27) Kiss

Je m’étais accrochée à mon verre de tequila sunrise pendant l’intégralité de la danse d’Améthyste. J’avais déjà entendu parler de ce style, j’avais même eu l’occasion d’en voir des démonstrations sur internet. Il s’agissait de waacking, un style de danse issue des clubs américains homosexuels des années soixante-dix, inspiré de mouvements funks et discos. L’énergie dépensée et la discipline musculaire nécessaires à cette pratique étaient incroyables, et malgré son mode de vie, Améthyste parvenait à exécuter sa chorégraphie avec brio. J’étais comme frappée par la foudre, ressentant un élan d’admiration profonde mêlée à une étrange attirance. Il se dégageait de son corps une sensualité décomplexée qui me faisait rougir. Moi, la pauvre eurasienne coincée, je ne pouvais que rêver d’effleurer une athlète aussi accomplie, physiquement et mentalement.

La suite du spectacle fut alors annoncée par un speaker à travers les puissantes enceintes de la scène :

— Et maintenant ! Rien que pour vous cher public ! C’est l’heure de la… Danse du feutre !!

Ces derniers mots furent repris en chœur par les habituées du club, qui semblaient attendre ce moment avec impatience. Une masse de mains s’accumulèrent alors autour d’un feutre qui fut apporté près du podium, chacune semblant se battre pour avoir la chance de brandir l’outil.

Un roulement de tambour fut lancé, Améthyste sortit un tissu de sa poche et se banda les yeux avant de mettre les mains derrière sa tête et de fléchir les genoux ; de manière à ce que la pointe du feutre se trouve juste au-dessus de son nombril dénudé.

La foule scandait alors plusieurs mots que je n’arrivais pas à distinguer, mais au final, l’un d’eux ressortit davantage que les autres et toutes se mirent d’accord pour le scander ensemble :

— La flèche ! La flèche ! s’écriaient-elles.

C’est alors que, par un habile mouvement du bassin, d’une sensualité peu commune et d’une perversion à faire s’évanouir toutes les bonnes sœurs d’Angleterre, Améthyste dessina sur son bas-ventre, exposé par son short en jean trop court, une flèche élaborée pointant vers son intimité.

Comme par réflexe, je portais alors mes lèvres à mon verre afin de me rafraîchir. Il faisait incroyablement chaud dans ce club, à ce moment précis, tant et si bien que je me demandais comment mes glaçons n’avaient pas déjà fondu.

Un coup de cymbale résonna alors, comme pour conclure l’exploit, et la danseuse retira le bandeau de ses yeux en prenant une pose victorieuse sous les vivats de la foule.

Le speaker n’attendit pas beaucoup plus longtemps pour reprendre la parole :

— Et maintenant mesdemoiselles ! Le clou du spectacle ! Le super prix spécial de la soirée...! déclara la voix en laissant flotter un insupportable suspens. Je laisse la parole à notre héroïne pour vous l’expliquer !

Une annonce plutôt décevante au demeurant. Je me retrouvais moi-même à maugréer, mais mon attention ainsi que celle de toutes les autres fut alors récupérée par Améthyste qui s’était emparée d’un micro :

— Hey, les filles ! Alors ? Chaudes ce soir, hein ! déclara-t-elle en recevant des cris d’hystérie en réponse. Super ! Mais la soirée fait que commencer, mes amours ! J’vous ai préparé un set de malade pour ce soir ! Et l’heureuse gagnante de notre petit jeu gagnera un p’tit tour avec moi dans la loge VIP, pour que je puisse me reposer avant d’attaquer la soirée… me reposer ? ou m’échauffer ! Yeaaaah !

Évidemment, son petit manège déclencha de nouveau l’hystérie dans la foule. Pour ma part, je serrais les dents et sirotais distraitement mon verre, possiblement jalouse, mais véritablement frustrée. Comment une personne comme elle pouvait être aussi attirante et désirable ? Et comment toutes ces filles osaient-elles l’adorer autant que je le faisais moi-même ? Je trouvais cela frustrant, j’estimais être la seule à véritablement la connaître, toutes ces autres filles n’étaient que des groupies, alors que moi j’étais… son amie, songeais-je, presque sur le ton de l’interrogation.

— Alors les filles ! reprit Améthyste qui disposait apparemment d’un souffle illimité. Qui osera monter sur scène et deviner l’goût d’mon gloss, hein ? Qui est prête à tenter sa chance ? s’écria-t-elle.

La foule répondit par des cris, encore une fois, mais personne ne se manifesta.

Poussée par ma fierté et ma frustration naissante je pestais intérieurement et détournais le regard en mordillant la paille de mon verre.

— Pff, facile, c’est moi qui te l’ai prêté, ce gloss, murmurais-je pour moi-même, avec un peu d’amertume. Si j’avais su que c’était pour…

Je m’interrompis en écarquillant les yeux. Autour de moi, plusieurs filles s’étaient retournées et me regardaient fixement avec un grand sourire et des yeux brillants de fièvre. Je reculais alors légèrement la jambe pour assurer mon équilibre et pouvoir me mettre à fuir à tout moment. J’avais commis une erreur en pensant avoir murmuré cette phrase. J’avais oublié que mes bouchons d’oreilles faussaient l’impression que j’avais du volume de ma propre voix. Ces filles allaient certainement réclamer la réponse à la devinette d’Améthyste. Si je la leur donnais, peut-être me laisseraient-elles tranquille. Mais au moment où j’ouvris la bouche, en levant ma main libre comme pour les apaiser, l’une d’elles attrapa mon bras et me tira vers le podium.

— Non, je… je ne disais pas ça pour participer !

En réalité, c’était bien pire que ce que je pensais. Ces filles étaient tellement fair-play, ou tellement curieuses de savoir comment moi, une inconnue, connaissais leur idole, qu’elles m’entraînaient sur le devant de la scène.

Je poussais un cri de surprise en sentant plusieurs mains sur mes fesses, dans le but de me soulever le plus délicatement du monde vers le haut du podium. Je n’eus d’autre choix que d’y trouver mon équilibre et de me tenir debout.

À ce moment précis, je ne pouvais plus fléchir. Une fois dans l’arène, peu importait la raison qui m’y avait conduite, je devais faire front. Car j’étais une Lindermark, une Lili, et la maîtresse de Cool Cat.

Je me dressais alors comme j’en avais l’habitude lorsque j’étais prête à en découdre.

— Bonsoir, Améthyste ! lançai-je en prenant nonchalamment une gorgée de ma boisson. Tu t’amuses bien ?

Mais visiblement, mon amie ne sembla ni déconcertée de me voir dans ce club ni surprise que l’on m’ait portée jusqu’à elle.

— Héhéhé...! fit-elle en écartant les bras, comme pour me montrer le club autour de moi. Je savais qu’tu pourrais pas t’en empêcher ! Alors, qu’est-ce que t’en penses ?

Je regardais alors autour de moi, détaillant les visages du public qui nous regardait. Elles semblaient toutes attendre qu’un drame se déroule sur les planches de cette scène improvisée. Les lumières s’étaient faites plus calmes et la musique plus discrète. J’étais tombée dans un piège.

Je me tournais ensuite vers la Napolitaine en fronçant les sourcils, la regardant sourire simplement. Si elle avait tout prévu depuis le début, je n’aurais pas eu autant de mal à passer Zarya. Quant à Dax, elle ne pouvait pas être au courant, vu les questions qu’elle m’avait posées. Je pointais alors la DJ du doigt avec ma main libre :

— Quand tu m’as vue entrer, tu as prévu de poser cette question stupide sur ton gloss !

La foule autour de nous siffla et éclata de rire, entre quelques applaudissements encourageants.

— Bien vu ! déclara Améthyste en s’approchant de moi, avec une démarche exagérément chaloupée. Mais la règle du jeu, c’est de goûter et de deviner ! fit-elle en levant deux doigts qui vinrent m’effleurer le menton.

Elle portait aujourd’hui encore, comme la première fois que je l’avais rencontrée, une vieille paire de mitaines en fibres synthétiques marquées chacune d’une étoile. Je ne savais pas à quoi elle jouait, mais je ne comptais pas perdre. Je détestais par-dessus tout être prise à mon propre jeu. Et elle, en bon serpent qu’elle était, avait tendu une embuscade à son poursuivant félin. Évidemment, la foule n’attendait que de voir ma réaction. Partir la queue basse, ou affronter le reptile sur son propre territoire.

L’étrange frustration que j’avais ressentie plus tôt, celle d’estimer être la seule à avoir le droit d’admirer Améthyste ; mais aussi la jalousie de voir qu’elle se produisait à fond pour de simples groupies, alors qu’elle osait m’interdire de venir à son club… tout cela me donna un courage que je ne me connaissais pas.

Aussi, je vidais mon verre et le laissais tomber dans la foule, confiante qu’une l’une ou l’autre spectatrice le rattraperait. Puis je me lançais à l’assaut.

— Tu veux jouer à ça ! m’exclamais-je, approchant sans crainte de la Napolitaine.

Je tendis alors le bras pour attraper le sien et je la fis tourner sur elle-même en plaçant mon talon au bon endroit pour la faire trébucher directement dans mes bras.

Évidemment, ce mouvement cliché dans lequel Amélie s’était volontairement laissée prendre attira davantage de sifflets et de cris d’encouragement et d’excitation de la part du public.

— Tu peux encore te défiler, chantonna Améthyste en osant baisser ses lunettes sur son nez pour me révéler un clin d’œil.

Outrée, pour une raison qui m’échappait, je raffermis ma main qui tenait son dos et envoyais mon visage en avant du sien. Mon esprit était vide, mon cœur battait trop fort, mes gestes n’étaient dictés que par des parties de mon cerveau tenues toute ma vie sous silence.

Puis je me souvins que le temps se figea. J’en étais certaine, même si je n’aurais pas su expliquer le phénomène. Car au moment où mes lèvres rencontrèrent les siennes, ce ne fut pas tant le goût subtil de la cerise qui m’envahit, mais un frisson électrique, une puissante décharge d’adrénaline. Un nuage de tendresse et de fermeté à la fois, une réaction chimique.

Un frisson me fit desserrer les lèvres plutôt que de les pincer, laissant à Améthyste l’occasion d’approfondir le baiser en plaçant une main sur ma joue, goûtant à mes lèvres comme elle goûterait à un fruit parfaitement mûr. Et le frisson en moi ne fit que s’intensifier. Plutôt que de fuir cette sensation, j’aurais voulu qu’elle dure. Et même si au moment de nous séparer, je pris conscience que notre échange n’avait duré que deux petites secondes, il m’avait semblé s’écouler un temps infini.

Lorsque, un peu déboussolée, je jetais un regard autour de moi, je vis une foule approbatrice lançant des vivats et des bravos comme si nous venions de finir de donner un concert particulièrement apprécié.

Je repris alors soudainement conscience de la plaisanterie qui m’avait amenée jusqu’ici et déclarais à voix haute :

— À la cerise !

La foule s’agita alors en me fixant assez intensément, ce qui m’étonna, malgré le contexte. En effet, je venais simplement de donner une réponse, il n’y avait aucune certitude, du moins pour le public, qu’il s’agisse de la bonne. Et puis je ne m’expliquais pas pourquoi ces filles me dévisageaient autant. Je pouvais clairement les voir. Je pouvais clairement distinguer la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, la nature de leur maquillage, la texture de leurs vêtements… je les distinguais à la perfection, et je pouvais même voir la couleur de leur excitation.

Et c’est en réalisant cela que je pris conscience d’être sous l’influence de Cool Cat, quand bien même je n’y avais pas fait appel.

— Lili ! m’interpella Améthyste. T’en fais un peu trop, ça va leur paraître suspect !

— Heu, je… balbutiais-je en portant une main à mes yeux. Je ne le fais pas exprès !

— Raaah, bordel ! jura la DJ avant de retirer ses lunettes pour me les mettre sur le nez. Allez, suis-moi ! commanda-t-elle en m’attrapant par la main.

Et tandis que j’étais entraînée à toute vitesse en direction d’une porte dérobée, j’entendis le speaker de tout à l’heure annoncer :

— Et je crois que nous avons une gagnante !! Vous pouvez désormais profiter de l’happy hour en attendant la suite du spectacle !

Améthyste me fit alors traverser un couloir sombre et étroit, dans lequel nous croisâmes quelques personnes qui lui adressaient de très sincères salutations. Puis elle m’entraîna à travers une porte et la referma derrière moi avant de soupirer. Du moins, il me semblait qu’elle soupirait, car je ne l’entendis pas vraiment. Ce qui me rappela soudainement à mes bouchons d’oreilles et me poussa à les retirer. Ceci fait, je me rendis subitement compte que Cool Cat me permettait d’entendre avec une incroyable finesse dans le brouhaha lointain qui filtrait à travers la porte de cette loge VIP. Des filles parlaient des dernières séries à la mode, d’autres parlaient d’Améthyste et de la « meuf canon qui était montée sur scène ». C’était presque perturbant de percevoir aussi distinctement des sons pourtant lointains et étouffés, mais Amélie me ramena rapidement sur terre :

— Lili, hey, respire profondément et détends-toi !

Je me tournais alors dans sa direction avec un sourire sincère, dans le but de la rassurer :

— Oh, je vais très bien, ne t’en fais pas, dis-je en retirant les lunettes qu’elle m’avait mises sur le nez. En fait, je commence à m’amuser dans ce club, ajoutais-je en joignant les mains avec enthousiasme.

Cependant, mon amie sembla conserver un visage inquiet, rendu d’autant plus expressif que ses yeux n’étaient plus cachés par ses verres teintés.

— Alors, essaie de désactiver ton Cool Cat, demanda-t-elle. Comme tu fais d’habitude !

Je hochais la tête, fermais les yeux et pris une profonde inspiration, essayant de me détendre avant d’expirer tout doucement, faisant en sorte de calmer le fourmillement électrique qui semblait me parcourir. Puis j’ouvris les yeux de nouveau.

— Ça ne marche pas, constatais-je simplement, un peu surprise.

— Oh bordel, soupira Améthyste en me tournant le dos avant de remettre ses lunettes. Mais comment ça s’ fait ? demanda-t-elle sans se retourner.

— Eh bien je ne sais pas, moi, répondis-je simplement. Mais si je devais deviner, je dirais que c’est à cause d’un certain baiser…

La DJ se retourna alors vers moi, rougissante. Cela lui donnait un air adorable, même si je ne pouvais plus voir ses yeux.

— Qu’est-ce qui t’a pris d’ailleurs ? demanda-t-elle, un peu déconcertée. T’étais sensée t’enfuir ou un truc du genre !

— Excuse-moi ! répondis-je en pouffant légèrement de rire. Mais ça n’a pas eu l’air de te déplaire ! Et si je me souviens bien, tu m’as rendu ce baiser, précisais-je, ne trouvant pas de meilleurs mots.

— Ouais, OK, et toi alors ?

À ces mots, elle s’approcha de moi comme pour m’examiner de plus près.

— Moi ? Eh bien je… hésitais-je avant de commencer à voir la couleur des émotions d’Améthyste.

Ce qu’elle sembla remarquer d’ailleurs, car elle détourna son visage du mien :

— Hey, ne lis pas dans mes pensées !

— Je ne lis pas dans les pensées, précisais-je. Je peux simplement distinguer des émotions.

— Ouais ben c’est pire, essaie d’arrêter ton truc.

— Je n’y peux rien, moi ! m’exclamais-je en lui tournant le dos afin de la rassurer, croisant les bras sur ma poitrine. Après tout, c’est de ta faute, et j’espère que tu prendras tes responsabilités !

— Prendre mes quoi ? C’est toi qui m’as embrassée !

— C’est toi qui m’y as invitée !

— Et quoi alors ? fit-elle d’un ton relativement étrange.

J’essayais une fois de plus de me détendre, mais rien n’y fit, Cool Cat ne semblait pas vouloir me quitter de sitôt. Je me retournais cependant, gardant les yeux fermés pour préserver l’intimité d’Amélie et marquais un bref silence.

— Eh bien, je… j’ai besoin de réfléchir après tout ça, mais… Eh bien, je pense qu’on devrait en discuter et… enfin, je ne sais pas ce qu’on fait dans ces cas-là, avouais-je finalement.

La DJ soupira, et je devinais rien qu’au déplacement de l’air qu’elle passait ses deux mains dans ses cheveux :

— Écoute Lili, j’voulais juste déconner OK ? Mais je crois qu’j’suis allée trop loin, je suis désolée, confessa-t-elle finalement. Oublie ça, d’accord ?

Je ne me pus m’empêcher d’ouvrir les yeux de nouveau avant de lever une main pour la poser sur son épaule, me rapprochant d’elle. De déesse intouchable, elle était passée à cette jeune fille hésitante et désolée que j’avais devant moi. Et je trouvais cela terriblement craquant.

— Amélie, je ne peux pas simplement oublier, en plus c’était la première fois et… c’était franchement… grisant !

La Napolitaine rougit de plus belle, mais sembla inquiète en croisant mon regard, même protégée par ses impénétrables verres teintés.

— OK, est-ce que tu vois quelque chose là ? demanda-t-elle, la gorge visiblement serrée.

— Hé bien… soufflais-je en essayant de distinguer le puzzle de son esprit. Je ne sais pas trop, d’habitude je ne peux pas faire ça aussi loin du campus… mais je vois des nuances de rouges.

Améthyste hocha simplement la tête, mais avec un sourire un peu amer.

— Exactement, répondit-elle. Et tant mieux si tu peux voir que ça. Mais comme j’t’ai dit, tu m’attires, OK ? articula-t-elle, comme si elle avait du mal à l’admettre. Alors, joue pas avec mes sentiments juste parce que t’as été surprise par ton premier baiser. Avec une autre meuf en plus…

Étrangement, sa déclaration fit tomber comme un poids dans ma poitrine. Le poids de la réalisation de la situation. Ce qui eut pour effet de dissiper Cool Cat d’un seul coup. Je me rendis alors compte à quel point ma vision était limitée, à quel point je n’entendais plus aussi clairement que tout à l’heure. Je baissais légèrement la tête, luttant pour ne pas commencer à triturer mes doigts comme une jeune fille embarrassée de se faire gronder.

— Eh bien, je… imaginons que j’ai des sentiments moi aussi ? Qu’est-ce qu’on ferait ?

— Si on imagine ça, souffla Amélie. Je te demanderais direct de sortir avec moi. Mais t’es juste une hétéro qui s’est laissée aller à cause de l’alcool et de l’ambiance… Perds pas ton temps avec moi, conclut-elle.

Je sursautais légèrement à ces mots.

— Ne dis pas ça ! Comment tu peux arriver à te déprécier alors que tu es capable de telles choses ! m’exclamais-je en désignant la direction de la salle. Tu danses à la perfection sur ta propre musique, tu rends folles des centaines de filles rien que par ta présence sur scène ! Tu étais éblouissante ! Je n’avais jamais rien vu de pareil ! Quand je t’ai vue là-bas, j’étais morte de jalousie ! Parce que je ne suis rien de ce que tu es ! Et aussi parce que toutes ces filles te donnaient leur admiration, alors que je suis… hésitais-je avant de me reprendre. Que je veux être la seule à te connaître vraiment, à savoir qui tu es et à pouvoir t’admirer pour ce que tu es ! concluais-je avant de déglutir avec difficulté.

Améthyste afficha un visage plutôt neutre dans un premier temps, détournant le regard et reculant légèrement en dégageant son épaule de ma main. Puis elle me tourna le dos, prit une profonde inspiration…

— Raaaah ! J’en peux plus ! t’es trop mignonne quand tu dis ça ! Et ton accent me rend folle ! s’écria-t-elle de manière assez burlesque, s’ébouriffant les cheveux comme pour chasser quelques pensées. Tu pouvais pas être juste une bourge qui m’aurait simplement envoyée chier ? Pourquoi… souffla-t-elle avant de se laisser tomber sur un fauteuil. Pourquoi il a fallu que tu sois tellement… toi ?

Sans pouvoir m’en empêcher, je laissais échapper un petit rire avant de venir m’asseoir à côté d’elle.

— Écoute, je pense que… d’un certain côté, on ressent la même chose toutes les deux. On se dévalorise parce qu’on manque de confiance en nous, et on admire l’autre… enfin, je pense.

— Ouais… j’crois bien, soupira Améthyste en retrouvant un début de sourire.

— Alors, qu’est-ce que tu dirais… d’un rendez-vous ?

— Merde, t’es sérieuse ? demanda-t-elle en pouffant de rire. Un rendez-vous genre, un rencard ?

— Oui ! déclarais-je avec enthousiasme. Pourquoi pas après tout ? on se plaît mutuellement, dans un certain sens et… enfin, je veux dire… hésitais-je. Bref ! S’il existe de bonnes raisons pour un rendez-vous galant, je pense qu’on en cumule suffisamment pour, au moins… essayer ?

Améthyste marqua un petit moment de silence avant de hocher tout doucement la tête, de laisser échapper un petit rire nerveux, puis de soupirer avec le sourire.

— J’en reviens pas qu’ce soit toi qui l’proposes… dans ma tête, ça s’passait jamais comme ça, déclara-t-elle.

— Oh ? Et… ça se passait comment ? demandais-je, véritablement curieuse.

— Humm… hé bien j’ai toujours imaginé que… si ça s’faisait, ça serait toi qui jouerais l’rôle de la fille angoissée et anxieuse qui m’rejette de prime abord… soupira-t-elle en secouant la tête. Mais finalement, y s’est passé l’contraire, conclut-elle.

Ne résistant pas à cette vulnérabilité qu’elle avait le courage d’afficher devant moi, je me penchais sur elle, posant une main sur son épaule, et déposait un sage et chaste baiser sur sa joue, sans rien dire, souriant simplement.

— C’est pas aussi intense que tout à l’heure… commença-t-elle avec un sourire en coin, avant qu’il ne s’efface aussitôt. Mais ça fait quand même vach'ment plaisir, conclut-elle.

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