« 18 septembre 921
Cette fois, je pense que c’est la fin. Le siège du palais dure depuis maintenant une semaine. Si au début, certains ont pu fuir, c’est chose impossible à présent.
L’Empereur a dit que si au matin, nous n’avions pas trouvé de solution, il allait se rendre. Il a dit qu’il fallait aussi savoir quand c’était la fin. Puis, il s’est retiré dans ses quartiers et on ne l’a plus vu depuis.
Certains pensent que nous avons une chance. Notre armée a souffert, mais n’a pas été complètement décimée. Il reste encore quelques bataillons, quelques fidèles. Peut-être qu’ils ont entendu parler du siège. Peut-être qu’ils ont décidé de venir nous prêter main-forte.
La nuit tire déjà à sa fin. J’entends la porte de l’empereur. J’espère revenir avec de bonnes nouvelles. »
Extrait du journal de Leia Julma,
conseillère de l’Empereur
Zora sentit une décharge la parcourir. Derrière la porte fermée, on entendait des voix. Il y avait celles des rebelles qui étaient venus la chercher pour cette fuite improvisée. Mais pas que.
Elle glissa un rapide regard à celui qui était resté avec elle. Il semblait arrivé à la même conclusion qu’elle. Quelque chose clochait. Elle le vit serrer les doigts sur son flingue, s’approcher de la fenêtre, jeter un coup d’œil en contrebas.
En dessous d’eux, il y avait le fleuve. Glacé, rapide.
Mais avant qu’ils ne puissent faire quoi que ce soir, la porte pivota sur ses gonds. Le rebelle l’entraîna aussitôt dans un coin sombre, vers un petit débarras qui les cachait du nouveau venu.
Zora ne risqua pas un regard vers le mercenaire. S’ils se faisaient repérer, elle ne donnerait pas cher de leur peau. Mais le rebelle à côté d’elle ne semblait pas du même avis. Elle le sentait tendu, prêt à passer à l’action.
Elle le vit faire un pas hors de la cachette, s’avança à son tour pour ne rien rater de la scène. Le chasseur de primes avait lancé un rapide regard par la fenêtre, il devait se demander s’ils avaient sauté.
Le rebelle l’avait en joue, il visait la tête.
Et tout d’un coup, le mercenaire pivota, au moment exact où le coup de feu partait. La balle le frappa, mais pas à l’endroit désiré. Zora le vit vaciller, jeter un nouveau regard en bas. Une autre balle l’atteignit et il bascula par la fenêtre.
Elle inspira l’air glacé et humide. Elle était trop vieille pour ce genre d’exploits.
Puis, elle chancela. Ses oreilles s’étaient bouchées, elle avait du mal à respirer.
— Doucement, entendit-elle en sentant le rebelle venir la soutenir. Laissez-moi voir.
Comme elle ne réagissait pas, il écarta la main qu’elle gardait plaquée contre son flanc. Il l’aida à s’asseoir, grimaça. Puis, elle sentit une pression et eut envie de hurler.
— Tenez ça là.
Elle ne comprenait plus rien. Alors, il lui saisit la main et la posa contre le tissu roulé en boule qu’il avait mis contre la blessure.
— On ne peut pas rester ici, dit-il en tentant d’attraper son regard. Est-ce que vous m’entendez ?
Elle hocha la tête, même si elle n’avait aucune idée de comment elle allait pouvoir bouger.
— Nous ne sommes plus très loin, poursuivit-il. Il va falloir y aller. Cette planque est compromise.
Elle serra les dents aussi fort qu’elle le put, attrapa la main qu’il lui tendait.
×
Dans la pièce d’à côté, ils tombèrent sur les corps des deux autres rebelles. Zora ne connaissait pas leurs noms. Quand ils étaient venus la chercher, ils n’avaient pas eu le temps pour les présentations.
Sans un mot, ils sortirent de l'abri. Une pluie glaciale s’était invitée au tableau et l’asphalte trempé des quais reflétait la lueur jaune des lampadaires. La patrouille qui les avait obligés à prendre refuge dans la planque n’était plus là.
Avancer était tellement difficile. Le rebelle la soutenait et il aurait été bien plus facile de s’effondrer ici, sur le bitume. Mais si elle cédait, elle serait foutue. Elle ne finirait pas à l’hôpital. Elle serait récupérée par une patrouille, elle irait en taule, elle serait interrogée. Le rebelle aussi.
Elle inspira, tenta d’ignorer la douleur, avança.
Zora ne savait pas où ils se dirigeaient. Quand ils étaient venus la chercher, ils n’avaient pas pris la peine de partager cette information avec elle. Mais elle pouvait le deviner. Sa planque du moment n’était plus sécurisée, elle allait donc être bougée ailleurs.
Elle baissa la tête comme ils approchaient des grands axes. Si ce mercenaire leur était tombé dessus, c’est qu’une caméra avait réussi à capturer son visage. C’était par son imprudence que les deux rebelles avaient été tués.
×
Le jour commençait à poindre quand ils parvinrent à destination. Zora n’arrivait plus à fixer son attention sur rien de précis. Elle se sentait trembler, vaciller. Si le rebelle ne l’avait pas soutenue, elle se serait effondrée depuis longtemps.
Mais à travers le brouillard de son esprit, elle reconnut le nord de la capitale. Ici, elle n’avait pas encore eu l’occasion de se cacher.
Avant l’arrivée du nouveau régime, cette partie de la ville était le cœur de Muresid. Et contrairement au quartier sud qui avait été laissé aux mafias, le nord avait été repris en main. Un plan de restructuration avait été lancé et en regardant le résultat, on pouvait presque oublier que le reste de Fleter tombait en ruines. C’était un coup risqué que de se réfugier ici ; les patrouilles y étaient accrues.
Le rebelle la traîna vers un parc. Ses larges allées étaient bordées d’immenses sapins. Des congères de neige sale se remarquaient ici et là ; la pluie n’allait pas tarder à en venir à bout. Ces allées menaient à l’ancien palais impérial, délaissé à présent. Au départ, le nouveau régime avait investi les lieux. Mais très vite, ce symbole du passé avait été abandonné et son accès avait été strictement interdit. Le parc, néanmoins, restait ouvert. On ne pouvait pas surveiller tout le périmètre.
Zora s’arrêta. Elle ne pouvait plus. Elle n’y arrivait plus.
— On n’est plus très loin, entendit-elle.
Mais c’était fini. Elle se sentit tomber, elle sentit le gravier. Elle sentit aussi le rebelle qui tentait de la relever, de lui parler. Elle le regarda, elle ne comprenait plus rien.
×
Quand elle rouvrit les yeux, il y avait un toit au-dessus de sa tête. Elle plissa les paupières, tenta de faire rentrer l’information dans son cerveau. Mais elle se sentait toujours aussi faible. Elle porta la main à son ventre, étouffa un gémissement.
Elle croisa le regard du rebelle. Il était là, à côté d’elle. Il faisait pression sur la blessure et elle voyait dans ses yeux de la panique. C’était mauvais. Si lui non plus ne savait pas quoi faire, elle était foutue.
— J’ai lancé l’alerte, dit-il. L’aide ne va pas tarder.
Elle hocha la tête, ferma les yeux, inspira.
Elle n’était pas très sûre qu’elle voulait être sauvée.
×
Elle ne savait pas combien de temps avait passé. Elle n’arrivait même plus à ouvrir les yeux. Mais à un moment donné, elle perçut du mouvement, elle entendit des voix. Puis, elle eut l’impression que quelqu’un lui parlait. Elle n’était pas très sûre.
Et tout d’un coup, elle sentit une brûlure au niveau de la blessure. Elle n’avait plus la force de crier, de se débattre. Mais elle n’arrivait pas non plus à sombrer. C’était une douleur comme jamais encore elle n’avait connu. Elle lui donnait envie de disparaître, de ne plus jamais rouvrir les yeux.
×
— De retour ?
Elle se redressa, tenta de se secouer. Elle ne savait pas où elle se trouvait ; il y avait des planches clouées aux fenêtres et quelques rayons filtraient par les interstices. Celui qui avait parlé, ce n’était pas le rebelle qui était venu la chercher.
— Pourquoi t’es là, Taleb ? demanda-t-elle en se passant une main sur le bandage.
— J’étais pas loin quand j’ai reçu l’alerte.
Il s’approcha d’elle, lui tendit une bouteille d’eau.
— J’ai eu le résumé de ce qui vous est arrivé. Il s'en a fallu de peu.
Zora ne répondit pas. Elle ne se sentait pas suffisamment bien pour se ramasser des reproches de Taleb. Elle savait déjà que c’était de sa faute. Elle savait que le mercenaire l’avait trouvée parce que son visage était apparu quelque part sur une caméra. Elle n’avait pas besoin de l’entendre.
— Repose-toi, dit-il en se levant.
— Attends.
Il se tourna vers elle.
— On est où ?
— L’ancien palais, Zora. Tu vas y rester un moment.
— J’ai mon mot à dire ?
— Ça dépend. Tu veux vivre ?
Elle plissa les yeux. Ça faisait longtemps qu’elle connaissait Taleb, depuis que la rébellion avait décidé de la protéger. Elle lui faisait confiance, ça oui. Mais elle ne supportait pas forcément sa manière de la prendre de haut. Seulement, elle n’avait pas vraiment le choix. C’était sa tâche de s’occuper de sa survie. Et en échange, elle poursuivait son boulot, elle publiait ses articles.
— Je vais faire remonter ce qui s’est passé, continua-t-il. Et on décidera de ce qu’on fait pour toi. En attendant, tu vas rester là. C’est compris ?
— Compris, grogna-t-elle.
— Bien, dit-il avec un bref hochement de tête.
×
Taleb était reparti. Assise dans un coin de la pièce, Zora observait le rebelle qui était resté avec elle. Elle poussa un soupir. Depuis le temps qu’elle traitait avec cette organisation, on s’amusait à la balader d’une planque à une autre. Et celui qui devait se charger maintenant de sa sécurité ne lui disait rien de bon. Il était jeune, beaucoup trop jeune ; inexpérimenté, conclut Zora. Celui qui s’en occupait avant lui inspirait plus confiance. Mais celui qui s’en occupait avant était mort.
— Pourquoi le palais ? demanda-t-elle. Il y a une sorte d’ironie malsaine à y voir ?
— L’endroit est sûr, c’est tout, répondit-il. Quelqu’un a fini par retrouver votre trace et…
— Inutile de me donner du « vous ». On va de toute façon crever très vite.
Il haussa les épaules et poursuivit.
— Le périmètre est sécurisé. On devrait pouvoir rester un moment ici.
— Et après ?
— Je n’ai pas encore d’informations à ce sujet.
Zora retint un grognement. Elle se sentait l’âme d’une valise.
— C’est quoi, ton nom ? demanda-t-elle.
— Niven.
— Bien. Maintenant, je veux tout savoir sur ce contrat qui a été lancé sur ma tête.
×
Selon les infos de la rébellion, plusieurs mercenaires avaient été mis sur le coup. Celui qui les avait retrouvés dans leur planque de fortune n’était donc que le premier d’une très longue liste.
La journaliste retint un soupir. Elle en avait tellement marre de se cacher, d’être constamment sur le qui-vive, de ne faire confiance à personne. En fait, elle ne se souvenait même plus de l’époque où les choses étaient normales. Sous l’Empire, déjà, elle devait rester dans l'ombre pour survivre.
— La rébellion suggère… commença Niven.
— Laisse-moi deviner. Ils veulent que je documente ? Ils veulent que le bon peuple de Fleter puisse assister à mes derniers moments en direct ?
— Ce n’est pas ce qu’ils veulent.
Le rebelle semblait presque choqué par ses propos. Brave petit.
— Mais une opération de la sorte… il faut que le peuple sache.
— Il y a toujours une excellente raison, pas vrai ?
En grimaçant de douleur, Zora défit les lanières de son sac et en sortit son portable. Elle ne faisait absolument pas confiance aux lentilles. Et de toute manière, elles n’étaient pas adaptées à son boulot. Elle posa l’appareil et l’alluma. Après plusieurs authentifications, son espace de travail se retrouva projeté devant elle.
— Bien, dit-elle. Je documenterai. Mais je compte sur toi et tes copains pour me garder en vie.
Moment agréable. Au plaisir de lire la suite.
On suit donc Zora la journaliste maintenant, retour du côté des rebelles donc... Ça m'a fait plaisir de revoir Niven. Et Qu'est-il arrivé à Meero ? Cette quatrième partie s'annonce passionnante !
J'avais pas compris qu'il faisait aussi parti de la rébellion !
Je veux pas qu'il meurt à cause de meero... Ca sent pas bon du tout....
Et je sens que meero va se relever. Il peut pas mourir comme ça si bêtement ??
J'ai un gros pb avec les prénoms !!
Bref je suis contente de le voir de retour ❤️
Et je suis très contente que Niven soit de retour, et aussi le pov de Zora est très cool, encore quelqu'un avec un sacré caractère héhé, et j'adore le lieu : palais impérial abandonné damn, c'est stylé !
Des bisous !