25. Je suis un monstre

Notes de l’auteur : Septembre 1941

Élise, 

Aujourd'hui est notre premier jour de permission. Il fait presque beau, du moins après avoir passé des journées en Enfer, ce bout de ciel bleu me laisse à penser que les jours à venir seront meilleurs.

J'ai envie de te voir, Élise. J'ai l'impression que le temps passe lentement, trop lentement, et que jamais nous ne nous reverrons de sitôt. Je n'ai pas reçu ta dernière lettre non plus. Je l'attends. Oh oui, je l'attends. Avoir des nouvelles de toi est la seule chose pour laquelle je me lève et me bats. Savoir que tu vas bien, que tu es sauve et que tu es là, à m'attendre, représente pour moi un trésor à protéger, et ce, à n'importe quel prix.

Les gars veulent jouer à la balle, alors on en cherche désespérément une, je ne sais pas si je vais me joindre à eux, tu connais mes exploits sportifs, je n'ai jamais été très bon. Peut-être ferai-je l'arbitre ? Ça, je sais le faire.

J'aimerais tant rester assis sous cet arbre, sous le peu d'ombre qui puisse avoir et continuer à d'écrire. Je pourrais y passer ma journée, tu sais ? T'écrire des pages et des pages, mais je doute qu'un roman de mes aventures ou de mes mésaventures t'intéresse vraiment.

Tu sais, la guerre, en soi, ce n'est pas intéressant.

C'est juste sanglant.

Horrible.

Terrible.

Des fois, rarement je dois dire, je me demande qui nous sommes pour avoir un tel droit de vie ou de mort sur autrui ? En face, il y a certainement des gens comme nous. Pensant la même chose que nous, mais j'évite d'avoir ce genre de pensée. À long terme, c'est nocif.

Oh, Élise, je me sens mal. Tel un monstre. Quand je prends conscience de tout ça, de tout ce que l'on fait, et même si j'essaye de me dire que c'est pour servir mon pays... Je me dis que c'est « mal ». Il n'y a rien de bon à tirer de ce que l'on fait. Des actes que l'on commet.

J'ai besoin de toi, Élise. Maintenant plus que jamais.

J'ai besoin d'entendre ta voix à travers tes mots.

J'ai besoin que tu me rassures comme seul toi sais si bien le faire.

J'ai besoin de savoir si ce que je fais est bien ou au moins pour le plus grand bien.

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Elora
Posté le 06/06/2021
Pauvre Thomas, la guerre le détruit, et quelle pensée monstrueuse de se dire que l'adversaire et comme nous !
Le pire, c'est qu'il a raison.
Cette lettre est magnifique, de part son style et ses mots, mais aussi par sa blessure, on ressent les sentiments de Thomas, son désespoir et sa peur aussi, de perdre son humanité, de retourner se battre, et surtout, de ne pas pouvoir revoir Élise.
MissRedInHell
Posté le 23/09/2020
Oh mais c'est vraiment une lettre extrêmement tragique ! Et en même temps, je la trouve super belle, notamment dans son rythme la manière d'amener les choses.

D'ailleurs, j'en viens à me demander si Élise lui a vraiment écrit une lettre ou si elle a été perdue... Je me pose quelques questions à ce sujet, notamment parce que ça fait rentrer Thomas dans une spirale de désespoir super attristante. :(
ManonSeguin
Posté le 24/09/2020
Je ne peux malheureusement pas répondre à ça...Tu auras la réponse plus tard :)
MissRedInHell
Posté le 24/09/2020
Evidemment, je vais continuer à lire huhu c:
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