— Tu penses pouvoir en faire quelque chose ?
Meero vit Ori réfléchir.
— Techniquement parlant, oui.
— Mais… ?
— C’est un gros truc, Meero. Je veux dire… Cette journaliste, ça fait des années qu’elle publie ses papiers. La supprimer, ça serait… Enfin, je ne sais pas. Mais ça changerait beaucoup de choses.
— Me dis pas que t’as une conscience qui se réveille.
Elle grimaça. Ce genre de dilemmes moraux, ils les étouffaient en général. C’était beaucoup plus facile.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce n’est juste pas une simple mission.
— Une « simple mission », ça existe pas vraiment, soupira Meero. Celle-là ou une autre, ça change quoi ?
— Ça change qu’on n’est pas tout seuls sur le coup et qu’il faut agir vite.
— Bien.
Elle le fixa quelques secondes avant de hocher la tête.
— J’ai pu trouver quelques infos, dit-elle enfin. Notre journaliste est à Muresid. Où exactement, je ne sais pas. Mais c’est qu’une question de temps avant que je la retrouve.
Elle marqua une pause.
— Tiens-toi prêt.
×
Meero avait du mal avec cette attente. Pendant qu’il marchait dans la rue, peut-être que d’autres chasseurs de primes le surveillaient. Ou peut-être qu’ils avaient déjà une piste sur la journaliste. Mais ses lentilles restaient muettes, Ori n’avait encore rien trouvé sur la cible.
Il poussa jusqu’au boulot d’Ankha. Aujourd’hui, elle ne faisait que la matinée. Quand il la vit sortir, fit un pas dans sa direction.
— Qu’est-ce tu fais là ? demanda-t-elle.
— Je passais dans le coin.
Elle hésita. En général, ils évitaient de se retrouver à découvert.
— J’avais à te parler, dit-elle en l’entraînant loin de la foule.
Il la suivit dans une ruelle.
Il comptait lui dire qu’il allait disparaître quelques jours. Il ne voulait pas qu’elle soit dans les parages pendant la traque de la journaliste. Ces derniers temps, il trouvait de plus en plus difficile de garder ses activités secrètes, de lui mentir pour éviter de s’exposer.
Elle se retourna pour lui faire face et il nota que son regard avait changé. Il y avait quelque chose en plus, une étincelle qui n’y était pas avant.
— Je m'en vais pour quelque temps, dit-elle.
Elle le fixait avec une sorte de défi. Comme si elle essayait de se convaincre que c’était une bonne idée.
— Tu es revenue dans la rébellion.
— Oui.
— Ankha, cette mission…
— Je peux rien te dire, vraiment.
— Je sais.
— Tu pars quand ? demanda-t-il.
— Demain.
Il la vit baisser les yeux et la moitié de son visage se retrouva mangée par son écharpe. Finalement, il n’aurait pas à lui dire que lui aussi partait. Il n’aurait pas à lui mentir une fois de plus.
— T’es sûre que c’est pas trop tôt ? demanda-t-il. Ça fait même pas un mois encore.
Elle hocha la tête.
— Je peux pas rester ici, dit-elle à voix basse. Je peux pas rester sans rien faire.
Contre ça, il ne pouvait rien. Mais cette mission entourée de secret, il ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer qu’elle tournerait mal. Et si Ankha se faisait tuer ? Et s’il ne la revoyait plus jamais ?
×
— Admettons qu’on lui mette la main dessus… dit Ori.
Ils s’étaient installés chez elle. La nuit de surveillance allait être longue.
— Après, on va faire quoi ?
— Comment ça ?
— Comprends-moi bien, poursuivit-elle. Cette vie, ce boulot, je les ai choisis et je ne remets pas ça en question.
— C’est quoi que tu remets en question alors ?
— Il y a quelque chose qui colle pas dans toute cette histoire. Et je me demande si on a pas fait une grosse connerie en prenant ce contrat.
Meero la regarda un long moment. Il faisait confiance à ses intuitions ; en général, elles se révélaient plutôt justes. Mais renoncer à ce contrat pouvait aussi les mettre dans la merde. L’employeur, ce n’était pas le premier venu. S’ils se dérobaient, il saurait les retrouver.
Ori soupira, elle devait en être venue aux mêmes conclusions.
— Toujours rien ? dit enfin Meero.
Elle reporta son regard sur l’écran, secoua la tête et se frotta les yeux.
— Que dalle. La piste que j’avais a rien donné.
Elle hésita un bref instant avant de reprendre.
— Tu ne veux pas demander à tes potes de la rébellion ?
— Quoi ?
Elle esquissa un sourire.
— En même temps, tu savais que j’allais faire des recherches sur toi. Et donc ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Pour pas me griller ?
— C’est toi qui vois.
Elle haussa les épaules et revint vers l’écran.
— Bref, on patauge.
— T’as rien chopé sur les caméras ?
— Que dalle, elle est prudente.
— Alors, on attend.
×
Dans la nuit, Meero sentit qu’on le secouait. Il s’était endormi pendant la surveillance. Le réduit qui servait de planque à Ori n’était éclairé que par deux faibles lampes et la lumière blafarde de l’écran.
— On a du nouveau.
Il s’approcha de l’écran.
— Il y a deux minutes, j’ai attrapé ça sur les caméras de surveillance.
Elle montrait l’image de quatre personnes. Trois à visage découvert, une avec une capuche.
— C’est tout ?
— C’est le couvre-feu. Ce n’est pas le commun des mortels qui se balade à cette heure.
— Oui, enfin, Muresid est vaste et pleine de petits criminels. Ça peut être absolument n’importe qui.
— Regarde.
Elle passa l’enregistrement jusqu’au bout.
— Oh, souffla Meero.
Pendant une fraction de seconde, la personne au visage dans l’ombre n’avait pas pu éviter la caméra. Et l’image avait beau ne pas être nette, on reconnaissait très bien la journaliste.
×
Rester sur ses gardes, ne pas tomber sur des soldats. Ça semblait déjà pas mal comme programme. Sur les lentilles, Meero voyait s’afficher les instructions d’Ori pendant qu’il avançait vers sa cible. Il avait eu un coup de bol. Sa planque n’était pas trop loin de l’endroit où elle avait repéré la journaliste.
« Vers les quais », indiquait son dernier message.
Meero bifurqua donc vers les rives du fleuve qui traversait la ville. À cet endroit, quantité de rivières le rejoignaient et tout le quartier n’était fait de ponts et de maisons perchées au-dessus de l’eau. On abandonnait les lignes droites du reste de Muresid et ça réduisait grandement la visibilité.
« Je les ai perdus. »
Meero jura, mais continua d’avancer. « Où ? », composa-t-il.
« À deux cents mètres, devant. »
Il enclencha la recherche des planques de la rébellion. Heureusement que la liste était tenue à jour. Ah, en voilà une juste à côté. Il accéléra le pas. Il ne fallait pas laisser la piste refroidir.
×
La planque la plus proche était une maison au-dessus de l’eau. À une époque pas si lointaine, cette partie de la ville n’était pas attachée à Muresid et un petit port y prospérait. Puis, la capitale avait grandi et avalé tout ce qui traînait autour.
Contrairement à la ville basse, ce quartier était habité, et pas seulement par la rébellion et les mafias. Arrivé devant le battant, il inspira un coup, vérifia son flingue et apposa un doigt sur la serrure.
La porte céda. C’était quand même pratique d’avoir les accès.
Aussitôt, il fut nez à nez avec deux pistolets. Bon, on pouvait dire qu’il les avait retrouvés.
— Doucement, dit-il en levant les bras.
Deux personnes le tenaient en joue.
— Ferme cette porte, articula la femme sur la gauche.
— Bouge, grogna l’homme à droite.
Deux, donc la journaliste et l’autre étaient ailleurs. Meero nota rapidement une porte fermée au fond de la pièce.
— Pourquoi ces précautions ? demanda-t-il. Il y avait une patrouille, j’ai pas voulu qu’ils m’attrapent, c’est tout. Les flingues, c’est pas nécessaire.
Les deux rebelles échangèrent un regard et ce moment fut suffisant à Meero pour faire glisser un couteau dans sa main.
— Il y a une autre planque pas loin, dit la femme. Vous ne pouvez pas…
Il ne la laissa pas achever sa phrase. L’homme s’était détourné pour contacter ses supérieurs et Meero en profita pour passer à l’attaque. Au moment où il lui plantait le couteau dans la jugulaire, un coup de feu partit. La femme avait réagi au quart de tour, mais ce ne fut pas suffisant. Il attrapa son flingue et lui logea une balle en plein cœur.
Sans laisser l’adrénaline retomber, il enjamba les corps et se précipita vers la porte restée fermée. Il lui avait semblé entendre du bruit. Il l’ouvrit à la volée et parcourut la pièce. Vide. Bordel.
Puis, il vit la fenêtre béante et s’avança prudemment vers elle. Un coup d’œil en bas. Le courant rapide du fleuve ne permettait pas de déduire quoi que ce soit. Est-ce que le rebelle restant et la journaliste avaient sauté ? Si c’était le cas, ils étaient déjà loin.
Bordel. Tout était à recommencer.
Toujours aussi rythmé, c'est un vrai plaisir de lire tout ça. J'ai l'impression de voir un feuilleton que je mate avec mon petit chocolat chaud. Ca se lit bien, entre deux portes, ou affalé sur le canapé.
Au plaisir de lire la suite.
J'ai deux petites remarques :
J'ai compris qu'ils avaient retrouvé le corps de Glev' dans la mer après un mois mais... il devait être pas mal décomposé... enfin j'ai peut-être mal compris
Et j'ai repéré une faute que j'ai oublié de te signaler, dans le chapitre "les conséquences" -> "Il avec besoin d'avoir toutes les infos sur ce qu'ils avenir découvert" c'est "avait" et non pas "avec"
Voilà c'est tout, bisouilles !
Et je suis super contente que t'aies accroché à cette histoire ! Merci, merci, merci <3 (ça me donnerait presque envie de te révéler le projet secret <3)