28. Départs

Par Rachael

Le soldat qui accompagnait Mu vers la cellule de Keizo manifesta sa mauvaise humeur :

— Dégage, Lalé ! Qu’est-ce que tu fous là ? Je vais prévenir Svelj si tu ne retournes pas immédiatement dans la chambre qui t’a été assignée.

La jeune fille se plaqua contre le mur de l’escalier pour les laisser descendre et baissa la tête avec servilité.

— Désolée, Maert, balbutia-t-elle. Ne lui dis rien, s’il te plaît, j’y vais tout de suite. J’étais juste curieuse.

Mu avait ralenti pour passer derrière Maert, qui ne remarqua pas le regard entre les deux filles. Leurs doigts se frôlèrent, tandis qu’un petit tube bleu changeait de main.

Mu tâcha de garder pour elle son exaltation. Elle savait maintenant comment Lalé avait choisi de lui prêter assistance.

Mu avait bien réussi sa prestation auprès d’Évola Feslow. Elle avait accepté la mission que la commandante souhaitait lui confier : faire comprendre à Keizo que l’Alliance ne lui voulait pas de mal. Absurde : comment cette femme pouvait-elle croire que Keizo se rangerait de leur côté, désormais ? C’est ce que Mu s’était retenue de lui crier au visage. Au lieu de cela, elle avait mis à distance sa colère et sa peur, trouvé une zone de calme tout au fond d’elle et menti avec conviction. Un talent que Mu n’aurait jamais imaginé posséder. Cela n’avait pas abusé Lalé, qui assistait à l’entretien, mais la télépathe, pour une raison sur laquelle Mu ne s’était pas appesantie, avait décidé de les aider.

Ainsi, Mu était censée porter à un Keizo en passe de se réveiller une parole rassurante afin de le persuader de secourir l’Alliance. À ceci près que Mu ne croyait plus une seconde aux bonnes intentions des services de renseignement. Devant la logique oblique de la commandante, doublée de ses encouragements mielleux, les doutes de Mu s’étaient tous envolés. Plus celle-ci prétendait que la situation de Keizo n’était que temporaire – il avait été neutralisé par simple précaution – plus Mu le visualisait diminué par la drogue, serré dans une grande main prête à le broyer. La commandante mentait, elle crevait de trouille comme eux tous, incapable de projeter sa vision au-delà de cette peur des ultras.

Mu n’abandonnerait pas Keizo à l’Alliance.

Elle arriva avec son escorte à la pièce dans laquelle ils avaient enfermé Keizo. Le pouls accéléré, moite de transpiration, Mu se sentit soudain bien trop jeune pour comploter contre l’État-major. Comment garder son calme, ne pas se trahir ? Elle avait l’impression que sa duplicité s’était inscrite sur son visage. Par chance, la salle n’était éclairée que par la lueur du moniteur médical qui veillait sur le sommeil artificiel dans lequel Keizo avait été plongé. Ils avaient fait mieux que pour Mu en l’installant sur un vrai lit – muni d’une armature pour lui menotter un poignet au-dessus de la tête.

Il était encore inconscient, mais remua quand Mu entra. Le soldat resta en faction près de la porte, avec une répugnance presque palpable à s’approcher davantage.

Mu s’arrêta sur le côté du lit et le regarda dormir, le cœur battant. Sa résolution se raffermit : Keizo était l’espoir de l’Alliance, mais celle-ci perdrait tout si elle cherchait à le réduire en esclavage. Sauver l’Alliance de ses propres errances : voilà ce à quoi Mu devait s’atteler.

La pâleur de Keizo la consterna ; cela rappelait à la jeune fille les heures de veille à son chevet, sur le Vieux Marp. Il n’était plus si hâve qu’alors, seule cette blancheur insolite le rapprochait de ce passé pas si lointain. Elle détailla avidement ses traits, si familiers qu’il lui semblait avoir toujours fait partie de sa vie : pommettes hautes, lèvres pleines, longs cils baissés. Il ouvrit les paupières au bout de quelques secondes, comme s’il avait senti sa présence, puis il lui sourit tranquillement, ce qui redoubla les battements de son cœur. Il était pourtant incapable de la percevoir à sa manière habituelle, ils y avaient veillé. Tout sens télépathique s’était dissipé sous l’effet de la drogue, c’est ce qu’avait expliqué la commandante.

Émue par ce cadeau spontané, Mu tenta un sourire rassurant en retour et posa ses doigts doucement sur le côté de son visage.

— Ça va ? questionna-t-elle.

Il fronça les sourcils, si bien que Mu répéta moins vite, syllabes bien détachées.

— Ça va ?

Cette fois-ci, il acquiesça, sans la lâcher du regard.

— Toi ? demanda-t-il d’une voix rauque

Elle opina, surprise qu’il fasse l’effort d’articuler. C’était si frustrant de devoir se contenter de la parole, alors qu’elle aurait aimé lui communiquer tant de choses en privé.

— Tu comprends quand je parle ? essaya-t-elle.

Il papillonna des yeux avec une nouvelle mimique dubitative, si bien que Mu réitéra lentement, en réfrénant son impatience.

— Tu comprends quand je parle ?

Il hocha la tête. Il bougea le bras droit, puis tourna les yeux vers son bras gauche, attaché.

— C’est l’Alliance, expliqua Mu. Ils sont un peu nerveux, ils n’ont pas complètement confiance. Mais ça va bien se passer avec eux.

Elle surjouait, articulait avec application d’une voix trop haut perchée, avec l’espoir qu’il saisisse la fausseté dans son ton. Elle continua son discours de persuasion pendant les minutes qui suivirent, tandis qu’il l’examinait avec une mine moqueuse, les paupières mi-closes. Arrête de te fiche de moi, lui aurait-elle volontiers balancé, essaye plutôt de te concentrer sur ce que je ne peux pas dire. Elle plaça quand même qu’ils étaient détenus dans la propre villa d’Eshan, ce qui lui valut une grimace en réaction. Voulait-il lui signifier que ce n’était pas sans risque ? Bien sûr, ça, elle le savait déjà. Évidemment, il était malaisé de transmettre des messages dans ces conditions, d’un côté comme de l’autre. Surtout avec le soldat, là derrière elle, dont elle sentait le regard la piquer entre les omoplates. Peut-être ne la regardait-il même pas, après tout ! Elle n’allait pas se retourner pour le vérifier ; elle devait faire ce pour quoi elle était venue de la manière la plus anodine possible. Elle hésita, douta de Lalé pour la première fois. Si le produit n’était pas un antidote, mais un poison ? Non, elle devenait paranoïaque, pourquoi la télépathe ferait-elle un coup aussi tordu ?

Mu s’arma de courage et saisit entre ses doigts le fin tube d’injection qu’elle tenait serré dans son poing gauche depuis le croisement dans l’escalier. C’était simple, s’exhorta-t-elle, il suffisait de plaquer sa main sur le bras de Keizo d’un geste naturel. Naturel, facile à dire. Elle continuait de parler et rabâchait la même chose pour la dixième fois peut-être. Il fallait qu’elle se décide. Maintenant.

Pour seule réaction, Keizo plissa les yeux, tandis que la main au-dessus de sa tête tressaillait. Le moniteur, lui, indiqua une augmentation de son pouls. Mu se figura qu’il avait mal et elle se mit à paniquer. S’il ne supportait pas le produit ?

— Ça va, la rassura-t-il d’un murmure presque inaudible.

— Je vais te laisser dormir, déclara-t-elle assez fort, tu as l’air fatigué. Ça devrait aller mieux très vite.

Il cligna des paupières, une fois : il avait compris le message. Mu serra sa main dans la sienne en un geste réconfortant puis sortit, suivie par le soldat qui ne cacha pas son soulagement. Ne restait plus qu’à attendre.

 

¤¤¤

 

Ennius s’installait dans l’hironde de la Fondation, celle-là même qui leur avait permis de fuir d’Ithéus, quand la présence se déploya autour de lui. Il faillit se figer de surprise, puis manqua de trébucher ; il parvint toutefois à sauvegarder plus ou moins les apparences et s’affala avec soulagement dans un des fauteuils. La connexion avec Keizo n’avait jamais été aussi prégnante ; le murmure dans son esprit s’était transformé en une sensation d’enveloppement presque corporelle : s’il fermait les yeux il avait l’impression que Keizo se trouvait là avec lui dans l’hironde, une main prête à se poser sur son épaule.

— Keizo ?

— De retour.

— Mais comment ?

— Pas le temps d’expliquer.

— Je… je ne voulais pas partir, se justifia Ennius à toute allure, mais mon père m’a dit que je ne pouvais rien pour toi et qu’il fallait nous éloigner pour retrouver notre liberté d’action.

Un embarras le saisissait à présent ; n’avait-il pas cédé trop vite aux arguments de son père, ne s’était-il pas montré trop influençable ?

— Ton père a raison.

— Mais non ! Si on peut communiquer, je peux t’aider.

— Non, tu ne peux pas. Miesko et toi, vous devez virer l’Expérion d’Ione.

— C’est ce qu’il projette, enfin… ce qu’on projette, mais tu es plus important.

— Je sais comment ouvrir le portail.

Ennius laissa s’écouler quelques secondes, abasourdi.

— Mais… comment ?

— J’ai regagné quelques réflexes en allant chercher ton père. Tu lui demanderas de te raconter.

— Encore faut-il parvenir jusque-là.

— Je vais m’en sortir, Ennius. Promis. Je sais comment m’y prendre. Je vous veux à l’abri. C’est comme ça que vous m’aiderez le plus.

— Mais non !

— Mais si.

— Ennius, prêt ? questionna Miesko après avoir fermé le sas de l’hironde.

Ennius répondit avec retard, écartelé entre sa conversation avec Keizo et ce qui se passait près de lui.

— Oui, j’arrive. Je surveillerai la navigation, si vous êtes fatigué.

— Pour l’instant, cela va. Éloignons-nous d’abord.

— Keizo… tu es sûr ? s’inquiéta Ennius, torturé par le doute.

—  Certain ! Tout ce que tu as fait pour moi, Ennius, je ne l’oublierai jamais. Nous nous reverrons, c’est promis. Dès qu’on aura mis de l’ordre dans tout ce bazar.

— Promis ?

— Juré.

— Je n’ai pas pu de te le dire… Merci d’avoir sauvé mon père.

— Justement, tu ne m’auras plus pour te compliquer la vie, mais il te reste ton père. Garde ton cap et méfie-toi de ses ambitions.

— Je préférais quand c’était toi qui bouleversais mes petites habitudes. Keizo… non, rien… ce n’est pas important. Fais attention à toi.

Quelque chose comme de l’amusement lui arriva par le lien entre eux. Puis le contact se brouilla. Ennius soupira, souhaita mentalement bonne chance à Keizo et alla retrouver son père à l’avant de l’hironde. Dur de se faire éjecter de la scène avant le dénouement. Il se sentait lésé, mais comprenait que son devoir l’appelait ailleurs. Il avait fait tout ce qu’il pouvait pour Keizo. Et même si c’était dur à admettre, il n’était pas à la hauteur pour les opérations sur le terrain.

L’hironde s’éleva dans le ciel d’Ione et les nuages l’avalèrent.

 

¤¤¤

 

Lalé n’en pouvait plus d’attendre. Le manque se répandait dans tout son corps comme une contagion malsaine. Les secondes s’étiraient, s’effilaient, elle marchait sur un fil de temps qui n’avait pas de fin.

Elle s’était recroquevillée en position fœtale sur le lit de sa chambre, si spacieux qu’il l’angoissait. Elle aurait préféré une couchette réglementaire, vissée contre la cloison d’une cabine standard de la flotte, afin de se caler, dos et fesses contre le mur : ainsi maintenue, elle se serait sentie moins vulnérable.

Le temps se traînait. Si cela continuait, elle ne serait même plus en état de se lever ni d’y voir clair quand le type en bas, l’ultra, aurait retrouvé ses pouvoirs. Déciderait-il d’honorer la promesse de la fille ?

Lalé avait en alternance chaud, froid, son cœur cognait dans sa poitrine et chacune de ses respirations se faisait plus oppressée. Une sueur à l’odeur fétide couvrait son corps après chaque bouffée de chaleur ; elle tremblait de froid ensuite et se crispait douloureusement.

Elle regarda l’heure une nouvelle fois et dut plisser les paupières jusqu’à ce que les chiffres se stabilisent sur l’écran. Il ne s’était écoulé que trois quarts d’heure depuis qu’elle avait glissé le produit à la fille. À Mu. Elle portait un nom désormais ; Lalé aimait bien penser aux gens par leur nom. Mu était jolie avec sa peau chocolat, ses yeux noisette et son physique robuste. Avec ses cheveux en torsades vaporeuses à la couleur du caramel chaud. Elle possédait une aura on ne peut plus ordinaire. Lalé se demanda encore une fois pourquoi elle n’avait pas eu ce mouvement de recul, ce dégoût que les normaux manifestaient toujours en face d’elle. Était-ce cela qui avait décidé Lalé à agir ? Tout devenait confus à présent.

Elle pressa les paupières l’une contre l’autre pour ne plus voir le patch qu’elle avait posé hors d’atteinte sur une console. Mais qu’elle l’aperçoive ou non ne faisait aucune différence. Le besoin de la drogue occupait tout son corps et presque tout son esprit. Un spasme lui tordit les intestins. Elle serra les poings et s’efforça de s’arrondir encore plus, refermée sur elle-même en un cercle parfait. Si elle mettait le patch, elle dormirait. Elle ne pouvait pas dormir.

Lalé prenait ce produit depuis que ses pouvoirs s’étaient manifestés, à la puberté. Elle ne s’était posé aucune question, au moins toute la durée de son instruction sur une des lunes d’Astapur, qui abritait une base de la flotte. On ne leur laissait pas beaucoup le loisir de réfléchir, là-bas. C’est à l’arrivée dans son unité, voilà deux ans, que Svelj lui avait révélé avec brutalité que la dose quotidienne entraînait un état de dépendance. Svelj n’enrobait rien, pas davantage à cette époque qu’aujourd’hui. Cette franchise en toute situation qui suscitait la loyauté de ses hommes était probablement un de ses traits de caractère les plus notables.

C’est aussi à cette même époque qu’elle avait commencé à mal se porter : malaises à répétition, épuisement, vomissements. Dans sa naïveté, elle n’avait pas imaginé une seule seconde que c’était cette drogue qui la tuait à petit feu.

Pour soutenir son indignation, elle se répéta comme un mantra tous les mensonges qu’on lui avait servis depuis des années : les télépathes, des déficients génétiques, condamnés sans traitement ? Faux, celui-ci ne visait qu’à la rendre docile. L’addiction, un effet indésirable du traitement ? Faux, ça aussi, l’addiction n’était destinée qu’à la contrôler. L’État-major était un ramassis de salauds de dimension cosmique ! Sa seule consolation était que personne ne savait dans l’équipe. Ils la méprisaient, l’utilisaient, mais ne la trompaient pas. Pour la simple raison qu’elle l’aurait su… comme elle avait confirmé ses doutes en espionnant Mu aujourd’hui et l’Ionien, Ennius. Ici, ils vivaient avec des télépathes. Jamais ils n’avaient entendu parler de déficience génétique ni de traitement à la nécessité vitale…

Ses pensées dérivèrent. Elle se revit à douze ans, avec sa grande sœur Nôôr, lors de la fête de ses dix-neuf ans. L’âge de la liberté et de la responsabilité. C’était avant. Avant que Lalé comprenne qu’elle ne serait jamais libre ; que d’autres seraient toujours responsables d’elle et maîtres de son destin. Maintenant, elle savait aussi qu’elle n’atteindrait jamais ses dix-neuf ans. À moins d’un miracle…

Quelque chose tira Lalé de ses rêveries moroses. Quelque part, une aura se déployait, puissante, s’enroulait autour d’elle. Elle se sentit bercée, apaisée et pourtant plus alerte qu’avant.

— Viens.

Lalé ouvrit les yeux. Un long soupir l’ébranla du haut en bas. Elle devait se lever, marcher, descendre l’escalier. Cela paraissait déjà moins impossible, maintenant que cette voix la poussait en avant. La porte, s’inquiéta-t-elle. Elle s’était verrouillée lorsqu’elle était entrée. Svelj ne lui avait jamais fait entièrement confiance quand elle était loyale, pourquoi aujourd’hui aurait-il oublié de l’enfermer ? Des larmes de frustration perlèrent à ses paupières tandis qu’elle se mettait péniblement debout.

— Je t’ouvrirai quand tu seras prête. Mets le patch dans ta poche.

Lalé se demanda si elle rêvait. Dans son état fébrile, séparer les songes et la réalité devenait ardu. En se levant, elle se cogna le pied sur le coin du lit. Aïe ! Cela ressemblait bien à la réalité ! Réveillée par la douleur, elle enfila ses chaussures, boucla sa ceinture de combat puis s’approcha de la porte.

— Prête ?

Elle prit une grande inspiration. Le patch ! Elle l’attrapa du bout des doigts comme s’il allait la mordre et le fourra vite dans sa poche.

— Prête.

 

¤¤¤

 

— Maintenant !

Sur l’injonction de Keizo, Mu sortit de sa chambre à peu près en même temps que Lalé. Elles se retrouvèrent aussitôt. Pas besoin de parler, un regard de connivence leur suffit pour s’engager à pas de loup dans les couloirs et escaliers de la villa. Keizo les dirigeait de manière à ce que personne ne les surprenne. Il était si réel dans la tête de Mu qu’elle avait l’impression d’une présence physique, comme s’il les accompagnait. Pourtant, il restait allongé dans son lit à jouer les endormis ; dès qu’il se détacherait et quitterait la pièce, il pouvait s’attendre à déclencher un beau remue-ménage.

Mu éprouvait une étrange empathie pour la frêle télépathe. Le visage horriblement pâle, elle paraissait malade, prête à tomber. Ses traits juvéniles étaient déjà creusés, barrés de lignes de fatigue, et des cernes noirâtres couronnaient ses joues émaciées. L’Alliance traitait donc si mal ceux qu’elle employait à espionner pour elle ? Au point de les pousser à la trahison ? Le sentiment de révolte qui avait saisi Mu en découvrant le sort réservé à Keizo ne l’avait pas quittée. Elle ne se reconnaissait pas dans cette Alliance-là. Elle commençait même à comprendre les Ioniens, avec leur politique de neutralité si critiquée.

Mu rattrapa au vol Lalé qui trébuchait dans l’escalier et ne la lâcha plus.

 

¤¤¤

 

Svelj ressentait une inquiétude grandissante. Combien de temps allaient-ils attendre passivement qu’on vienne les récupérer ? L’Alliance aurait dû les tirer de la villa depuis des heures déjà. Les ordres de la commandante étaient clairs, néanmoins ils ne pouvaient pas rester là éternellement. La nervosité de ses hommes répondait à la sienne : rompus aux opérations furtives, ils comprenaient mal qu’on campe dans une position aussi peu défendable, alors qu’il était faisable de se mettre à l’abri dans les montagnes. Rien n’était normal ni habituel dans cette opération.

Ses implants de comm lui signalèrent un appel d’Évola Feslow :

— On part. Plus question d’attendre.

— Bien commandante.

Il entendit le soulagement dans sa propre voix. Sur le terrain, Svelj possédait une expérience bien supérieure à sa chef. Il subodorait qu’elle le considérait comme une brute sans pitié ; pourtant, s’il était toujours en vie, il le devait à son intelligence. Il s’était permis de lui signifier depuis plusieurs heures déjà que leur situation exposée le préoccupait.

— Les hommes sont prêts, l’itinéraire vers les formations rocheuses a été reconnu, précisa-t-il. Je descends pour superviser l’évacuation du prisonnier.

— Bien. Ne relâchez pas la surveillance extérieure.

Svelj prévint ses trois hommes qu’on partait. Ils savaient ce qu’ils avaient à faire. Il fallait qu’il gère aussi Lalé. À l’heure qu’il était, elle devait somnoler sous l’emprise de la drogue, incapable de bouger par elle-même. Dans ce cas, il faudrait envoyer un des soldats pour la porter. Ou peut-être pas. Vérifier au passage ne lui coûtait rien.

Ses implants composèrent le code d’ouverture de la porte, laquelle s’effaça en silence.

— Lalé, on file. Est-ce que tu es en état de marcher seule ?

Pas d’écho à sa question, lancée à son entrée. Un rapide tour d’horizon découvrit à Svelj une chambre vide. Pas de Lalé en vue.

— Lalé ! Mornespace, t’es où ?

Non, rien n’était normal dans cette opération ! Svelj se rua dans les couloirs en jurant. Il avait pris soin de mémoriser les plans de la villa et courut directement vers la pièce où leur invité était retenu. Quand il y parvint, il ne trouva que Maert, inconscient sur le sol. Du prisonnier, aucune trace.

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Aliceetlescrayons
Posté le 16/02/2020
Décidément, j'aime beaucoup le personnage de Lalé ^^
Bon, je n'ai pas grand-chose de constructif à dire sur ce chapitre, mis à part que je l'ai dévoré :D
Une petite question s'est quand même glissée dans mon esprit en commençant à lire : comment l'Alliance peut-elle espérer contrôler Keizo? Complètement drogué, il leur est inutile et conscient et capable d'utiliser ses pouvoirs, il est incontrôlable... Bon, c'est un point qui m'arrange parce que je préfère qu'il réussisse à s'enfuir mais ça me questionne. Ma lecture du début de l'histoire date mais y était-il question d'un moyen de pression qu'ils pourraient avoir?
Rachael
Posté le 16/02/2020
Hello Alice ! Non, pas de moyens de pression, mais ils ont des drogues plus élaborées qui permettent de l'empêcher d'utiliser ses pouvoirs. C'est plus ou moins ce que dit la commandante un peu plus tôt quand elle en discute avec Bryn.
aranck
Posté le 06/02/2020
Hello,

Pour ce chapitre tout à fait excellent, je n’ai rien à dire. Même pas de chipotage ou alors, deux tout petits que tu trouveras en fin de commentaire. Comme quoi, je te suis très utile…
Et surtout, je suis ravie que Keizo ait retrouvé ses capacités et aide Lalé et Mu à s’enfuir tout en pensant également à contacter Ennius. C’est vraiment un type bien qui ne laisse rien de côté.
J’apprécie également beaucoup la relation qui commence à se créer entre Lalé et Mu.
Quant à l’Alliance qui se targue de vouloir le bien de ses habitants, on en reparlera ! toujours comme ça (y compris dans notre cher monde ;-))). ). C’est pour votre bien qu’on vous fait bosser pour des salaires de misère, pour votre bien qu’on vous rend ignorant, etc. Dès qu’on a le pouvoir, il devient difficile de rester honnête tant l’idée de l’étendre est forte… Et cette commandante, qu’est-ce qu’elle m’horripile et qu’est-ce qu’elle est stupide parfois ! Croire que Mu va trahir Keizo… Ce n’est pas très malin, même si quelqu’un reste pour écouter leur échange. Mais ça, c’est typique des personnes qui se sentent au-dessus des autres. Elles prennent tellement les gens pour des c.. qu’elles n’arrivent pas à envisager une seconde que l’inverse est aussi vrai !
Bref, les enjeux des uns et des autres se précisent, les alliances aussi, il me semble même que des alliés se profilent à l’horizon en la personne de Miesko (même si comme dit Keizo, faut faire gaffe), et puis il y a aussi ceux du Vieux Marp qui n’ont probablement pas dit leur dernier mot…
Je te le redis donc, c’est un très bon chapitre !
Et j’ajoute mes chipotages :

« À ceci près que Mu ne croyait plus une seconde aux bonnes intentions des services » le « une seconde » est pour moi de trop

« cernes noirâtres couronnaient ses joues émaciées » couronner pour moi, c’est au-dessus de quelque chose. Creusaient ? Envahissaient ? Se répandaient sur ? S’enfonçaient ?

Bises !
Rachael
Posté le 06/02/2020
Ah, ah, merci, j'aimerais bien que d'autres pensent autant de bien de cette histoire (si tu vois de qui je parle...). Merci pour les chipotages. Zut, je ne sais plus quoi mettre pour les cernes, mais je vais trouver...
J'ai vu que j'avais raté ton dernier chapitre publié, je vais y aller ce week-end !
Bises
aranck
Posté le 07/02/2020
Oui, oui, je vois parfaitement bien... Mais le milieu est fermé. Très fermé. C'est pourquoi il ne faut jamais laisser tomber. Pense à JK Rowlling ;-)
Pour mon chapitre, y'a pas le feu au lac, je n'en posterai pas avant un certain temps, c'est à dire tant que je n'ai pas repris ces fameux chapitres explicatifs, et surtout tant que je ne me suis pas remise à écrire. Il me faudrait deux vies, je n'arrive plus à tout faire et l'écriture passe toujours en dernier. Ça me fait rager, mais je n'arrive pas à imposer ma légitimité à ce sujet (sauf vis à vis de mon fils qui attend la suite depuis trèèèèès longtemps, qui m'encourage et qui me dit de changer de priorités, mais ce n'est pas si simple...)
À très bientôt !
Bises.
Fannie
Posté le 24/10/2019
Re-coucou,
Ouf ! Keizo reprend sa liberté de mouvement et de pensée. Ce qui ne veut pas dire que nos amis sont forcément en sécurité… Maintenant, il faut que Keizo reste concentré. J’aime bien sa manière d’entrer en communication avec les autres.
Lalé se présentait au début comme une personne bizarre, qui suscitait la méfiance ; elle est de plus en plus attachante. J’espère qu’elle ne va pas mourir.
Mu ne s’en est pas si mal sortie, finalement. Même si elle n’est pas naturellement douée pour mentir et jouer la comédie. Mais heureusement qu’il n’y avait pas d’observateur particulièrement perspicace.
Il est probable que l’expression « une brute sans pitié » définisse bien Svelj ; mais une brute sans pitié doublée d’un dévié sexuel.
.
Quelques remarques :
— Devant la logique oblique de la commandante, doublée de ses encouragements mielleux [J’adore ces formulations.]
— dont elle sentait le regard la piquer entre les omoplates [C’est vraiment bien trouvé.]
— L’hironde s’éleva dans le ciel d’Ione et les nuages l’avalèrent [Belle image.]
— de manière à ce que personne ne les surprenne [« de manière à ce que » n’est pas faux, mais « de manière que » suffirait. Voici le jugement, particulièrement sévère, de l’Académie française : http://www.academie-francaise.fr/de-maniere-ce-que]
Rachael
Posté le 24/10/2019
Ah oui, c'est plus joli "de manière que" ! Merci pour la référence.
Mu a tendance à se sous-estimer, elle a été suffisamment convaincante, en tous cas !
Comme tu dis, il va falloir rester concentré !
Keina
Posté le 05/10/2019
Yes, enfin, Mu, Lalé et Keizo vont s'échapper ! Et Ennius et Miesko font de bons alliés, je trouve qu'il y a un vrai lien qui se forme entre tout ce monde-là. Ne manque plus que Bryn... J'espère qu'il va finir par se retourner pour de bon contre ses employeurs et les rejoindre ! Parce que plus ça va, plus tu dépeins une Alliance perfide et sordide. Maintenant, je me demande vraiment comment c'est du côté de l'Experion...
Rachael
Posté le 06/10/2019
Ah oui, perfide et sordide, carrément ! En tout cas, ils ne font pas grand cas de certaines personnes, comme les télépathes...
Je mets vite la suite avec l'évasion. ;-)
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