24. Le stagiaire nécromant

Par Neila

La douleur m’est revenue en premier. Ça cognait, piquait, m’élançait de partout, mais surtout dans le dos. Est-ce que je m’étais encore endormi sur un tournevis ? Pas possible que ça fasse aussi mal. Ma tête était lourde comme une boule de bowling. Qu’est-ce que j’avais soif. J’ai dégluti : ma bouche, mon nez, étaient pleins de sang et de terre. Ça m’a fait tousser, ce qui m’a déchiré le dos, ce qui a stoppé la toux en plein élan, ce qui m’a coupé le souffle et déchiré les poumons.

J’ai essayé d’inspirer un grand coup, réprimer la quinte de toux, mais ma gorge me donnait l’impression d’avoir été décapée au papier de verre. Un goulot de bouteille m’a tamponné les dents et de l’eau m’a coulé sur le menton, dans la bouche. Instinctivement, j’ai voulu y porter la main. Mes bras étaient coincés. J’ai failli m’étouffer encore, avant de me souvenir qu’il fallait arrêter de respirer pour boire.

L’eau m’a fait un bien fou. J’ai bu, jusqu’à ce que le besoin en oxygène devienne trop pressant.

Détournant la tête, j’ai repris mon souffle avec prudence, reniflé, battu des cils pour chasser les larmes et la poussière. Un visage s’est dessiné, beaucoup trop près du mien.

— Hello there.

Sursaut et nouvel élancement de souffrance. À genoux sur le sol, j’ai tenté de m’écarter, mais quelque chose me retenait.

Des squelettes.

Ils étaient deux, qui m’encadraient, leurs doigts osseux cramponnés à mes bras. Comme je m’agitais, ils ont serré plus fort. Ils n'étaient pas loin de me plier les coudes dans l’autre sens. J’ai cessé de lutter, assailli par les vertiges. Le type accroupi en face de moi m’a adressé un sourire éclatant. C’était un adolescent, peut-être un lycéen.

— Je commençais à m’inquiéter. Il ne faudrait pas que tu meures – pas comme ça, en tout cas.

Il est réveillé ! a fait une autre voix. Le Seigneur est réveillé… ! Il va nous faucher…

L’ado a roulé des yeux.

— Relax, Schalk. C’est moi qui mène la danse.

Il parlait anglais, avec un accent qui m’était plus difficile à saisir que celui de Théo. Les points communs ne s’arrêtaient pas là puisqu’il portait également une veste de costume, sauf que la sienne était blanche. Un élégant chapeau en feutre était posé de travers sur ses cheveux blonds et des lunettes Ray-ban pendaient au col de son tee-shirt violet, aux côtés d’une paire d’écouteurs. Très décontracté chic, si on oubliait le collier de dents humaines et la grosse amulette moche à son cou.

Bien que tous ces détails m’avaient échappé la première fois, je l’ai reconnu sans peine.

— T’es le concierge.

— Le stagiaire.

— Le concierge stagiaire ?

— Non, juste stagiaire. T’as plus de sang dans la cervelle ou quoi ?

Ou plus de cervelle…

Sourcils froncés, il a tiré un mouchoir en tissu de la poche de sa veste. Ses doigts étaient ornés de bagues : tête de mort en argent, rubis, émeraudes…

— J’y suis peut-être allé un peu fort.

Il m’a essuyé le nez façon papa. Si la tirade n’avait pas été suivie d’un sourire sournois, on aurait pu le confondre avec un mec sympa.

Ça, pour y être allé fort ! Le Seigneur va pas être content…

— Euh… c’est ton chapeau qui parle comme ça ? ai-je coassé, la voix enrouée

Mon radar a esprit été assailli de tous les côtés alors c’était dur à dire, mais il me semblait bien détecter une présence dans son Fedora. La voix a chuchoté et le garçon a ri.

— Non, pas le chapeau.

Il l’a soulevé et dévoilé une peluche, posée sur sa tête.

Ah ! a fait la peluche. Il me regarde !

Tendant ses petits bras, elle a rabattu le chapeau sur elle. À mi-chemin entre amusement et exaspération, l’adolescent s’est redressé et a ôté son Fedora.

— C’est bon, Schalk, sors maintenant, a-t-il fait à la peluche recroquevillée à l’intérieur. Tu vas pas rester là-dessous toute la nuit. Tu schlingues, en plus.

C’est toi qui schlingues !

Il a retourné le chapeau et Schalk la peluche hantée s’est écrasée par terre. Ce n’était pas un joli nounours, mais un vieux lion pelé et couturé de partout, l’air infesté de vermines – je n’aurais pas voulu de ça dans mes cheveux non plus. Il lui manquait les yeux et un paquet de poil à la crinière. Bondissant sur ses pattes arrières, le lion en peluche s’est dandiné pour aller se réfugier dans les jambes de son maître.

— Thanatos, je te présente Schalk. Schalk, sois poli, dit bonsoir au Seigneur Thanatos.

Bonsoir, Seigneur. Me fauchez pas, c’était tout son idée. J’ai rien fait, moi.

— Arrête ton cirque. Tu nous fais passer pour des rigolos, là.

Mais t’es un rigolo.

L’adolescent a shooté dans la peluche qui a volé en s’écriant « Noooon ! » avant de s’écraser plus loin. Je crois que j’avais perdu trop de sang. Tout ça était beaucoup trop bizarre, même pour mes standards.

Les dimensions de la caverne dans laquelle nous étions et les milliers de bougies qui l’éclairaient donnaient à l’endroit une atmosphère d’église. En fait, il s’agissait plutôt d’une fosse.

Le sol était tapissé d’ossements. Une odeur nauséabonde m’a soulevé le cœur : un mélange d’excréments et de poubelles. La puanteur était si forte que les diffuseurs de parfum pour les toilettes éparpillés à droite à gauche ne suffisaient pas à la couvrir. L’effort et l’originalité de l’idée méritaient néanmoins d’être salués.

Ramassant une bouteille de désodorisant, l’adolescent a vaporisé son chapeau et l'a remis sur sa tête.

— Fais pas attention à lui, c’est un vrai trouillard.

— Y a pas de mal.

— Ah, zut, a-t-il soupiré. Attends une seconde.

Il est parti récupérer sa peluche.

— Schalk, j’ai besoin de toi.

J’te parle plus ! Lâche-moi !

— Ça va, fais pas ta mauvaise tête.

Tu m’as fait mal !

— T’es mort, tu sens pas la douleur.

T’as fait mal à mon cœur !

Puisqu’ils étaient occupés, autant en profiter. Pour commencer, où était la sortie ? J’ai promené mon regard sur la caverne.

Il n’y avait qu’une issue, un obscur boyau qui vomissait un tas d’éboulis, perché deux mètres au-dessus du sol. Une grosse pierre se dressait au centre de la fosse à la manière d’un autel. Autour, le sol était dégagé d’ossements, mais envahi de bougies et de bocaux remplis de… morceaux d’animaux – griffe, plumes, poils, pattes… – et de morceaux qui n’étaient pas ceux d’animaux – doigts, oreilles, yeux… L’apothicaire des horreurs. Quatre crânes étaient alignés sur l’autel comme des trophées.

Mon cœur a fait un triple saut périlleux. Ça chatoyait à l’intérieur. J’en ai momentanément oublié toute idée de fuite. Revenant avec sa peluche sur l’épaule, l’adolescent a suivi mon regard et son visage s’est éclairé.

— Ah, oui.

Il s’est approché de l’autel et a ramassé un crâne pour le lorgner d’un œil amusé.

— C’est ça que vous voulez, n’est-ce pas ?

Des filaments de lumière arc-en-ciel s’échappaient des orbites et des fissures, ondoyaient comme les tentacules d'une méduse.

— C’est incroyable, qu’autant de souvenirs puissent tenir dans une si petite chose.

— Tu… tu es le Chevalier ?

— Le… ?

Il a éclaté de rire.

— Est-ce que je me promène en armure ?

Très juste. Même sans parler de l’armure, ce type n’avait pas l’attitude du Chevalier. Ce qui signifiait que le Chevalier n’était pas nécromant ?

— Alors… ai-je dit. Depuis le début, c’est toi qui manipules tous ces squelettes ?

Schalk chuchotait dans son oreille chaque fois que j’ouvrais la bouche. Ses murmures se superposaient à mes phrases, sans que j’arrive à en saisir le sens. J’ai réalisé que son maître ne devait pas parler italien. L’esprit dans le nounours faisait l’interprète ?

— Quoi, a-t-il répondu avec un petit temps retard, vous avez cru que c’était l’autre encasqué ? Tss… la nécromancie, c’est un art subtil.

Trop, trop subtil, ouais.

— Et puis un marionnettiste ne se promène pas sur scène à la vue de tous, il reste derrière le rideau pour tirer les ficelles.

Il a brandi le crâne devant son visage et l’a agité en prenant une grosse voix :

— Où est la magie, sinon ?

D’accord. Le gars était toqué.

Je crois qu’il aime pas tes blagues, lui a fait remarquer Schalk.

— Les faucheurs… ils prennent tout trop au sérieux.

Il a reposé le crâne sur l’autel.

— Sois pas déçu, ton grand copain sera bientôt là. Leon !

Une seconde, j’ai cru que ma prof d’Histoire avait pris possession de lui – elle avait l’habitude de beugler « Leone ! » quand je piquais du nez. Un gros caméléon vert s’est matérialisé sur l’épaule du gars – celle qui n’était pas déjà occupée – et j’ai percuté : Leon, le caméléon.

— Va trouver le Chevalier. Dis-lui que je tiens Thanatos.

Mais moi, j’y suis pour rien.

Les yeux protubérants du reptile ont fait la toupille, puis ce dernier a bondi au sol et s’est élancé… à la vitesse d’un escargot. Son maître s’est pincé l’arête du nez.

— Passe la cinquième ! a-t-il clamé, et la bestiole a mis le turbo. Et te perds pas en route, pour une fois !

Il va se perdre, c’est sûr. On aurait dû emmener Liz.

Le caméléon a disparu dans le mur. Mon cœur tournait à cent kilomètres/heure. Nos souvenirs étaient bien là, mais pas le Chevalier, ce qui était une super bonne nouvelle. La super mauvaise nouvelle c’est qu’il n’allait pas tarder à débarquer pour une souveniroscopie et un embrochage en règle. Pourvu que Leon le caméléon se perde en route… Ou se fasse gober par un serpent fantôme. Au cas où, mieux valait détaler fissa.

C’était peut-être le moment d’appeler Memoria et passer un coup de serpillière. En plus des squelettes qui me retenaient prisonnier, je sentais un paquet d’esprits en sommeil sous nos pieds. Nombreux, mais pas puissants. Le stagiaire-nécromant ne dégageait rien de particulier et la peluche… était une peluche. Assommer le marionnettiste devrait suffire à neutraliser les marionnettes ?

— Tu peux toujours essayer de me sortir le grand jeu, a-t-il dit, Creak et Crack ont déjà reçu l’ordre de te casser les bras au premier geste suspect. Pas sûr qu’ils fassent la différence entre un éternuement et un geste suspect…

Ouais, ils ont pas de cervelle.

— Je serais toi, j’éviterais de remuer.

La triste vérité, c’est que je n’en avais pas la force. La douleur me submergeait au moindre effort, me laissant transi de sueur et assailli de vertiges. J’avais perdu trop de sang – est-ce que j’en perdais encore ? Dans cet état, je n’avais aucune chance de gagner un bras de fer contre deux squelettes. Pas même un combat de pouce.

Mon nouveau copain s’est assis sur un coin de son autel, a croisé les jambes et m’a regardé de haut en bas, le menton piqué au creux de la main.

— Tu payes pas de mine, avec ta tête de bambin. Difficile de croire que tu sois Thanatos, la Grande Faucheuse. Je t’avoue, je m’attendais à quelque chose de plus… grand.

— Je peux te montrer ma faux. Elle est grande.

Schalk la peluche s’est ratatinée en couinant. L’ado a souri de toutes ses dents.

— Aah, j’adorerais la voir de mes propres yeux ! Mais les affaires avant le plaisir.

— Quelles affaires ? T’es qui au juste ?

Son regard a pétillé.

— Tu peux m’appeler Sunday.

— Comme le dessert ?

Je n’avais pas eu l’intention de le provoquer, c’était sorti tout seul. Son sourire a fondu et la torsion que les squelettes exerçaient sur mes bras s’est accentuée. J’ai failli tourner de l’œil.

— Ça se fait pas de se moquer d’un nom d’artiste.

— Ça se fait pas de forcer les esprits des gens à se battre pour toi, ai-je articulé entre mes dents serrées.

Tout bien considéré, ce gars ne méritait pas de politesse. Il a ouvert de grands yeux surpris.

— T’es en colère ? C’est parce que j’ai retourné ton fantôme de compagnie contre toi, c’est ça ?

Mon fantôme de compagnie ?

— C’était juste pour rigoler.

— C’était pas drôle ! Un paquet d’esprits ont été fauchés à cause de toi !

Oulala, tu l’as trop énervé, je le savais… On est foutu !

— Eh, c’est vous qui les avez fauchés, pas moi.

Il était sérieux ? J’ai inspiré un grand coup pour me calmer. Mon agitation risquait de déclencher Creak et Crack comme un piège à loups et j’allais avoir besoin de mes bras dans le bon sens pour faire face au Chevalier.

— J’étais sûr que tu mordrais à l’hameçon, a-t-il dit pendant que je faisais mes exercices de respirations. Tous ces esprits qui disparaissent, en bon faucheur, il fallait que tu accoures.

Capturer les esprits errants de Paris, c’était pour attirer mon attention ?

— Oh. Euh… en fait, c’est Baba Yaga qui nous a dit que nos souvenirs étaient là. J’avais pas remarqué que les esprits avaient disparu.

Ah ! J’te l’avais bien dit, qu’il était moisi ton plan !

— Schalk, la ferme. Décidément, les faucheurs ne sont plus ce qu’ils étaient. On met le bordel sur ton territoire et tu lèves même pas le petit doigt.

Je rêve. C’est l’inspecteur du travail ou quoi ? Il allait voir, si je n’allais pas lever le petit doigt. Je n’avais jamais eu autant envie de cogner quelqu’un. En fait, je n’avais jamais eu envie de cogner quelqu’un tout court. Mais d’abord, il fallait que je me concentre sur ma guérison. Sur le moyen de me libérer en un morceau et de récupérer nos souvenirs – de préférence avant que le Chevalier ne débarque. Sacha pourrait-elle sentir ma présence sans que je passe en mode faucheur ? Peut-être qu’en méditant, comme Erlik me l’avait appris, j’arriverais à la fois à rendre mon aura plus palpable et accélérer ma guérison ? Ça valait le coup d’essayer.

J’ai relâché tous mes muscles, fermé les yeux et inspiré l’air nauséabond. Me détacher de mon corps n’était pas bien difficile : j’avais déjà l’impression de flotter, comme si j’étais ivre. Restait à trouver la tempête, au fond de mon âme. Le pouvoir.

— Qu’est-ce que tu fais ? a lâché la voix lointaine de Sunday.

Je crois qu’il va nous faucher.

— J’évite de remuer, me suis-je entendu répondre.

— Ne compte pas sur Morena pour venir à la rescousse. Tu vois ces symboles ?

J’ai fait l’effort de soulever les paupières. Sunday pointait les murs de la caverne. Un dessin s’y répétait un peu partout, grossièrement peint à la main avec ce qui ressemblait à du sang.

— Ils empêchent toutes émanations spirituelles de passer, a-t-il joyeusement expliqué. Dis-toi qu’on est sous une cloche… ou plutôt dans une grosse bubulle. Même le petit nez affûté de Morena ne peut rien flairer de ce qui se passe ici. Et les catacombes sont un vrai labyrinthe. Elle ne nous trouvera jamais.

Eh toc !

Hum… je crois que mes plans venaient de tomber à l’eau. En fin de compte, se laisser emporter par les squelettes n’était pas l’idée du siècle.

« Évidemment ! Tu t’attendais à quoi, espèce d’idiot ? Débile ! », Sacha aurait sûrement dit un truc comme ça. Cette fois, personne ne volerait à mon secours, j’étais seul. J’en ai perdu ma concentration.

— Messieurs dames, on applaudit bien fort ! a clamé Sunday, ouvrant grand les bras pour recevoir les ovations d’un public invisible.

Schalk la peluche a applaudi. Comme disait mon père chaque fois qu’une tuile lui tombait sur la tête, ça ne servait à rien de se rendre malade. Mon cœur s’est froissé. Mon père… je lui avais promis de rentrer. Je ne pouvais pas me permettre de mourir maintenant. J’ai chassé les pensées parasites et la peur pour me focaliser à nouveau sur le pouvoir. Les vibrations qui en émanaient étaient apaisantes. Anesthésiantes. C’était comme mourir.

Sunday s’est accroupi devant son autel. Des petits os étaient éparpillés sur le sol, à l’intérieur d’un cercle de sang, façon jeu d’osselets. Quatre coupes remplies d’ingrédients dégueux étaient disposées sur le cercle. Sunday a plongé le regard dans l’une d’elles et fait la moue.

T’as tout brûlé, gros !

— Hum… une chance qu’on ait ce qu’il nous faut sous la main.

Il est parti fouiller parmi les bocaux. Un soubresaut a agité une jarre grosse comme un vase, qui trônait au milieu du bazar. Qu’est-ce qu’il gardait là-dedans ?

— Puisque t’es là, Thanatos, tu permets que je fasse le plein ?

Sunday s’est retourné, un pot en verre dans une main, un couteau en argent dans l’autre et un grand sourire sur le visage. Quelque chose me disait qu’il ne s’apprêtait pas à aller à la pompe à essence.

— Contrôler autant de morts en même temps, c’est pas un petit tour de passe-passe. Pour ça, il faut un ingrédient secret.

Il est venu s’accroupir devant moi, le regard gourmand.

— Un ingrédient très rare, qui permet de repousser les limites de la nécromancie.

— De la confiture Bonne Maman ? ai-je suggéré en lisant l’étiquette du pot.

Mais le pot à confiture était vide. Le sourire du gars s’est accentué. Je n’allais pas aimer la suite.

— Ça risque de piquer un peu.

Wouah ! Tu mens comme un arracheur de dents.

Il a remonté la manche de mon pull et, le geste lent, m’a entaillé le bras.

— Ça pique beaucoup !

Sunday a collé son pot à confiture sous mon bras pour récolter le sang. J’en ai été bon pour une nouvelle bouffée de vertiges. S’il me faisait des trous pendant que j’essayais de colmater les anciens, je n’étais pas près d’arrêter de saigner. Dans le genre contre-productif.

— De quoi tu te plains ? a-t-il dit. Pour toi, c’est rien qu’une petite coupure. N’importe qui serait en train de succomber d’une hémorragie après le coup d’épée que tu t’es pris, mais pas toi. Pas les faucheurs.

Je rêve ou il y avait comme une pointe de jalousie ?

— Dans quelques heures, toutes ces blessures ne seront plus qu’un mauvais souvenir.

La bouche en O, il a plaqué son couteau sur ses lèvres comme s’il venait de dire une énormité :

— Oh, non ! C’est vrai ! Tu seras plus là dans quelques heures. Le Chevalier t’aura anéanti. J’avais oublié.

Moi j’y suis pour rien, hein.

— Je comprends pas, ai-je lâché, la voix pâteuse. T’es un vivant.

— En chair, en os et en sang : tout le packaging est là ! Mais attention, c’est de la bonne qualité.

— Et tu travailles pour le Chevalier.

Il a froncé le nez.

— Eh, est-ce que j’ai une tête de larbin ?

Très franchement ?

— La ferme, Schalk. Je travaille pas pour le Chevalier, mais avec. Pour le moment, en tout cas.

— Pourquoi ? me suis-je étonné, incapable de comprendre ce qu’un vivant pouvait avoir à y gagner, puis je me suis souvenu des propos de Théo. Tu crois vraiment que mettre un terme à la mort serait une bonne chose ?

— Mettre un terme à la mort ? Dans le genre prétentieux ! Faire disparaître les faucheurs ne mettra pas un terme à la mort. D’autres vous remplaceront. La mort trouve toujours son chemin.

— Vraiment ? Et l’entité que le Chevalier cherche à délivrer alors ?

Il a incliné la tête de côté sans rien dire, même après que Schalk ait fini de chuchoter.

— T’es pas au courant, ai-je réalisé.

— Au courant de quoi ?

Il persistait à sourire, mais il y avait soudain comme une crispation dans ses zygomatiques. Visiblement, son allié n’avait pas cru bon de l’informer de tous ses petits projets. Peut-être parce qu’il y avait un risque qu’il n’y adhère pas ?

— Le Chevalier a l’intention de libérer quelque chose capable de mettre un terme à la mort, ai-je dit.

Alors là, ça craint !

Sunday a lorgné sa peluche du coin de l’œil.

Eh, me regarde pas comme ça ! Je transmets le message comme je le perçois !

— T’es sûr qu’il a pas plutôt voulu dire « faucheurs » ?

Non non, il a voulu dire « mort ». Genre, comme moi. Genre, comme ces mecs, a-t-il ajouté en pointant Creak et Crack de la patte.

— Oui, c’est que je voulais dire, ai-je confirmé. Le Chevalier a déjà le pouvoir de détruire les faucheurs, pourquoi est-ce qu’il irait s’embêter à délivrer un truc qui peut faire la même chose ? À mon avis, c’est la mort au sens propre qu’il veut arrêter…

Sunday a ouvert des yeux ronds, puis éclaté de rire. Pas exactement la réaction que j’espérais.

— Laisse-moi deviner, c’est Baba Yaga qui t’a mis ça dans la tête ? Et t’es prêt à la croire ? Wouah, t’es sacrément naïf pour un type de plusieurs milliers d’années !

— Pourquoi elle mentirait ?

— Parce que c’est fun ? Comment lui en vouloir. La mort, ça a l’air encore plus ennuyeux que la vie.

Gros ! Et si la vieille bique disait vrai ?

Son sourire s’est changé en grimace. L’idée semblait le mettre mal à l’aise. Comme quoi, il lui restait encore deux/trois durites intactes sous le capot.

Ça pue, cette histoire ! Faut prévenir le…

— Tais-toi ! l’a coupé Sunday, avant de poursuivre dans une langue qui m’était totalement étrangère.

Ils ont échangé pendant quelques secondes sur le même ton. Si je ne comprenais pas les mots, une chose était sûre : ils n’étaient pas d’accord sur la marche à suivre. Sunday a fini par lâcher un truc qui a cloué le bec à son acolyte. Après un silence tendu, il est revenu à l’anglais.

— La mort est immuable, a-t-il déclaré, comme si ça mettait fin au débat.

Il avait dit ça avec déférence, mais aussi… amertume ? Décidément, ce type était difficile à cerner.

Mon sang avait arrêté de couler. Sunday est retourné vers son cercle d’osselets.

— Je vois bien ce que t’essayes de faire, a-t-il soufflé un versant un peu de sang dans une des coupes. Diviser pour mieux régner. Mais c’est pas avec ce genre d’histoire à dormir debout que tu me convaincras de ne pas te livrer au Chevalier.

Reposant le pot à confiture, il s’est appuyé contre l’autel et a croisé les bras sur son torse.

— J’ai de la peine pour toi, Thanatos. D’accord, tu es devenu négligent, mais pas autant que les autres. Toi, au moins, tu t’es intéressé à la disparition de l’Américain, aux renaissances prématurées. T’as essayé d’avertir les autres et ils n’ont pas voulu te croire. Tu leur as demandé de l’aide et ils n’ont pas voulu t’en donner. Franchement, ils méritent de disparaître.

— C’est faux. Certains m’ont aidé. L’Indien a été tué parce qu’il avait accepté de m’aider, Azraël a failli se faire tuer à son tour pour nous permettre d’échapper au Chevalier. Erlik m’a aidé à guérir, à retrouver Memoria, et le Baron a accepté d’appeler les autres à se réunir.

Un rictus nerveux a agité ses lèvres.

— Et puis il y a Sacha, ai-je continué, et il a gloussé.

— Morena ? Ne me fais pas rire ! Tout ce qui l’intéresse, ce sont ses souvenirs. S’il y en a bien une sur qui tu ne devrais pas compter, c’est elle.

— Ah ouais ? a lâché une voix à l’autre bout de la caverne.

Deux détonations ont retenti comme des coups de tonnerre et Sunday a sursauté. Les esprits de Creak et Crack se sont volatilisés, fauchés. Libéré, j’ai bondi sur mes jambes ; le manteau s’est matérialisé sur mes épaules, la faux s’est formée entre mes doigts. Si la douleur a pulsé dans mon dos, elle m’a paru lointaine, balayée par le pouvoir qui irradiait de Memoria.

— La cavalerie est là ! a claironné Hervé.

Mon cœur en a explosé de bonheur. Sacha se tenait à l’entrée de la caverne, revolver à la main, les cheveux en pagaille et les joues barbouillées de sang séché.

C’est Morena ! On est trop morts !

Schalk s’est caché dans le cou de Sunday, qui ne souriait plus.

— Pas possible, a-t-il dit d’une voix blanche. Cet endroit est censé être indétectable…

Sacha a promené un regard dégoûté sur les symboles qui tapissaient la grotte.

— Ah, je comprends mieux. T’as de sacrés tours de magie. Pas de chance pour toi, on a une arme secrète.

Tombant comme le fromage sur les macaronis, Théo est arrivé dans un dérapage. Fidèle à lui-même, il tenait un petit appareil et – plus inhabituel – une pelle.

— L’Inspecteur Gadget ! a annoncé Sacha en lui envoyant une grande claque dans le dos.

Théo a failli dégringoler dans les gravats.

— Est-ce que tu peux arrêter de m’appeler comme ça ?

J’ai plongé la main dans la poche de mon pantalon et en ai ressorti le traceur. J’avais complètement oublié ce truc.

— Le pouvoir de la technologie, mec, ai-je dit en agitant l’objet avec un certain plaisir.

Sunday a grimacé aussi fort que si je lui avais mis une crotte sous le nez. Le plus incroyable, dans tout ça, c’était que Sacha soit allée demander l’aide de Théo.

— Eh, mais attends, a fait cette dernière en pointant l’adolescent du doigt. T’es pas le Chevalier, t’es le concierge !

— Le stagiaire, ai-je rectifié.

Sacha allait répliquer quand son regard est tombé sur les crânes qui brillaient sur l’autel. Ses yeux se sont agrandis. Oubliant tout, elle s’est ruée en avant. Sunday a fait volte-face, levé les mains au-dessus de son cercle d’osselets et a clamé quelque chose dans une langue inconnue.

Debout les morts ! s’est écrié Schalk.

Autour de nous, sous nos pieds, le sol a pris vie.

Les squelettes ont jailli en soulevant des nuages de poussière. Comble de l’horreur, des cadavres d’animaux se sont levés avec eux. La vague de puanteur a failli me terrasser à elle seule.

Sacha a hurlé, de surprise et de douleur. Un chat aux allures de vieille brosse à chiotte lui avait bondi sur le dos. Théo a dévalé les gravats pour le décrocher à coups de pelle, sans remarquer les squelettes qui lui fonçaient dessus. Esquivant bras tendus et mâchoires pourries, je me suis propulsé pour venir protéger ses arrières. Mon corps n’a pas vraiment aimé l’effort, mais j’ai ignoré les élancements et les vertiges. D’un coup de manche, j’ai repoussé toute une rangée de squelettes tandis que Théo faisait valdinguer le chat qui s’acharnait sur Sacha.

Hervé aussi était de la bataille et si ses coups de canne fantomatique arrivaient à peine à décrocher quelques phalanges, ses insultes désuètes étaient bonnes pour le moral.

— Arrière, bélîtres ! Maroufles ! Pignoufs !

Visant les jambes, j’ai envoyé un nouveau paquet de squelettes au tapis. Ça nous a dégagé une ligne de mire sur Sunday, devant ses osselets.

— Une fois, mais pas deux ! a rugi Sacha.

Elle a pointé son revolver dans sa direction. Je n’ai pas eu le temps d’émettre une objection : la balle est partie. Une main spectrale a émergé du médaillon au cou de Sunday et l’a interceptée. Ce dernier a ricané, les yeux révulsés, tandis que sa peluche nous narguait en se dandinant du derrière.

— Vous me prenez pour un amateur ? Si vous voulez me faucher, il faudra d’abord passer sur tous les esprits de Paris !

— Restez groupé ! ai-je lancé, avant que Sacha ne cède à la provocation.

On a reculé contre le mur tandis que l’armée des morts se resserrait sur nous.

— Bonté divine ! s’est exclamé Hervé.

— Théo ! ai-je appelé tout en moissonnant les squelettes qui approchaient trop près. Tu vois la marque sur leur colonne vertébrale ?

— Quoi ? Euh, ouais !

— C’est ce qui retient l’esprit dans le squelette ! Il faut…

— La détruire !

Ni une ni deux, il a bondi et envoyé sa pelle dans les vertèbres du squelette le plus proche.

Finalement, Super PDG et son arme de fortune nous sortait bel et bien de la mouise. Grâce à lui, on pouvait mettre les morts-vivants hors d’état de nuire sans avoir à faucher tous ces esprits innocents.

Épaulé par Hervé qui n’en finissait plus de beugler « Arrière-faix de truie-larde ! », je me chargeais de couvrir Sacha et Théo. La première déséquilibrait les squelettes en leur tirant dans les rotules et le seconde en profitait pour leur fracasser les vertèbres. Un vrai jeu de tape-taupe.

On formait une belle équipe. Je me suis surpris à y croire, mais les morts étaient nombreux et le rythme est devenu difficile à tenir. Surtout pour quelqu’un qui avait perdu un paquet de sang. Je m’épuisais, mes réflexes n’étaient plus aussi bons. Et puis il y avait le problème des chiens et chats zombis. Impossible de savoir où se trouvait la marque sous leur fourrure. Ceux-là, il fallait les faucher. Pour chaque âme détruite, je me promettais de mettre un coup de poing dans la tête de cet idiot de nécromant.

— Aïe ! ai-je glapi tandis qu’une vive douleur me remontait dans la jambe.

— Des rats ! s’est écrié Théo. Des rats !

C’était bien un rat, cramponné à mon pantalon. Super. Il ne manquait plus que des morsures de rat en putréfaction. Les rongeurs surgissaient du sol comme des vers de terre. Théo s’est mis à pelleter furieusement à ses pieds, Sacha, à tirer. D’un mouvement ample, j’ai balayé le mur de squelettes qui nous faisait face, puis j’ai envoyé Memoria écrabouiller le rat qui avait enfoncé ses crocs dans mon mollet.

— Enzo, prends garde ! a crié Hervé.

Trop tard. Le Rottweiler avait déjà bondi. Ses mâchoires ont claqué à dix centimètres de mon oreille. Le chien est retombé sur le dos, tiré en arrière par… un collier de perles ?

Le collier s’est resserré autour de son cou : les perles ont traversé sa peau et tranché son âme comme un fil à beurre. Tous les poils de mon corps se sont hérissés. Le cadavre ne bougeait plus. J’ai relevé les yeux.

Une petite fille au crâne rasé se tenait à l’entrée de la caverne, campée sur ses pieds dans une posture de maître kung-fu.

— Erlik !

Sa robe de bouddhiste n’était plus orange, mais noire, aussi sombre que le collier de prière emmêlé entre ses doigts. Si je ne l’avais pas vu faucher une âme à l’instant, je n’aurais pas deviné qu’il s’agissait de son arme. Erlik l’a fait tourner au-dessus de sa tête comme un lasso et le collier s’est agrandi, agrandi, jusqu’à atteindre plusieurs mètres de long. Elle s’est élancée, si vite que mes yeux ont eu du mal à la suivre.

Fendant la foule de squelettes, elle a zigzagué entre les bassins, pirouetté au-dessus des crânes, se faufilant entre les morts avec la rapidité et l’agilité d’une belette. Sur son passage, le collier de perles s’enroulait autour des bras et des jambes, se coinçait dans les colonnes vertébrales. Lorsqu’Erlik a atteint l’autre côté de la caverne, un bon paquet de squelettes étaient immobilisés, pris au piège comme des insectes dans une toile d’araignée. Elle a tiré : le collier s’est rétracté et la quasi-totalité des squelettes s’est effondrée. J’étais si impressionné que j’en ai momentanément oublié de m’attrister sur le sort de ces pauvres âmes. Sunday est tombé à genou, le corps tremblant.

Oh la ! a fait Schalk en le secouant par le col. Ressaisis-toi, c’est pas le moment de caner !

Mon regard a croisé celui d’Erlik et elle m’a rendu mon sourire.

C’est vous qui aviez raison. Si personne ne se décide à agir maintenant, il sera bientôt trop tard pour tout le monde. Eh puis…

— La fête est déjà finie ?

La décharge de pouvoir qui a crevé la caverne était si puissante qu’elle m’a fait l’effet d’un coup de jus. Deux adolescents venaient à leur tour d’apparaître à l’entrée du tunnel : une fille et un garçon qui devaient avoir entre quinze et dix-huit ans.

La fille, asiatique, portait un survêtement bleu électrique sous une veste de kimono blanche. Un katana, noir de la poignée à la lame, reposait en travers de son épaule. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il s’agissait de la faucheuse japonaise.

Peau et cheveux noirs, casquette vissée sur la tête, le garçon à ses côtés devait être l’Australien. Son manteau de faucheur avait la même apparence que les nôtres, au détail près que les manches avaient été arrachées.

J’ai apporté des renforts.

— Non d’un petit bonhomme ! a fait Hervé.

Hiiii ! a fait Schalk.

Ça résumait assez bien le sentiment général. Tous les faucheurs réincarnés prématurément étaient maintenant réunis. Ça aurait mérité une déclaration stylée, « un petit pas pour les vivants, un grand pas pour les faucheurs ». Pointant la dizaine de squelettes encore debout, la Japonaise a gloussé et dit :

— Des squelettes qui bougent ! Trop rigolo !

Ces derniers oscillaient comme des boussoles déréglées. Ou plutôt, comme des robots qui attendaient des instructions qui ne venaient pas. Tassé au pied de son autel, Sunday avait l’air à deux doigts de tourner de l’œil, et pas pour nous faire un numéro de nécromancie cette fois. Schalk lui sautait sur la tête en hurlant de panique.

Fais un truc ! Sors le grand jeu ! Un bouquet de fleurs ! Des excuses !

Ça a fini par le faire réagir.

— Tuez-les tous ! a-t-il beuglé, et les morts sont repassés en mode Terminator.

J’aurais préféré un bouquet de fleurs.

— Laissez, a dit l’Australien.

Des poings américains se sont matérialisés sur ses mains. Un sourire arrogant aux lèvres, il les a entrechoqués en descendant à la rencontre des squelettes. Il boitait légèrement, ce qui ne l’empêchait pas d’afficher le panache d’un boxeur qui fait son entrée sur le ring.

— Je vais les dégommer en un clin…

J’allais protester, mais ni lui ni moi n’avons pu aller au bout de notre pensée. La Japonaise s’était déjà élancée.

Poussant des « zaa ! » et des « hyuu ! » surexcités, elle a foncé d’un squelette à l’autre comme une bille de flipper, fauchant tout sur son passage. La belle assurance de l’Australien a viré à la grimace de gamin pas content.

— Eh, faux départ !

Il s’est empressé de se jeter dans la bataille. Les animaux morts, chiens, chats, rats ont accouru pour le mettre en charpie. D’un magistral coup de poing, il a écrabouillé un rat au sol. La vague de pouvoir qui en a résulté s’est déployée comme une onde de choc, balayant toutes les âmes dans un rayon de deux mètres.

Il fallait reconnaître, ils étaient efficaces. Trop efficaces.

— Attendez ! me suis-je écrié, mais l’Australien se préparait déjà pour un nouveau coup de poing dévastateur et la Japonaise s’exclamait « fini ! » après avoir pourfendu le dernier squelette.

— Ma parole, a lâché Sacha. C’est des débiles.

On était si occupés à les regarder faire leur show qu’on ne prêtait plus attention à ce que fabriquait le nécromant. Debout devant son autel, Sunday s’affairait au-dessus d’un saladier duquel s'élevait un filet de fumée. Ce sont les cris de Théo qui nous ont alertés :

— Il prépare quelque chose !

Sunday a ouvert sa grosse jarre gigoteuse et, je vous le donne en mille, il n’en est pas sorti un mignon petit lapin. Une tornade d’esprits s’en est échappée, si nombreux qu’ils ont envahi toute la caverne. Mon sang n’a fait qu’un tour en voyant Sunday verser, eh bien, mon sang, dans son saladier tout en entonnant des incantations. De gros panaches noirs sont montés au plafond, se mêlant aux esprits. Pas question de le laisser terminer sa salade.

— Enzoo !

Sacha et moi avons fait volte-face. Canne plantée dans le sol, Hervé luttait de toutes ses forces pour ne pas être aspiré par la tornade. On s’est précipités d’un même mouvement pour le retenir. Sauf qu’empêcher un fantôme de s’envoler, c’était comme essayer de retenir de la fumée. On a eu beau faire barrage de nos corps, son esprit nous glissait entre les bras.

— Accroche-toi, Hervé !

J’ai lâché Memoria pour me distancer de mon pouvoir et Hervé s’est fondu sous ma peau. Sa terreur s’est répandue en moi comme de l’eau froide, ses pensées affolées se sont entrechoquées aux miennes.

Les yeux blancs, les bras écartés vers le ciel, Sunday débitait ses incantations de plus en plus fort, de plus en plus vite. Sous la voûte de la caverne, les esprits se sont rassemblés, agglutinés en une masse compacte qui a viré au noir, comme un nuage d’orage. Au milieu de ce gros bouillon, j’ai senti les âmes se compresser, fusionner. Sacha a tiré, Erlik a fouetté la tempête avec son collier. Leurs coups ont arraché une quantité d’âme dérisoire.

En quelques secondes, les esprits n’en formaient plus qu’un : un esprit monstrueusement dense et monstrueusement dégénéré. Montagne de grumeaux noirs, il est retombé vers le sol comme une masse d’air trop froide. Un corps, long et ondoyant, s’est dessiné autour de l’autel, deux pattes griffues ont émergé, des ailes se sont déployées, une queue s’est déroulée d’un côté, une tête reptilienne s’est dressée de l’autre.

— Oh ! Je sais ! Je sais ! s’est exclamée la Japonaise comme s’il s’agissait d’une partie de Pictionary.

La créature a ouvert deux grands yeux phosphorescents à la pupille fendue.

— Un dragon !

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Elka
Posté le 02/04/2023


La Japonaise a l'air d'être un personnage formidable xD Je trouve la fin du chapitre très cool en passant par son dialogue plutôt que par une pensée d'Enzo. Ca lui brosse une personnalité, et comme ils viennent de débarquer, il le faut.
C'est très plaisant de les voir tous les trois arriver comme ça ! Et quand on croit que l'effet cavalerie c'est le climax et que l'action va s'arrêter là, on a le boss de fin du niveau ! ♥
Une fois n'est pas coutume, les combats sont super bien racontés et on plonge dans l'action et le rythme effréné sans voir le chapitre passer. J'aime sentir la différence avec les combats dans DP d'ailleurs ; l'enjeu est aussi fort, mais les blagues donne une tout autre couleur !
Ce stagiaire est bien fun xD Je l'avais trouvé bizarre, bien sûr, dans le chapitre d'avant, mais comme on s'attend au Chevalier depuis le début, on imagine pas qu'il y ait quelqu'un d'autre avant.
Bon et puis, sont "hello there", hein, il plante le perso (d'ailleurs, sa description m'a beaucoup plu : la façon de dire qu'il est chic et décontracté, avant de tomber sur l'image des colliers glauques/chelous, ça marche super)

Encore un excellent chapitre ♥
Neila
Posté le 11/05/2023
Rolala mais je t'avais pas répondu. >.<

Ben merci. ♥ Contente que ça t'ait plus. Je laisse encore un peu reposer avant de relire tout ça, mais j'espère que ça va.
Introduire de nouveaux persos juste à la fin, c'est généralement pas recommandé, alors j'espère très fort avoir réussi à les rendre intéressants dans le peu de temps imparti.
La différence avec DP, c'est que c'est quand même vachement plus drôle à écrire. :p Mais bon, faut quand même de l'émotion et du sérieux parce que si tout est une blague, on s'investit moyen.

En tout cas, merci pour ton retour !! ça me fait très plaisir de savoir que t'apprécies l'histoire. ♥♥
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