Le sommeil enlaça Eleonara, la berçant dans son accolade. Les premières fibres et filaments d'un rêve se tressaient lorsqu'une voix apeurée les déchira.
— Qui êtes-vous ? Pourquoi souriez-vous ? Qui êtes-vous ?
Le cœur de l'elfe fit une galipette. Pas sûre de nager dans une dimension imaginée ou de fouler la réalité, elle se redressa sur ses coudes. Autour d'elle, l'accalmie ne pourvoyait aucun indice.
— Sgarlaad ?
Ç'avait été sa voix à lui, elle en était sûre. Avec un mauvais pressentiment, Eleonara se défit de ses couvertures, déroula son échelle et rejoignit l'abri du Nordique qui, tout comme elle, dormait en hauteur dans une des grandes découpures dans les murs de la Source. Arrivée en haut, elle souleva le vieux rideau masquant l'ouverture de l'ancienne canalisation.
— Sgarlaad ?
Aucune réponse ne vint. Dans la pénombre, la forme repliée et tordue du Nordique se devinait dans un froissement de couvertures. Il avait parlé en dormant.
Abandonnée par le sommeil qui lui déniait son repos, Eleonara se mit à redescendre les échelons. Sauf que, dans l'obscurité, son pied en rata un et dérapa.
Elle chuta dans le vide, se rattrapant à l'échelle juste avant que son bassin ne heurtât le sol. Son mollet droit n'eut pas cette chance toutefois ; il s'était râpé contre le grès. Par réflexe, l'elfe lâcha prise, tomba par terre avec un bruit sourd et se recroquevilla au-dessus des lancinations brûlantes en grimaçant. Respirant avec contrôle, elle décolla doucement son mollet. La chair était à vif.
Elle se traîna jusqu'à la Source pour laver sa plaie, avant de s'en écarter comme s'il s'agissait de lave fumante. Cette eau stagnait, bon sang, il ne lui manquait plus qu'une infection.
En silence et dans le noir, elle bouillit de l'eau propre, attendit qu'elle refroidît et baigna sa plaie au-dessus du bassin avant d'y appliquer un baume.
Elle retourna se coucher. Les élucubrations de Sgarlaad se poursuivirent. Elles étaient si monotones et peu articulées qu'elles prenaient parfois des airs de prière, de rituel ancien, voire de transe. Toujours en mikilldien, le charabia effleurait tantôt un semblant de sens, avant de dévier dans l'absurde. Il était question de girafes et de mort, de peur et de ciseaux, de fiançailles et de clefs.
Le lendemain, l'elfe émergea de son étang de repos plus tôt que d'habitude. En papillonnant des paupières, elle comprit que son inconscient, en la tirant de son lit de façon si précoce, avait essayé de lui communiquer quelque chose.
Des racines poussaient hors de la Source telles des couleuvres de charbon. Sauf que ce n'étaient pas des racines. De part et d'autre des branches se courbaient de petites feuilles grises et pointues. Eleonara cligna des yeux et son estomac se contracta. Une fleur dorée pendait au bout d'une brindille.
Elle avait lavé sa blessure près de la Source et voilà qu'un buisson de fleurs jaunes voulait se former. Son sang avait dû couler et entrer en contact avec de la terre ou de la mousse au fond du bassin...
Avec un coup d’œil pour s'assurer que Sgarlaad ne s'était pas réveillé, elle bondit sur ses pieds et gémit aussitôt. Elle avait oublié sa paie ouverte. En boitant, elle se dépêcha de rejoindre l'eau, où elle arracha la fleur jaune et les brindilles visibles depuis la surface. Elle se dépêcha de les brûler et hésitait à plonger pour se débarrasser du reste de la plante quand un écho retentit derrière elle.
— Qu'y a-t-il ? Tes habits sont trempés !
Sgarlaad la dévisageait depuis son abri. Eleonara passa ses paumes sur sa tunique claire par réflexe.
— Oh, je me suis juste un peu entraînée à la nage, vu que ce sera utile pour notre fugue.
Comme ils ne pouvaient pas avancer la lune-d'eau avant la réception des derniers matériaux, Sgarlaad entraînait Eleonara à la nage, car si Dalisa lui avait déjà plongé la tête dans la bière, l'elfe n'avait jamais mis la tête sous l'eau auparavant.
Lâchant prise de son rideau déchiré, Sgarlaad emprunta l'échelle instable pour toucher terre. Eleonara se mit à cuire du pain sur des cailloux. Les lianes maléfiques avaient eu toute la nuit pour pousser. L'eau était-elle maintenant empoisonnée ? Bien qu'elle eût déjà assisté à la naissance d'une fleur jaune, Eleonara ne cessait d'être impressionnée par la rapidité de croissance de cette espèce végétale. Ou sanguine. Ou quoi que ce fût.
Sgarlaad et Eleonara buvaient du thé entre deux bouchées de pain aux céréales lorsque Monsieur Yousef fit son apparition, renfilant ses sandalettes à l'entrée de la halle. Son regard blanc glissa sur le bassin, pausa et coulissa jusqu'aux réfugiés.
— Monsieur Yousef ? s'enquit Sgarlaad en einhendrien, comme l'aveugle restait là, planté comme une carotte.
— Mille excuses pour le dérangement si matinal, mon frère et ma fille. Je vous apporte des nouvelles, à vous qui vivez coupés de la cité.
Il descendit les escaliers, une main contre le mur. Il s'approcha en boitillant et serra les mains de Sgarlaad entre les siennes.
— Amis, notre salut et notre paix nous seront bientôt restitués. Bénis soient les Religiats ! Je suis prêt à leur pardonner le tohu-bohu qu'ils ont semé au Bimaristan. Ils ont foncé avec force et intrépidité, mais avec de bonnes intentions. Je leur en voulais pour leur intrusion, mais que le passé appartienne au passé, c'est officiel : les Religiats ont trouvé la piste de l'elfe. Ne me demandez pas comment ils ont réussi, ni en quoi cette piste consiste, je n'en sais rien, mais c'est de bon augure. D'ici quelques soleils, la Bête sera en cage et Arènes verra sa tranquillité restaurée et sa quarantaine levée. Réjouissons-nous !
— Je suis très heureux de l'entendre, dit Sgarlaad avec platitude.
Eleonara, elle, n'était pas heureuse du tout. Son cerveau ricochait entre les différentes informations à peine livrées. Les Religiats avaient humé sa piste ? Quand ? Comment ? Et quelle piste ? Les Mysticophiles l'avaient-ils trahie ? Ou alors le prince ? Mais son délai n'était pas encore échu ! Les moines-soldats ne saccageraient tout de même pas le Bimaristan une deuxième fois, si ?
Elle avait beau s'interroger et remuer ses souvenirs, elle ne voyait pas quel indice elle avait pu laisser qui n'aurait pas pu être découvert plus tôt. De surcroît, les Religiats avaient quitté le Bimaristan et n'étaient pas revenus depuis alors qu'elle s'y cachait ; n'était-ce pas signe qu'il suivaient une trace équivoque ?
— Nous pourrons bientôt fêter le crépuscule de cet épouvantable épisode, se réjouit Yousef. Oh, d'ailleurs, quelqu'un en-haut souhaite te parler, fille. Il t'attend à la Chambre. Prudence.
Eleonara s'embrasa de l'intérieur : ce devait être le livreur des Kermès !
— Une dernière chose, dit l'aveugle. Est-ce bien vous deux qui avez commandé de la poix, du métal en plaque et vingt-trois sacs de sable ? Le livreur attend sa paie.
L'elfe ouvrit la bouche, désorientée. Le livreur était réellement au rendez-vous, c'était un point positif, mais à part lui, qui pouvait bien vouloir s'entretenir avec elle ?
La boule au ventre, elle se voila, ramassa le paquet d'armes de Religiats qui traînait devant la cage d'escaliers, traversa le grenier et se rendit à la Chambre des aveugles. Elle la sentait mal. Les Religiats avaient flairé sa piste et un inconnu voulait s'adresser à elle seule ; c'était affligeant.
Sgarlaad lui emboîta le pas et demeura en retrait sous le linteau du grenier, légèrement recourbé afin que son imposante stature se distinguât moins.
Parmi le brouhaha de la communauté aveugle qui balayait les lieux, rangeait ses dernières affaires, jouait aux dés ou à la poupée, un homme en tunique violette sortait du lot. Il se tenait debout, droit comme un phare et regardait dans toutes les directions d'un air dépassé. Une provocante couette, une virgule de cheveux, dépassait de l'arrière de son crâne. Il soupirait, tirait des grimaces dignes de masques de tragédie et tapait du pied. Une brouette, des sacs, des seaux et des emballages l'encerclaient. Le livreur de la famille Kermès.
Il sembla remarquer qu'Eleonara soutenait son regard.
— Est-ce bien vous, Ourébi du Bimaristan, qui avez placé une commande de poix, de sable et de métal chez les Kermès ? Oui ? Voici votre marchandise ; chaque matériau est arrivé par des accès différents, tel que vous l'aviez exigé. Quelle idée casse-pieds ! J'ai dû m'embêter à séparer les articles et à exécuter dix mille voyages. J'ai perdu une demi-journée à faire des aller-retours futiles. Votre taxe en a été augmentée, naturellement. Pouvez-vous payer à l'instant ? Dans le cas contraire, je me verrai obligé de vous proposer des intérêts altissimes.
— Cela ne sera pas nécessaire, l'interrompit Eleonara, contrôlant que la moitié de son visage disparût derrière un pan de son turban. Je suis bien Ourébi et j'ai les moyens de vous rembourser ici et maintenant. Tenez.
Elle voulut lui léguer le paquet d'armes de bras à bras, or ses biceps saturés, manquant de se distendre, se relâchèrent inopinément. Le fardeau de poids conséquent glissa de son emprise et se déversa sur les sandalettes du livreur, qui exécuta un saut de gazelle pour échapper à l'avalanche métallique. Dagues et épées chantèrent en se déployant en éventail. « Vivat la discrétion », se lamenta Eleonara. Le bref raffut avait interpellé plus d'un aveugle : déjà, ils orientaient leurs oreilles et lançaient leurs filets sensoriels en leur direction.Dans ce cas
Foudroyant l'elfe du regard, le livreur plia sa silhouette étirée au point de paraître dépourvu de jointures et inspecta avec suffisance les poignées, les tranchants et la qualité de l'acier.
Il se redressa avec l'élasticité d'une fronde.
— Je reconnais ces bossellements. Ce sont des accessoires de Religiats. Comment les avez-vous obtenus ?
— S'il vous plaît, ne parlez pas trop fort, le supplia Eleonara avec une moue tendue et avec son meilleur accent opyrien. Ces armes ont été confisquées aux moines-soldats lors de leur récent passage. Si j'étais vous, je les ferais disparaître sur-le-champ. Des armes dans le lieu saint tel que le Bimaristan, ça ne peut que porter malheur. Il faut purger le sanctuaire de ces objets maudits. Vous ou vos maîtres pouvez fondre l'acier et fabriquer des lames ou des ustensiles neufs, dignes de vente. Les Religiats ne se rendront compte de rien.
Le livreur renifla avec scepticisme.
— Ils ne se rendront compte de rien, ah bon ? C'est nouveau ça. Ne me prenez pas pour un benêt, jeune Ourébi. Vous me voyez faufiler leurs armes sous leurs fraises à la sortie du Bimaristan avec un sourire niais ? S'ils me tombent dessus, ils me demanderont comment je me suis procuré leurs affaires ou pire, ils me confisqueront le tout, me priveront de mon bénéfice et...
Les poings sur les hanches, ils s'arrêta en plein milieu de sa phrase. Ses pupilles restèrent crochées dans l'air telles des mouches dans une toile d'araignée. Un de ses sourcils tiquait ; Eleonara ne savait pas si elle devait interpréter ce spasme local comme de l'agacement ou de l'indécision. Espérait-il qu'elle lui livrât une solution magique ? Elle n'en avait pas. Si les Kermès refusaient son troc, elle aurait une belle dette envers eux. Une dette qu'elle aurait préféré éviter.
— D'autre part, reprit le livreur, il est vrai que je serais un piètre Opyrien si je n'évacuais pas ces outils de violence. J'aurais mauvaise conscience. Et des cauchemars. Beaucoup de cauchemars. Mon devoir me dicte de restituer à l'hôpital son statut originel et sacré ; mon instinct me dit de ficher le camp. Non, non, je suis le seul à pouvoir l'accomplir, ce devoir, cette mission qui altérera l'histoire. Si je dois tromper les Religiats une seconde fois, ma foi, je le ferai. Merci, Ourébi, pour m'avoir rappelé la noble tâche que les cieux m'ont assignée.
— Mais de rien.
— Mien ne sera pas l'échec, je vous le promets. Au revoir.
Sur ce, le livreur chargea les lames sur sa brouette, qui se mit joyeusement en branle. Quelques foulées plus loin, le livreur ramassa une pile de linge sale, la tassa sur son appareil à manutention et s'en alla en sifflotant.
« Voilà donc pour les Kermès, songea Eleonara, encore étourdie par la fluctuation des opinions de leur livreur. Il ne reste plus qu'à transporter les matériaux jusqu'à l'entrepôt et nous pourrons terminer notre bateau. Bon. Où est Sgarlaad ? »
À peine avait-elle formulé sa question qu'une voix fanfaronne la prit au col.
— Hé, hé, hé, oh, toi, là ! Oui, toi. J'ai à te parler !
Pivotant dans tous les sens pour scruter les recoins de la Chambre, l'elfe s'immobilisa. Ce qu'elle découvrit devant elle lui parut si invraisemblable qu'elle dut se frotter les yeux.
Razelhanout, en chair et en os, avec son éternel nid d'abeilles perché sur le sommet de sa tête, sa barbe en triangle, ses babouches disproportionnées et ses vêtements hautement colorés, se tenait à l'entrée du domaine aveugle. Il était pharmacien ; sa présence au Bimaristan n'était pas hurluberlue, bien que ce secteur ne fût pas inclus dans son aire de travail habituelle. Il transpirait. Ce qu'il traînait au bout d'une longe laissa l'elfe pantoise.
Il s'agissait d'un petit cheval au pelage noir et ras qui, en plus de rayonner d'une profonde misère, plantait les sabots et relevait le nez par défi. Une étiquette pendait autour de son cou rentré.
Eleonara fronça les sourcils en s'attardant sur l'animal. Plus elle l'étudiait, plus elle avait envie de se dépoiler. Rasé, épilé et teint au henné foncé, Voulï était méconnaissable. Avait-il encore perdu du poids ou était-ce l'effet de l'allègement capillaire ?
— Salutations, Ourébi, souffla le pharmacien en s'essuyant le front. Voilà longtemps que nous ne nous sommes pas croisés. Attends, n'ouvre pas la bouche. Ne te fatigue pas à te justifier ou à m'expliquer quoi que ce soit. Je sais. Sebasha m'a mis au vent de tout. Absolument tout. Alors nous serons brefs.
Eleonara interrogea le pharmacien puis l'équidé miniature du regard. Tout ?
Razelhanout se racla la gorge en se hissant sur la pointe de ses souliers.
— Puisque tu ne loges plus chez moi, je viens te rendre tes possessions, ou plutôt, ton unique possession : ça. (Il tira un coup sec sur la longe.) J'en ai marre d'avoir ce poney chez moi. Le nourrir me coûte une fortune et il ne s'empâte pas ; il dévore mes œillets, terrasse mon potager et lèse mes poules. Et si par malheur, il se détache tout seul et sort de son abri, il défèque devant ma porte ! Un de mes clients y est resté englué ! C'est inadmissible ! Je n'ai point le temps de le promener pour qu'il se dégourdisse les papattes ; du coup, Monsieur est nerveux du matin au soir et moi, ça me contagionne et ça m'épuise. Par pitié Ourébi, fais-moi une faveur et reprends-le ; je n'en peux plus, je me rends, je suis à bout de nerfs ! Sauve-moi, je ne sais plus si je dois l'envoyer chez le boucher ou le faire galoper à en mourir de fatigue.
Razelhanout jeta un coup d’œil à la pauvre bête qui, de ses petits yeux malsains, le découpait en lamelles. Il évacua sa crise nerveuse dans un soupir sonore, comme si au fond, il pardonnait tout. Il se colla un sourire ravi sur le visage ; Eleonara écarquilla les yeux, ayant manqué la transition entre ces deux humeurs opposées. Elle avait perdu l'habitude du pharmacien et de ses mille facettes.
— Pas mal, le déguisement, hein ? se flatta ce dernier en tapotant sur le bas du dos de Voulï, qui toussa. On dirait presque un poulain, quoiqu'en beaucoup plus gras, maussade et détestable. Vraiment, cet animal est une plaie. Il n'a pas apprécié le traitement de beauté et sa nouvelle déclinaison de pelage. Bah, je n'avais pas le choix : ce ne sont pas des poils aussi long que mes bras et une couleur de cuivre qui nous auraient donné accès au Bimaristan avec tous les Religiats qui traînent, pas vrai ? Sa taille aurait pu leur mettre la puce à l'oreille, mais bon, je me voyais mal hisser la pauvre bête sur des échasses.
Eleonara laissa fuir un gloussement que l'apothicaire interrompit d'un signe de la main.
— Trêve de détails. Sebasha m'a dit où tu étais ; me voici. Ne va pas croire qu'elle m'a informé par bonté. Elle a jugé utile de m'éclairer la situation uniquement pour que je puisse te délivrer un message de sa part. Le voilà.
Il décrocha l'étiquette en pendentif sous le cou de Voulï et la tendit à l'elfe, tout en assurant ses arrières par un furtif coup d’œil par-dessus son épaule. D'un geste discret et délié, Eleonara rangea le mot dans la poche de son sarouel.
— Merci, Monsieur Razelhanout. Si je suis contente de vous revoir, je ne peux pas en prétendre autant pour Voulï. Désolée, je ne peux vraiment pas m'en occuper parce que... parce que...
Parce que je vais bientôt partir.
Le pharmacien ignora son à-coup.
— Chère Ourébi, je crois que tu n'as pas compris. Je ne suis pas venu demander ton avis quant à la garde de la bête. Je viens la déposer entre tes mains, là où elle aurait dû être depuis le début. Elle t'appartient, tu l'as achetée ; elle est ta responsabilité.
Ce disant, il cloua l’extrémité de la longe dans la main d'Eleonara. Une voix grave résonna à sa droite et l'elfe se sentit réchauffée, puis glacée de l'intérieur.
— Cet homme aux mollets poilus a raison, déclama Sgarlaad en einhendrien, son visage solennel voilé par son chèche, ne laissant qu'une maigre fente pour ses yeux vitreux. Voulï doit rester avec nous.
Razelhanout lui sourit à pleines dents et le salua par une courbette.
— Je vous suis reconnaissant pour votre soutien, monsieur. Et vous êtes... ? J'ai de la peine à épingler votre accent. Venez-vous par hasard de cette tribu qui chasse les crocodiles au sud ? Il me semble que leurs membres sont aussi grands que vous. Ou peut-être les valeureux dompteurs d'hippopotames des côtes ? Les adorateurs de mouettes ? Les éleveurs de sauterelles ?
— Pas du tout.
Sans lui donner son nom, le Mikilldien ignora la face inquisitrice du pharmacien pour se concentrer sur Eleonara et sa mine offusquée.
— Voulï est un problème supplémentaire ! protesta-t-elle. Comment allons-nous...
— Garde-le. Pour Agnïnwur.
Le Nordique s'était exprimé si bas que l'elfe ne l'avait compris qu'en lisant ses remuements labiaux. À demi-convaincue et ne voulant pas décevoir, elle obtempéra et confia la corde de Voulï aux longs doigts de Sgarlaad.
— Tu as raison, ça lui aurait fait plaisir, soupira-t-elle avec un air de défaite. Est-ce que tu pourrais l'amener en-bas avant qu'il n'attire trop l'attention, s'il te plaît ? Quand tu reviendras, je t'aiderai à descendre la poix et le reste.
Avec un hochement de tête, Sgarlaad s'éloigna avec le poney, trottant derrière lui comme un fidèle canidé.
Razelhanout se rapprocha de l'elfe de façon à créer un cercle de confidence rien qu'à eux.
— Je sais qui tu es.
Eleonara baissa les yeux et se contracta.
— Même s'il m'a fallu beaucoup de thé pour me calmer, retiens qu'il y aura toujours un coin sous mon toit réservé pour toi. Pas que rester à Arènes soit une bonne idée. Depuis que l'on crie qu'il y a une créature de Hêtrefoux en ville, c'est le chaos. Tout le monde s'accuse les uns les autres. Madame Cérébrée a même clamé haut et fort que j'étais un elfe juste pour que je retire mon turban devant elle. Mais je m'emporte. Les gens font n'importe quoi quand ils ont peur ; ça n'a pas été inventé hier. Je sais ce que tu as fait et dans quel contexte ; Sebasha m'a ordonné de ne pas piquer une crise. Alors voilà, c'est ce que je fais. Ou ce que j'essaie de faire. Je comprends maintenant ce que tu te reprochais, mais peut-être qu'il y a encore de l'espoir pour toi.
Quelque chose semblable à un colibri vola hors du cœur d'Eleonara et voulut se transformer en larmes. Elle le refoula en serrant les mâchoires, mais demeurer immobile ou insensible fut trop : elle serra la main osseuse de Razelhanout entre les siennes.
— Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. M'accepter chez vous, partager votre pain avec moi, m'emmener voir les Folorés et la Fête Bovine, c'était merveilleux.
Ne trouvant plus rien à ajouter, elle s'embarrassa de son geste spontané et s'écarta.
— J'aurais voulu vivre à la pharmacie plus longtemps, mais je crois que finalement, c'est mieux ainsi. Je ne serai plus une menace pour la réputation de votre glorieux établissement.
Au terme « glorieux », Razelhanout voulut coiffer ses cheveux en arrière ; son vertigineux turban entrava son mouvement.
— Bah, la réputation, ça, ce n'est rien, je blaguais ! Quoique... j'espère que tu répands que Monsieur Razelhanout fabrique les meilleurs pansements. N'est-ce pas la vérité ? Pour les plaies du corps et celles du l'âme ? Je ne fais que citer tes mots ! Si tu es là, autant profiter de me faire de la publicité.
Eleonara sourit et scella sa promesse par un acquiescement du menton.
Razelhanout produisit un mouchoir qu'il voulut porter à son front suant, puis à son nez, puis au coin d'un œil, sans pouvoir se décider. Alors il le pressa dans son poing.
— Plaisanterie à part, je vais quitter l'Opyrie. Moi aussi, je suis en danger : quelqu'un a su que tu habitais chez moi. À partir de là, je n'ai pas connu la paix. Je me cacherai chez Sebasha quelques temps, puis il me faudra délaisser Arènes. L'émir a connaissance de mon problème et m'a désigné pour offrir mes services à une duchesse einhendrienne. Je suis victime de mon propre succès, on dirait. Je ne sautille pas de joie, mais ça sauvera mon derrière. J'espère que les Einhendriens connaissent les principes de l'hygiène, sinon mon séjour sera un désastre.
— Vous partez pour l'Einhendrie ? Serez-vous en sécurité là-bas ?
— Apparemment, on a besoin d'un médecin opyrien et c'est une urgence. Si je suis utile à la noblesse de là-bas, mon espérance de vie sera plus longue qu'ici.
— Vous avez parlé d'une duchesse. S'agit-il de la duchesse de Blodmoore ?
— Exact ! C'est plutôt son fils qui m'invoque, mais oui, c'est bien chez cette grande dame que je me rends. Pourvu qu'elle soit joviale et qu'elle apprécie les animaux et les plantes.
Eleonara grimaça. Hermine de Blodmoore était réputée pour son mépris des étrangers. Qu'elle eût fait appeler un médecin opyrien à son service relevait de l'extraordinaire... ou d'un piège.
— Faites très attention à vous et méfiez-vous des Einhendriens, surtout ceux qui exercent du pouvoir, intima-t-elle. Vous ne compterez vos alliés que sur les doigts d'une main, et encore, c'est généreux.
— Une fosse à lions ? Super, je le savais. Tant pis, ça mettra du piment dans ma vie comme on dit. Toi aussi, fais attention, tu m'entends ? Je ne sais pas trop dans quoi tu te lances avec Sebasha mais si tu es avec elle, je sais que je te laisse entre de bonnes mains. Si tu rencontres quelqu'un qui doit se faire recoudre une artère, tu sais qui recommander. Et si j'apprends que les Religiats t'ont attrapée, gare à toi, je me ferai du sang d'encre et je te le ferai regretter : c'est que j'espère pouvoir te resservir du thé à l'occasion.
Le ton s'était élevé avec son index. S'en étant aperçu, Razelhanout se tut et son bras retomba mollement à ses côtés tel un collier de saucisses.
Il tripota le liséré de son caftan. Il fit un pas en avant et serra Eleonara contre lui.
— Au revoir, petiote. Bon vent. Ne les laisse pas avoir tes oreilles.
— Au revoir, Monsieur Razelhanout. Bonne chance.
En le regardant partir avec sa besace de premiers secours, Eleonara sentit une morsure au cœur. C'était probablement la dernière fois qu'elle verrait l’excentrique apothicaire du quartier nord d'Arènes.
Longtemps, elle resta là, les bras ballants. Puis Sgarlaad fut à ses côtés, sans qu'elle ne l'ait vu revenir.
— Prête ?
— Prête.
Ils ramassèrent les sacs de sable et commencèrent les allers-retours entre la Chambre et la Source. Attaché à une colonne de templion, Voulï suivait leurs mouvements, l'air maussade et assassin. Au cours de leurs cinq trajets, Sgarlaad demeura aussi silencieux et hermétique qu'un sarcophage.
— À quoi tu penses ? voulut savoir l'elfe en déposant l'ultime seau de poix devant l'entrepôt.
Le Nordique hissa les yeux non pas vers elle mais vers l'arche donnant sur la cage d'escaliers.
— Pendant que tu discutais avec le pharmacien, Monsieur Yousef m'a tiré à l'écart. Il a menti. Les Religiats n'ont pas de piste, c'est lui. Il pense que tu es la Bête.
— Quoi ?
Eleonara s'étrangla. Son sang se fit froid, le creux de son ventre devint infini. Si elle avait pu se changer en néant, en cet instant, elle l'aurait fait.
— Que lui as-tu dit ?
L'expression du Mikilldien était illisible. Il ne la laissait pas entrer. Il était comme un mur que l'on ne peut ni escalader ni traverser.
— Je lui ai dit qu'il n'y a pas plus d'elfes ici que dans toute l'Opyrie.
À peine eut-il prononcé ces paroles qu'une espèce de tic le secoua, l'obligeant à cogner le côté de sa mâchoire contre son épaule. Il se tint les tempes et de ses doigts ramena sa nuque à un statu quo. Ses paupières se mirent à papillonner, à croire qu'il se faisait violence pour ne pas piquer du nez.
— C'était il y a longtemps, mais aurais-tu par hasard... La fleur...
Il s'interrompit, avala sa salive, fronça les sourcils. Soudain, ses yeux roulèrent vers l'arrière, exposant un blanc effrayant.
— Sgarlaad ?
Eleonara était frigorifiée. Elle voulut s'exprimer, mais déjà, les pupilles de Sgarlaad succombaient à l'appel du vide et de l'oubli. Le trou de conscience l'avalait. Il se rebellait, clignait, détournait le regard. Craignant qu'il versât en arrière, Eleonara le tint par les épaules et l'aida à s'asseoir. Inévitablement, la lumière dans son regard s'étouffa. Il avait fait le lien entre la fleur jaune et la Bête mais avait sombré dans un trou de conscience juste après lui avoir exposé son raisonnement avec beaucoup de peine. Une question la turlupinait. À quelle fleur jaune se référait-il ? Elle avait brûlé toutes les fleurs qui avaient poussé dans la Source ; parlait-il de celle qu'elle avait employée au Don'hill ?
Abasourdie et lamentablement impuissante, l'elfe attendit, tremblotante, devant cet homme qui semait en elle tant d'émotions. Elle ne voulait pas l'effrayer. Elle ne voulait pas être détestée de lui.
Évaporée, la conscience du Nordique finit par se condenser et ratterrir dans l'enveloppe de son grand corps fatigué. Ramené à lui, Sgarlaad étudia ses environs tel un nouveau né, inquiet et désorienté.
— Que... que s'est-il passé ? Nous parlions ?
Avec un pincement à l'âme, Eleonara le lâcha pour poser sa main sur son épaule. Le geste humain pour le réconfort, la consolation et le soutien. Elle osait toutefois ni trop appuyer, ni complètement reposer ses doigts sur sa tunique. L'idée irrationnelle de sentir la température de sa peau à travers le chanvre la terrifiait.
— Nous allions nous mettre à la finalisation de ta lune-d'eau, répondit-elle avec un brouillon de sourire chagriné. On s'y met ?
Puis quelque chose de très étrange se produisit. Sgarlaad ferma les yeux et, d'un coup, versa en avant. Eleonara le réceptionna juste à temps et, en le redressant, comprit. Il s'était endormi. Elle l'appela, le secoua gentiment, mais c'était tel qu'elle le craignait : une mort-sieste s'était déclenchée.
Pouvait-elle terminer la barque seule, sans son expérience et ses instructions ? Et si c'était sa dernière mort-sieste, celle qui le garderait définitivement prisonnier ?
Elle ne devait surtout pas paniquer. Bannissant ses craintes, elle coucha Sgarlaad sur le dos, à côté de sa barque, la tête surélevée sur des sacs en toile et le recouvrit d'un drap pour pas qu'il n'ait froid. Puis, elle s'assit à côté de lui.
Ses traits figés, ses joues martelées et incendiées, ses cils baissés.
Elle aimait cet homme. Sa souffrance était la sienne, ses peines étaient les siennes. Une empathie très forte la liait à lui, une empathie amère et tranchante dont elle ne se serait séparée pour rien au monde. Même réduit à une ombre, elle l'aimait, et le voir ainsi la mettait en pièces.
Elle empoigna son Œil de Diutur. À une époque, ce genre de pensées auraient été la source de beaucoup de questionnement et de culpabilité. « Qui suis-je, si je ne suis pas une elfe pure et dure ? Qui suis-je et qu'est-ce que je fais ici ? » Elle rangea son pendentif à multiples facettes. Pourquoi se tournait-elle si souvent vers Diutur ? Elle n'était pas une enfant de Diutur, mais d'Arthès. Cela ne faisait aucun sens.
Sgarlaad s'était perdu dans les méandres de l'inconscience ; Eleonara se demandait si elle ne s'était pas un peu égarée, elle aussi.
Elle ne savait pas grand-chose sur le lieu ou la dimension que l'esprit de Sgarlaad visitait quand il siestait. Une sorte d'entre-d'eux, à cheval sur ce monde et un autre ? Ça expliquerait pourquoi le Nordique était toujours capable d'entendre ce qui se passait autour de lui. Était-il seul ? Avait-il peur, dans cet autre endroit ?
Elle se racla la gorge et s'adossa à la lune-d'eau.
— Tu m'entends, n'est-ce pas ? J'aimerais te tenir compagnie, cette fois, si ça ne te dérange pas. Quand tu reviendras de là où tu es, il faut que tu m'expliques ce que tu vois autour de toi parce que j'ai du mal à l'imaginer. Ce ne doit pas être très drôle, ni très reposant puisque tu es souvent fatigué.
Des cernes entouraient les yeux de Sgarlaad ; depuis quand n'avait-il pas bénéficié d'un sommeil régulier et réparateur ?
— Peut-être que, pour passer le temps, tu pourrais penser à une histoire comme tu sais si bien les raconter. Comme ça, tu me les feras découvrir pendant le voyage. Ou alors, tu peux te remémorer un lieu que tu aimes beaucoup. Au Mikilldys, par exemple. Dépeins-toi ton village d'enfance avec la mer, la neige, le vent, les harengs, les yacks et euh, je ne sais pas quoi d'autre. Les gens de là-bas. Ta famille. Tes voisins, si tu en avais. Les bruits.
Il poussa un long soupir. Eleonara sursauta, pas sûre de ce que ça indiquait.
— Tu sais quoi ? Tu as raison. Pendant que je monologue, je devrais m'occuper. Je vais calfeutrer la lune-d'eau, ça ne devrait pas être sorcier.
L'aigre odeur de résine accaparant son nez et sa gorge, Eleonara peinturlurait la coque de poix à l'aide de son pinceau en poils de chameau. Elle extrayait de sa mémoire ses anecdotes les plus mémorables du Don'hill et du Saint-Cellier pour les relater au dormeur qui, depuis son évanouissement, ne remuait pas plus qu'une narine. Tandis qu'elle brodait ses histoires et ses plaisanteries, elle repensait sans cesse à Monsieur Yousef qui la soupçonnait. Allait-il avertir les Religiats ou attendait-il d'avoir une preuve ? Et comment avait-il su ? Elle ne pouvait pas lui donner tort, mais elle le maudissait : Sgarlaad et elle étaient à deux doigts de leur but et voilà que l'aveugle venait de leur coincer un bâton dans les roues. Il n'était plus un hôte mais une angoisse de plus, une menace à surveiller.
— Comment c'est, de revenir ? De te sentir affleurer à nouveau et de rouvrir les yeux sur le vrai monde ?
Yousef voulait le protéger, lui souffla son fort intérieur. Il te soupçonnais depuis le début : une soi-disante Einhendrienne, réfugiée à Arènes, la Bête : c'étaient trop de coïncidences. Voilà pourquoi il a mis Sgarlaad en garde contre toi. Il n'appellera pas les Religiats, car s'il le fait, il trahira Sgarlaad. Il veux le protéger. De toi.
— Est-ce que c'est comme un réveil habituel ? Ou alors est-ce comme dans les rêves ? Dans les rêves, ont peut trouver des combines pour prendre le contrôle, non ? As-tu déjà essayé ?
« Tu as raison, souffla Eleonara. Yousef est fondamentalement un homme bon. Il a juste des principes qui me sont défavorables. Comme n'importe quel autre humain. » Ses préjugés prenaient racine dans sa méconnaissance. L'elfe se reconnaissait dans ce biais ; et pour cette raison, elle ne le haïssait pas lui, mais haïssait les conditions qui l'avaient amené à la haïr. Il était le produit de la même haine avec laquelle elle avait grandi. Seule la compassion pouvait briser la chaîne de la haine. Mais c'était difficile. Difficile de faire naître la compassion pour quelqu'un qui voulait sa destruction.
— Parfois, on parvient à mettre fin à un cauchemar. Je ne crois pas qu'il y ait de solution unique mais... et si tu imaginais une échelle ? Une échelle en bois, solide, avec des clous neufs. Une échelle qui tiendrait debout toute seule, sortant du sol comme un arbre.
Malgré la glace s’amassant au fond de son ventre, Eleonara ne freina pas son activité de peinture. Elle ne pouvait pas laisser tomber ; pas maintenant que la liberté était à un jet de pierre !
— Grimpe à l'échelle. Elle t'emmène haut, très haut. Ne regarde pas en bas mais que en avant.
Eleonara n'avait pas oublié l'heure. Bientôt, ce serait le zénith. Il ne lui restait plus beaucoup de temps avant de transmettre sa décision finale à Sebasha et Bezùkiel. Elle amènerait Sgarlaad au Mikilldys en longeant la côte de Hêtrefoux. Ils y feraient plusieurs escales pour se reposer et là, elle explorerait. Ce n'était pas son plan le plus brillant mais si le prince et les Mysticophiles refusaient ses conditions, elle était en droit de décliner les leurs. D'abord, elle n'abandonnait pas ses amis pour des affaires d'état. Sa Grandeur avait cru l'acheter avec son étalon le plus performant et le plus luxueux des appartements ? Il flairait mal son style. Vraiment, le superflu n'était pas sa portion de gruel. Dans la boue ou dans l'or, une vie recluse restait recluse. En outre, le prince n'avait fixé aucune stratégie concrète pour les extraire d'une cité sur-gardée. Sgarlaad n'avait pas un sou et vivait clandestinement sous terre, mais il avait trouvé une solution.
— De nouveaux échelons apparaissent devant toi et tu traverses l'obscurité. Tu perces une couche de nuages épais, persévérant vers la lumière.
Elle sortit de la lune-d'eau et, en ce faisant, manqua de renverser le pot de poix. D'une main, elle tenait son pinceau ; de l'autre, elle stabilisa la poix.
— Et après ? fit une voix grave derrière elle.
Elle failli renverser le pot à nouveau. Sgarlaad, redressé sur ses coudes, l'observait. Ses iris n'étaient plus ivoire, mais gris.
L'elfe lâcha son pinceau. Sa bouche aurait pu gober une nuée de moucherons.
— Ça a marché. Tu es remonté.
C'était donc ça, la solution ? Filer une échelle imaginaire et Sgarlaad pouvait quitter la mort-sieste ? C'était clairement une tactique a réessayer.
Sgarlaad haussa les épaules.
— C'était une bonne échelle.
Ils rirent, emportés par une douce euphorie et un étonnement profond. Eleonara soupirait puis souriait, tour à tour. Bavarder et filer une échelle imaginaire, la solution ? Elle n'arrivait pas à le croire ; était-ce une coïncidence ? Dans tous les cas, ce serait une tactique à réessayer lors de la prochaine mort-sieste.
— Bronwen ?
— Hm ?
— Ce que tu viens d'accomplir est fantastique.
— Oh, non, je t'en prie. Ça a dû être pénible de m'écouter radoter comme ça.
— Tu ne comprends pas. C'est la première fois qu'une mort-sieste se termine aussi tôt. Tu m'a redonné quelque chose que je n'avais plus, qui s'effritait.
— Quoi ?
— De l'espoir. Merci.
Il n'aurait pas eu besoin de le dire ; la gratitude se lisait dans ses yeux, brillants. Eleonara jeta ses bras autour de son cou et ils se serrèrent fort.
Elle se décolla soudain, inquiète.
— Penses-tu que Monsieur Yousef freinera notre fuite à cause de ses soupçons à mon égard ?
Sgarlaad eut un sourire en coin. Visiblement, son réveil prématuré et l'imminence de leur évasion le ranimaient comme rien d'autre.
— Il sait que nous partons, mais il ne sait pas quand. Je propose que nous partions demain soir.
Alors, Eleonara se remonta les manches et l'aida à se relever, un poing contre sa hanche. Tout sourire, elle répondit, avec son mikilldien qui s'améliorait :
— Toi et moi, nous avons une lune-d'eau à finir.
Alors, je n'ai pas trouvé de problème de rythme en particulier. Par contre, quel ascenseur émotionnel, ce chapitre @_@ On passe de l'angoisse (à cause de M. Youssef) à des moments d'émotion pure tout le long!
Très jolis adieux avec Razelhanout. le personnage m'a parfois paru agaçant mais, au final, il est très humain <3
Je suis un peu incertaine par rapport à l'échange avec le livreur. A moins que sa réaction ait de l'importance par la suite, je n'ai pas trouvé essentiel qu'on assiste à ses revirements. Finalement, les armes lui conviennent comme paiement, ça suffit.
Quant à la fin, avec le réveil de Sgarlaad, mon coeur n'a pas fini de tressauter :D Je me pose toutefois une question : Sgarlaad a eu une absence en parlant de la fleur jaune. Celle-ci a-t-elle un rapport avec le cassage??? :o
Un moyen de le guérir...? é_è
A bientôt
Alice
Dommage que Razelhanout t'ait paru parfois agaçant, mais tant mieux s'il a su se rattrapper :D
Bien vu, pour le livreur, ça pourrait donner de fausses attentes à la lecture et je n'ai pas besoin de m'étaler sur sa réaction. ça aussi, je vais corriger !
Le cassage et la fleur jaune sont plus ou moins liées, en effet, mais tout ça, c'est pour le tome 3 ;)
Merci pour tes remarques constructives :D
Que d'émotions ! Je me demandais comment Elé allait retrouver Voulï, j'ai ma réponse xD Ce n'est pas demain la veille qu'elle sera débarrassée de ce poney diabolique. Il a l'air de se tenir un peu mieux avec elle mais je n'ai pas confiance en lui, il est vicieux. Je suis sûr que l'antagoniste principal de cette histoire en fait, c'est lui.
Je me disais que Razelhanout n'allait plus jamais entendre parler d'Elé et se faire un sang d'encre à jamais, ça m'a fait tellement plaisir de le revoir. Et évidemment, encore plus en apprenant qu'il sait TOUT au sujet de son ancienne apprentie et que ça ne change rien à ses yeux. C'est un homme bon et intelligent !
En ce qui concerne Sgarlaad, les moments qu'il passe avec Elé me touchent énormément, j'aime la façon dont ils se sont rapprochés. Par contre, je crains encore sa réaction s'il en vient à apprendre que son amie est une elfe. Vu leur échange, il se doute de quelque chose (merci monsieur Yousef).
Bref, je me lance dans la suite avec hâte !
Eh ouais le grand méchant c'est Voulï, tu as tout découvert hahaha et il ne va pas disparaître de sitôt !
Oui ça aurait été triste de laisser Razelhanout paniquer dans son coin! J'avoue que je me suis attachée à lui; je lui ai même fait une place dans le tome 3 alors que ce n'était pas prévu ! Contente que tu l'apprécies aussi :)
Ohhh chouette que tu as bien aimé l'évolution de la relation entre Sgarlaad et Eleonara ! Mais tu as raison, il y a toujours question de la nature d'Eleonara ! Tu auras tes réponses bientôt ;)
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je te souhaite une bonne lecture de la suite !
Ravi d'apprendre que Razelhanout aura sa place dans le tome 3 ! Je commence à entrevoir comment les chemins de certains personnages se recroiseront, j'ai hâte de voir si ça se passera comme je l'ai imaginé.
Bonne continuation à toi et bonne scribouille !
D'abord j'ai cru que Sgarlaad allait voir le buisson de fleurs jaunes, mais apparemment, Elé a réussi à l'éliminer en majeure partie. Je tremble quand même à la pensée qu'il reste des racines dans la source et qu'il pourrait repousser. Et si les aveugles tombent dessus après leur départ ? Savent-ils que c'est toxique ? Ceci dit, peut-être que depuis que Elé est partie du Saint Cellier, l'effet toxique a disparu ? (Quoi, je rêve ? Oui je suis une indécrottable optimiste XD).
Et finalement, ce n'est pas nécessaire qu'il l'ait vu, puisque apparemment, il a comprit ? Mais ça, je ne suis pas trop sûre...
Quoi qu'il en soit, c'est une bonne idée qu'ils s'en aillent rapidement. Je crois que Monsieur Yousef ne causera pas de tort, en revanche le comportement du vendeur des Hermès, son brusque changement d'attitude, m'a paru hautement suspect...
J'avais bien deviné : c'est Razelhanout qui va en Einhendrie ! OMG, ça va être parfait ! Je suis impatiente de voir le duo Razelhanout/Melvine XD.
Par rapport à tes questions du début, je n'ai trouvé aucun problème de rythme, ni aucun problème avec la fin : j'ai vraiment beaucoup aimé tout le chapitre et j'ai trouvé la fin très très émouvante !
Reste que maintenant, j'ai très peur pour eux : les religiats, les soupçons des uns et des autres, la réaction de Sebasha et surtout de Bézukiel quand ils sauront qu'Elé n'accepte la mission qu'à ses conditions...
Bref, je suis toujours autant à fond dans ton histoire !
Détails :
"Les premières fibres et filaments d'un rêve se tressaient lorsqu'une voix épeurée les déchira." : apeurée
"Avec un mauvais pressentiment, Eleonara se défit de ses couvertures, déroula son échelle et rejoint l'abri du Nordique" : rejoignit
"Sgarlaad avait profité d'entraîner Eleonara à la nage" : Sgarlaad en avait profité pour entraîner Eleonara à la nage
" Nager serait utile et leur permettrait à tous les deux à atteindre leur but." : d'atteindre + je trouve que tout ce paragraphe manque de contexte : j'ai cru que c'était dans le présent de l'histoire alors qu'on comprend après que ça s'est passé avant, puisque ensuite, Sgarlaad descend de sa couchette.
"« Dans un jour au zénith, je serai ici à attendre ton retour. » lui avait dit Sebasha. Quoiqu'elle déciderait, Eleonara décevrait." : je trouve que cette réflexion manque d'une petite transition par rapport à ce qui précède. Ne serait-ce qu'un retour à la ligne, au moins (mais une petite phrase pour dire comment Elé se met à penser à ça alors qu'elle est en train d'apprendre à nager, ce serait encore mieux, à mon avis).
"Le cas échéant, je me verrai obligé de vous proposer des intérêts altissimes." : je pense qu'il ne faut pas utiliser "le cas échéant" ici, puisque ça équivaut à dire "si c'est le cas". Or, juste avant, il demande si elle peut payer comptant. Il faudrait donc mettre "Dans le cas contraire, je me verrai..."
"Il était pharmacien ; sa présence au Bimaristan n'était pas hurluberlue, bien que ce secteur n'était pas inclus dans son aire de travail habituelle." : problème de concordance, il faut du subjonctif : "bien que ce secteur ne fût pas inclus..."
"Elle le refoula en serrant les mâchoires, or demeurer immobile ou insensible fut trop" : je remplacerais le "or" par "mais"
"Si elle aurait pu se changer en néant, en cet instant, elle l'aurait fait." : si elle avait pu
"Elle voulut s'exprimer, mais déjà, ses pupilles de Sgarlaad succombaient à l'appel du vide et de l'oubli." : les pupilles
"Il avait fait le lien entre la fleur jaune et la Bête juste avant de sombrer dans un trou de conscience, juste après lui avoir exposé son raisonnement avec beaucoup de peine." : du coup je ne suis pas sûre d'avoir tout compris. De quelle fleur parle Sgarlaad ? Donc en fait, il a compris qu'Elé est une elfe, mais il oublie tout de suite après ?
"et le recouvrit d'un drap pour pas qu'il ait froid." : pour qu'il n'ait pas froid + il manque la majuscule
"Elle ne faisait aucun sens." : Cela ne faisait aucun sens/n'avait aucun sens.
"Eleonara se demandait si elle n'avait pas un peu égarée, elle aussi." : égarer est transitif obligatoire : égarer quoi ? Ou alors il faut utiliser la forme pronominale : "si elle ne s'était pas un peu égarée elle aussi"
A bientôt !
Tu fais bien de te méfier du buisson qui pousse sous l'eau: il n'a pas dit son dernier mot!
Haha, j'aime beaucoup tes remarques optimistes, mais non, désolée, les fleurs jaunes sont toujours aussi toxiques, hélas!
Sgarlaad se rend compte de certaines choses, mais le problème, c'est qu'il les oublie ou entre dans un état de confusion qui le désoriente. Tu en sauras plus dans le prochain chapitre ^^
Je sens que Melvine voudra étudier Razelhanout de trop près et qu'il passera son temps à la fuir xD On verra, on verra xD
C'est super si le rythme a bien fonctionné! Et ça me touche ce que tu dis pour la fin, c'est vraiment le ton que je voulais lui donner :) (et j'ai toujours tellement peur de tomber dans le nian-nian xD)
Si je ne me trompe pas, il reste, à partir de ce chapitre-ci: trois chapitres et un interchapitre. Alors, si tu sens la tension monter, c'est bon signe! J'espère que la suite continuera à te plaire!
Merci pour avoir relevé mes fautes (j'ai hooooonte xD) et de tes remarques toujours aussi motivantes et petinentes!
Oui, c'était ce qui était prévu, mais il y aura au moins un chapitre en plus vu que je coupe les passages trop longs en deux ;)
Je suis sûre qu'une petite pause de Hêtrefoux te fera du bien :D Oh, d'ailleurs, tu sais sur quoi tu travailleras après les PLs ?? Un nouveau projet ? ;)
Pour la publication du 3, je pensais écrire un premier brouillon, le relire une fois, le retravailler et ensuite le mettre sur FPA autour de décembre ou janvier ^^
Après les PL, je ne vais pas me trouver désoeuvrée, loin de là ! Déjà, il va y avoir une grosse phase de correction, mais peut-être que je laisserai passer un peu de temps. Et puis j'ai deux projets en cours de publication sur FPA : Starsailors (de la SF jeune ado) qui en est aux deux tiers, et Walter Cobb (fantastique ambiance western, à la première personne) qui en est seulement à 4 chapitres. J'ai la chance d'avoir des plumes qui suivent les deux et des retours très encourageants, donc l'idée c'est de poursuivre les deux. D'ailleurs, sans aucune pression, ça me ferait hyper plaisir d'avoir ton avis sur le début de Walter Cobb, à l'occasion. Mais c'est seulement si tu as le temps et l'envie, hein.
En effet, tu ne vas pas t'ennuyer, avec tous ces projets ! Mais tant mieux ^^ C'est vrai, ça fait du bien de travailler sur autre chose avant de revenir pour les corrections.
Oh ouii, je veux absolument lire Walter Cobb ! L'ambiance a l'air très intéressante; d'ailleurs il est dans ma PAL et comme je suis à jour sur mes autres lectures (à part les PLs, je vois qu'un nouveau chapitre est paru <3), je peux commencer une nouvelle histoire ;) Est-ce qu'il y a des éléments particuliers auxquels je devrais faire attention ou te donner des retours ?