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Par maanu

« Entrez ! » s'exclama Basile en se tournant à demi vers sa porte d'entrée.

    Celle-ci s'ouvrit lentement et Basile devina que son visiteur – quel qu'il soit – était hésitant. Puis il vit apparaître un homme, qu'il ne pensait pas connaître. L'appartement était sombre, aussi eut-il du mal à le détailler. Il était grand mais un peu voûté, avait la mâchoire carrée et la mine embarrassée.

    « Bonjour », dit-il, tout intimidé, en rentrant dans la pièce.

    Basile, dans le contre-jour, le vit lever un bras vers sa tête pour se la gratter, et faire quelques petits pas vers lui. Puis il posa son regard fuyant sur une chaise qui se trouvait près de la petite table à manger. Il s'en approcha, la tira vers lui et s'y assit sans que Basile l'y ait invité.

    Basile, surpris, le regarda faire sans rien dire, puis reposa l'arrosoir bleu au très long bec qu'il avait entre les mains, s'avança à son tour, tira une autre chaise et s'assit face à l'homme.

    « Bonjour... lui dit-il à son tour, en laissant sa phrase en suspens pour que le visiteur lui dise son nom.

    -Je m'appelle Martin, dit l'homme. Et vous êtes Basile, c'est bien ça ? Le frère de Félix ? »

    Basile hocha la tête.

    « C'est lui qui m'a dit où vous trouver. Votre frère. J'étais chez lui ce matin. »

    Basile sourit.

    « Il m'a prévenu que vous ne pourriez probablement pas m'aider, mais... »

    L'homme qui s'appelait Martin hésita encore. Basile le devina mal à l'aise et voulut l'aider en l'encourageant d'un sourire.

    « Je vous aiderai si je peux, lui assura-t-il. Mais de quoi avez-vous besoin ? »

    Martin mit un certain temps à répondre mais Basile sut se montrer patient.

    « En fait, comme je l'ai expliqué à votre frère, je cherche à comprendre ce qu'il s'est passé il y a vingt ans. La nuit où... Enfin j'imagine que vous voyez de quoi je parle... »

    Il se gratta la lèvre supérieure, ce que Basile prit pour un autre signe flagrant de sa nervosité.

    « Pour tout vous dire, continua-t-il, sans jamais vraiment regarder Basile dans les yeux, c'est la première fois que je viens dans cette ville. Mais une partie de ma famille vivait ici, quand tout cela s'est produit. »

    Basile, intrigué, l'interrogea du regard. Mais Martin, se voûtant encore un peu plus, se détourna quelque peu de lui et se mit à regarder la pièce, autour d'eux. Basile suivit son regard, que Martin venait de poser sur l'arrosoir bleu qu'il avait laissé sur un guéridon, dans un coin de la pièce. Martin leva ensuite les yeux sur les très grosses fleurs qui se dressaient sur ce même guéridon, dans un petit vase tout rond.

    « Des pivoines, lui dit Basile. Il y en a toujours dans ce vase. »

    Il se tourna de nouveau vers Martin, qui ne semblait pas prêter beaucoup d'intérêt aux fleurs, puisque son regard avait déjà dérivé vers les rideaux qui pendaient aux fenêtres.

    Basile comprenait pourquoi ses rideaux avaient attiré l'attention de Martin. Ils étaient très longs, très rose et avaient une forme étrange, un peu déséquilibrée. Ils étaient affreux et Basile s'était toujours demandé pourquoi il les laissait là. Mais ils faisaient tant partie de son décor à présent qu'il sentait qu'il en aurait le cœur brisé s'il les changeait.

    Martin détacha ses yeux des rideaux, les posa sur Basile l'espace d'une demi-seconde, puis les baissa de nouveau.

    « Votre frère m'a dit que personne ne savait vraiment ce qu'il s'était passé dans cette maison. Et d'autres avant lui m'avaient déjà prévenu. Quand j'ai su ça j'ai pensé à rentrer chez moi. Mais Félix a aussi évoqué des choses étranges qui se seraient produites avant tout ça. Des choses qui vous ont menés là-bas, d'une certaine façon. »

    Basile essaya d'ouvrir la bouche pour répondre mais Martin avait déjà repris.

    « Alors j'essaye de comprendre quelles étaient ces choses étranges. Je me dis que de cette façon je pourrais peut-être comprendre aussi tout le reste. »

    Basile hocha la tête.

    « Peut-être... Je n'en sais rien, pour tout vous dire. Vous savez, on était tous très jeunes. On s'ennuyait, on s'est emballés très vite. Bien avant qu'il y ait vraiment de qu…

    -Félix m'a dit qu'il me raconterait tout ça. Qu'il s'en souvenait parfaitement. Mais je voulais venir vous voir avant. Pour essayer de comprendre un peu mieux. »

    À cet instant, un feulement retentit dans le dos de Martin. Basile sursauta, contrairement à Martin qui ne bougea pas. Puis Basile se mit à sourire, se leva et contourna la table.

    Lorsqu'il revint s'asseoir, il avait dans les bras un gros chat qui fixait Martin d'un air revêche.

    « Il n'aime pas beaucoup les étrangers, expliqua-t-il. Mais ne vous inquiétez pas, il n'est pas méchant du tout. »

    Il remarqua que Martin regardait son chat d'un œil interdit et sourit un peu plus largement.

    « C'est son pelage qui vous étonne ? »

    Il passa sa main sur le dos tigré de l'animal, sur les bandes de poils blancs qui s'intercalaient entre des bandes d'un marron tirant sur le jaune.

    « Étrange cette couleur, n'est-ce-pas ? »

    Basile haussa les épaules.

    « Peu importe. Je l'ai toujours aimé comme ça. C'est ce qui fait son charme, vous ne trouvez pas ? »

    Martin ne répondit pas et Basile comprit. À sa place, il aurait sûrement eu beaucoup de mal à trouver quelque chose à dire. Il relâcha le chat, qui se laissa tomber sur le sol en se contorsionnant comme une anguille, puis, rêveur, il le regarda disparaître dans la cuisine en quelques bonds.

    « C'est avec les animaux que tout a commencé, vous savez ? demanda-t-il à Martin. Oui, j'imagine que Félix vous en a parlé. »

    Il prit une seconde pour essayer de se souvenir.

    « Mais vous avez eu raison de lui demander à lui de vous raconter tout ça. Il s'en souvient sûrement bien mieux que moi. C'est peut-être parce qu'il était un peu plus âgé que moi quand ça s'est passé. Ou peut-être parce que j'étais beaucoup moins intéressé que tous les autres par toute cette histoire. Dès le début, je leur ai dit que c'était n'importe quoi. Même si je dois admettre que, malgré ce que je pouvais prétendre à l'époque, j'étais un peu intrigué tout de même... »

 

***

    La mer était presque aussi déchaînée et bruyante que les quelques mouettes qui lui tournaient autour en piaillant. Léonie les regardait en fronçant le nez. Elle n'avait jamais beaucoup aimé ces bestioles. Il y avait quelque chose de sournois en elles, jusque dans leur cri.

    Elle sentait Félix assis auprès d'elle, qui n'osait pas faire un geste ni prononcer une parole. Elle avait décidé de ne pas l'y encourager ; elle n'avait pas très envie de parler. Elle n'était pas fâchée, ni même agacée. C'est juste qu'elle n'aimait pas tellement parler d'une façon générale.

    Basile et Arthur avaient engagé une partie de cartes devant eux et jouaient silencieusement, sans beaucoup d'entrain. Félix les observait et n'avait probablement aucune idée de qui l'emportait. Léonie regardait tantôt les mouettes, tantôt les vagues qui venaient régulièrement grignoter la plage, à la manière d'une très grosse mâchoire qui l'aurait croquée petit à petit.

    Ils s'ennuyaient ferme et il ne faisait même pas vraiment beau. La journée entière avait été grise, même avant que le soleil commence lentement à se coucher par-delà la mer. Ce n'était pas un temps à aller à la plage mais ils n'avaient pas eu d'autre idée, aussi avaient-ils passé l'après-midi là, à ne rien faire du tout.


    « J'ai gagné », marmonna tout à coup Basile, qui n'en eut pas l'air très ému.

    Léonie baissa le nez du ciel pour le tendre vers le jeu de cartes qui s'étalait entre les deux garçons, mais elle réalisa qu'elle ne savait même pas à quoi ils jouaient.

    Arthur, que sa défaite laissait aussi froid que l'était Basile face à son triomphe, l'aida à ranger les cartes, sans dire un mot. Puis ils rejoignirent tous deux Léonie et Félix dans leur contemplation indifférente de la mer. Ils étaient à présent quatre à regarder devant eux, les bras autour des genoux, immobiles et muets. Même les mouettes, depuis quelques temps, semblaient avoir disparu.


    Ils restèrent ainsi plusieurs minutes, chacun attendant que l'un des trois autres proposent de s'en aller vers la ville. Puis un appel retentit derrière eux et ils se retournèrent tous en même temps.

    « Hé ! » criait Colin qui, cramponné au guidon du vélo à côté duquel il marchait, semblait à chaque seconde sur le point de trébucher et de dégringoler le long du sentier qui montait vers la ville entre les rochers abruptes.

    À leur grande surprise à tous, il parvint pourtant auprès d'eux en un seul morceau, tout comme son vélo. Mais son petit visage craintif semblait plus apeuré encore que d'ordinaire.

    « Hé ! » cria-t-il encore, alors même qu'il était arrivé tout près d'eux.

    Ils se dirent que c'était sûrement la seule chose qu'il était encore capable de prononcer, tant il était essoufflé. Ils le regardèrent se pencher en avant, les mains sur les genoux pour se remettre, et attendirent qu'il leur explique ce qui lui arrivait.

    « Je crois que j'ai vu quelque chose », leur dit-il enfin, entre deux inhalations sifflantes.

    Léonie échangea un regard défiant avec les autres.

    « Près du gymnase, s'expliqua Colin, qui avait enfin retrouvé presque tout son souffle. À l'instant. Je passais à côté et j'ai vu un grand type bizarre traîner près du gymnase. »

    Colin ouvrit alors de grands yeux terrifiés.

    « Et il portait un lapin ! s 'exclama-t-il dans un souffle.

    -Un lapin ? » répéta Léonie sans comprendre.

    Colin hocha vigoureusement la tête, les yeux de plus en plus grands.

    « Un lapin mort, tu veux dire ? demanda Arthur.

    -Oui ! J'étais loin, mais je suis sûr que c'était un lapin. Il le tenait par les oreilles. Comme ça ! »

    Il brandit son poing devant lui, fermé autour des oreilles d'un lapin mort invisible.

    Arthur réfléchit une seconde.

    « Peut-être que le lapin était à lui. Peut-être qu'il ne savait pas trop quoi faire de son corps. À sa place moi non plus je ne saurais pas quoi faire d'un cadavre de lapin... »

    Colin secoua brusquement la tête.

    « Non, non, non, dit-il. C'est ce que j'ai cru aussi, alors je me suis arrêté pour regarder ce qu'il allait en faire. J'étais à vélo sur la route qui passe devant le gymnase. Et je l'ai vu rentrer dedans ! »

    Léonie fronça un peu plus ses sourcils roux.

    « Dans le gymnase ?

    -Oui ! Pourquoi est-ce qu'il irait jeter le corps de son lapin dans le gymnase ? J'ai eu raison de trouver ça bizarre, non ? »

    Les quatre autres restèrent un instant silencieux, se jetant entre eux des regards interdits.

    « C'est vrai que c'est louche », concéda Félix.

    Colin, ravi de cet assentiment à demi-mot, se fit encore plus agité.

    « Je suis sûr que c'est à cause de ce type que les animaux se sont mis à mourir ! Il leur fait quelque chose, c'est sûr ! »

    À force de parler à toute vitesse, il était de nouveau tout essoufflé. Basile en profita pour tenter de calmer son zèle.

    « Tu vas un peu vite, tu ne crois pas ? On n'est même pas vraiment sûrs pour cette histoire d'animaux, après tout... »

    Colin lui jeta aussitôt un regard noir, qui laissa Basile un peu surpris.

    « Pourquoi le gymnase ? intervint Félix. Il est fermé le temps des travaux, non ? »

    Colin approuva d'un hochement de tête.

    « Il est fermé au public, oui. Et le chantier aussi, pour le week-end. Les ouvriers reviennent demain matin, je crois.

    -Ce serait bizarre qu'un squatteur s'installe là, non ? continua Félix. Les ouvriers vont forcément le déloger à la première heure.

    -On devrait aller voir ! s'exclama Colin. Je voulais y aller, mais tout seul j'avais trop peur... C'est pour ça que je suis venu vous chercher.

    -Tu as bien fait, l'approuva Félix en frissonnant. C'est peut-être un fou furieux…

    -Ou juste un bourreau d'animaux, ce qui serait déjà beaucoup. »

     Le visage d'Arthur, si doux en temps normal, s'était contracté de colère depuis l'évocation du pauvre lapin trimballé par les oreilles comme un vulgaire sac de courses.

    « Colin a raison, poursuivit-il en allant auprès de ce dernier. On devrait aller voir. Juste pour vérifier que cet homme est vraiment louche. Si c'est le cas, on pourra prévenir quelqu'un. »

    Basile fit une grimace.

    « Mauvaise idée », grinça-t-il.

    Il prit un air épouvanté, les yeux un peu dans le vague, et les autres devinèrent qu'il s'imaginait pendouillant par les oreilles sous une énorme main gantée de noir.

    Léonie haussa les épaules.

    « Je viens aussi », dit-elle en se levant.

    Elle se frotta les mollets pour en décoller le sable et rejoignit Colin et Arthur.

    « On s'ennuie trop ici, de toute façon. »

 

***

    Félix déposa devant Martin la tasse qu'il lui avait déjà attribuée lors de leur première discussion. Martin en eut une étrange impression d'habitude, comme s'il avait déjà sa propre tasse réservée, dans cette salle à manger où il ne venait que pour la deuxième fois.

    « Merci », dit-il dans un souffle, alors que Félix prenait place face à lui, de l'autre côté de la petite table ronde.

    Félix souffla sur son café et une petite volute de vapeur virevolta vers Martin.

    « Alors ? Vous êtes passé chez mon frère ?

    -Oui. J'y étais hier. »

    Il n'en dit pas plus, puisqu'il n'y avait pas grand-chose d'autre à dire. Comme prévu, il n’avait absolument rien tiré de cette rencontre.

    « Et maintenant vous voulez que je vous raconte pour le gymnase, c'est bien ça ?

    -C'est ça. Vous l'avez évoqué l'autre jour, juste avant que je parte. Mais vous avez dit que ce n'était pas très important. »

    Félix prit soin de bien avaler sa gorgée de café avant de lui répondre.

    « Non, pas très. Mais c'est à ce moment-là qu'on a vraiment commencé à se mêler de tout ça, moi et les autres. Donc j'imagine que ça vaut quand même le coup de vous raconter cette soirée-là…

    -Je vous écoute. »

    Félix reposa sa tasse sur la table et regarda au plafond pendant quelques secondes, concentré sur ses souvenirs.

    « C'est Colin qui a tout provoqué. Il est venu nous chercher sur la plage, où on avait passé l'après-midi avec les autres.

    -Quels autres ? »

    Martin voulait se faire une image mentale précise de la scène qu'il lui dépeignait.

    « Comme d'habitude. Léonie, Félix, Basile et moi. On s'ennuyait beaucoup, je dois dire. On avait fait une partie de cartes avec Basile. Je crois que c'est moi qui avait gagné... Enfin bref, on ne faisait pas grand-chose d'intéressant. Mais on est quand même restés longtemps. Il me semble que la nuit avait déjà commencé à tomber quand Colin est arrivé, tout paniqué. Il nous a dit qu'il avait aperçu un homme bizarre rôder autour du gymnase. Ça nous a beaucoup étonnés, parce que le gymnase était fermé tout l'été, pour travaux. La toiture à refaire, ou quelque chose comme ça. Et puis surtout, Colin nous a raconté que l'homme se trimballait un lapin mort. C'est ça qui a décidé Arthur à aller voir. J'avoue que Basile et moi on avait un peu la trouille et qu'on aurait préféré rentrer tranquillement à la maison. Mais Léonie a voulu aller voir, elle aussi. »

    Félix eut un petit rire.

    « Elle ne pouvait pas supporter l'ennui. Et moi j'étais fou amoureux, alors je l'ai suivi, et comme d'habitude Basile m'a suivi moi. Maintenant que j'y pense, ce n'était peut-être pas très responsable de ma part d'embarquer mon petit frère là-dedans... Mais on n'a jamais vraiment pensé qu'on puisse avoir affaire à un cinglé. On pensait surtout que ce serait drôle de rentrer dans le gymnase de nuit, sans en avoir vraiment le droit. »

    Il haussa les épaules avec un nouveau rire.

    « Alors on y est allé. Le temps qu'on arrive, la nuit était quasiment tombée. On s'est approchés tout doucement, pour voir ce qui se passait. On avait quand même un peu peur que le type débarque tout à coup devant nous... Mais on ne voyait rien. Alors Colin nous a montré l'endroit où il avait vu l'homme avant qu'il n'entre dans le gymnase. C'était sur une espèce d'étendue d'herbe qu'il y avait derrière le bâtiment, où les ouvriers avaient laissé plein d'engins et d'outils. On est allés voir, et là on est tombés sur quelque chose de bizarre. »

    Martin vit Félix froncer les sourcils, le regard perdu dans sa tasse de café, qu'il avait un peu oublié de boire.

    « Au début, on a cru que c'était dû aux travaux. Que les ouvriers avaient creusé tous ces trous, pour une raison ou pour une autre. Mais on les a quand même trouvés bizarres, ces trous... Il y en avait un peu partout, de tailles différentes, mais tous assez petits quand même. En fait, ce n'était pas vraiment des trous, puisqu'ils avaient tous été rebouchés. Mais on voyait bien que ça avait été creusé, vous voyez ? Il n'y avait plus d'herbe à ces endroits-là, juste des petits ronds de terre retournée. Et puis à un moment, Léonie a fait un bruit un peu dégoûté. Elle nous a montré un des trous rebouchés, et quand on s'est approchés on a vu quelque chose qui dépassait du trou. C'était une aile. Une petite aile d'oiseau. Léonie a pris un pique, ou je ne sais pas comment ça s'appelle, que les ouvriers avaient laissé là. Elle a un peu remué la terre, autour de l'aile, et on a tout de suite vu qu'il y avait un oiseau entier là-dessous. On n'a pas creusé les autres trous, bien sûr, mais on a bien compris qu'il y avait au moins une bestiole dans chacun. Je crois que je n'avais jamais vu Arthur aussi bouleversé. Il s'est mis à penser comme Colin, que c'était bien à cause de ce type qu'il y avait des animaux morts partout. Je ne sais plus exactement comment ça s'est décidé, mais je pense que c'est eux qui ont voulu entrer dans le gymnase. Pour s'assurer que l'homme était toujours dedans, pour l'apercevoir, juste de loin, et pour pouvoir le décrire ensuite. Je pense qu'on avait tous dans l'idée d'aller le dénoncer, même si on ne savait pas encore très bien à qui on était censés en parler. J'imagine qu'on l'aurait dit à nos parents... »

    Félix fit une pause, but une gorgée de café, et reprit.

    « Colin nous a montré une fenêtre cassée, celle à travers laquelle il avait vu l'homme passer. On a un peu hésité, surtout Basile et moi. Je crois bien que c'est nous qui avions le plus peur. Mais on a tous fini par passer par la fenêtre. Ça a été facile, il y avait tout un carreau qui manquait. Les ouvriers avaient essayé de recouvrir la fenêtre avec du contreplaqué mais on a pu le soulever facilement, comme l'homme l'avait fait. Ça, c'est Colin qui nous l'a dit, bien sûr. Une fois à l'intérieur, on a eu encore plus peur. Il faisait tout noir, évidemment, et un froid de canard. Je me souviens aussi qu'il y avait de l'eau qui gouttait depuis le toit. Ça faisait une petite flaque au milieu du gymnase, et avec le silence qu'il y avait là-dedans, chaque goutte faisait un bruit d'enfer. »

    Il se mit à glousser.

    « J'ai eu une peur terrible. Et tous les autres qui s'avançaient à travers le gymnase, comme ça, dans le noir, sans avoir l'air plus effrayé que ça... Je me suis senti comme un vrai poltron. Même Basile et Colin semblaient plus rassurés que moi. Et Arthur et Léonie je n'en parle pas ! Ils marchaient, tranquillement, devant nous tous, en regardant partout autour d'eux. »

    Félix fit un mouvement vague de la tête.

    « Enfin ça, ça n'a pas duré longtemps. Parce que tout à coup, il y a eu comme un grand bruit au-dessus de nous. »

 

***

    Félix poussa un cri étouffé et ils levèrent tous la tête vers le plafond, le cœur battant. Il faisait trop sombre au-dessus d'eux pour qu'ils puissent apercevoir quoi que ce soit de la charpente, mais le bruit était toujours là. Quelque chose grattait furieusement le bois, juste au-dessus de leurs têtes.

    Ils se rapprochèrent les uns des autres, sans en avoir conscience et sans plus faire un seul son. Puis ils restèrent parfaitement immobiles, épaules contre épaules, le nez en l'air, et écoutèrent la chose qui s'agitait au plafond.

    C'était rapide. Ça se déplaçait dans des bruissements, avant de se remettre à gratter un peu plus loin. Ils crurent d'abord que c'était furieux, mais comprirent vite que c'était en réalité apeuré.

    « C'est un oiseau, souffla Colin. Il est resté coincé. »

    Ils poussèrent à l'unisson un soupir soulagé, et aussi un peu amusé.

    Alors ils purent cesser de fixer le plafond noir et regarder autour d'eux, pour ne rien voir. La très faible lumière qui venait encore de dehors leur permettait de deviner des ombres contre les murs, des silhouettes de matériel de chantier, laissé sur place par les ouvriers deux jours plus tôt. Mais à part ces objets dont ils ne comprenaient que vaguement l'utilité, il n'y avait autour d'eux qu'un grand espace vide. Rien qui respire, à part eux.


    Puis l'oiseau, qu'ils n'avaient toujours pas pu voir, se fit encore entendre. Il y eut un grand battement d'ailes, plus brusque que les autres, et une petite chose noire passa à toute vitesse sous leurs nez.

    L'oiseau s'était engouffré par la petite ouverture sombre d'une porte entrouverte, dont ils savaient pour être souvent venus dans ce gymnase qu'elle menait à un long couloir.

    Ils se consultèrent du regard, et à leur grande surprise ce fut Colin qui prit la tête de leur petit groupe. Il alla vers la porte, d'un pas déterminé d'abord, puis de plus en plus craintif. Arrivé juste devant elle, il s'arrêta tout à fait. Arthur, parvenu à sa hauteur, lui mit une main sur l'épaule pour lui faire comprendre qu'il allait prendre la relève. Il passa devant lui, hésita un peu lui aussi, et finit par rentrer dans le rectangle noir.

    Les quatre autres entrèrent à leur tour. Félix avait attrapé le poignet de Léonie, et Basile se cramponnait au t-shirt de Félix. Colin, tremblant, fermait la marche.

    Ils firent quelques pas, passèrent devant quelques-unes des portes closes qui se succédaient de part et d'autre du couloir. Ils ne voyaient toujours rien et n'entendaient que le battement, de plus en plus étouffé, des ailes du petit oiseau piégé.


    Jusqu'à ce qu'un autre son ne se mette à son tour à résonner dans le silence. C'était très discret, à tel point qu'ils durent tous s'arrêter de marcher, rester parfaitement silencieux et tendre l'oreille, pour être sûrs qu'ils avaient bien entendu quelque chose. Alors ils entendirent de nouveau et se serrèrent encore plus les uns contre les autres.

    Il y avait une voix, derrière la porte devant laquelle ils étaient arrêtés. Une voix faible, qui ne devait pas être plus forte qu'un chuchotement et qui parlait sans discontinuer.

    Ils restèrent longtemps devant la porte, pétrifiés. Ils ne parvenaient pas à comprendre un seul mot de ce que l'homme disait de l'autre côté du battant.

    Léonie fit alors un tout petit pas, sous les regards horrifiés des quatre autres. Elle était encore trop éloignée de la porte et fit un autre pas. Puis elle étendit son buste en avant, approcha autant qu'elle pouvait son oreille du battant. Elle écouta pendant près d'une minute, la mine absorbée. Les autres virent ses sourcils se froncer petit à petit et finirent par se rendre compte que le visage de Léonie, encore inquiet quelques secondes plus tôt, n'était plus que soulagé et un peu las.

    Elle se redressa, actionna la poignée de la porte et poussa le battant, tandis que les autres faisaient en arrière un mouvement terrifié.

    Aussitôt, la voix se fit plus forte. C'était bien une voix d'homme, toujours très faible même maintenant que la porte était ouverte. Le ton était étrangement monocorde et grésillant, et le discours ininterrompu. Mais ce qui les surprit le plus, ce fut que la voix leur semblait provenir du sol.

    Ils baissèrent les yeux et rejoignirent Léonie sur le seuil, rassurés par son immobilité calme. Ils purent ainsi apercevoir, posée sur le sol au centre du vestiaire désert, une petite radio abandonnée à son sort.

    « Les ouvriers ont dû oublier de l'éteindre », chuchota Léonie.

    Félix sentit le visage de son frère se lever vers le sien et ils baissa les yeux pour échanger avec lui un regard rieur. Léonie, de son côté, était entrée dans le vestiaire, avait attendu quelques secondes pour s'assurer qu'il n'y avait personne, puis était allée s'agenouiller près de la radio pour l'éteindre.

    Lorsque la voix hypnotique de l'animateur s'évanouit brusquement, au beau milieu d'un long monologue sur la vie d'un obscur poète qu'aucun d'eux ne connaissait, le silence revint et leur parut plus terrifiant encore qu'auparavant.

    Maintenant que cette frayeur était passée, ils n'étaient plus très sûrs d'avoir envie de continuer. Sans se concerter, ils songèrent tous à faire demi-tour et à rentrer chez eux.

    Mais une porte claqua brusquement, quelque part, et ils se figèrent tous.

 

    Ils restèrent de très longues secondes totalement immobiles, le cœur comme en suspens. Ils s'étaient tous arrêtés de respirer, sans même s'en rendre compte. Après plus d'une minute du silence le plus complet, Félix réalisa que les ongles de son petit frère étaient enfoncés de plusieurs millimètres dans la peau de son avant-bras.

    Il voulut dire quelque chose, murmurer que c'était sûrement juste un courant d'air, mais sa bouche était trop sèche pour ça. Il leva donc le bras, pour leur désigner une porte qui leur faisait face, qui menait vers l'extérieur et qui avec un peu de chance était restée ouverte. Elle n'était qu'à quelques mètres devant eux et ils préféraient tous sortir au plus vite, plutôt que de refaire tout le chemin qu'ils avaient déjà parcouru.

    Ils se mirent en marche comme un seul corps, au même rythme, collés les uns aux autres. Ils avançaient vite, sans faire un seul bruit, et bientôt ils ne furent plus qu'à une longueur de bras de la sortie.

    Mais alors qu'Arthur tendait déjà la main vers la poignée, Colin arrêta son bras dans son élan. Ils lui lancèrent tous un regard sidéré, auquel il répondit en mettant un index contre sa bouche. Puis il leur désigna la porte d'un autre vestiaire, à leur gauche, et leur fit signe d'écouter.

 

    Ils ne tardèrent pas à entendre, derrière le battant, comme un bruissement feutré. Ils crurent d'abord que le son était continu, puis réalisèrent qu'il était beaucoup plus irrégulier et chaotique qu'il n'y paraissait. Mais aucun d'eux ne parvint à comprendre à quoi ils avaient affaire.

    Colin, qui était le plus près de la porte du vestiaire, en attrapa soudain la poignée. Félix se jeta en avant pour l'en empêcher, mais avant qu'il ait pu faire quoi que ce soit, Colin avait poussé le battant.

 

    Le bruissement qu'ils avaient entendu provenait du plafond, où une douzaine de petits oiseaux noirs tournaient inlassablement, paniqués, se cognant les uns contre les autres. Leurs trajectoires désordonnées se firent plus confuses encore après que la porte se soit ouverte. Plusieurs d'entre eux passèrent à toute allure au-dessus de leurs têtes pour rejoindre le couloir, mais aucun d'eux ne se baissa pour les éviter.

    Ils étaient tous les cinq comme statufiés, la bouche entrouverte dans un hurlement avorté. Juste devant eux, parfaitement découpée devant la fenêtre qui leur faisait face, se dressait une haute silhouette immobile, surplombée d'un grand chapeau noir.

***

    Martin eut comme un frisson, déglutit, et attendit la suite. Il fut surpris de constater que Félix ne semblait pas particulièrement ému par son propre récit, que lui-même avait trouvé assez terrifiant.

    « C'était bizarre, cette réaction qu'on a tous eue à ce moment-là, reprit Félix après avoir pris une autre gorgée de café le plus tranquillement du monde. On est restés là, comme des idiots, incapables de bouger ou de faire un son. J'ai eu l'impression que ça durait une éternité, mais j'imagine que ça n'a pris que quelques secondes à peine. Je crois que c'est Basile qui a fini par hurler. Ça nous a fait comme un électrochoc à tous. On s'est tous mis à courir en arrière et on est tombés les uns sur les autres. Le temps que je me relève, Arthur avait déjà essayé d'ouvrir la porte d'entrée et constaté qu'elle était fermée. »

    Félix secoua la tête avec un demi-sourire.

    « Évidemment qu'elle était fermée. On avait été bêtes de croire l'inverse. Comme si les ouvriers avaient pu laisser la porte principale du gymnase ouverte, juste avant de quitter les lieux pour tout un week-end... Enfin bref, on s'est tous mis à courir dans le couloir, complètement terrorisés. Ensuite on a traversé le gymnase et on est repassés par la fenêtre cassée. Je peux vous dire que c'était bien la première fois que je courais aussi vite sur ce maudit terrain de sport... »

     Il se mit à rire et Martin esquissa lui aussi un petit sourire, par politesse.

    « Et une fois qu'on s'est retrouvés près de la route et qu'on s'est sentis à l'abri, on s'est tous mis à rire. On était tous là, tout rouges à cause de la peur et de la course, tout transpirants, à se tenir les côtes et à se rouler par terre au bord de la route. Des vrais cinglés... »

    Il haussa les épaules.

    « Alors vous voyez, même là on ne prenait pas les choses trop sérieusement. On venait d'avoir la peur de notre vie, c'est sûr, et j'avoue que ça m'est arrivé depuis, une ou deux fois, de rêver de silhouettes d'hommes en chapeau melon. Mais on a tous pensé à un squatteur bizarre. Drogué ou fêlé, ou les deux peut-être bien. Pour tout vous dire, je crois que le chapeau, mine de rien, ça nous avait un peu rassurés. On a dû se dire qu'on type qui portait un chapeau melon ne pouvait pas être vraiment dangereux, vous voyez ? Pas de quoi nous décider à avouer qu'on était entrés de nuit sur un chantier interdit au public. Surtout que les parents de Léonie étaient du genre stricts... Par solidarité, on a décidé de ne rien dire. Arthur était prêt à parler de ce type à ses parents, parce que lui il s'inquiétait beaucoup pour les animaux. Mais on lui a fait remarqué que de toute façon les ouvriers allaient revenir le lendemain et allaient forcément le déloger. On s'est dit qu'avec un peu de chance le type au chapeau allait quitter la ville. »

    Félix s'arrêta de parler pour finir les quelques gorgées de café qu'il lui restait. Après avoir reposé sa tasse, il ne reprit pas son récit. Martin attendit pendant quelques secondes puis, comprenant que rien de plus ne s'était passé le soir de l'exploration du gymnase, il demanda :

    « Et ensuite ? Qu'est-ce qui s'est passé pendant les jours qui ont suivi ? »

    Félix écarquilla un peu les yeux et se passa la main sur le menton pour montrer qu'il fouillait dans ses souvenirs.

    « Et bien... Je crois que c'est à peu près à ce moment-là qu'Élise s'est retrouvée mêlée à tout ça, elle aussi.

    -Élise c'était la cinquième, c'est bien ça ?

    -Oui. C'était la petite-fille de l'apothicaire de la ville. C'est lui qui l'a élevée. Il l'adorait. Ils habitaient tous les deux dans une grande maison, un peu à l'écart de la ville. Une espèce de manoir un peu effrayant. Élise avait le même âge qu'Arthur, Léonie et moi. On la connaissait depuis toujours, mais on n'avait jamais vraiment été amis. C'était une solitaire, Élise. »

    Martin hocha la tête pour lui signifier qu'il avait compris. Il allait demander ce que cette Élise avait à voir avec tout cela, lorsque Félix ouvrit de nouveau les yeux en levant un index devant son visage.

    « Ah non, attendez, dit-il. Maintenant que j'y pense, c'est un peu plus tard qu'Élise est arrivée. Avant ça, il y a eu l'histoire du chien. »

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Isapass
Posté le 10/12/2024
C'est fou comme ton histoire est addictive !
Et comme tu parviens à créer des ambiance de dingue : la scène du gymnase, j'ai eu PEUR, pour de vrai ! XD
Je pense que c'est le soin que tu mets dans les détails qui donne cette impression : les petites contradictions entre le récit de Félix et la narration de la première époque, par exemple (la partie de cartes sur la plage). L'ennui revient souvent dans les deux narrations, comme si c'était une explication en soit.
J'ai beaucoup de mal à cerner Colin : est-ce qu'il essaie de coller au groupe parce qu'il est triste d'être tout seul alors qu'il trainait avec Basile avant, ou est-ce que c'est moins innocent que ça ? Tu as vu ce que tu me fais : j'ai des soupçons sur tout le monde, maintenant !
Je trouve ça complètement fou d'être autant happée alors qu'en fait, on ne sait encore pratiquement rien. On a même pas assez pour faire des hypothèses ! Vraiment, bravo, je suis admirative de la maestria avec laquelle tu gères ton histoire, le rythme, l'alternance des arcs, la façon dont tu donnes les infos par petits bouts...
Je vais mettre ton histoire dans ma PaL (qui déborde !) et revenir après les Histoires d'Or. Mais déjà, merci pour ce super moment de lecture !
Edouard PArle
Posté le 27/11/2024
Coucou Maanu !
On peut dire que tu maîtrises l'art de la chute ! Cette fin de chapitre donne très très envie de foncer vers le chapitre 4. Et toutes les petites chutes intermédiaires entre chaque changement de point de vue fonctionnent vraiment bien. La transition entre eux est toujours très fluide.
La mystère s'épaissit encore dans ce chapitre, même si on commence à avoir quelques éléments supplémentaires. Un homme semble derrière le mystère des oiseaux mourants. La scène où les enfants le suivent est très effrayante, l'ambiance parfaitement décrite. On n'a qu'une hâte, en apprendre un peu plus !
Le personnage de Basile est assez intrigant, son père le fait craindre alors qu'il se montre très sympa dans ce chapitre. Est-ce parce que la relation entre eux s'est dégradée ? Y a-t-il autre chose ? Tant de questions...
Mes remarques :
"très rose et avaient une forme étrange," -> roses
"Quand j'ai su ça j'ai pensé à rentrer chez moi." virgule après ça ?
"il n'est pas méchant du tout. »" couper à méchant ? je ne pense pas que tu aies besoin de plus accentuer cette négation
"Il y avait quelque chose de sournois en elles, jusque dans leur cri." j'aime beaucoup cette idée xD
"on s'est approchés on a vu quelque chose qui dépassait du trou." virgule après approchés ?
"J'imagine qu'on l'aurait dit à nos parents... »" donc ils ne l'ont pas fait ?? ça promet...
"et sans plus faire un seul son." -> sans plus faire un bruit ? je trouve que c'est plus approprié que son dans ce contexte
"qui venait encore de dehors" -> de l'extérieur ? dehors fait un peu plus oral je trouve
Un plaisir,
A bientôt !
itchane
Posté le 24/06/2023
Hello !

OMG, mais qu'il était flippant ce chapitre !!!
C'est d'autant plus flippant que l'on sait que quelque chose va finir par leur arriver, c'est même tout le principe de l'histoire que de se demander "quoi ?", du coup ils auraient vraiment pu faire une mauvaise rencontre, donc on est vraiment pris par l'angoisse nous aussi, holala, mais j'ai sursauté avec eux quoi x'D

C'est suuuuuuper réussi, mais bravo !

J'aime aussi toujours autant les aller-retours entre présent et passé, et les petites différences qui s'immiscent, comme qui a gagné cette partie de carte, hahaha.

J'ai noté une petite erreur, enfin je crois, de prénom dans la liste "Léonie, Félix, Basile et moi", comme c'est Félix qui parle, ce n'est pas plutôt "Léonie, Arthur, Basile et moi" ?

J'ai adoré (et je t'ai détesté en même temps) l'ellipse de la conversation avec Basile, même si on apprend qu'il ne s'est pas dit grand-chose, j'aurai bien aimé savoir pourquoi : P

Je sens que tout n'est pas dit, que c'est voulu et que les mystères vont s'épaissir, c'est trop bien ! J'adore vraiment, je passe de super moments de lecture.

Hâte de découvrir la suite ^^
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