26. Va, Elise

Notes de l’auteur : Octobre 1941

Je m'ennuie. Je suis lasse de tous ces événements venant perturber chacun de mes matins. Assise, seule à une table, les lettres de Thomas étalées sur la table, je ne cesse de les relire encore et encore. Dans ses mots, j'entends sa voix.

Dans ses déclarations, je sens ses bras autour de moi.

Thomas est là, dans un coin de mon cœur, de mon esprit.

Jamais son souvenir ne s'effacera.

Thomas sera toujours une partie intégrante de moi.

Une part bien trop grande.

Thomas me manque. Ce petit bout de « moi » me manque. Je me sens vide ou plutôt incomplète. J'ai comme l'impression qu'il me manque un bras, que je suis amputée d'un membre.

Thomas n'est pas là.

— Tu penses encore à lui ?

Mais Antoine, lui, est bel et bien là. Soucieux comme toujours. Inquiet comme à chaque fois. Je sais que je ne suis qu'un poids pour lui, pour sa conscience. Antoine veille sur moi. Antoine s'inquiète pour moi et moi ? Que fais-je pour lui ? Rien.

Je reste des jours entiers assise là, toute seule dans mon coin, relisant de vieilles lettres me rappelant un passé me semblant lointain alors qu'il ne date que de quelques mois.

— Je me demande ce qu'il fait. Je me demande à quoi il pense. Dis-moi, Antoine, est-il possible d'avoir autant une personne ancrée en soi ?

— Je n'en sais rien.

—Thomas me manque...

—Alors, rejoins-le.

Je ne m'attendais pas à ça.

Tu sais, je mentirais si j'avouais que ça me surprenait complètement, mais je m'attendais au moment où nos chemins prendraient des directions opposées.

Ce moment est arrivé Antoine. Tu le sais.

— Tu veux que j'aille en Angleterre ?

— Il est encore temps. Tu peux le faire.

— Je ne saurais où aller.

— J'ai un cousin là-bas qui peut t'accueillir quelques jours et te guider à Londres si tu le souhaites.

— Pourquoi m'aides-tu ? Je veux dire, depuis tout ce temps...

— Parce que je t'aime.

Il s'arrête, s'accroupit devant moi, attrape mes mains dans les siennes.

Est-ce l'heure ? Dois-je m'en aller maintenant ?

Ô, Antoine, si tu savais que je m'en veux. De ne pas avoir pu tenir mes promesses, de te laisser ainsi ici tout seul. M'en veux-tu ? Je n'ai pas été à la hauteur de tes attentes, ni des miennes, alors est-ce que je mérite une telle occasion ?

— Je t'aime assez pour savoir que rien ne te rattache à ici. Je ne veux pas être une obligation te retenant à moi. Je le sais, je l'ai toujours su. Je n'ai jamais pu lutter contre lui. Je n'ai jamais porté Thomas dans mon cœur, mais je sais qu'il a une place capitale dans le tien. Alors va Élise. Va et retrouve-le. Retrouve-le avant que tu ne puisses plus le faire. Dis-lui que tu l'aimes avant que tes mots ne se perdent à jamais. Puisse tes caresses à son égard, ne pas être les dernières.

J'ai peur. Peur de retrouver un Thomas que je ne reconnaîtrai probablement pas.

La guerre peut-elle vraiment changer un homme ? Peut-elle à ce point faire plus de dégâts que ceux que l'on imagine déjà ?

J'ai peur.

Peur de devoir le revoir pour la toute dernière fois.

 

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Elora
Posté le 07/06/2021
En fait, Antoine n'est pas si méchant. Je ne l'appréciait pas spécialement, mais il a regagner un peu de mon estime.
Aller en Angleterre est une idée géniale, mais j'ai peur qu'Elise voit Thomas mourir devant ses yeux.
Si elle y va, j'espère que les retrouvailles se dérouleront bien, mais je n'en doutes pas !
MissRedInHell
Posté le 23/09/2020
Je ne m'attendais pas à ce chapitre et à autant de compréhension de la part d'Antoine, et ça me plaît beaucoup ! J'aime vraiment qu'Antoine exprime ses sentiments aussi sainement. Il aime suffisamment Elise pour la pousser à rejoindre Thomas et je trouve ça super beau.

J'ai tout de même peur pour la suite des évènements, mais ce genre de passages sont vraiment rafraichissants. :3
ManonSeguin
Posté le 24/09/2020
En fait, Antoine et Thomas sont rivaux depuis l'enfance, mais il a rapidement compris qu'Elise n'en aimait qu'un seul des deux et que ça serait toujours le cas donc au fond, il l'aime assez et suffisament pour la pousser au bonheur même si pour ça il doit sacrifier le sien et je trouve ça...Tellement humain. De se dire que voilà on n'est peut-être pas la personne qu'il faut à l'autre et qu'il faut savoir le laisser partir.
MissRedInHell
Posté le 24/09/2020
Exactement ! Et j'adore vraiment cet état d'esprit. ;-;
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