Igor le lynx n’avait pas eu besoin de grimper dans les hauteurs des cimes pour remonter la piste des pieds jusqu’à… Jusqu’à…
- Alors, qu’est-ce que tu vois ? demanda Edouard, impatient.
- Je vois… Je crois… Je vois
- Ben alors, t’as perdu ta langue ! Qu’est-ce qui dit ton œil de lynx ?
Igor s’était ressaisi. D’un pas souple et majestueux il gagna à nouveau le centre de la clairière et, laissant échapper un feulement moqueur, se tourna vers ses amis :
- Ce n’est qu’une jeune fille… mais elle est grande, extrêmement grande ! Gigantesque ! Colossale… c’est une géante jeune fille !
- Ah, mais qu’est ce que tu nous racontes là ? s’agaça Horace, venant se poser à côté de lui.
- Lève un peu tes yeux de chouette, Horace, et constate par toi-même.
Ce que vit le Grand-Duc lui aurait arraché son lorgnon s’il en avait eu un, mais par chance, Horace ne portait pas de semblable accessoire. Toutefois les plumes de sa tête se dressèrent au garde à vous, formant une couronne assez comique.
Au-dessus de la clairière se penchait une tête ronde auréolée de boucles d’or, des yeux comme deux billes d’azur et une bouche qui souriait d’une multitude de dents étincelantes.
- Je m’appelle Églantine et je suis fille de roi, dit la bouche.
Horace tentait péniblement de reprendre ses esprits. Il chercha le regard de ses amis mais, visiblement, ceux-là préféraient lui laisser l’honneur de la conversation.
Gisabelle la gélinotte, sous ses airs boudeurs, n’avait pas perdu un traître mot de la situation : ces balourds ignorent tout des usages du monde ! Sans prévenir, elle sauta vivement sur ses pattes et, se penchant en avant autant qu’il est possible de le faire, s’abîma dans une profonde révérence :
- Majesté, lança-t-elle en grande pompe, c’est un honneur de vous accueillir dans la forêt de Bois-Doré.
- Majesté ? Quoi ? Comment ? Oui, bien sûr, bredouilla Horace. Bienvenue à votre grande Majesté.
Le rire cristallin agita à nouveau les orteils :
- Non mes amis, point de cérémonie entre-nous. Ici, je ne suis qu’Églantine. Puis-je m’assoir parmi vous, je me sens si fatiguée et bien triste aussi en dépit des apparences.
Ces dernières paroles à peine prononcées, de grosses larmes se formèrent au ras des cils soyeux, noyèrent le regard d’azur. L’une d’elle s’échappa soudain, roula sur la joue veloutée et tomba de toute sa hauteur. Chacun suivit, effaré, le trajet de la lourde larme. C’était comme si une goutte d’eau de la taille d’une barrique descendait droit sur eux. Elle s’écrasa durement au centre de la clairière, éclaboussant le petit peuple de la forêt rassemblé. Il fallait sur le champ endiguer ce déluge pour éviter un tsunami cataclysmique.
Gisabelle la gélinotte, tout en chassant l’eau de ses plumes, intervint une nouvelle fois fort à propos :
- Prenez place Majes…, Églantine et expliquez-nous les raisons d’une telle tristesse.
Horace aurait embrassé Gisabelle si la crainte du ridicule ne l’avait arrêté.
- Oui, c’est ça, installez-vous, dit-il. Si nous pouvons vous aider, nous le ferons volontiers.
Il y eut un grand « boum » qui fit trembler les bouquets de myrtilles et de fraisiers sauvages lorsque la géante princesse posa son popotin à terre. Les volants de dentelle de sa robe légère menacèrent d’avaler Gisabelle qui s’écarta vivement.
- Vous êtes trop mignons de m’accueillir ainsi, dit-elle en reniflant. Lorsque vous connaitrez les raisons de ma venue, j’espère que vous pourrez m’aider sans courir de danger. Ici n’est pas mon monde, je veux le retrouver.
La présence et la description d’Églantine me font penser à Alice au pays des merveilles, quand Alice est trop grande et qu'on adopte (rapidement) le point de vue des créatures autour d'elle. Mais j'ai comme l'impression que l'inspiration reste ailleurs...
A bientôt !
Merci pour ton gentil commentaire qui me touche.
J'en reste là pour le moment, pour essayer de lire un maximum d'autres textes dans le cadre des Histoires d'Or - mais ton histoire est dans ma PàL et je repasserai avec plaisir terminer la lecture de ce petit conte.
A bientôt !
Et j'aime toujours autant ta façon de décrire certaines scènes : "Ce que vit le Grand-Duc lui aurait arraché son lorgnon s’il en avait eu un"
J'ai beaucoup aimé le virage pris par l'histoire dans ce chapitre ! C'est toujours très mignon mais on change un peu de registre avec les larmes d'Eglantine et ses paroles mystérieuses. J'ai hâte d'en apprendre plus !
C'est sympa de découvrir le corps d'Eglantine petit à petit, j'ai bien aimé la description de ses larmes gigantesques xD
Petite remarque :
"Qu’est-ce qui dit ton œil de lynx ?" -> que ? (à moins que ce soit volontaire)
Je poursuis...
C'est un petit conte sans prétention et je suis ravie qu'il t'amuse .
Oui le "qui" est une erreur de langage volontaire qu'on entend souvent.
Merciiii