étoiles devaient représenter les bailliages. Un grand nombre de carrières avaient également été dessinées au Nord sous forme de petits cercles, L'elfe se souvint du livre sur l'histoire des Troyaumes qu'elle avait consulté avec Sœur Melvine. Ces mines de fer avaient été taries par l'Einhendrie. On aurait mieux fait de les effacer.

Sa vue se brouilla. La Chouette aurait adoré cette carte. Eleonara se demanda ce que sa consœur faisait à l'instant et souhaita qu'elle se portât bien.

À l'instar de Melvine, elle appréciait la mappemonde, mais doutait que le prince opyrien l'eût fait appeler dans le seul but d'admirer l’œuvre de ses géographes.

— Dis-moi, servante de Diutur, fit Sebasha, détectes-tu le problème de cette carte ?

Eleonara aurait voulu guigner sur ses notes de géographie. Hélas, celles-ci étaient restées au monastère du Don'hill.

— Vous parlez du bestiaire aquatique bizarre ?

— Non. Notre continent porte le nom de Troyaumes. Cela est incorrect. Cette appellation n'englobe que trois peuples, alors que nous sommes quatre. Mikilldiens, Einhendriens, Opyriens et elfes. Les elfes ont survécu à l'Extinction et vivent sur ce continent depuis des siècles. Ils ont survécu à leur massacre, au grand incendie de la Forêt Maudite et continuent à se passer la soif de survie et de subsistance, génération après génération. Tu es la preuve vivante de cette rage de vivre, Eleonara. Toi et les billets reçus via qanat. Après cinq cent ans d'ignorance, tes traductions nous permettrons de cerner ton peuple et ceux qui nous mettent en garde contre lui. Une fois que nous connaîtrons la vérité, pas possible de faire marche arrière. Il nous faudra agir. J’espère te compter de notre côté. Accompagne-nous à Hêtrefoux.

Sous les deux paires d'yeux insistants qui la dardaient, l'elfe se décontenança. Ce moment, elle l'avait attendu toute sa vie. Le moment d'élucider la vérité, de tirer sur les fils des premiers indices, des indices qui ne pouvaient conduire qu'à la terre des siens.

— Combien de messages y a-t-il encore à traduire ?

Dans un sourire carnassier, Sebasha dévoila ses incisives et ses canines.

 

Il y en avait trois de plus ; cinq au total. Messages et matériel à écrire en main, Eleonara s'installa sur la mappemonde. Son souffle s'était fait plus bref, des étincelles lui piquaient la pulpe des doigts. Elle avait hâte de se plonger dans ces symboles imitant l'opyrien ancien. Sous la supervision intéressée de l'émir et de la Chercheuse de Secrets, elle sortit son vocabulaire mikilldien. Elle tenait entre ses doigts cinq billets, dont les deux qu'elle avait déjà retranscrits. Tous avaient été datés au verso, au-dessus de la fameuse formule-clef Parle trois et tu liras quatre ainsi que de l’espèce de patte de passereau avec deux doigts en trop.

Eleonara les aligna dans l'ordre de réception. Les deux missives initiales correspondaient à celles qu'elle avait déjà interprétées. Elle imbiba son calame d'encre et s'appuya sur ses coudes au-dessus des lettres, toutes rédigées sur le même support grisâtre et veineux.

Une à une, elle les traduisit. Les textes résultants se lisaient comme suit :

 

I. Salutations

Notre sommeil et votre silence ont été de même durée.

Parlons elfes. Quelle sera notre monnaie d'échange ?

Dites vite. Nous sommes fatigués et impatients ; ils ne le sont pas.

 

II. Salutations

Nous réitérons notre avertissement. Attendez-vous à la pire des tempêtes. Nul ne sera sauf.

 

III. Salutations

Que nos messages aient été interceptés ou perdus est une possibilité. Nous réitérons notre avertissement : bientôt, ils partiront et répandront leurs plaies. Votre agonie a commencé.

 

IV. Salutations

Vos plus fervents croyants ont été embrassés. Bientôt, votre mémoire brûlera, vos troupeaux s'endormiront, votre histoire disparaîtra, nulle eau n'étanchera votre soif, vos dernières ressources se dévoreront et la maladie sortira de sa fourmilière.

 

Eleonara avait lu le contenu à haute voix. Sebasha et Bezùkiel avaient fait preuve d'un mutisme de cimetière. Quand elle eut terminé le quatrième passage, elle se tut et l'insonorité devint totale. Elle éloigna sa feuille de parchemin de son visage et relut, attentivement puis nerveusement, sans inspirer. Un murmure jaillit de sa gorge tel un poisson volant :

— Les elfes ont écrit ça.

Sebasha la toisa.

— Des elfes qui nous préviennent contre les agissements des elfes ? Coquecigrues !

— C'est contradictoire, je l'admets, mais, sauf votre respect, regardez la quatrième lettre. Ses phrases sont tirées d'un texte liturgique. Au Don'hill, l'Abbesse m'avait expliqué que les elfes croyaient en Arthès, la déesse déchue, et que c'était l'étincelle qui a alimenté leurs conflits avec les humains. Au monastère, la littérature spécifique à Arthès était réservée à l'élite ; je n'y ai donc pas eu accès, mais j'ai étudié tous les écrits sur Diutur. Dans le chapitre du Divorce, quand Diutur répudie Arthès pour lui avoir volé Son deuxième Œil, Arthès le menace de s'en prendre aux humains. Elle lui dit : J'embrasserai tes plus fervents croyants, je brûlerai leur mémoire, leurs troupeaux s'endormiront, leur histoire disparaîtra, nulle eau étanchera leur soif, je dévorerai leur dernières ressources et la maladie sortira de sa fourmilière. C'est exactement ce passage-là que cite ce billet. Dans le texte original, Arthès continue sa tirade, expliquant comment dorénavant, l'amour sera éphémère et le taux de mortalité infantile augmentera, mais apparemment on nous garde ça pour un futur plus lointain. Ce sont les premières des trente et une plaies d'Arthès.

Ça expliquait pourquoi le papyrus des lettres était grisâtre, constituées d'étranges feuilles pressées ; ce devaient être les feuilles des Oxomores, les arbres de Hêtrefoux.

— Un Sylvain aurait pu écrire ça, marmonna le jeune émir, les bras croisés. S’ils connaissaient les elfes de près, il connaissent leurs croyances et, par conséquent, la tirade d’Arthès.

Eleonara secoua la tête, le sourire aux lèvres.

— Vous n’avez pas vu le dernier message.

Elle leur tendit sa traduction ; Sebasha et Bezùkiel se penchèrent dessus.

 

V. Salutations

Votre inaction nous trouble. Vous, peuple du savoir, ne connaissez donc plus les langues anciennes ? La nôtre a évolué à partir d'elles. Nous la nommons hêtrusque.

 

Impossible de quitter la missive des yeux. Comment réagir à de telles révélations ? C'était à la fois apprendre un trépas imminent et découvrir un nouveau continent. Une part d'Eleonara voulait éclater de rire : ces mots étaient ceux de ses semblables, de créatures pareilles à elle. S'ils avaient écrit ça, il n'y avait plus aucun doute, ils étaient vivants !

— La servante de Diutur avait raison, soupira Sebasha qui griffonnait déjà sur une tablette de cire. Hêtrusque, Hêtrefoux : sa théorie tient debout.

L’émir redressa son turban éléphantesque d’un coup sec et souffla pour repousser sa plume d’autruche.

— Alors je m'attendais à ce que les elfes soient des spécialistes de la bizarrerie, mais là, c'est le comble ! Dans le premier texte, il est clairement écrit Parlons elfes. Doit-on en déduire que ce sont des égocentriques de première ? Parler de soi-même à la troisième personne, c'est assez singulier.

Le ton, les mots, les avertissements. Eleonara en frissonnait encore après sa lecture. Et ce terme, hêtrusque, cette curieuse langue qui avait germé à partir de trois langues existantes pendant l'Ancien Temps. Elle ne savait plus quoi faire de ce raz-de-marée d'informations. Toute sa vie, elle n'avait voulu qu'absorber les mystères de la Forêt Maudite, la rejoindre et exaucer le vœu de la Dame. À la vue d'un échantillon de ces arcanes pourtant, elle était frigorifiée. Frigorifiée, mais désireuse d’en absorber encore plus.

Le jeune prince, toujours penché au-dessus des papyrus, ne partageait pas sa joie.

— Peu importe qui les a rédigés : quelqu'un veut nous terrasser ! Si ça se trouve, c'est une manière tordue de nous déclarer la guerre ! Trente et une plaies, c'est énorme ! Les hostilités sont à éviter à tout prix : les Troyaumes sont assis sur des siècles d'équilibre ; nous ne sommes pas prêts !

Votre agonie a commencé, lut Eleonara. Une offensive a déjà eu lieu, donc. (Elle se creusa la tête.) Les assassinats ?

Le silence s'abattit sur le comité comme une hache d'exécution.

Le prince tira sur son caftan de façon à le desserrer autour de sa gorge.

— Ce n'est pas le premier message que nous étions censés recevoir de leur part.

— En effet, la lettre numéro un manque cruellement de précision et porte à confusion, renchérit Sebasha. Une ou plusieurs communications ont dû passer entre nos filets.

De la façon dont les deux Opyriens s'étaient placés autour de la gigantesque carte, Eleonara avait l'impression de participer à un concile de guerre. Une idée intimidante ; quel prochain rôle lui incomberait ?

— Toutes ces lettres vous sont parvenues via qanat, à l’intérieur d’une gourde ? s'enquit-elle en croisant les poignets derrière son dos et en se forçant à bomber le torse. Personne ne vous les as remis en main propre ?

— Ciel, non ! rugit Bezùkiel, dont la tête dépassait tout juste de la table dont il était enfin descendu d'un bond de grenouille. Il en a toujours été ainsi. Aucun contact physique entre eux et nous.

— Et comment allons-nous leur répondre ?

— Nous ne leur répondrons pas, commenta Sebasha, les yeux rivés sur les arbres de Hêtrefoux esquissés à l'encre sur la table. Nous ne savons ni où se trouvent les émetteurs ni où destiner nos messages afin qu'ils soient réceptionnés par les elfes et non pas par les Sylvains. Et encore, par les bons elfes, puisqu’il semble y avoir une certaine division. Tout ce que nous savons est que les habitants de Hêtrefoux ont accès à une des sources de nos qanats. Laquelle, bonne question. Je me renseignerai quant à l’emplacement des sources à proximité de la Forêt Maudite et m’en procurerai une carte. À moins que tu ne possèdes déjà quelques indices à ce sujet, elfe ?

Eleonara relâcha un bref rire mi-amusé, mi-nerveux.

— Si vous souhaitez apprendre quoi que ce soit sur les elfes, vous êtes mal tombés, je suis aussi ignorante que vous, sinon plus.

Pour l'aider à retrouver les siens, la Dame lui avait intimé de se rendre à la Forêt. C'était tout.

Sebasha et Eleonara sursautèrent comme si une locuste venait d'atterrir dans leurs cous. Bezùkiel avait poussé un cri proche du meuglement.

— Je suis d'accord avec toi, t'es plus ignorante que nous, lâcha-t-il avec impatience. Bon, revenons à nos moutons avant que je décède d'ennui. Nous avons besoin d'un service de ta part.

Le mot « service » mit Eleonara en alerte. Depuis qu'elle avait donné un coup de main aux Nordiques pour récupérer une charte poilue dans les catacombes du Don'hill, elle savait dans quel genre de pétrin pouvait fourrer un simple service. Espionner pour le compte des nonnes n'avait pas été la meilleures des expériences non plus.

— Notre but actuel est de communiquer avec la communauté elfique en chair et en os, si c'est de ça qu'elle se compose. Elle nous a ouvert les vannes du dialogue ; à nous d'organiser le prochain pas. Il est d'ordre majeur que nous connaissions leurs motivations pour s'adresser à nous après des siècles de silence. Pour ce faire, nous avons besoin d'un intermédiaire, un parti neutre et éduqué. Un ambassadeur, ou plutôt, une ambassadrice. Et quelle meilleure candidate que toi, apostate de sang elfique familière avec les coutumes humaines ? On pourrait t'appeler l'héritière de Hêtrefoux, ça claque.

Eleonara faillit partir à la renverse.

Ambassadrice, moi ? Je ne suis pas neutre et je suis encore moins qualifiée pour ce genre d'imbroglio politique !

Sa réaction avait peut-être été précipitée. C'était tordu et enterré dans ses profondeurs, mais quelque chose en elle avait envie de dire oui sans même connaître tous les détails.

Du coin de l’œil, elle vit Bezùkiel rouler des yeux.

— Bah, c'est pas moi qui irai à Hêtrefoux. J'ai littéralement mille rapports à écrire pour informer tout le monde qu'on va se faire trucider ! Si tu veux les rédiger à ma place, volontiers !

— Ne craignons pas les elfes autant que les contes et les légendes, suggéra la Peau Sombre en passant ses doigts sur l'inscription HÊTREFOUX sur la mappemonde. Les mots qu'ils nous adressent ne sont pas menaçants ou agressifs ; au contraire, il y transparaît une anxiété marquée. Nous avons été induits en erreur par l'ambiguïté du billet un. Nous avons des alliés dans cette affaire ou ils n'auraient rien dit. Tous ne nous veulent pas du mal ; certains semblent prêts pour un compromis. Sa Grandeur a raison : un entretien est nécessaire. Qui sait ce qu’ils savent et de quelles technologies ils bénéficient ? Les voir est à nos risques et périls, certes, mais les rencontrer pourrait nous faire éviter une guerre. Si tu y vas, Eleonara, je viendrai avec toi.

Le cœur de l’elfe battait très, très fort et des étincelles d’excitation fourmillaient dans ses doigts.

— N’avez-vous pas peur des Sylvains ?

— Leur nombre aurait triplé depuis l’empoisonnement du Don’hill, répondit la Chercheuse. Rien d’étonnant à cela. La Couronne einhendrienne a pressenti une menace et a voulu parer le coup. Ils nous faudra les éviter coûte que coûte.

Eleonara se maudit pour ne pas avoir essayé de visiter Hêrefoux quand elle s’était trouvée à Terre-Semée, à l’époque où il y avait moins de Sylvains. Elle secoua la tête. Si elle l’avait fait, elle aurait échoué : elle ne savait pas la moitié des choses qu’elle avait acquises aujourd’hui. L’attente avait valu la peine : l’Opyrienne serait à ses côtés. Et qu’étaient plus de Sylvains quand il y en avait déjà trop à la base ?

— J'ai une question, fit soudain Bezùkiel en plissant ses yeux de biche en direction d'Eleonara. Tu étais à l'origine de la mort de tes consœurs, n'est-ce pas ?

Vu son intonation, il s'agissait plus d'un constat que d'une question. Pâlissante, l'elfe pinça les lèvres.

— Votre Grandeur, le rabroua Sebasha.

— Tu caches bien ton jeu, elfe, admit-il avec un renversement de la main impérial. Une maladroite rouée de coups et tartinée de boutons dissimulant une meurtrière de masse. Original.

— Je ne voulais pas qu'elles meurent.

La voix d'Eleonara s'était faite sèche et grave.

— Ah bon ? Et tu pensais à quoi en empoisonnant leur nourriture ? À stimuler leurs vertus ? Qui t'as demandé de gâter cette... qu'était-ce, une soupe aux lentilles ?

Une main sur sa ceinture à neuf poignards, Sebasha hocha la tête.

— Les plus robustes et les plus chanceuses ont survécu, pourtant. Le poison à dû se diluer dans la soupe, mais pas de manière uniforme.

Eleonara se fit violence pour ignorer sa gorge qui se serrait. Bezùkiel cherchait à la provoquer, à tester ses limites et sa maîtrise de soi.

— Je voulais juste qu'elles aient mal au ventre, qu'elles tombent malade. J'étais condamnée : j'étais à peine sortie de la tombe murale que l'Abbesse ordonnait mon exorcisme. Je voulais les punir pour ce qu'elles m'avaient fait et me feraient subir. C'était censé être ma dernière farce ; elle étaient censées guérir et moi, mourir. Je leur ai souhaité la mort des dizaines de fois, vrai, mais pas par ma main. Et le pire s'est réalisé. On dit que c'est l'intention qui compte mais même mon intention m'incrimine.

Sur ses joues et son cou, ses plaques rouges la démangeaient.

Bezùkiel sourit, un sourire de fauve festoyant sur son repas. Il avait eu l'aveu qu'il voulait.

— En feignant ta mort, en te rayant des vivants, tu t'es punie, toi aussi, déclara Sebasha avec un lorgnement désapprobateur vers le prince. Des heures noires, tu en as vécu. Selon la loi einhendrienne, la mort est ce que tu mérites. Mais pas ici. Tes supérieures n’étaient pas des anges.

Le petit prince s'avança jusqu'à Eleonara d'un pas militaire ; sa plume d'autruche, en léchant le faciès de l'elfe, lui rentra dans une narine. Elle éternua.

Bezùkiel posa sa main baguée de rubis sur son cœur.

— Si tu acceptes les charges d'ambassadrice officielle et si tu contribues à la réussite de notre mission, moi, maître d'Arènes et émir d'Opyrie, je m'engage à te laver de tes crimes. Je t'offrirai une demeure ici, dans le complexe de mon palais, ainsi que des serviteurs de confiance à ton service. Tu vivras en paix, tu ne manqueras de rien et ma garde personnelle veillera sur toi. Mon palais sera ta serre, plante rare, ton paradis. Tout ceci restera évidemment à l'insu de l'Einhendrie, des Religiats et de mes frères et sœurs opyriens. Pour te prouver l'honneur de ma parole, je te fais cadeau d'un cheval que tu choisiras parmi ma collection exclusive. À moins que tu préfères un perroquet.

— Je crois qu'il est mieux que vous rendiez l'étalon prisé de l'éleveur nommé Zachare. Celui que vous avez injustement obtenu.

— Injustement ? Quelle atroce accusation ! Je l'ai obtenu par la ruse et le marchandage, des moyens tout à fait légitimes. Mais soit, j'accomplirai ta volonté. De toute façon, je possède des créatures bien plus intéressantes desquelles il me serait difficile de me départir.

Les paroles de Bezùkiel le monarque, le juge et le tout-puissant résonnèrent à travers la petite pièce boisée. La note impeccablement commerciale dans son discours n'avait pas laissé l’elfe indifférente. C'était probablement la proposition la plus alléchante de son existence. La promesse d'un futur, d'un lendemain paisible, d'un chez soi. Seulement, accepter était hors de question.

— Tu vends du rêve, répliqua Eleonara en regardant l'enfant droit dans les pupilles. Mais dans ta liste, il manque la seule chose qui m'intéresse.

Elle aurait voulu parler de Sgarlaad, d'Agnan et du poids sur sa conscience, mais se l'interdit.

— Je voudrais marcher parmi les Hommes sans devoir me cacher, craindre d'être lapidée ou de semer la zizanie. Personne ne peut m'offrir ça, hélas. Pas vous, pas la Couronne des Troyaumes, pas même Diutur.

La grimace heureuse sur le visage potelé de Bezùkiel ne se résorba pas. Il se mit à se balancer, transférant son poids de ses orteils à ses talons et de ses talons à ses orteils.

— La solution à ton souhait est pourtant simplissississime. Ton réel fardeau, ce sont tes oreilles. Tu as passé ta vie à les dissimuler parce qu'elles ont le pouvoir de te dénoncer. Le foulard, le voile de moniale, le turban... tu ne t'en sortais pas si mal, avant la Fête bovine. En revanche, le camouflage, les parties de cache-cache et tout ça, soyons francs, c'est limite arriéré.

Eleonara voulut étudier son expression afin de nager dans sa mare sans fond. Là encore, sa lecture échoua. Elle ne s'en surprit pas ; elle n'avait jamais réussi à lire qui que ce fût.

— Qu'est-ce que tu insinues ? Et condense parce que j'ai autre chose à faire.

Le fait que Sebasha demeurait silencieuse depuis quelques temps la mettait mal à l'aise.

— J'insinue que tu n’as pas besoin de te cacher, rétorqua Bezùkiel. Parce que si tu ne veux plus être une elfe, personne ne t'oblige à le rester. Qu'en dis-tu ? Aide-nous pour cette mission : je te rendrai riche et libre.

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Aliceetlescrayons
Posté le 31/07/2021
Euh... mais qu'est-ce qu'il veut faire, l'affreux nabot? Lui couper les oreilles? oO
En tout cas, je trouve qu'Elé affronte drôlement bien la tempête. Elle a gagné en dignité et en force d'âme et ça se voit de plus en plus. C'est chouette parce qu'elle avait un côté un peu désordonné qui la poussait dans les ennuis et cela commence à s’atténuer. Elle réfléchit de plus en plus avant d'agir et c'est super positif.
Ceci étant, je ne suis pas certaine que la nommer ambassadrice soit la meilleure des idées. J'ai un peu peur que ces elfes (dont on ne sait toujours pas grand-chose) n'accueille pas à bras ouverts une des leurs élevée dans le camp ennemi.
Du côté des messages, le mystère reste entier : menaces ou avertissements? Ou les deux? Je me demande si un danger ne risque pas de tomber sur les Troyaumes, ce qui obligeraient tous les partis à s'unir pour survivre...?
Rhalala! La suite! :D
Alice
Jowie
Posté le 03/08/2021
Comme tu le vois, le prince fait peur xD
Ohhh je suis trop contente pour ce que tu dis à propos de la manière de réagir d'Eleonara ! C'est vrai qu'à une époque, elle aurait juste grogné et distribué des coups de poings ^^'

Par rapport au fait de la nommer ambassadrice: je trouve ça également très risqué, exacement pour les raisons que tu cites : tout cela sera exploré dans le tome 3 !
J'adore quand tu te poses des questions parce que ça me permet de prendre des notes sur les attentes des lecteurs pour le tome 3 héhé. C'est très enrichissant, merci <3 !

Isapass
Posté le 15/06/2020
Oh la la ! XD Non mais sérieux : toutes les perspectives qu'ouvre ce chapitre, c'est dingue ! Du coup, les enjeux s'accumulent encore, et je commence à comprendre pourquoi tu prévois 4 tomes !
Je voyais surtout les pistes qui allaient mener au Mikilldys, mais là du coup, avec cette histoire d'ambassade, il y aura tout un pan de l'histoire autour de Hêtrefoux. Je veux dire, j'avais pressenti que la fin s'y passerait, mais peut-être qu'on va y suivre Elé dans pas si longtemps finalement !
Et puis il y a aussi toutes les questions déduites des messages : y a-t-il vraiment une scission entre les elfes ? Ou parlent-ils de quelqu'un d'autres (genre, des Einhendriens ?)
Mais avec tout ça, comment va-t-elle récupérer Sgarlaad qui dort dasn son bateau ? Surtout si elle ne parle pas de lui à Sebasha : comment va-t-elle faire pour partir vers Hêtrefoux avec Sebasha ET Sgarlaad, sans que Sebasha le voie ? O_o
Remarque, on ne sait pas encore si elle va accepter ! Je n'en doute pas vraiment, en fait, mais je sais que tu es retorse XD
Une petite remarque : la façon dont Elé démontre que des elfes ont écrit les messages n'est pas très claire. Elle reconnait le passage sur Arthès, ça d'accord, mais en ce qui me concerne, je n'ai pas vu le lien avec les elfes. Les elfes croient en Arthès ? Tu l'as peut-être dit dans le tome 1, mais si c'est le cas, il faudrait que tu fasses un rappel ici. En tout cas, moi j'ai eu un peu l'impression qu'il manquait une étape dans le raisonnement.
Rhaaa la la, tout ce passage avec Sebasha et l'émir est trop fort : complètement inattendu ! Et du coup, je ne sais pas du tout ce que tu nous réserves pour les chapitres à venir !
En tout cas vivement la suite !
Détails :
"Le noms des fleuves, des rivières, des forêts y figuraient," : Les noms ou le nom ;)

"Douze étoiles blanches se répartissaient au centre et au sud du Mikilldys. L'une d'entre elles avait été biffée. Un grand nombre de carrières avaient également été dessinées au Nord avant d'être rayées elles aussi." : du coup les étoiles ce sont les mines ? Ce n'est pas forcément très clair, en fait.

"— Vous parlez du bestiaire aquatique bizarre ?" : Mouahahahah !

"Après cinq cent ans d'ignorance, tes traductions nous permettrons de cerner ton peuple et qui nous mets en garde contre eux. " : j'ai mis du temps à me convaincre qu'il ne manquait pas de mot dans cette phrase ! Je crois que le problème vient de la différente structure des deux éléments autour du "et" : 1) "ton peuple", 2) "qui nous mets en garde contre eux". Ce serait peut-être plus facile à comprendre comme ça : "de cerner ton peuple et ceux/celui qui nous mettent/met en garde contre eux" + ce serait mieux "contre lui" que "contre eux", vu que ça fait référence à "ton peuple".

"ainsi que de l’espèce de patte de passereaux avec deux doigts en trop. " : de passereau ?

"Nul sera sauf." : je te l'avais déjà dit et je ne sais pas si c'est fait exprès ou pas. Dans le doute, je réitère : on dirait plutôt "Nul ne sera sauf".

"Les hostilités sont à éviter à tout prix : les Troyaumes se sont assis sur des siècles d'équilibre ; nous ne sommes pas prêts !" : je dirais plutôt, "Les Troyaumes sont assis sur des siècles d'équilibre", parce que l'expression "s'asseoir sur quelque chose" (au figuré bien sûr), ça signifie s'en moquer, faire comme si ça n'existait pas. Exemple : "il s'est allègrement assis sur sa promesse de partager le butin : il a tout gardé pour lui."

"Et quelle meilleure candidate que toi, apostate de sang elfique familière avec le coutumes humaines ?" : les coutumes

"Pas tous nous veulent du mal ;" : Tous ne nous veulent pas de mal.

"Le coeur de l’elfe battait, très, très fort et des étincelles d’excitation fourmillait dans ses doigts." : la première virgule est en trop

"Si elle l’avait fait, elle aurait échoué : elle ne savait pas la moitié des choses qu’elle avait acquis aujourd’hui. " : qu'elle avait acquises

"Et qu’étaient plus de Sylvains quand il y en avait déjà eu trop à la base ?" : j'enlèverais le "eu"

"Ton réel fardeau est tes oreilles : " : pas très joli. Pourquoi pas "Ton réel fardeau, ce sont tes oreilles" ?

A très vite !
Jowie
Posté le 18/06/2020
Me revoilà !
J’avoue que j’étais très impatiente de partager ce chapitre sur PA ; qui donne un peu le ton de la suite et des possibilités qui s’ouvrent ! Moi ça m’emballe ; mon cerveau carbure à fond pour le tome 3, le tome 4 et… même si l’histoire d’Eleonara et compagnie se terminera là, je commence à avoir des idées pour autre chose se passant dans cet univers (ce que je m’étais promise de ne pas faire mais je suis maudite xD). Plus je creuse dans ce monde, plus je trouve ^^’
Ouii ça faisait un moment que je te voyais convaincue qu’on allait foncer vers le Mikilldys et moi je ricanais dans l’ombre :D Mais c’est vrai : comment combiner le projet de Sgarlaad et la tentation d’aller à Hêtrefoux ? C’est ce qui va travailler Eleonara à partir de maintenant ^^
Oui, les elfes croient en Arthès et c’est d’ailleurs ça qui a alimenté les conflits entre les humains et eux. Je ne l’ai dit qu’une ou deux fois dans le tome1 donc un rappel est absolument nécessaire ici ! Je l’ai rajouté 😉 Etait-ce le seul élément qui manquait dans le raisonnement selon toi ? N’hésite pas à me dire si autre chose n’était pas clair 😊
Merci beaucoup pour ton retour et tes remarques qui m’aident tellement !
Sorryf
Posté le 15/06/2020
oooh je suis si heureuse de savoir qu'il y a encore des elfes à Hetrefoux !
le messages sont hyper cryptiques, heureusement qu'ils expliquent derrière parce que je n'aurais rien compris, j'ai effectivement pris ça pour des menaces.
J'aime beaucoup le jeune prince ! mais je n'arrive pas à croire à ses promesses pour le moment. Aussi, Elé, ne perds pas de vue Sgarlaad !
La suite promet ! avec Sebasha olala !

pinaillage : je sais plus ou mais j'ai lu deux fois "nonobstant" dans ces deux derniers chapitres, comme c'est un mot rare et ancien, il ne passe pas inaperçu, du coup je trouve que une fois ça suffit dans un si petit laps de temps... c'est comme tu veux !
Jowie
Posté le 18/06/2020

Hey Sorryf !
Ça y est, après plus de 1 tome et demi, on sait officiellement qu’il y a encore d’autres elfes xD
Oui ces messages sont clairement rédigés d’une manière particulière et ne sont pas transparents du tout ! Même après avoir été traduits, ils doivent encore être interprétés ^^’ Heureusement que c’était plus clair pour toi avec les explications ; si par la suite, quelque chose te semble un peu brumeux, n’hésite pas à me le signaler !
Bezùkiel est un vrai cas xD et je ne le croirais pas beaucoup non plus.
Qu’est-ce qui va se passer avec Sgarlaad ? Et avec Sebasha ? Suspense, suspense ! 😊
Concernant ta remarque sur « nonobstant » : j’ai choisi de les enlever parce que je les utilisais faux et en effet, ça grave alourdissait le texte xD
Merci pour lire Hêtrefoux aussi fidèlement et pour ton commentaire !
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