27 - Les premiers écueils

Notes de l’auteur : Le rythme de publication va fortement diminuer à partir d'ici. Mais promis, je fais le maximum pour ne pas vous laisser en plan trop longtemps ! Bonne lecture !

BLINKS : Pan, viens protéger les grubs le temps que j'arrive, il n'y a rien à faire sur la toplane pour le moment.

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BLINKS : Styx, tu es en retard. Non, fais le tour, ils vont t'attraper.

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JIYA : Recule, Styx.

STYX : Désolée, je croyais que tu allais l’immobiliser.

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HANABI : On a oublié l'anti-heal. On ne peut plus attaquer de front.

BLINKS : On recule, ça ne sert à rien de contester avec une toplane sans TP. Marie, recule ! Merde. On défend la base, tant pis.

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Marie pose son casque d'un air agacé, mais la voix de Blinks résonne quand même dans la pièce :

– Nos rotations étaient clairement pas bonnes. Notre exécution est trop lente. »

Elle échange un regard avec Katy. La jeune femme a l'air aussi énervée qu'elle. Alors, elle prend la parole :

– Blinks, je ne peux pas être dans ta tête. Je ne peux pas savoir à chaque instant où tu penses que je devrais être. »

– Tout va bien », tempère Jiya tranquillement. « On a perdu deux parties de suite, rien de dramatique. »

Mais la voix de Blinks arrive en parallèle :

– C'est de la stratégie de base. Le but c'est de ne pas se tourner les pouces à un endroit. Je pensais que c'était un acquis. »

– Blinks… », commence Liem.

Mais déjà Marie l'interrompt :

– Et bien désolée, mais pour moi, ce n’est pas un acquis. J'ai besoin d'une pause », finit-elle presque en criant, et elle part avant que qui que ce soit ne l'arrête.

Elle ouvre la porte de la véranda, et se dirige vers la rambarde de la loggia. Du coin de l’œil, elle voit Katy, la démarche raide, descendre au rez-de-chaussée. Elle s'accoude à la balustrade et regarde la forêt sans la voir. Son esprit bouillonne. Elle a dominé sa ligne sur les deux dernières parties, mais cette fois l'avantage n'a pas suffi à clore la partie. Plusieurs fois, son placement était erroné. Elle le sait. Elle n'a pas besoin que Blinks lui rabâche. Mais elle n’arrive pas à mettre le doigt sur pourquoi ça cloche. Les demandes de Blinks ne font aucun sens à l'heure actuelle. Elle ne voit pas sur quels critères il prend certaines décisions. Elle se sent nulle, inadaptée. Leur collaboration a bien commencé, mais après trois semaines, ils commencent à buter sur des équipes plus solides, plus rodées. Les avantages en ligne ne sont plus aussi décisifs. Et ils viennent à peine d'atteindre le classement Maître, le Grand Maître est à des années-lumière, sans parler du niveau Challenger.

Est-ce que j'ai bien fait de m'engager là-dedans ? A-t-on vraiment une chance ?

L'air frais lui fait du bien. Elle respire un peu plus calmement, mais son énervement refuse de redescendre. Elle se repasse chaque moment de la partie. Chaque moment où Blinks a fait une remarque, sur un ton qui paraissait tantôt excédé, tantôt condescendant. Son énervement était palpable quand elle a réagi avec un temps de retard à une demande de repli et que le support adverse l'a attrapé. Cela n'a pas mis fin à la partie tout de suite, mais ils n'ont jamais pu rattraper le désavantage qui s'est créé à ce moment.

Un glissement discret lui indique que la porte s'ouvre, puis se ferme. Des pas s'approchent, puis Liem vient s'accouder à côté d'elle. Il ne parle pas. Il me laisse faire le premier pas. Je ne sais pas si je suis prête. Ils ne se disent rien pendant plusieurs minutes. Il est juste là, présence réconfortante sur laquelle elle ne sait pas comment s'appuyer. Elle décide d'essayer quand même.

– J'ai été si nulle que ça ? »

Bravo. Belle entame, ma fille. Apitoie-toi lamentablement sur ton sort. Fais ta victime.

À côté, Liem sourit.

– Tu as fait des erreurs. Et tu le sais. »

OK, pour le réconfort, on repassera.

– Tu sais aussi que le milieu et la fin de partie sont ton point faible. C'est juste que, dans le feu de l'action, tu n'es pas prête à l'entendre. C'est normal. »

Elle se tourne vers lui, le regard sévère, prête à répondre de façon désagréable. Une partie de son agressivité recule quand elle croise ses yeux. Il est attentif, concerné, et surtout compatissant.

– Tu doutes, n'est-ce pas ? », demande-t-il d'un coup.

Elle hoche la tête, et fixe la forêt à nouveau.

– On est si loin du but, et déjà on est en difficulté. Quelles chances avons-nous d'y arriver ? »

– D'excellentes chances, en fait », répond Liem du tac au tac.

Elle se tourne à nouveau vers lui, étonnée. Il ne se démonte pas et continue :

– Si tu avais gardé le fait que Blinks te tape sur les nerfs pour toi, au lieu de l'exprimer, on aurait eu l'impression de bien fonctionner pendant des semaines, puis ça aurait explosé et on ne s'en serait peut-être pas remis. Blinks est loin d'être aussi bon que toi mécaniquement, et il ne le sera probablement jamais. Mais sa vision du jeu est excellente. C'est pour ça qu'il joue jungler : il compense son niveau mécanique en étant au bon endroit au bon moment. »

– C'est pour ça que tu es support », lâche-t-elle brusquement.

Super, Marie. Là vraiment, tu te surpasses.

Liem se contente de rire :

– Oui, tu le sais très bien. Et je ne suis pas vexé par ton opinion sur mon piètre niveau de jeu, arrête de me regarder comme ça. Je suis conscient de mes forces et de mes faiblesses. Toi aussi, même si tu ne réalises pas encore à quel point le fait de ne pas avoir joué en équipe te laisse vraiment des lacunes sur la perception du jeu. Et ce n'est pas grave. Parce que Blinks et moi sommes là pour ça. Pour toi, comme pour Katy. C'est pour ça qu'on n'a pas cinq pros mécaniques dans l'équipe. Mais il faut que tu acceptes que ça prenne du temps. Et que Blinks a perçu sur cette partie la même chose que la dernière fois que tu m'as vu jouer Ezreal et que j'ai mis tous mes sorts à côté. Alors que bon, "c'est facile, tu ne vois bien qu'il ne peut pas aller à gauche, pourquoi tu mets ton sort là-bas ?" »

Il a dit tout cela sans élever la voix, mais sans prendre de ton professoral non plus. Sa voix était pensive, un peu comme s'il menait l'analyse en direct lui-même. À ces mots, Marie se sent un peu plus calme. Elle hoche la tête lentement. Ils restent à regarder la forêt encore un moment. La pression redescend lentement.

– On retourne à l'intérieur ? », suggère Liem. « Je crois que Blinks aimerait te parler. »

Je ne suis pas sûre d'être prête pour cela. Mais fuir ne m'apportera rien. Elle se redresse et suit Liem, qui lui ouvre la porte et la laisse passer. Blinks est là, au centre de la pièce, l'air penaud. Elle est à deux doigts d'exploser de rire devant le grotesque de la situation. C’est moi qui joue mal, moi qui m’énerve, et Blinks qui est dépité. Je ne sais pas ce que tu lui as dit, Liem, mais il ne méritait sûrement pas cela.

– J'adore parler », commence-t-il, penaud, « mais il y a des choses que j'ai du mal à dire. Je suis désolé. »

Il laisse un silence, puis, voyant que Marie ne dit rien, reprend :

– La vérité c'est que, depuis qu’on a commencé, je suis au chômage technique. C'est Katy, Jiya et toi qui nous gagnez les parties avant même que le blindage des tourelles ne finisse de sauter. J'ai toujours eu un peu de mal à réguler mes communications en jeu. Je te promets d'y travailler. Et je suis prêt à t'enseigner tout ce que je sais sur le positionnement. Même si Liem fera probablement ça mieux que moi. »

Marie le regarde, choquée. Il se tient debout devant elle, ses fringues trop grandes pour lui. Ses lunettes donnent un peu l'impression qu'il louche en permanence. Lui et son expérience de la scène compétitive nationale s'excusent. L'émotion étreint Marie. Elle se rend compte qu'elle n'a pas assez dormi. Comment je peux vouloir passer du rire aux larmes en si peu de temps ?

Alors, devant le regard presque suppliant de Blinks, elle hoche la tête lentement. Sa voix tremble un peu quand elle prend la parole, mais elle en reprend le contrôle rapidement :

– Je te remercie. Je suis nulle dans ce domaine, je le sais, c'est pas faute que Liem me le répète. Mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur un concept qui vous paraît naturel, et ça me frustre. Je serai ravie de recevoir vos conseils à tous les deux. »

Elle cherche Liem du regard, mais il a disparu. Il a dû descendre à la cuisine. Elle fait un signe en direction de l'escalier, et Blinks décline :

– Jiya est partie chercher Katy. Je l'attends pour m'excuser aussi. Je vous rejoins après. »

Elle hoche la tête et s'engage dans l'escalier quand la voix de Blinks retentit à nouveau :

– Marie ? Je suis sûr qu'on va y arriver. Je connaissais le joueur botlane adverse. C'est un challenger qui essayait de tirer son équipe vers le haut. Tu lui as mis la misère. À la vitesse où vous apprenez, dans trois mois, on rafle toutes les LAN. »

Et ces foutues larmes qui reviennent. La jeune femme hoche la tête, et tente d'esquisser un sourire. Elle ne peut rien faire de plus. Alors, elle descend les escaliers, et passe faire un détour par sa chambre avant de rejoindre ses coéquipiers pour le dîner.

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RosePernot
Posté le 04/05/2025
Très intéressant, les tension sont biens ressenties et l'impression laissée fait réelle. C'est assez intéressant de découvrir de nouvelles facettes de certains personnages, comme Blinks. En tout cas tu exploites bien les tensions et retranscrit bien les éléments d'une dispute. Hâte de lire, que dis-je de dévorer la suite !
Belle continuation !
LogistiX
Posté le 06/05/2025
Coucou !
On va découvrir effectivement découvrir ces personnages petit à petit, avec leurs forces et leurs faiblesses. Ce n'est pas la fin des tensions, loin de là !

Merci pour ton retour,
LX
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